individuelles et dans les processus de socialisation. Ceci n'est, à l'évidence, pas sans
conséquences sur l'épineuse question de la dialectique objectivité-subjectivité dans les
sciences sociales et sur le débat entre explication et compréhension introduit il y a plus
d'un siècle par Dilthey.
La mise en mots est ici à questionner comme écriture ou parole
sur soi et ouvre donc le débat sur la parole du sujet et son statut dans les recherches en
sciences humaines
En outre, ces préoccupations rejoignent bien entendu les travaux qui se penchent
aujourd’hui sur l’étude des articulations entre processus de socialisation, de
subjectivation et d’individuation et pour lesquelles l’usage du biographique et de la
« mise en mots de l'expérience » joue désormais un rôle déterminant. Ainsi, pour Vincent
de Gaulejac : « On ne peut plus séparer l’étude de la société de celle de l’individu. Nous
n’avons plus là deux entités dissociées, mais un ensemble de processus complexes qui
relient en permanence le registre individuel et le registre social. » L'auteur souligne:
Certes, l'étude de la fabrication sociale des individus reste l'un des objets privilégiés de
la sociologie. Mais le sujet n'est pas inerte quant à l'agencement des différents éléments
qui contribuent à sa constitution. Dans ce contexte, les notions de subjectivité, d'identité,
d'individu et de sujet deviennent incontournables.»
En d'autres termes, si les situations éducatives confrontent les acteurs sociaux à
des environnements communs, la manière dont ils vivent ces expériences renvoie aussi à
des disparités de représentations que la mise en mots du travail éducatif permet sans
doute d'approcher avec une granularité descriptive que l’on devine potentiellement
heuristique.
Si nous lançons le débat à partir de l’approche biographique, ce n’est pas sans
ignorer d’autres formes et d’autres approches de la mise en mots qui coexistent dans la
recherche en éducation. L’analyse à partir d’entretiens constitue également une mise en
mots du travail éducatif, du point de vue de différents acteurs.
Globalement, nous pourrons nous interroger sur les formes de traduction,
d’expression de cette expérience qui est celle du travail éducatif. A quelles conditions est-
elle possible, dans quels buts, à partir des mots de quels acteurs ?
Il s'agira donc ici, à partir des travaux menés par les membres du laboratoire, de
dialoguer et de débattre autour de ces questions liées aux formes et aux conditions de la
« mise en mots » du travail éducatif et de leurs apports pour la recherche en éducation et
en formation.
Dilthey W. (1883) Introduction aux sciences de l’esprit. Par ailleurs, voir à ce propos : Critique de la
raison historique. Introduction aux sciences de l’esprit et autres textes. Présentation, traduction et notes
par Mesure S. Paris, Cerf, 1992