Le modèle Minesota

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LE MODELE MINNESOTA
Ce modèle est né entre les années 1946 et 1949, de manière empirique, par le
rapprochement entre des modes de prise en charge traditionnels hospitaliers et le
mouvement Alcooliques Anonymes.
Le Dr Anderson, psychiatre à l'Hôpital St Paul, dans le Minnesota, est celui qui l'a
conceptualisé le premier. Il a été à l'origine du Centre de Hazelden.
Ce modèle thérapeutique s'est rapidement développé aux Etats-Unis –à tel point qu'il
constitue encore aujourd'hui la base du traitement en alcoologie-, dans les pays anglosaxons, puis dans les autres pays. Il est représenté partout en Europe, tant de l'Ouest
que de l'Est.
Centré sur la prise en charge des malades alcooliques, il s'est rapidement intéressé à
toutes les formes de dépendance, en parallèle du développement des groupes d'entraide
(Narcotiques Anonymes, Boulimiques Anonymes,…. Internautes Anonymes aujourd'hui).
Généralités : le modèle Minnesota
Le Modèle Minnesota (ci-après dénommé MM) est un modèle thérapeutique complet
dont l’efficacité est démontrée (cf in 4 ci-dessous). Ce modèle repose sur deux objectifs
se renforçant mutuellement :
L’abstinence,
L’amélioration de la qualité de la vie.
En permettant à la personne dépendante de se dégager, dans un premier temps de la
consommation de produits toxiques (ou induisant la dépendance comme la
«consommation» de jeu",…), cette méthode lui donne ensuite les ressources tant
physiques que psychologiques de faire face aux hauts et aux bas de sa vie sans
consommer.
Ce modèle s’enrichit constamment des découvertes et des innovations reconnues dans
le monde. Ainsi, le MM comporte aujourd’hui des éléments qui appartiennent à la
systémique, au cognitivo-comportementalisme, à l’analyse transactionnelle, à la thérapie
rationnelle et émotive,…
Le MM a pu mettre en place une dynamique ouverte et réaliser une approche qui
cherche à rendre la thérapeutique de la dépendance la plus performante possible en
puisant le meilleur dans chaque courant thérapeutique, dans toutes les disciplines et
dans le plus grand respect du patient, parce que fortement ancré sur des valeurs
humanistes.
1.1 Modèles socio-psychologiques proches
Deux modèles socio-psychologiques peuvent être appliqués au Minnesota Model en vue
de clarifier les mécanismes thérapeutiques.
Au sein de la théorie de l’attribution de Brickman, le Minnesota Model peut-être rangé
parmi les modèles compensatoires. Ceux-ci n’impliquent aucune responsabilité quant à
l’origine de la problématique de la dépendance, mais bien dans le cadre du
rétablissement.
Les auteurs remarquent que l’approche MM conduit en effet à la diminution des
attributions causales comme l’autoresponsabilité et l’attribution interne ou externe, et à
une augmentation de l’adhésion au concept de maladie. Les attributions de
rétablissement qui impliquent un engagement actif (comme l’engagement auprès d’une
fraternité -« fellowship »- et les cognitions internes) voient également leur importance
grandir.
La "Theory of Planned Behaviour" d’Ajzens, en tant que forme de la "theory of
Reasoned Action", étudie la motivation de la dépendance et de l’engagement dans le
cadre d’un traitement. Cette théorie présuppose trois catégories de convictions comme
déterminants du comportement : normatifs, comportementaux et de contrôle. Les
prédicteurs les plus directs du comportement sont les intentions (basées sur l’attitude visà-vis du comportement, la norme subjective et le contrôle perçu). L’importance de la
"Theory of Planned Behaviour" réside en la mise en exergue de la composante
« contrôle perçu ». Le fait que le MM est capable de répondre à ces convictions, est
confirmé par la recherche : après une approche MM, une évolution positive se fait jour
dans les attitudes, le contrôle perçu et le «control beliefs», les intentions et les attentes.
L’augmentation de contrôle perçu révèle que le sentiment de la responsabilité propre
s’accroît au cours du traitement. En fin de traitement, l’éventualité d’un résultat positif est
évaluée de manière plus élevée (sans que l’appréciation des différents résultats soit
modifiée quant à leur évaluation). En outre, la mesure dans laquelle les patients pensent
que les autres attendent d’eux qu’ils maintiennent leur abstinence augmente également.
Ces modifications de convictions et d’attitudes conduisent à maximaliser des
changements comportementaux positifs.
1.2 Le concept de la dépendance
Le MM approche la problématique de l’accoutumance comme une maladie (Spicer,
1993 ; McCrady, 1994 ; Jellinek, 1960), dont les symptômes sont la perte de contrôle et
la dépendance physique. L’aspect primordial du traitement – un choix pragmatique – est
la dépendance et non la dynamique ou la pathologie sous-jacentes (Marron, 1993
;Talboltt, 1990). Wallace (1996) souligne l’importance de déterminer des priorités lors du
traitement de la dépendance, et considère que l’abstinence constitue la base
fondamentale pour la continuation du traitement. Comme dans la psycho-analyse, la
dénégation et la résistance sont mises à jour, sans toutefois en rechercher les causes
(au contraire de l’analyse). Après un certain temps d’ailleurs, l’attitude vis-à-vis de la
boisson acquiert une autonomie fonctionnelle (Spicer, 1993).
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Dans la mesure où elle est approchée comme une maladie chronique, des buts
thérapeutiques sont assignés à la problématique de la dépendance, en terme de
réhabilitation bien plus que de guérison (Spicer, 1993). La relation usager-thérapeute est
un rapport de collaboration, qui vise un changement de style de vie, en vue du but à
atteindre à long terme : apprendre à vivre avec sa problématique de dépendance
(Galanter, 1993). Cette problématique chronique implique également une vigilance à vie
et le maintien de l’abstinence, confirmant en cela bien d'autres approches de l'alcoolodépendance.
La dépendance est une maladie physique, mentale et spirituelle (Spicer, 1993 ;
McCrady, 1994). Ce point de vue holistique débouche sur une approche
multidisciplinaire. A côté des problèmes psychiques et physiques, le MM souligne
également la dimension spirituelle. Cela ne signifie nullement une philosophie religieuse
ou sectaire. Cette dimension aborde au contraire la question du sens comme
composante essentielle de la lutte contre la dépendance. L’expérience extrême ou
l’expérience émotionnelle forte sont centrales à cet égard.
Dans le cadre de la problématique de la dépendance, la question de la dimension
existentielle de l’être (c'est-à-dire confrontations avec les vulnérabilités et les limitations)
et de la problématique du sens se fait jour. C'est aussi en cela que l'abstinence ne peut
être un objectif en soi.
Malgré certaines critiques à l’égard de l’approche médicale de la dépendance, Vaillant
(1983) cite des arguments solides pour défendre ce point de vue. La recherche fournit
également une évidence suffisante des 4 critères de Lewis. Cette approche est en outre
tout à fait "relevante" dans le cadre d’une perspective thérapeutique. Cela dispense
l’usager de sentiments de culpabilité immobilisants, constitue un argument en faveur
d’une abstinence à vie et modifie l’attitude de la famille et de l’entourage. Ce concept fait
également appel au sentiment de responsabilité de la personne dépendante en mettant
l’accent sur l’implication active lors du traitement et la nécessité d’un changement réfléchi
de style de vie.
1.3 Les principes et outils thérapeutiques
Les deux piliers de la méthode sont l’abstinence complète et l’amélioration de la qualité
de la vie, l’un renforçant l’autre.
L'abstinence peut être considérée comme une condition première, voire un objectif
opérationnel de l'objectif essentiel qu'est l'amélioration de la qualité de la vie.
L’objectif de la méthode se concentre sur une cible et uniquement sur elle : le traitement
de la dépendance. Il s’agit pour la personne de se dégager en premier lieu de la
consommation de produits toxiques et de se réhabiliter. Elle se donne ainsi les moyens,
tant physiques que psychologiques, de faire face aux éventuels traumatismes anciens
qui seraient à l’origine de la prise de produits. Chaque histoire, chaque situation étant
particulière, le patient fera appel, dans un autre temps, à l’aide thérapeutique qui lui
conviendra le mieux.
Mais elle lui permettra également de faire face aux conséquences, souvent difficiles à
supporter, parce qu'empreintes de honte t de culpabilité, d'années de consommation
a) Pour parvenir à réaliser cet objectif, le MM s’appuie sur trois principes :
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le principe de réalité : quelles est ma réalité, ma situation aujourd’hui ? Quelle est
ma consommation et quelles en sont toutes les conséquences ? Comment puis-je
affronter tout cela désormais ? Qu’est-ce que je veux pour ma vie aujourd’hui ? La
recherche de réalité entraîne naturellement le sujet à (re)découvrir la vérité, sa
vérité. Pour parvenir à
cela, il n’existe qu’une façon préalable d’être : celle d’être honnête envers soi et les
autres et de le rester.
Le principe de conscience : toucher à la réalité et (re)découvrir honnêtement
réalisent le réveil de la conscience. Qu’ai-je fait ? Culpabilités et hontes, qu’en faisje ? Puis-je réparer et comment ? Que puis-je changer ? Que dois-je accepter que je
ne puis changer ? Quelles responsabilités puis-je assurer dans mon rétablissement,
dans ma vie ?
Le principe d’émotions : Qui suis-je, qu’ai-je vécu ? Qu’ai-je ressenti ou non
ressenti, souffert, anesthésié dans ma sensibilité, dans mes désirs, dans ma
volonté, dans mon corps pour que le produit prenne la maîtrise de ma vie ? Ai-je
volé, agressé, menti, trompé pour pouvoir consommer ?
b) Les outils pour travailler ces trois concepts sont :
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Un traitement résidentiel de plusieurs semaines (en général 6 à 12), suivi d’un
temps (de quelques mois à 1 an) en groupe thérapeutique hebdomadaire postrésidentiel,
Un travail structuré et progressif inspiré des 12 étapes des groupes d’entraide (cf
in 2.1),
Un travail d’écriture introspectif,
Des entretiens individuels avec le conseiller ("counsellor") de référence (cf infra),
Des exposés thématiques réalisés par le médecin du centre ou un conseiller sur
des sujets liés à la dépendance et ses compétences,
Des entretiens familiaux,
Un cadre professionnel incluant des personnes ayant été dépendantes, qui sont
en rétablissement depuis quelques années et qui sont formées à la méthode,
Un accompagnement visant la restauration sociale et la réinsertion globale,
Un environnement structuré, respectueux et sain,
La participation aux diverses organisations d’entraide et de self-help (autosupport)
Chaque outil, pris isolément, est souvent inefficace. Pour parvenir à rendre le processus
thérapeutique opérationnel, la méthode a recours à l’extraordinaire force du groupe.
C’est au sein du groupe que les trois concepts décrits ci-dessus vont pouvoir s’identifier,
se conforter et se renforcer, dirigeant les énergies vers la réhabilitation.
La dynamique du groupe est catalyseur des différentes histoires et expériences
personnelles. C’est en ce sens que le MM est présenté comme une thérapie de groupe.
A la thérapie de groupe vient s’ajouter l’accompagnement individuel. Cette guidance
est également une composante essentielle du programme journalier des patients.
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Lors de son admission, chaque patient se voit attribuer un conseiller de référence,
conseiller vers qui il pourra à tout moment se tourner pour obtenir conseils et assistance,
et qui assure un suivi régulier de l’évolution du patients tout au long du traitement.
Les entretiens individuels sont surtout centrés sur l’impact de la dépendance active de la
vie du patient, le processus de déni, les difficultés rencontrées dans la confrontation au
groupe et les raisons/motivations à gagner/maintenir son rétablissement. Ces entretiens
soutiennent la personne dans le travail qu’elle réalise dans le groupe.
Un programme éducatif, sur la base d’exposés et de lectures, permet
l’approfondissement de thèmes importants en rapport avec la question de la dépendance
et ses corollaires dans le rétablissement, et le maintien de celui-ci (les maladies, les
signes de rechute, …).
Caractéristiques essentielles du Modèle Minnesota
2.1 Le modèle à étapes
C'est le mouvement Alcooliques Anonymes qui a élaboré le programme en 12 étapes,
allant de la fin de la consommation au rétablissement.
La philosophie du modèle à 12 étapes ne fait pas uniquement fonction de cadre de
réflexion pour conceptualiser la maladie, mais offre également une possibilité et une
trame de changement. La personne dépendante qui s’engage dans le traitement peut en
tirer une perspective d’avenir.
Différentes phases sont traversées. En premier lieu, (étapes 1-3), la personne
dépendante accepte qu’elle ne peut exercer aucun contrôle sur la maladie et que le
rétablissement implique qu’elle fasse confiance à de l’aide extérieure. Ensuite (étapes 47), un inventaire des conséquences de la dépendance est établi, ce qui accroît la prise
de conscience du problème et la volonté de changer. Dans une troisième phase (étapes
8-9), ces changements sont effectivement mis en pratique, pour enfin (étapes 10-12)
intégrer cette nouvelle attitude dans le cadre de vie et conserver le rétablissement
acquis.
Il faut insister clairement sur le fait que la perte de contrôle présumée, que la personne
dépendante doit reconnaître, ne porte que sur la relation à l’objet de la dépendance.
L’usager n’est en aucune manière exempté de sa responsabilité dans les chances de
réussite du processus de rétablissement. La même chose se vérifie en ce qui concerne
la confiance que la personne dépendante doit avoir dans l’aide extérieure. Les
recherches de Christo et Franey (1995) révèlent que l’adhésion à l’aspect spirituel du
traitement n’entraîne pas une perte de contrôle externe. Les auteurs remarquent plutôt
une tendance à une responsabilité personnelle accrue. C'est ici que s'établit le rapport
avec la thématique du sens.
A travers ces 12 étapes, le but recherché est d’accroître la conscience de soi chez la
personne dépendante. Ceci ne signifie pas seulement un inventaire autocritique de ses
forces et faiblesses, et de sa compréhension des conséquences de sa dépendance. Il
devra entrer également en contact plus étroit avec ses propres émotions et apprendre à
les différencier et à les exprimer dans un contexte lui apportant soutien et sécurité
affective.
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Le développement du modèle à étapes comprend quatre expériences qui sont également
des moments clés : un sentiment de désespoir, une expérience de crise ("hitting the
bottom", déflation de l’ego), un tournant intensément vécu et qui offre une perspective
pleine d’espoir, et le glissement d’un égocentrisme destructeur vers une interaction
constructive avec les autres. Galanter (1993) décrit les nombreuses expériences qui sont
faites pendant le processus de rétablissement : le groupe en tant qu’objet transitionnel,
qui remplace le soutien apporté par l’alcool et les drogues ; un bouleversement spirituel
qui s’exprime en un profond changement d’attitude ; la satisfaction de besoins
psychiques (p.e. la diminution de l’angoisse) et l’expérience intense de l’altruisme des
membres du groupe. Pour grandir efficacement, on présume un engagement fort, une
implication émotionnelle et une expérience émotionnelle intense (une expérience
extrême qui conduit à l’adoption d’un cadre d’interprétation alternatif). Galanter (1993) et
Marron (1993) attirent l’attention sur le fait que l’acceptation inconditionnelle par les
membres du groupe (l’abandon de la non reconnaissance, l’acceptation d’une forme
constructive de dépendance et de soutien) de même que l’acquisition d’une identité qui
crée un contexte (« je suis dépendant ») facilitent ce processus. Steffen (1997) insiste
quant à lui sur l’effet intégratif du partage des expériences, tant au niveau de l’expérience
individuelle qu’à celui de la formation d’un contexte dans lequel des égaux se
rencontrent. Le fait de raconter aux autres permet également de procéder à une nouvelle
interprétation de sa propre situation.
2.2 La famille
Un autre volet essentiel du MM est de travailler avec l'entourage du dépendant. En effet,
les parents, conjoint, frères, sœurs et amis d’une personne dépendante sont eux aussi
touchés par la maladie de leur proche et subissent eux aussi les souffrances liées à la
consommation : angoisse, problèmes financiers, problèmes judiciaires, violences
morales et physiques, honte, exclusion sociale,… ;
Ainsi, la participation de la famille est un atout supplémentaire dans la réhabilitation de la
personne dépendante grâce à une meilleure compréhension de la maladie de la
dépendance et de ses effets.
2.3 Les anciens dépendants, experts par expérience
L’une des particularités de cette méthode de réhabilitation est le fait que la plupart des
conseillers sont eux-mêmes d’anciens dépendants, rétablis depuis plusieurs années
et qui mettent leur expérience et leur profonde motivation au service de ceux qui
souffrent encore de la même maladie. Ce point représente une contribution importante
au succès de ce type de réhabilitation.
Blume (dans Cook, 1998) décrit les avantages thérapeutiques de l’intégration d’exdépendants comme conseillers au sein de l’équipe : l’offre d’une perspective pleine
d’espoir, la mise à disposition d’un modèle, une meilleure compréhension parce qu’ils
parlent le même langage, davantage de patience et de tolérance, le discernement
nécessaire pour percer à jour les tentatives de manipulation, l’expérience personnelle
des difficultés rencontrées chaque jour pour conserver sa tempérance. Bill W. (cofondateur des AA) remarque comment cette forme d’aide favorise un solide rapport de
confiance. Il attire également l’attention sur un effet à sens inverse : pour les ex6
dépendants, cet engagement représente une source de sens dans le cadre de leur
propre processus de rétablissement. Nowinski (1993) et Marron (1993) y voient un
soutien efficace dans le processus de maintien de l’abstinence personnelle ("Keep
sobriety by giving it away").
2.4 La thématique du sens
Un aspect spécifique et enrichissant du Minnesota Model et de l’approche par étapes est
l’ajout d’une dimension spirituelle, existentielle à la problématique de la dépendance.
Maslow (1970) a réussi à formuler le noyau de cette dimension en termes
psychologiques en se référant à une expérience émotionnelle forte (expérience extrême).
Cette dernière fait partie tant de la problématique même que de la voie conduisant au
rétablissement, au cours de laquelle intervient une expérience de changement intense.
C. Jung également (dans Hopson, 1996) décrit l’expérience de rétablissement comme
une expérience spirituelle. Il définit le « craving » pour l’alcool en analogie avec un désir
spirituel absolu. Spiritus signifie ici aussi bien l’expérience transcendantale la plus
élevée que (le craving destructeur pour) l’alcool. Une profonde expérience de crise ouvre
la voie au changement et à la guérison. W. James (dans Hopson, 1996), insiste sur la
nécessité pour l’usager de faire l’expérience d’une crise et de reconnaître son
impuissance comme étant les conditions de l’engagement dans le modèle à étapes.
Pettet (1993) analyse les 12 étapes, à partir d’une approche spirituelle, comme étant
« des thèmes qui sont importants pour la personne dépendante dans sa relation à un
contexte transcendantal ou plus large ». Les 12 étapes tiennent compte de la conscience
limitée de soi-même qui caractérise les personnes dépendantes, en octroyant une
identité (« je suis dépendant »). A partir de ce contexte, le rétablissement et le
développement sont rendus possibles. Au sein de la problématique de la dépendance, la
tromperie et les promesses non respectées font naître un sentiment d’échec moral et de
désespoir. Le concept de maladie des 12 étapes dispense la personne intoxiquée de la
responsabilité de l’origine de ses problèmes, sans négliger cependant de poursuivre la
compréhension de ses propres limitations. Au-delà de la connaissance de ses propres
manquements, les étapes offrent la possibilité d’acquérir un nouveau sentiment
d’intégrité. Ceci est rendu possible par la réparation des dommages causés et la
réalisation d’actes altruistes. Bien que l’approche par étapes ne soit pas une forme de
thérapie apportant la compréhension de soi, le développement de (le contact avec) la vie
intérieure est l’un des buts recherchés. Au travers des 12 étapes, la personne acquiert
contact avec sa problématique, avec son moi idéal et avec la relation à une force
transcendantale. Pour maintenir l’abstinence, il est important de reconnaître les tensions
émotionnelles. Enfin, les 12 étapes tendent à construire des relations interdépendantes.
Un sentiment d’isolement est d’ailleurs la conséquence d’une autosuffisance illusoire,
d’un sentiment de stigmatisation et d’un manque de confiance en l’autre.
Cursus de traitement
Les notions de "traitement primaire" et "traitement secondaire" sont souvent utilisées
pour désigner les phases essentielles de la prise en charge.
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3.1 La phase résidentielle
Les premières semaines donnent lieu à un travail intensif : c'est le traitement primaire.
Dès son admission, le patient est pris en charge 24h/24 par un personnel qualifié qui le
guidera tout au long de son programme de rétablissement.
Le médecin du centre voit le patient en consultation dès son entrée et établit, si
nécessaire, un traitement de fin de sevrage. Le patient est également soutenu par le
groupe de patients déjà en place.
Les patients reçoivent une brochure d’accueil reprenant l’ensemble des informations utile
à leur séjour en traitement.
Les systèmes anglo-saxons et scandinaves ont mis en place des «half-way houses», à
savoir des structures ou des logements supervisés vers lesquels les patients (ou certains
d'entre eux) peuvent être orientés: c'est le traitement secondaire.
Une problématique de rechute peut éventuellement y être traitée.
Le suivi y dure quelques mois, avec une logique dégressive. La thérapie continue, mais
progressivement c'est l'action de réinsertion qui devient dominante.
Par ailleurs, un programme particulier est toujours envisageable à la fin du traitement
résidentiel. Selon les situations individuelles, un patient pourrait rentrer chez lui avec une
fréquentation dégressive au programme de l’unité (HDJ).
3.2 La phase post-résidentielle
Partant de l’affirmation que la dépendance est une maladie chronique, il va de soi que
l’attention et les soins permanents sont une condition primordiale de réussite.
L’importance de l’aide post-traitement est évidente et ce, dans le but de consolider les
effets du traitement à long terme
Un des piliers de la méthode est la poursuite du traitement après la période résidentielle.
A la fin de leur séjour, les patients participent pendant une période plus ou moins longue
au groupe post-résidentiel qui se tient à l’établissement (une fois par semaine) et qui en
est partie intégrante du traitement.
Le groupe post-résidentiel permet à la personne d'approfondir un contact réaliste avec la
vie en société tout en gardant un lieu privilégié où elle pourra poursuivre le travail
thérapeutique entamé durant son séjour résidentiel et recevoir un important soutien du
groupe.
Les patients sont invités également à s’inscrire dans la dynamique des groupes
d’entraide, tels les AA et NA. Ces groupes, non professionnels, représentent un soutien
inestimable à la poursuite du rétablissement une fois le patient rendu à son cadre de vie.
L’aide post-traitement au sein des groupes d’entraide comme les AA et les NA
La participation aux groupes d'entraide est la modalité post-traitement par excellence,
étant donné les intrications avec le MM. Une enquête (Chappel 1990) enregistre auprès
des participants aux AA les taux d’abstinence suivants : 35% d’abstinents le sont depuis
moins d’un an, 36% le sont entre 1 et 5 ans, et 29% sont abstinents depuis plus de 5 ans.
Cette étude conclut à un rapport positif entre la période d’abstinence et la participation
aux réunions. Un moment crucial pour le maintien de l’abstinence est la première année
d’abstinence. L’efficacité des AA quant au maintien de l’abstinence est démontrée par
8
plusieurs études. Certains médecins soulignent
une diminution sensible du niveau
d’angoisse et une augmentation de l’estime personnelle chez les membres des AA et NA
dans la mesure où ils participent depuis plus longtemps aux programmes
Etude des résultats
Dans notre recherche de la littérature concernant l’efficacité de MM, nous nous sommes
laissés inspirer tant par les études européennes que nord américaines.
De cette recherche, il est démontré que cette philosophie de traitement est parfaitement
intégrable dans le réseau d’aide français. Un Centre de Soins financé par l'assurancemaladie existe déjà en France depuis 1994.
4.1 Les programmes en 12 étapes
Lindeman (1993) démontre l’efficacité de la philosophie des 12 étapes. Cette approche
révèle des résultats positifs chez les personnes dépendantes, dont le contexte social
soutient ou favorise la dépendance. Intégrés dans l’accompagnement des travailleurs
alcooliques, ces programmes se révèlent efficaces pour réduire les risques encourus sur
les lieux de travail du fait de la dépendance.
Toutefois, malgré l’efficacité des 12 étapes, les recherches effectuées plaident en faveur
d’un traitement résidentiel préalable : faible corrélation entre la participation aux AA et
des critères autres que l’attitude face à la boisson (travail, relations, bien être,
spiritualité).
4.2 Constatations récentes concernant le MM
Puisque plusieurs auteurs mettent en question les conclusions d’études rapportant les
premiers résultats du Minnesota Model dans le domaine de la méthodologie (Cook,
1998 ; Stinchield et Owen, 1998), nous recensons dans notre synthèse certaines
constations relevantes faites lors d’études plus récentes.
Le projet MATCH est une large étude comparative qui met l’accent sur la différence
d’efficacité des différents programmes de revalidation en fonction des problématiques
spécifiques de la dépendance. Le projet inclut un volet ambulatoire et un volet posttraitement. L’une des hypothèses montre que les programmes en étapes sont plus
efficaces lorsqu’une thématique cognitive ou thématique du sens se trouve au premier
plan, alors qu’une thérapie comportementale a plus d’impact sur les problématiques
psychiatriques ou psycho-socio-pathologiques. Après un an de suivi, les résultats
montrent, dans le groupe ambulatoire avec peu de problèmes psychiatriques, un
avantage pour les programmes en étapes (plus d’abstinence) comparés au GGT (hormis
groupe hors traitement). Cette approche est aussi la plus efficace chez les usagers du
groupe post-traitement chez qui le problème de thématique du sens est central. Pour les
dépendants dont l’environnement social d’origine favorise la dépendance, les
programmes en étapes paraissent l’approche la plus fructueuse après trois ans de suivi.
Sur la base des résultats du projet MATCH en 1997 (dans Stinchield et Owen 1998), il
ressort que les programmes en 12 étapes sont aussi efficaces que la thérapie
comportementale cognitive et la Motivation Enhancement Therapy. L’étude de Stinchield
et Owen a été exécutée sur un échantillon de 1083 patients de Hazelden (centre originel
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qui a conceptualisé et développé le modèle, établissement référence) qui ont été traités
selon le MM pour un problème sérieux de dépendance à l’alcool ou à la drogue.
Lors de l’étude de suivi (1, 6 et 12 mois après la fin du traitement), les données
concernant 716 usagers ont également été rassemblées par l’entremise d’une personne
de leur entourage proche (collatéral).
Les résultats montrent un ratio d’abstinence de 76.9 % pour le premier mois, avec une
perte d’effet de 6 à 12 mois (59.1% et 52.8% d’abstinence), tandis que 34.8%
consomment un an plus tard une quantité moindre qu’avant le traitement. Malgré le taux
de rechute, il subsiste après un an, une différence statistiquement significative entre la
consommation avant et après le traitement. Outre l’abstinence, on note des améliorations
dans d’autres domaines : participation aux AA ou aux NA, amélioration des relations et
de l’état de santé.
Des résultats similaires ont été recensés à Center City et au Hazelden Center for
Youngth and Families. Il semble que l’abstinence dépende là de l’achèvement ou non
du traitement. En sus d’un ratio d’abstinence élevé, 70 à 80% rapporte une amélioration
de la qualité de vie ; on note également une réduction considérable des problèmes
juridiques et de santé.
L’évaluation irlandaise d' Aiseiri (Centre de Formation, émanation d'Hazelden)
rapporte un ratio d’abstinence au sein du groupe étudié de 80,59%. En intégrant des
usagers qui refusaient de participer à l’enquête, ce chiffre retombe à 60,52%. Il en
ressort un rapport bien établi entre le maintien de l’abstinence et l’achèvement du
traitement, la participation aux AA et autres activités post-traitement. Au sein du groupe
étudié, d’autres paramètres que l’abstinence ont été examinés, paramètres qui
permettent de mesurer un résultat positif :
55,2% font l’expérience de pouvoir exercer un contrôle sur leur dépendance après
l’achèvement du traitement,
76,11% mentionnent une amélioration de la qualité de vie, qui se manifeste dans
des domaines différents : relations interpersonnelles, bien être psychique, confiance
en soi,…
80,59% mentionnent une amélioration de leur santé physique. Du point de vue
mental : diminution du manque de confiance en soi et de la confusion concernant
l’identité.
les relations avec le partenaire et les enfants s’améliorent plus lentement mais
considérablement (respectivement 75,6% et 83,3%). Un aspect important est
l’amélioration des amitiés existantes (64%), le développement d’un nouveau cercle
d’amis (via AA et NA), ne comptant pas de personnes dépendantes.
Sur la base d’études dont les échantillons de population sont prélevés au hasard, une
étude finlandaise (Kenso et Salaspuro) relève des différences significatives entre un
traitement MM et une approche traditionnelle de la dépendance (réhabilitation psychique
et sociale). Elle se base tant sur les données fournies par les listes de questions que sur
des mesures objectives de consommation. Les usagers ayant suivi le MM font preuve
pendant le traitement d’une implication, d’un soutien et d’une spontanéité plus
développés, ainsi que d’une attention plus intense pour les problèmes personnels. Elle
considère le traitement comme mieux structuré. Le MM enregistre moins d’abandon (7,9
vs 25,9). S’il n’y a pas de différence significative dans les résultats pour la période de
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suivi comprise entre 0 et 8 mois, c’est cependant le cas dans une perspective de long
terme (8-12 mois). Cette différence est due à une chute du taux d’abstinence dans
l’approche traditionnelle, ce qui signifie que le pourcentage MM est plus efficace quant
au maintien des résultats à long terme. De même, le pourcentage d’abstinence pendant
la première année suivant le traitement se révèle être à l’avantage du MM (14% vs
1,9%).
Un autre projet européen en Suède compare, dans une étude randomisée, les usagers
d’un centre appliquant le MM avec des usagers d’un centre ambulatoire et des
dépendants sans prises en charge.
Une étude comparative en 1999 (Moos, Finney, Puimette et Suchinsky) plaide
également en faveur des programmes en 12 étapes par rapport aux thérapies
comportementales cognitives. Malgré des améliorations des 6 variables mesurant les
résultats (abstinence, problèmes liés à la dépendance, souffrance physique, symptômes
psychiatriques, arrestations et situation de travail), on observe des différences
significatives. Trois variables révèlent de sérieuses améliorations en faveur du
traitement en 12 étapes : taux d’abstinence supérieur, moins de problèmes liés à la
dépendance, et un nombre supérieur de personnes travaillant. L’accompagnement posttraitement sous forme d’aide ambulatoire et de participation à des groupes d’entraide se
ralliant au système à 12 étapes, conduit à la consolidation de ces résultats.
Une étude en 1998 précise les variables de résultat proximales pour les programmes à
12 étapes et la thérapie comportementale cognitive (TCC) °. De cette étude, il ressort
que les usagers ayant suivi un traitement à 12 étapes voient leur situation s’améliorer
non seulement en ce qui concerne les résultas correspondant aux 12 étapes spécifiques,
mais aussi progressent au niveau des variables de résultats proximales de thérapie
comportementale cognitive.
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