La bioéthique
THEME 5
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INTRODUCTION
Dans notre société moderne, parfois peu préoccupée de morale, la bioéthique a pourtant connu un développement majeur
durant ces dernières années (l'utilisation de ce terme remonterait pour la première fois en 1971). Le progrès et l'efficacité des
sciences et techniques de la vie ont créé un nouveau besoin de principe comme le souligne la définition :
"Discipline qui a pour objet les questions d'éthique soulevées par les progrès de la médecine et de la
biologie".
La pratique médicale impose des qualités techniques associées de façon permanente à une démarche humaniste. Le médecin,
acteur social, se trouve souvent à la croisée de choix, de souhaits divergeants quand ils ne sont opposés, de la part du patient et
de la société.
Si les règles de conduite de notre profession sont définies par le Code de déontologie, elles ne peuvent se suffire à elles-
mêmes. Si avant toute démarche il convient de se référer aux textes légaux en vigueur, en l'absence de règles écrites,
l'approche personnelle prévaudra (Éthos en grec : le caractère d'un individu, ce qui permet de reconnaître un individu dans sa
façon d'agir). L'autre homonyme (Éthos) signifie habitude. Pour le "Littré" :
"L'éthique est la somme de la morale"
La morale (en latin mos) se définit comme la manière de se comporter selon l'usage. On mentionnera également que la morale
est synonyme de l'éthique en grec.
Puisque la science, par ses applications techniques, élargit le champ du possible, il faut se demander quels moyens on se donne
pour s'approprier ce champ élargi de possibilités, tout en conservant les mêmes principes moraux fondamentaux. Ceci amène
donc à énoncer que les faits de société relatifs à la personne humaine concernent tout individu vivant au sein de cette société.
Cette réflexion commune a conduit la société à réguler le débat éthique : ainsi ont été rédigées des lois bioéthiques ou créés
des comités à la suite de différents rapports demandés à des personnalités morales, voire politiques.
A titre d'exemple, nous citerons les lois bioéthiques qui seront explicitées dans le cadre de cet exposé ; de même, nous
développerons la loi Huriet-Sérusclat sur les essais cliniques, et nous citerons enfin le rapport Bréban en 1988 : "Les sciences
de la vie : de l'éthique au droit" qui mentionnait que l'intérêt individuel n'est plus celui de l'homme en tant que citoyen mais
bien de l'homme, être de chair et de sang.
En préambule, il conviendrait de citer la phrase de Kant :
"Agit de telle sorte que tu traites l'humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre,
toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen".
PRINCIPALES ÉTAPES LÉGISLATIVES CONCERNANT LE
STATUT DU CORPS HUMAIN EN FRANCE
Dans la seconde moitié du XIXè siècle, si la pratique de l'autopsie d'un corps d'un sujet décédé à l'hôpital était subordonnée à
l'autorisation préfectorale, l'initiative en revenait au médecin et la possibilité d'opposition de la famille était limitée en raison
"de l'intérêt public" avec restitution d'une dépouille mortelle "présentable".
La loi du 15 novembre 1887 permettra au sujet d'exprimer de son vivant sa volonté quant au devenir de son corps vis-à-vis du
legs à la science, tout ou partie.
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Il faudra attendre la parution du décret du 20 octobre 1947, qui admettait le prélèvement d'organes post-mortem sans
autorisation familiale, puis la loi du 7 juillet 1949 relative au legs des yeux en vue d'une greffe de cornée chez autrui. Il
apparaît cependant que les médecins n'utilisaient pas la possibilité offerte par la disposition réglementaire, continuant à
solliciter l'accord des familles avant tout prélèvement, l'ancien article 309 du Code pénal constituant une menace éventuelle...
(L'ancien article 309 punissait le délit de coups et blessures volontaires).
La France optera pour une politique incitative en adoptant la loi dite Caillavet du 22 décembre 1976, texte supposant l'accord
du sujet décédé si celui-ci n'avait pas fait connaître de son vivant son opposition au prélèvement. Cette loi a été
complétée par le décret du 31 mars 1978 et par la circulaire du ministère de la Santé du 3 avril 1978 précisant les modalités du
consentement donné par la personne vivante majeure autorisant un prélèvement. De même, il était possible de réaliser un
prélèvement sur un mineur, mais uniquement frère ou sœur du receveur. Enfin, les principes de la gratuité étaient affirmés
dans l'article 3 de la loi.
La circulaire 67 du 24 avril 1968 du ministère des affaires sociales, dite circulaire Jeanneney, fixait l'état de mort cérébrale
d'un sujet, reposant sur la présence et la persistance de signes fondamentaux pendant un délai suffisant ou leur confirmation
par des méthodes diagnostiques irréfutables.
1°.
2°.
3°.
Présence de signes cliniques fondamentaux, comme la perte totale de l'état de connaissance et de toute réactivité
spontanée, l'abolition de toute réactivité des nerfs crâniens, l'abolition totale de la respiration spontanée ou le caractère
plat ou isoélectrique de la ligne de l'électroencéphalogramme.
Élimination de toutes les étiologies pouvant simuler un état de mort cérébrale.
Persistance des signes laissée à l'appréciation des médecins.
Il convient de mentionner que si l'arrêt de la circulation cérébrale est recherché, la méthode utilisée, quelle qu'elle soit, n'a pas
de valeur médico-légale.
L'importante réflexion sur la bioéthique, l'élaboration de nombreux rapports, l'impulsion donnée par le Comité Consultatif
National d'Éthique pour les Sciences de la Vie et les travaux parlementaires vont aboutir à la promulgation de la première loi
bioéthique du 20 décembre 1988 (dite loi Huriet-Sérusclat) consacrée aux recherches biomédicales sur l'être humain puis
l'adoption par le Parlement des lois du 29 juillet 1994.
A - LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES ACTUELLES
Elles reposent sur les lois dites bioéthiques du 27 juillet 1994 (loi n° 94-653 et 94-654) relatives "au respect du corps
humain" et "au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au
diagnostic prénatal" parues au Journal Officiel du 30 juillet 1994.
Ces textes établissent les principes généraux du statut juridique du corps humain en régissant le don et l'utilisation des
éléments et produits prélevés. Ils ont entraîné l'insertion de nombreuses dispositions dans les différences codes (Code civil,
Code pénal, Code de la santé publique). Ces textes ont été déclarés conformes à la Constitution par le Conseil
Constitutionnel qui leur a reconnu des normes à valeur constitutionnelle comme "la liberté individuelle et la sauvegarde de la
dignité humaine" (décrets n° 94-343 et 344 du 27 juillet 1994).
Ces nouvelles dispositions législatives ont entraîné l'abrogation de la loi n° 49-890 du 7 juillet 1949 relative aux legs des yeux
en vue de greffes de cornées et de la loi n° 76-1181 du 22 décembre 1976 (loi Caillavet) relative aux prélèvements d'organes
sur l'être humain, tant de son vivant qu'en phase post-mortem.
Les lois précitées seront complétées par un certain nombre de décrets d'application dont certains ont été très attendus
comme, par exemple celui concernant la définition de la mort. (Décret n° 96-1041 du 2/12/1996)
D'autres textes font référence à ce domaine de l'activité médicale :
- l'article 56 de la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 repris par l'article 4 de la loi n° 94-654, qui institue un établissement public
national, l'Établissement Français des Greffes (défini par l'article L.1251-1 du Code de la santé publique ainsi que ses
missions),
- la création d’une agence de sécurité sanitaire des produits de santé (Décret n° 99-141 du 4 mars 1999),
- l'article 16 du Code de déontologie : "La collecte de sang ainsi que les prélèvements d'organes, de tissus, de cellules ou
d'autres produits du corps humain sur la personne vivante ou décédée, ne peuvent être pratiqués que dans les cas et les
conditions définies par la loi".
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Enfin, mentionnons la refonte du Code de la santé publique qui envisage un nouveau découpage avec, notamment, le droit des
personnes malades et des usagers du système de santé, le don et l'utilisation des éléments et produits du corps humain ainsi que
la protection de la santé. De même a-t-il été envisagé un chapitre consacré à l'éthique dans le Livre IV.
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LES DONS D'ORGANES
1. LES PRINCIPES GÉNÉRAUX
Le respect du corps humain a été inscrit par le législateur dans le Code civil (article 16), déterminant ainsi un fondement
législatif au statut du corps humain avec transposition de ses principes généraux dans le Code de la santé publique (articles
L.1211-1 à L.1211-9), applicables aux dons et à l'utilisation des éléments ou produits du corps humain.
"La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain
dès le commencement de sa vie" (article 16 du Code civil).
L'article 16.1 dispose : "Chacun a droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable. Le corps humain, ses
éléments et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial".
On déterminera ainsi les principes d'inviolabilité et de non-patrimonialité. Seule, la nécessité thérapeutique et la loi autorisent
de porter atteinte à l'intégrité physique, action toutefois subordonnée au consentement (d'aucuns parleront d'assentiment) du
sujet, conformément à l'article L.1211-2 du Code de la santé publique : "Le prélèvement d'éléments du corps humain et la
collecte de ses produits ne peuvent être pratiqués sans le consentement préalable du donneur. Le consentement est réversible
à tout moment".
Dans le cadre du respect de la non-patrimonialité, la loi exclut "toute rémunération à celui qui se prête à une expérimentation
sur sa personne ou au prélèvement d'éléments de son corps ou à la collecte de produits de celui-ci" (article 16-6 du Code
civil).
Les articles 16-8 du Code civil et L.1211-5 du Code de la santé publique établissent une autre règle de portée générale :
l'assurance de l'anonymat que seule la nécessité thérapeutique peut enfreindre.
Si toute publicité "en faveur d'un don d'élément ou de produit du corps humain au profit d'une personne déterminée ou au
profit d'un établissement ou d'un organe déterminé" est interdite dans le cadre du respect des règles précédemment énoncées,
il reste que les actions de sensibilisation du public en faveur du don d'éléments ou produits du corps humain sont licites
lorsqu'elles sont réalisées sous la responsabilité du ministre chargé de la Santé. Enfin, reprenant le principe affirmé dès 1982
dans un texte législatif sur la sécurité légitime à laquelle peut s'attendre le patient, le législateur impose que "le prélèvement
d'éléments et la collecte de produits du corps humain à des fins thérapeutiques soient soumis à des règles de sécurité sanitaire
définies par décret en Conseil d'État. Ces règles comprennent notamment des tests de dépistage des maladies transmissibles"
(article L.1211-6 du Code de la santé publique - décret 97-928 du 9 octobre 1997).
Ainsi, la loi impose-t-elle la recherche chez le donneur de la présence des marqueurs biologiques d'infections et d'infectiosité
pour les affections suivantes : infections par les virus VIH 1 et 2, HTLVI 1 et des hépatites B et C, infections par le
cytomégalovirus et le virus d'Epstein-Barr, syphilis, toxoplasmose. De même, le médecin, avant toute transplantation, est tenu
de prendre connaissance des résultats des examens précédemment mentionnés, la transplantation étant interdite si l'examen est
positif pour les infections par les virus VIH 1 ou 2, HTLVI 1, et de l'hépatite B ou C et la syphilis.
Le non-respect de ces dispositions générales, qualifiées de dispositions d'ordre public par inscription dans le Code civil qui
posent le principe de la protection de l'intégrité du corps humain, sont passibles de sanctions pénales et/ou administratives
(consentement-gratuité) (anonymat-publicité). Les sanctions pénales sont inscrites bien entendu dans le nouveau Code pénal
ainsi que dans le Code de la santé publique avec une harmonisation par rapport à ce qui existe dans ce nouveau Code pénal, à
savoir qu'un an d'emprisonnement correspond à 100.000 francs d'amende. On peut ainsi citer la sanction qu'encourt celui qui a
obtenu un organe contre rétribution par la peine de 7 ans d'emprisonnement et de 700.000 francs d'amende. De même,
l'inobservation des règles de sécurité sanitaire est punissable de 2 ans d'emprisonnement et de 200.000 francs d'amende. Quant
aux sanctions administratives, elles concernent essentiellement des retraits temporaires ou définitifs d'autorisation pour
l'établissement ou l'organisme agréé.
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