L
E
M
ODELE
M
INNESOTA
Ce modèle est entre les années 1946 et 1949, de manière empirique, par le
rapprochement entre des modes de prise en charge traditionnels hospitaliers et le
mouvement Alcooliques Anonymes.
Le Dr Anderson, psychiatre à l'Hôpital St Paul, dans le Minnesota, est celui qui l'a
conceptualisé le premier. Il a été à l'origine du Centre de Hazelden.
Ce modèle thérapeutique s'est rapidement développé aux Etats-Unis –à tel point qu'il
constitue encore aujourd'hui la base du traitement en alcoologie-, dans les pays anglo-
saxons, puis dans les autres pays. Il est représenté partout en Europe, tant de l'Ouest
que de l'Est.
Centré sur la prise en charge des malades alcooliques, il s'est rapidement intéressé à
toutes les formes de dépendance, en parallèle du développement des groupes d'entraide
(Narcotiques Anonymes, Boulimiques Anonymes,…. Internautes Anonymes aujourd'hui).
Généralités : le modèle Minnesota
Le Modèle Minnesota (ci-après dénommé MM) est un modèle thérapeutique complet
dont l’efficacité est démontrée (cf in 4 ci-dessous). Ce modèle repose sur deux objectifs
se renforçant mutuellement :
L’abstinence,
L’amélioration de la qualité de la vie.
En permettant à la personne dépendante de se dégager, dans un premier temps de la
consommation de produits toxiques (ou induisant la dépendance comme la
«consommation» de jeu",…), cette méthode lui donne ensuite les ressources tant
physiques que psychologiques de faire face aux hauts et aux bas de sa vie sans
consommer.
Ce modèle s’enrichit constamment des découvertes et des innovations reconnues dans
le monde. Ainsi, le MM comporte aujourd’hui des éléments qui appartiennent à la
systémique, au cognitivo-comportementalisme, à l’analyse transactionnelle, à la thérapie
rationnelle et émotive,…
Le MM a pu mettre en place une dynamique ouverte et réaliser une approche qui
cherche à rendre la thérapeutique de la pendance la plus performante possible en
puisant le meilleur dans chaque courant thérapeutique, dans toutes les disciplines et
dans le plus grand respect du patient, parce que fortement ancré sur des valeurs
humanistes.
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1.1 Modèles socio-psychologiques proches
Deux modèles socio-psychologiques peuvent être appliqués au Minnesota Model en vue
de clarifier les mécanismes thérapeutiques.
Au sein de la théorie de l’attribution de Brickman, le Minnesota Model peut-être rangé
parmi les modèles compensatoires. Ceux-ci n’impliquent aucune responsabilité quant à
l’origine de la problématique de la pendance, mais bien dans le cadre du
rétablissement.
Les auteurs remarquent que l’approche MM conduit en effet à la diminution des
attributions causales comme l’autoresponsabilité et l’attribution interne ou externe, et à
une augmentation de l’adhésion au concept de maladie. Les attributions de
rétablissement qui impliquent un engagement actif (comme l’engagement auprès d’une
fraternité -« fellowship »- et les cognitions internes) voient également leur importance
grandir.
La "Theory of Planned Behaviour" d’Ajzens, en tant que forme de la "theory of
Reasoned Action", étudie la motivation de la dépendance et de l’engagement dans le
cadre d’un traitement. Cette théorie présuppose trois catégories de convictions comme
déterminants du comportement : normatifs, comportementaux et de contrôle. Les
prédicteurs les plus directs du comportement sont les intentions (basées sur l’attitude vis-
à-vis du comportement, la norme subjective et le contrôle perçu). L’importance de la
"Theory of Planned Behaviour" réside en la mise en exergue de la composante
« contrôle perçu ». Le fait que le MM est capable de répondre à ces convictions, est
confirmé par la recherche : après une approche MM, une évolution positive se fait jour
dans les attitudes, le contrôle perçu et le «control beliefs», les intentions et les attentes.
L’augmentation de contrôle perçu révèle que le sentiment de la responsabilité propre
s’accroît au cours du traitement. En fin de traitement, l’éventualité d’un résultat positif est
évaluée de manière plus élevée (sans que l’appréciation des différents résultats soit
modifiée quant à leur évaluation). En outre, la mesure dans laquelle les patients pensent
que les autres attendent d’eux qu’ils maintiennent leur abstinence augmente également.
Ces modifications de convictions et d’attitudes conduisent à maximaliser des
changements comportementaux positifs.
1.2 Le concept de la dépendance
Le MM approche la problématique de l’accoutumance comme une maladie (Spicer,
1993 ; McCrady, 1994 ; Jellinek, 1960), dont les symptômes sont la perte de contrôle et
la dépendance physique. L’aspect primordial du traitement un choix pragmatique est
la dépendance et non la dynamique ou la pathologie sous-jacentes (Marron, 1993
;Talboltt, 1990). Wallace (1996) souligne l’importance de déterminer des priorités lors du
traitement de la dépendance, et considère que l’abstinence constitue la base
fondamentale pour la continuation du traitement. Comme dans la psycho-analyse, la
dénégation et la résistance sont mises à jour, sans toutefois en rechercher les causes
(au contraire de l’analyse). Après un certain temps d’ailleurs, l’attitude vis-à-vis de la
boisson acquiert une autonomie fonctionnelle (Spicer, 1993).
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Dans la mesure elle est approchée comme une maladie chronique, des buts
thérapeutiques sont assignés à la problématique de la pendance, en terme de
réhabilitation bien plus que de guérison (Spicer, 1993). La relation usager-thérapeute est
un rapport de collaboration, qui vise un changement de style de vie, en vue du but à
atteindre à long terme : apprendre à vivre avec sa problématique de dépendance
(Galanter, 1993). Cette problématique chronique implique également une vigilance à vie
et le maintien de l’abstinence, confirmant en cela bien d'autres approches de l'alcoolo-
dépendance.
La dépendance est une maladie physique, mentale et spirituelle (Spicer, 1993 ;
McCrady, 1994). Ce point de vue holistique débouche sur une approche
multidisciplinaire. A côté des problèmes psychiques et physiques, le MM souligne
également la dimension spirituelle. Cela ne signifie nullement une philosophie religieuse
ou sectaire. Cette dimension aborde au contraire la question du sens comme
composante essentielle de la lutte contre la dépendance. L’expérience extrême ou
l’expérience émotionnelle forte sont centrales à cet égard.
Dans le cadre de la problématique de la dépendance, la question de la dimension
existentielle de l’être (c'est-à-dire confrontations avec les vulnérabilités et les limitations)
et de la problématique du sens se fait jour. C'est aussi en cela que l'abstinence ne peut
être un objectif en soi.
Malgré certaines critiques à l’égard de l’approche médicale de la dépendance, Vaillant
(1983) cite des arguments solides pour défendre ce point de vue. La recherche fournit
également une évidence suffisante des 4 critères de Lewis. Cette approche est en outre
tout à fait "relevante" dans le cadre d’une perspective thérapeutique. Cela dispense
l’usager de sentiments de culpabilité immobilisants, constitue un argument en faveur
d’une abstinence à vie et modifie l’attitude de la famille et de l’entourage. Ce concept fait
également appel au sentiment de responsabilité de la personne pendante en mettant
l’accent sur l’implication active lors du traitement et la nécessité d’un changement réfléchi
de style de vie.
1.3 Les principes et outils thérapeutiques
Les deux piliers de la méthode sont l’abstinence complète et l’amélioration de la qualité
de la vie, l’un renforçant l’autre.
L'abstinence peut être considérée comme une condition première, voire un objectif
opérationnel de l'objectif essentiel qu'est l'amélioration de la qualité de la vie.
L’objectif de la méthode se concentre sur une cible et uniquement sur elle : le traitement
de la dépendance. Il s’agit pour la personne de se dégager en premier lieu de la
consommation de produits toxiques et de se réhabiliter. Elle se donne ainsi les moyens,
tant physiques que psychologiques, de faire face aux éventuels traumatismes anciens
qui seraient à l’origine de la prise de produits. Chaque histoire, chaque situation étant
particulière, le patient fera appel, dans un autre temps, à l’aide thérapeutique qui lui
conviendra le mieux.
Mais elle lui permettra également de faire face aux conséquences, souvent difficiles à
supporter, parce qu'empreintes de honte t de culpabilité, d'années de consommation
a) Pour parvenir à réaliser cet objectif, le MM s’appuie sur trois principes :
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le principe de réali : quelles est ma réalité, ma situation aujourd’hui ? Quelle est
ma consommation et quelles en sont toutes les conséquences ? Comment puis-je
affronter tout cela désormais ? Qu’est-ce que je veux pour ma vie aujourd’hui ? La
recherche de réalité entraîne naturellement le sujet à (re)découvrir la vérité, sa
vérité. Pour parvenir à
cela, il n’existe qu’une façon préalable d’être : celle d’être honnête envers soi et les
autres et de le rester.
Le principe de conscience : toucher à la réalité et (re)découvrir honnêtement
réalisent le réveil de la conscience. Qu’ai-je fait ? Culpabilités et hontes, qu’en fais-
je ? Puis-je réparer et comment ? Que puis-je changer ? Que dois-je accepter que je
ne puis changer ? Quelles responsabilités puis-je assurer dans mon rétablissement,
dans ma vie ?
Le principe d’émotions : Qui suis-je, qu’ai-je vécu ? Qu’ai-je ressenti ou non
ressenti, souffert, anesthésié dans ma sensibilité, dans mes désirs, dans ma
volonté, dans mon corps pour que le produit prenne la maîtrise de ma vie ? Ai-je
volé, agressé, menti, trompé pour pouvoir consommer ?
b) Les outils pour travailler ces trois concepts sont :
Un traitement résidentiel de plusieurs semaines (en général 6 à 12), suivi d’un
temps (de quelques mois à 1 an) en groupe thérapeutique hebdomadaire post-
résidentiel,
Un travail structuré et progressif inspiré des 12 étapes des groupes d’entraide (cf
in 2.1),
Un travail d’écriture introspectif,
Des entretiens individuels avec le conseiller ("counsellor") de référence (cf infra),
Des exposés thématiques réalisés par le médecin du centre ou un conseiller sur
des sujets liés à la dépendance et ses compétences,
Des entretiens familiaux,
Un cadre professionnel incluant des personnes ayant édépendantes, qui sont
en rétablissement depuis quelques années et qui sont formées à la méthode,
Un accompagnement visant la restauration sociale et la réinsertion globale,
Un environnement structuré, respectueux et sain,
La participation aux diverses organisations d’entraide et de self-help (auto-
support)
Chaque outil, pris isolément, est souvent inefficace. Pour parvenir à rendre le processus
thérapeutique opérationnel, la méthode a recours à l’extraordinaire force du groupe.
C’est au sein du groupe que les trois concepts décrits ci-dessus vont pouvoir s’identifier,
se conforter et se renforcer, dirigeant les énergies vers la réhabilitation.
La dynamique du groupe est catalyseur des différentes histoires et expériences
personnelles. C’est en ce sens que le MM est présenté comme une thérapie de groupe.
A la thérapie de groupe vient s’ajouter l’accompagnement individuel. Cette guidance
est également une composante essentielle du programme journalier des patients.
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Lors de son admission, chaque patient se voit attribuer un conseiller de référence,
conseiller vers qui il pourra à tout moment se tourner pour obtenir conseils et assistance,
et qui assure un suivi régulier de l’évolution du patients tout au long du traitement.
Les entretiens individuels sont surtout centrés sur l’impact de la dépendance active de la
vie du patient, le processus de déni, les difficultés rencontrées dans la confrontation au
groupe et les raisons/motivations à gagner/maintenir son rétablissement. Ces entretiens
soutiennent la personne dans le travail qu’elle réalise dans le groupe.
Un programme éducatif, sur la base d’exposés et de lectures, permet
l’approfondissement de thèmes importants en rapport avec la question de la dépendance
et ses corollaires dans le rétablissement, et le maintien de celui-ci (les maladies, les
signes de rechute, …).
Caractéristiques essentielles du Modèle Minnesota
2.1 Le modèle à étapes
C'est le mouvement Alcooliques Anonymes qui a élabole programme en 12 étapes,
allant de la fin de la consommation au rétablissement.
La philosophie du modèle à 12 étapes ne fait pas uniquement fonction de cadre de
réflexion pour conceptualiser la maladie, mais offre également une possibilité et une
trame de changement. La personne pendante qui s’engage dans le traitement peut en
tirer une perspective d’avenir.
Différentes phases sont traversées. En premier lieu, (étapes 1-3), la personne
dépendante accepte qu’elle ne peut exercer aucun contrôle sur la maladie et que le
rétablissement implique qu’elle fasse confiance à de l’aide extérieure. Ensuite (étapes 4-
7), un inventaire des conséquences de la dépendance est établi, ce qui accroît la prise
de conscience du problème et la volonté de changer. Dans une troisième phase (étapes
8-9), ces changements sont effectivement mis en pratique, pour enfin (étapes 10-12)
intégrer cette nouvelle attitude dans le cadre de vie et conserver le rétablissement
acquis.
Il faut insister clairement sur le fait que la perte de contrôle présumée, que la personne
dépendante doit reconnaître, ne porte que sur la relation à l’objet de la pendance.
L’usager n’est en aucune manière exempde sa responsabilité dans les chances de
réussite du processus de rétablissement. La même chose se vérifie en ce qui concerne
la confiance que la personne dépendante doit avoir dans l’aide extérieure. Les
recherches de Christo et Franey (1995) révèlent que l’adhésion à l’aspect spirituel du
traitement n’entraîne pas une perte de contrôle externe. Les auteurs remarquent plutôt
une tendance à une responsabilité personnelle accrue. C'est ici que s'établit le rapport
avec la thématique du sens.
A travers ces 12 étapes, le but recherché est d’accroître la conscience de soi chez la
personne dépendante. Ceci ne signifie pas seulement un inventaire autocritique de ses
forces et faiblesses, et de sa compréhension des conséquences de sa dépendance. Il
devra entrer également en contact plus étroit avec ses propres émotions et apprendre à
les différencier et à les exprimer dans un contexte lui apportant soutien et sécurité
affective.
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