CORPS DIFFÉRENTIELS ET FLOTS GÉODÉSIQUES I 3
hamiltonienne. Une première conséquence de cette structure hamiltonienne est l’existence d’une inté-
grale première rationnelle donnée par la conservation de l’énergie, qui permet de "témoigner" (de façon
élémentaire) de la non-orthogonalité aux constantes. Lorsque nous étudierons ces systèmes hamilto-
niens, nous nous restreindrons donc à travailler sur les lignes de niveaux de cette intégrale première,
c’est-à-dire à énergie fixée (comme dans le Théorème A).
Pour les équations hamiltoniennes, on a une compréhension très précise de la dynamique réelle de
leurs solutions que l’on décrit maintenant. Parmi les systèmes hamiltoniens, on trouve ceux qui sont
complètement (algébriquement) intégrables, c’est-à-dire qui possèdent un système complet d’intégrales
premières rationnelles en involution. C’est le cas, par exemple, des équations géodésiques de la sphère
S2plongée dans R3(et plus généralement, de toute surface algébrique de révolution). Dans ce cas,
la dynamique réelle est particulièrement simple car les orbites sont astreintes à se déplacer sur des
tores invariants. Pour de petites pertubations d’un système hamiltonien completement intégrable,
le théorème KAM (voir [Bos86]) montre que cette image dynamique est préservée pour le système
perturbé en dehors des résonances. Néanmoins, en 1899 donc bien avant le théorème KAM, Poincaré
[Poi57] avait déjà remarqué que pour certaines pertubations, la dynamique réelle au voisinage des
résonances était de nature contraire – ergodique – et que ce caractère ergodique était la source
de résultats de non-intégrabilité analytique pour le système considéré (voir aussi [MR99] pour une
présentation moderne de ces résultats).
Le critère d’orthogonalité aux constantes sur lequel s’appuie notre démonstration du Théorème A
est une variante modèle-théorique des arguments de non-intégrabilité à la Poincaré, reposant sur la
complexité de la dynamique topologique réelle des équations différentielles considérées.
Théorème B. Soient Xune variété absolument irréductible sur Ret vun champ de vecteurs rationnel
sur X. On note (M, φ)le flot régulier réel de (X, vX). Supposons qu’il existe une partie compacte K
de M, Zariski-dense dans Xet invariante par le flot φ.
Si (K, (φt|K)t∈R)est faiblement topologiquement mélangeant alors le type générique de (X, v)est
orthogonal aux constantes.
Par définition, M=X(R)\(Sing(X)∪Sing(v)) est la variété analytique réelle obtenue en retirant
àX(R)les singularités de Xainsi que les points où le champ de vecteurs rationnel vn’est pas défini.
Le champ de vecteurs vinduit alors un champ de vecteurs analytique sur Met (M, φ)est le flot
réel analytique de ce champ de vecteurs analytique. La restriction de ce flot à toute partie compacte
invariante Kde Mest alors un flot complet. Ce flot est dit faiblement topologiquement mélangeant si
tous ses produits sont topologiquement transitifs (voir la partie 3.2 pour des formulations équivalentes
de cette condition).
On remarquera que nous nous sommes affranchis de l’hypothèse hamiltonienne et que le Théo-
rème B traite plus généralement d’équations différentielles algébriques dont la dynamique réelle est
suffisamment sauvage (faiblement mélangeante) sur des régions compactes invariantes Zariski-dense.
Le cas des équations géodésiques en courbure strictement négative est certes hamiltonien mais
n’est pas obtenu par perturbation d’un système complètement intégrable. Aussi, le théorème KAM ne
donne aucune information sur sa dynamique. Les travaux d’Anosov [Ano67] sur les flots géodésiques en
courbure négative et de ses successeurs ([Cou04], [Dal99]) montrent en fait que sa dynamique est (au
contraire des systèmes complètement intégrables) topologiquement mélangeante sur l’ensemble tout
entier de ses points réels. En particulier, le Théorème A est une conséquence immédiate du Théorème
B et de l’étude de la dynamique des flots géodésiques en courbure strictement négative.
Cet article et le suivant sont organisés de la manière suivante. Le premier article est consacré à
la démonstration du Théorème B. Pour que ce texte soit accessible aussi bien aux théoriciens des
modèles qu’aux spécialistes de la dynamique des équations différentielles, nous avons essayé de donner
une présentation autonome des résultats que nous utilisons. La première partie est consacrée à une
exposition des résultats classiques de théorie des modèles autour de l’orthogonalité aux constantes.
La troisième partie se concentrera sur l’aspect dynamique de l’étude des équations différentielles et
la preuve du Théorème B, tandis que la deuxième partie est consacrée au formalisme des D-variétés