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du 16 au 22 février 2017
dont les carnets de commandes, souvent
à l’exportation, sont plus volatils ».
L’évolution de la demande externe
reste en effet incertaine. Or celle-ci est
clé pour l’Allemagne. Le pays a enre-
gistré un excédent commercial record
en 2016 de 253 milliards d’euros. De
quoi alimenter les polémiques. Dans le
cas extrême et hypothétique où les rela-
tions commerciales entre l’Allemagne
et son premier partenaire commercial,
les Etats-Unis, étaient réduites à néant,
1,6 million d’emplois seraient mena-
cés, s’alarme Clemens Fuest, président
de l’IFO. Reste l’Union européenne où
l’Allemagne écoule les deux tiers de ses
exportations. « L’incertitude politique en
Europe, avec plusieurs élections prévues
dans les principaux pays membres de
l’UE, pourrait freiner les investissements
des entreprises davantage que prévu »,
prévient Simon Junker. En Allemagne,
où les élections législatives se tiendront
le 24 septembre, le parti xénophobe
AfD pourrait devenir la troisième force
politique. Par conséquent, craint Mario
Jung, économiste chez Coface, « on
peut s’attendre à ce que le futur gouver-
nement fédéral, quelle que soit sa cou-
leur, ait moins de latitude que l’actuelle
grande coalition, ce qui réduira le poten-
tiel de réformes possibles ». n
Quelles sont vos prévisions de croissance
pour l’économie allemande ?
Le redressement de l’économie allemande se
poursuit pour la quatrième année consécutive.
Nous attendons une croissance de 1,7 % cette
année et autour de 2 % l’an prochain. Elle
repose sur trois piliers : la consommation, qui
restera solide, au moins selon les standards
allemands, tout comme l’investissement,
qui est tout de même un peu plus faible que
ce que l’on pourrait attendre en période de
redressement. Pour ce deuxième pilier, la
construction jouera un grand rôle, en particulier
la construction de logements. Le troisième pilier
est le commerce extérieur. L’année 2016 fut très
difficile pour les exportations allemandes mais
cela va s’améliorer cette année, grâce à la zone
euro qui poursuit son redressement. Ce n’est
certes pas un boom mais cela soutient l’activité
économique en Allemagne, sans compter le
coup de pouce apporté par la dépréciation de
l’euro vis-à-vis du dollar.
Vos prévisions en matière d’exportations
ne sont-elles pas un peu optimistes compte
tenu des incertitudes liées à la nouvelle
administration américaine ?
A court terme, le risque que le nouveau
président américain crée beaucoup
d’agitation est réel. Mais jusqu’ici, cela
ne s’est pas vraiment reflété dans les
indicateurs du climat des affaires. Le moral
des entrepreneurs s’est un peu détérioré au
début de l’année mais celui des exportateurs
est toujours bon. Il convient de ne pas oublier
deux choses. Premièrement, si les liens
transatlantiques sont forts en termes de
commerce, ils le sont encore plus en termes
de flux de capitaux. Si le président des Etats-
Unis veut « jouer les durs » avec l’Union
européenne, les entreprises américaines
seront négativement affectées et feront très
certainement pression sur le gouvernement
américain. Deuxièmement, la nouvelle
administration compte mener une politique
budgétaire extrêmement expansionniste.
Cela donnera encore plus de raisons à la
Réserve fédérale de remonter les taux,
ce qui renforcera le dollar et accroîtra les
importations aux Etats-Unis.
Qu’en est-il de l’impact du Brexit ?
Nous estimons que les exportations allemandes
au Royaume-Uni seront inférieures de 10 % à
la fin de l’année 2018 par rapport à ce qu’elles
auraient dû être sans le Brexit. Mais même si
le Royaume-Uni est un important partenaire
commercial pour l’Allemagne, nous ne devons
pas oublier que les entreprises allemandes ont
montré à de multiples reprises qu’elles étaient
flexibles et qu’elles savaient capter de nouveaux
marchés. Le Brexit sera bien plus dommageable
pour le Royaume-Uni lui-même que pour les
autres pays de l’Union européenne.
Stefan Kooths, directeur du centre de prévisions de l’institut Kiel IfW
« Le moral des exportateurs
reste bon »
L’avis dE...
du département conjoncture à l’insti-
tut économique de Berlin (DIW). Tout
comme en 2016, « la croissance restera
principalement tirée par la consom-
mation privée, indique Simon Junker.
Avec l’accroissement des tensions sur
le marché du travail, les salaires pro-
gressent sensiblement, ce qui profite à
la consommation des ménages ». Selon
le gouvernement, le taux de chômage
devrait se stabiliser à 6 %, après 6,1 %
en 2016 et 6,4 % en 2015.
Incertitudes
La consommation privée devrait tou-
tefois croître moins rapidement que
lors des deux dernières années (+1,4 %
contre +2 %), car elle sera « légèrement
écornée par la remontée de l’inflation »,
explique Philippe Vilas-Boas, écono-
miste au Crédit Agricole. En ce début
d’année, les prix à la consommation en
Allemagne devrait progresser de plus de
2 %. Sur l’ensemble de l’année, l’infla-
tion s’établirait à 1,6 %, envisagent les
économistes de Deutsche Bank. Après
avoir contribué à hauteur de 0,8 point à
la croissance en 2016, la consommation
publique va se tasser. Le gouvernement
prévoit une progression des dépenses
publiques de 2,3 % en 2017, après un
bond de 4,2 % en 2016 notamment dû
aux réfugiés. Les arrivées se sont lar-
gement réduites ces derniers mois et le
défi est maintenant d’intégrer au marché
du travail ceux qui ont obtenu le droit
d’asile, « une tâche essentielle pour notre
potentiel de croissance à long terme »,
souligne Timo Wollmershäuser, direc-
teur des prévisions à l’institut écono-
mique de Munich (IFO). L’Allemagne,
qui a dégagé en 2016 un excédent
budgétaire de 19,2 milliards d’euros, a
consacré 21,7 milliards à l’accueil des
réfugiés l’an dernier et compte y affecter
21,3 milliards en 2017.
Pour ce qui est de l’investissement des
entreprises, seul le secteur de la construc-
tion est plein d’allant. L’investissement
productif devra quant à lui « faire face à
un degré d’incertitude plus élevé », aver-
tit Philippe Vilas-Boas, faisant référence
à la sortie du Royaume-Uni de l’Union
européenne et à la perspective d’une
politique commerciale américaine plus
protectionniste. De plus, souligne l’éco-
nomiste, « les revalorisations salariales
des deux dernières années sont venues
empiéter sur les marges des entreprises
DR