8Jeudi - vendredi 2 - 3 mars 2006 - No313
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08 03.03
Le salaire du patron de Nestlé en 2005?
13,75 millions de francs!
Résultats • Avec 8 milliards de bénéfice net, 2005 est l’année de tous les records pour la multinationale de Vevey, une bonne nouvelle
pour la collectivité puisque Nestlé reverse pas moins de 18 millions de francs d’impôts à Vevey et La Tour-de-Peilz. Lors de la publication de
ces résultats, il a aussi été question d’une alimentation personnalisée basée sur le génie génétique, comme réponse aux problèmes de santé
liés à la malbouffe, des effets positifs de la globalisation sur le pouvoir d’achat des consommateurs, de la grippe aviaire, de la polémique sur
les caricatures de Mahomet, et du salaire du patron.
Malgré un bénéfice net de 8 mil-
liards, en hausse de 20% par
rapport à 2004, Nestlé ne décroche
pas la palme du plus gros profit réalisé
par une entreprise suisse en 2005, bat-
tue pour l’heure par l’UBS et ses 14
milliards. Mais 2005 n’en aura pas
moins été pour la multinationale de
Vevey, l’année de tous les records, avec
un chiffre d’affaires de 91 milliards,
une capacité d’autofinancement de
10,2 milliards et un bénéfice net par
action de 20,60 francs. Mais l’indica-
teur le plus parlant de cette éclatante
santé est la croissance organique*, de
6,2 %, grand cheval de bataille du
patron Peter Brabeck, qui tient ici son
objectif à long terme de 5% à 6%.
Cette performance lui a d’ailleurs valu
salaire personnel de 13,75 millions de
francs en 2005 (lire chiffres détaillés
en encadré). Et cette performance pro-
fite aussi à la collectivité, puisque
Nestlé verse bon an, mal an quelque 6
millions de francs d’impôts à La Tour-
de-Peilz, lieu de son siège suisse, et
plus de 12 millions de francs à Vevey,
lieu de son siège mondial.
Tirer profit de la malbouffe
Des résultats «exceptionnels qui
démontrent la force du modèle
Nestlé», se félicite Peter Brabeck.
«Nous avons fait mieux que le marché
en terme de croissance et cette perfor-
mance reflète la puissance de nos
marques, la qualité de notre innova-
tion et l’effet de nos programmes
d’amélioration de l’efficacité». Des
marques dont Nespresso est celle qui a
le plus le vent en poupe, avec une
hausse des ventes de 30%. Bien que
rien ne soit décidé, la construction
d’une nouvelle fabrique des capsules
de café devrait bientôt être à l’ordre du
jour, mais il est trop tôt pour savoir
quand et où elle sera érigée.
Mais c’est sans conteste la mondialisa-
tion et l’uniformisation des modes de
consommation qui permet aux ventes
du fleuron industriel de croître de
manière ininterrompue depuis onze
années. «Notre compétitivité va conti-
nuer», estime Peter Brabeck, «parce
que le pouvoir d’achat des consomma-
teurs ne cesse d’augmenter, y compris
dans les pays en voie de développe-
ment, où le seuil de pauvreté recule».
Et Peter Brabeck d’analyser, graphique
à l’appui: «Le nombre de personnes
dans le monde dont le revenu se situe
entre 1500 et 5000 dollars a augmenté
de 450 millions de 1995 à 2005 et le
nombre de personnes dont le revenu se
situe entre 5000 et 28’000 dollars par
an passera de 1,3 milliard en 1995 à
2,5 milliards en 2015». Des chiffres
qui, pour le patron de Nestlé, résultent
de «l’effet positif de la globalisation».
Selon lui, Nestlé oeuvre au «bien être»
des masses.
Nestlé compte surtout tirer profit des
conséquences de la malbouffe: «La
nourriture est un moyen de rester en
forme et nous voulons résoudre les
problèmes de santé par une meilleure
alimentation. Je crois même qu’un
jour, nous parviendrons, grâce au
génie génétique, à offrir à nos consom-
mateurs une alimentation personnali-
sée», espère le patron. Il oublie peut-
être de préciser qu’en raffinant les
aliments et en y ajoutant sucres,
conservateurs, colorants et autres
additifs chimiques, l’industrie alimen-
taire commercialise une nourriture
dévitalisée et dénaturée. Au point que,
pour y remédier, cette même industrie
se voit obligée d’ajouter à ses produits
usinés des compléments de synthèse,
oligoéléments, minéraux et autres vita-
mines.
Double casquette jusqu’en 2008
Suite à la polémique lancée l’an der-
nier à l’assemblé générale des action-
naires, au sujet du double mandat de
directeur général et de président du
conseil d’administration de Peter Bra-
beck, ce dernier confirme qu’il ne
cumulera ces fonctions que jusqu’en
2008, sous réserve d’une décision de
l’assemblée générale. «Cette double
casquette n’était que provisoire, car
Nestlé se trouve dans une phase de
transition».
Sous réserve de «l’impact de la hausse
du prix du pétrole sur les coûts énergé-
tiques et de l’instabilité politique de
certains pays - nous observons le cli-
mat politique global très attentive-
ment», confie Peter Brabeck, le géant
2005 a été l’année de tous les records pour Nestlé, avec 8 milliards de bénéfice net pour un chiffre d’affaires de 91 milliards. s.noyer
La grippe aviaire, une opportunité pour Nestlé?
«Nous avons commencé à étudier la problématique de la grippe aviaire déjà en
décembre 2003, lorsqu’elle est apparue en Asie», répond Peter Brabeck à la
question de savoir si Nestlé envisage des mesures spéciales concernant l’épi-
zootie et si cette dernière pourrait s’avérer profitable à la multinationale.
«Nous avons mis en place une task force et avons déjà pris des mesures de sécu-
rité pour chaque employé qui entre en contact avec des animaux, notamment
ceux qui fabriquent le bouillon de poulet». Si Peter Brabeck affirme que Nestlé
dispose suffisamment de médicament en cas de pandémie, il précise que
Nestlé n’a pas acheté directement du Tamiflu, mais a passé des accords avec les
autorités sanitaires qui en disposent pour y avoir accès au besoin. S’agissant
des conséquences d’une éventuelle pandémie sur les ventes de Nestlé, «une
chose est sûre, les gens devront continuer à manger», explique Peter Brabeck.
«Aussi, sachant qu’un produit tel que le bouillon de poulet est à 100% sûr, une
épidémie pourrait représenter une opportunité pour Nestlé. Mais à l’inverse,
une épidémie pourrait aussi être très négative pour notre travail, notamment
en termes d’échanges commerciaux et de voyages. C’est pourquoi je ne suis pas
en mesure aujourd’hui de donner un scénario positif ou négatif pour Nestlé
en cas d’épidémie».
Caricatures de Mahomet: aucune influence sur les ventes de Nestlé
S’agissant des caricatures de Mahomet, le groupe affirme par la voix de Frits
Van Dijk, directeur pour l’Asie et le Moyen Orient, n’avoir pour l’heure pas
souffert de la polémique: «Depuis le début de cette affaire, nous n’avons
aucune évidence que nos ventes aient baissé dans les pays musulmans».
Des chiffres à donner le vertige
Publication des résultats oblige, les chiffres pleuvent. Et chez Nestlé, ils donnent le vertige. A commencer par le salaire
de Peter Brabeck, qui cumule les fonctions de président du conseil d’administration et de directeur exécutif. Pour cou-
per court aux spéculations les plus diverses qui ont circulé l’an dernier, l’Autrichien a tenu à révéler lui-même son revenu
2005: 13,75 millions de francs, répartis en 3,3 millions de cash, 5,4 millions en actions, 4,4 millions en actions blo-
quées et le reste en options. Autre chiffre impressionnant, la valeur boursière du groupe a progressé de 1700% de 1980
à 2004, passant de 7 milliards à plus de 125 milliards de francs, aux mains de quelque 245’000 actionnaires, parmi
lequel presque toutes les caisses de pensions suisses, donc presque tous les salariés suisses.
250’000 employés et 80 usines
Nestlé, c’est aussi 250’000 employés à travers plus de 80 pays dans 500 usines, qui ont généré en 2005 un cash flow
quotidien de 30 millions de francs, soit 10,2 miards sur l’année, un bénéfice net de 8 miards de francs (+20,7%),
soit 20,60 francs par action (+ 21,3%), pour une croissance organique de 6,2% (ininterrompue depuis onze ans). Tota-
lisant plus de 91 miards de francs (+7,5% par rapport à 2004), les vente totales du groupe se répartissent entre bois-
sons ( 23,8 miards de francs), produits laitiers, nutrition et glaces (23,2 miards), plats cuisinés (16,6 miards), cho-
colats, confiserie, biscuits (10,7 miards), aliments pour animaux (10,5 miards) et produits pharmaceutiques (5,9
miards). Des résultats époustouflants qui permettent à la multinationale de réduire sa dette de 10,2 à 9,6 milliards de
francs et de proposer un dividende par action de 9 francs (+12,5%). Enfin, l’an passé, Nestlé a investi pas moins de 1,5
milliard de francs dans la recherche et le développement.
Nestlé Suisse pour sa part, qui occupe 2200 personnes réparties dans ses 2 centres administratifs et ses 7 sites de pro-
duction, dont Broc (FR) pour le chocolat et Orbe pour Nespresso et Nescafé, affichait un chiffre d’affaires de 1,34 mil-
liard en 2004 et a investi la bagatelle de 1200 millions de francs sur le territoire national de 1999 à 2005.
Par souci de transparence, Peter Brabeck a
dévoilé son salaire pour 2005, soit 13,75 mil-
lions de francs. Nestlé