Séminaires thématiques CIREL- Proféor 2009-2010 Mises en mots du travail éducatif Lundi 25 janvier 2010 Organisation : Christophe Niewiadomski Après avoir abordé le travail éducatif par la question des frontières dans le précédent séminaire, nous tenterons, le 25 janvier, d’aborder quelques éléments relatifs aux conditions de sa mise en mots. Au cours de cette journée, nous nous centrerons, entre autres aspects, sur l'exploration des liens entre l'individu et le monde social et culturel et sur la dialectique objectivité-subjectivité dans la mise en mots du travail éducatif, questions auxquelles nous sommes confrontés de manière récurrente dans la conduite de nos travaux en sciences de l'éducation et de la formation. A ce titre, et puisqu'il s'agit bien de « mise en mots » du travail éducatif, nous pourrons nous intéresser tout particulièrement aux processus de « biographisation » tels que l’envisage par exemple le domaine de la recherche biographique. Celle-ci se donne en effet pour objectif d'explorer les processus de construction du sujet au sein de l’espace social en tentant de comprendre comment les individus donnent forme à leurs expériences, comment ils font signifier les situations et les événements de leur existence, comment ils agissent et se construisent dans leurs environnements historiques, sociaux, culturels, politiques. Christine Delory Momberger précise à ce propos: « Nous n'arrêtons pas de nous biographier, c'est-à-dire d'inscrire notre expérience dans des schémas temporels orientés qui organisent mentalement nos gestes, nos comportements, nos actions, selon une logique de configuration narrative. Cette activité de biographisation pourrait être définie comme une dimension du penser et de l'agir humain qui, sous la forme d'une herméneutique pratique, permet aux individus, dans les conditions de leur inscriptions socio-historiques, d'intégrer, de structurer, d'interpréter les situations et les événements de leur vécu. »1 Dans le domaine de l’éducation, entendu ici au sens large du terme, la recherche biographique s’interesse à la relation étroite entre formation, apprentissage et biographie. Celle-ci ne vise pas tant à produire un savoir « objectivé » qu’à comprendre la manière dont les acteurs font signifier leurs expériences de formation et d’apprentissage et le rôle que jouent les institutions éducatives et formatives dans les constructions biographiques 1 Delory Momberger C. (2009) La condition biographique. Essai sur le récit de soi dans la modernité avancée. Paris, Téraèdre individuelles et dans les processus de socialisation. Ceci n'est, à l'évidence, pas sans conséquences sur l'épineuse question de la dialectique objectivité-subjectivité dans les sciences sociales et sur le débat entre explication et compréhension introduit il y a plus d'un siècle par Dilthey.2 La mise en mots est ici à questionner comme écriture ou parole sur soi et ouvre donc le débat sur la parole du sujet et son statut dans les recherches en sciences humaines En outre, ces préoccupations rejoignent bien entendu les travaux qui se penchent aujourd’hui sur l’étude des articulations entre processus de socialisation, de subjectivation et d’individuation et pour lesquelles l’usage du biographique et de la « mise en mots de l'expérience » joue désormais un rôle déterminant. Ainsi, pour Vincent de Gaulejac : « On ne peut plus séparer l’étude de la société de celle de l’individu. Nous n’avons plus là deux entités dissociées, mais un ensemble de processus complexes qui relient en permanence le registre individuel et le registre social. » L'auteur souligne: Certes, l'étude de la fabrication sociale des individus reste l'un des objets privilégiés de la sociologie. Mais le sujet n'est pas inerte quant à l'agencement des différents éléments qui contribuent à sa constitution. Dans ce contexte, les notions de subjectivité, d'identité, d'individu et de sujet deviennent incontournables.» En d'autres termes, si les situations éducatives confrontent les acteurs sociaux à des environnements communs, la manière dont ils vivent ces expériences renvoie aussi à des disparités de représentations que la mise en mots du travail éducatif permet sans doute d'approcher avec une granularité descriptive que l’on devine potentiellement heuristique. Si nous lançons le débat à partir de l’approche biographique, ce n’est pas sans ignorer d’autres formes et d’autres approches de la mise en mots qui coexistent dans la recherche en éducation. L’analyse à partir d’entretiens constitue également une mise en mots du travail éducatif, du point de vue de différents acteurs. Globalement, nous pourrons nous interroger sur les formes de traduction, d’expression de cette expérience qui est celle du travail éducatif. A quelles conditions estelle possible, dans quels buts, à partir des mots de quels acteurs ? Il s'agira donc ici, à partir des travaux menés par les membres du laboratoire, de dialoguer et de débattre autour de ces questions liées aux formes et aux conditions de la « mise en mots » du travail éducatif et de leurs apports pour la recherche en éducation et en formation. Dilthey W. (1883) Introduction aux sciences de l’esprit. Par ailleurs, voir à ce propos : Critique de la raison historique. Introduction aux sciences de l’esprit et autres textes. Présentation, traduction et notes par Mesure S. Paris, Cerf, 1992 2