
France : Quel impact du
Brexit sur l’économie ?
Olivier ELUERE
olivier.eluere@credit-agricole-sa.fr
Ludovic MARTIN
ludovic.martin@credit-agricole-sa.fr
Investissements étrangers
Après le Brexit, les entreprises françaises vont être
moins tentées d’investir au Royaume-Uni. De
même, les entreprises britanniques vont moins
investir en Europe et en France. La balance nette
des investissements du Royaume-Uni est positive
vis-à-vis de la France. En terme d’IDE entrants en
France, le Royaume-Uni est le deuxième inves-
tisseur en 2013-2014, après le Luxembourg, avec
près de 10 milliards d’euros sur deux ans. Les
effets seront graduels et étalés dans le temps mais
certains secteurs français seraient pénalisés par
une décrue des IDE britanniques (services
financiers, chimie, commerce de détail…).
Au total, l’impact négatif de tous ces éléments
sur la croissance française serait assez mesuré
et étalé dans le temps, de l’ordre de 0,4% en
cumulé en 2016-2019 si la sortie se fait avec
ALE et de 0,6% sans ALE.
Impacts sur les taux d’intérêt et
l’immobilier
Taux d’intérêt
Les taux d‘intérêt à court terme en zone euro vont
rester légèrement négatifs en 2016-2019, du fait
de la politique monétaire très accommodante de la
BCE, mais le Brexit ne modifierait pas fortement
les tendances prévues sur les taux courts.
En revanche, les prévisions de taux à long terme
seraient révisées à la baisse. D’une part, les
incertitudes liées au Brexit provoquent un mou-
vement de fuite vers les actifs sans risque, comme
on l’a vu vendredi 24 juin, avec une baisse des
taux longs allemands et français et une hausse
des primes de risque sur les pays de la périphérie.
D’autre part, la BCE pourrait accélérer ses achats
de titres souverains en cas de tensions marquées
sur le marché des dettes souveraines en zone
euro. Les taux longs français sont soumis à des
forces contraires, avec des facteurs haussiers
(reprise économique en zone euro, remontée
attendue de l’inflation) et des facteurs baissiers
(politique très accommodante de la BCE et
notamment effets du QE, inquiétudes liées aux
pays émergents, effet valeur refuge pour les pays
cœurs de la ZE). Dans cette balance des risques,
le Brexit renforce le pôle baissier. Les taux OAT
dix ans seraient ainsi en hausse très faible d’ici
fin 2017.
Immobilier
Paradoxalement, l’immobilier résidentiel pour-
rait bénéficier du Brexit, via le canal des taux
de crédit. Le marché immobilier est en rebond
assez marqué depuis début 2015 du fait
notamment de la baisse marquée des taux de
crédit, qui a provoqué un effet d’aubaine et stimulé
les ventes. Le plan de relance dans le neuf joue
également. Mais certains facteurs négatifs persis-
tent. Le marché immobilier n’est pas encore
véritablement « assaini ». Les prix ne sont plus
surévalués, mais ont peu baissé et demeurent très
élevés. L’environnement économique reste mitigé,
avec un taux de chômage qui ne baissera que très
faiblement. La reprise actuelle dépend donc
beaucoup du niveau des taux longs et des taux de
crédit. S’ils restent très bas au cours des prochains
trimestres, l’effet d’aubaine va se maintenir, les
ventes de logements vont rester très élevées et les
prix continuer à remonter peu à peu.
En sens inverse, le Brexit pourrait peser néga-
tivement sur le marché via les acquisitions de
logements opérées par des Britanniques. D’après
les statistiques des notaires de France, les
transactions réalisées sur le marché des
logements anciens par des acquéreurs étrangers a
atteint 5,1% en 2015. Si on se restreint aux
étrangers non-résidents, cette part atteint 1%. Elle
est donc assez faible. Mais les Britanniques
totalisent 33% des acheteurs étrangers non-
résidents, loin devant les Italiens, 15%, et les
Belges, 11%. Ils achètent notamment dans le Sud-
Ouest (Dordogne, Charente, Lot), les Alpes et la
Côte d’Azur. Avec le Brexit, les achats de
logements par les Britanniques devraient se
réduire.
Dans l’immobilier de prestige en revanche, le
Brexit pourrait conduire à une hausse des
transactions. Une partie des effectifs travaillant à la
City pourrait en effet être transférée à Paris. Ces
personnes achèteraient à Paris assez rapidement.
Ils bénéficieraient d’une forte plus-value sur la
vente de leur logement londonien (dont les prix se
sont fortement accrus, de 38%, depuis trois ans),
emprunteraient à des taux très bas et achèteraient
avant que la livre ne baisse trop fortement.
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Flux d'IDE en France
(moyenne 2013-2014)
Source : INSEE, Crédit Agricole S.A.