Liberté du commerce et de l`industrie

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02/04/2009 |
Liberté du commerce et de l'industrie
La liberté du commerce et de l'industrie, appelée aussi liberté économique (art. 27 de la Constitution
fédérale), l'un des droits de l'homme, garantit le libre choix et exercice de la profession, ainsi que le droit de
l'entreprise à prendre des décisions concernant ses affaires sans être limitée par des prescriptions de l'Etat.
En tant que droit fondamental formulé de manière autonome et s'appliquant aussi bien aux citoyens suisses
qu'aux étrangers installés dans le pays, la liberté du commerce et de l'industrie représente une particularité
helvétique. Elle est en étroite relation avec la liberté d'établissement et la garantie de la propriété, ainsi que
plus généralement avec les principes de l'économie de marché.
1 - Au temps des corporations et de la protoindustrie
Au Moyen Age, la notion de liberté économique n'était pas étrangère au commerce. L'économie urbaine
reposait en grande partie sur l'activité des marchands, que les droits municipaux et les marchés favorisaient.
Au XVe s., sur le territoire de la Suisse actuelle, des sociétés de commerce internationales, comme la
compagnie Diesbach-Watt domiciliée à Berne et à Saint-Gall, développèrent des réseaux européens, sans
intervention dirigiste de la part des villes où elles avaient leur siège. Dans l'artisanat, les entreprises à fort
profit, travaillant en gros et pour l'exportation, bénéficiaient aussi de cette liberté, notamment dans la
production de textiles (Zurich, Fribourg), de cuir (Berne) et de faux (Lucerne). Le travail indépendant des
femmes et l'établissement des étrangers étaient également admis. La liberté économique a largement
contribué à la prospérité des villes au bas Moyen Age.
Dès la seconde moitié du XVe s., le système économique imposé par les corporations, étendu à toute l'Europe,
mit fin à la liberté existante. Il interdisait aux artisans de vendre et aux commerçants de fabriquer, prohibait
les associations pour les uns et les autres. Le choix d'une profession et la création d'ateliers étaient soumis à
des restrictions. La concurrence était rendue impossible, non seulement par les directives sur les petites
entreprises, les prix et les salaires tarifés, mais aussi à cause des privilèges accordés aux membres des
corporations, à l'interdiction pour les femmes d'exercer une activité indépendante et, plus généralement, aux
restrictions d'établissement. Les interventions protectionnistes, notamment la mise à l'écart des marchands
étrangers par l'attribution sélective de patentes et l'interdiction d'importer certaines marchandises, violaient
la liberté du marché. Les douanes, qui avaient jusque là une fonction essentiellement fiscale, furent de plus
en plus utilisées pour isoler le marché. Les corporations, avec leur réglementation rigide et leur hostilité aux
innovations, paralysèrent la vie économique à tel point que le progrès et les changements ne se produisirent
plus qu'en dehors de l'artisanat.
Une certaine liberté économique put être reconquise dans des niches qui n'étaient pas contrôlées par les
corporations et grâce à de nouveaux types d'entreprises qui combinaient production et commerce, comme
dans le Verlagssystem capitaliste. Ces entreprises (tissage de la laine, travail de la soie, passementerie)
s'installèrent d'abord en ville, à Genève, Zurich et Bâle. Toutefois les conflits avec les corporations eurent des
conséquences. Les entrepreneurs genevois renoncèrent à poursuivre leurs activités; les Zurichois maintinrent
en ville le siège des entreprises, le tissage et les finitions, mais déplacèrent le filage à la campagne; quant
aux Bâlois, ils concentrèrent à la campagne le siège des entreprises et le travail à domicile pour la
passementerie et le filage de la soie. La production des toiles de lin en Suisse orientale s'appuyait à la fois sur
les villes (Constance, Saint-Gall) et la campagne. En revanche, la protoindustrie (protoindustrialisation) des
XVIIe et XVIIIe s. se développa le plus souvent à la campagne, loin des villes et de l'interventionnisme des
corporations; ce fut le cas pour les toiles dans les régions de Berne et de Lucerne, l'industrie cotonnière dans
les régions industrielles de l'Argovie jusqu'en Suisse orientale, et la filature de fleuret en Suisse centrale. Ces
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activités, pour la plupart en main d'entrepreneurs ruraux, étaient exclusivement le fait de travailleurs à
domicile.
Auteur(e): Anne-Marie Dubler / MBA
2 - Evolution du droit depuis la République helvétique
2.1 - République helvétique et XIXe siècle
Les libertés fondamentales, qui s'imposèrent progressivement à partir de l'Helvétique (1798), permirent à la
Suisse de connaître une industrialisation rapide. Le processus de libéralisation (qui incluait la suppression,
pour l'agriculture, de l'assolement obligatoire) fut en revanche extrêmement long, car les métiers réglés et
les entreprises qui avaient jusque là joui de privilèges s'opposaient obstinément à toute dérégulation, comme
ce fut le cas, par exemple, des associations de transporteurs des cols alpins.
C'est sous la République helvétique que la liberté et l'égalité furent garanties à tous les Suisses et sur
l'ensemble du territoire, mais sans que la liberté du commerce et de l'industrie en tant que droit économique
spécifique ne soit encore octroyée. En France, la Constitution de 1793 (art. 17) et celle de 1795 (art. 5 sur la
garantie de la propriété comprise au sens large) avaient inclus un droit de ce type. Sans aller aussi loin que
ces modèles, la Constitution helvétique de 1798 (art. 9) se limita à la garantie de la propriété, notion proche
de la liberté de commerce et d'industrie. La législation, compte tenu de l'expérience de quelques cantons
avec une économie corporative étroite, préserva la liberté économique. En revanche, tous les essais du
gouvernement pour supprimer les douanes intérieures sur les voies de communication les plus importantes et
pour unifier les douanes extérieures afin de créer un marché intérieur furent voués à l'échec.
Il fallut attendre l'acte de Médiation de 1803 pour que les douanes soient libéralisées (chapitre XX, art. 5 et
6). Il fut alors interdit d'introduire de nouvelles douanes intérieures et celles existantes devaient être
confirmées chaque année par la Diète. La liberté économique, liée à la liberté d'établissement, était en outre
explicitement garantie (chapitre XX, art. 4). Le Pacte fédéral de 1815 rétablira par contre presque
complètement la souveraineté des cantons en matière économique.
Dès 1830, les cantons commencèrent à garantir la liberté économique dans leurs chartes fondamentales. La
Constitution fédérale de 1848 donna à la Confédération le pouvoir de supprimer les douanes intérieures (art.
24 et 27) et garantit en outre la liberté du commerce intercantonal, les activités commerciales purement
cantonales n'étant d'abord pas touchées (art. 29). C'est ainsi que les corporations purent se maintenir
quelque temps dans plusieurs cantons de Suisse alémanique, comme à Bâle-Ville jusqu'en 1874. La
Constitution fédérale conféra aussi le droit d'établissement à tous les Suisses, pour autant qu'ils soient
chrétiens (art. 41). Les juifs ne purent donc profiter de cette nouvelle liberté et des possibilités de
développement qu'elle procurait.
Après que cette restriction confessionnelle eut été supprimée en 1866, la Constitution fédérale de 1874
garantit définitivement la liberté économique comme droit fondamental (art. 31). Les dispositions
constitutionnelles cantonales n'eurent dès lors plus qu'un caractère indicatif ou, dans les cas où elles allaient
plus loin que la Constitution fédérale, complémentaire. Basé sur la nouvelle Constitution, un droit des
obligations fut instauré en 1881, premier pas vers une réglementation des échanges économiques privés pour
l'ensemble de la Suisse.
Auteur(e): Christoph Winzeler / MBA
2.2 - Evolution au XXe siècle
Avec la nouvelle version du droit des obligations entrée en vigueur avec le Code civil en 1911, le droit du
commerce fut encore consolidé. La partie concernant le droit commercial - droit des entreprises, des sociétés
et des papiers-valeurs - fut fondamentalement révisée en 1936, partiellement en 1991 (droit des sociétés
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anonymes).
Bien que l'idée de base de la liberté économique ait dès l'origine présupposé la garantie de la concurrence,
lors de la rédaction de la Constitution, l'accent fut d'abord mis sur la liberté d'entreprendre. Selon la
compréhension de l'époque, cette liberté incluait le droit d'éliminer la concurrence par des ententes entre
entreprises et des cartels. Les articles économiques du 6 juillet 1947 ne prévoyaient pas leur interdiction,
mais seulement des mesures "pour remédier aux conséquences nuisibles, d'ordre économique ou social, des
cartels ou des groupements analogues" (art. 31bis, alinéa 3). Les lois sur les cartels de 1962 et 1985
reposaient sur la même conception. L'accent mis sur les aspects entrepreneuriaux de la liberté économique
signifiait que celle-ci, en tant que droit individuel, appartenait non seulement aux personnes physiques, mais
aussi morales, particulièrement aux sociétés commerciales.
C'est avec la loi sur les cartels de 1995 que le législateur introduisit un changement de paradigme en
renforçant la protection de la concurrence, protection longtemps contestée au niveau politique. Cette loi
interdit en principe toute entente sur les prix, les quantités et la répartition des marchés (sauf cas justifié) et
prévoit un contrôle des fusions d'entreprises. La Constitution fédérale de 1999 va dans le même sens. Elle
garantit la liberté de commerce et d'industrie sous la dénomination de "liberté économique" (art. 27), donne
une base constitutionnelle au droit de la concurrence (art. 96) et, bien plus, mentionne expressément celle-ci
comme une garantie pour la liberté économique (art. 94, alinéa 4).
Des dérogations au principe de la liberté économique sont en principe admises (art. 36). Elles sont pour la
plupart motivées par des raisons policières (défense contre certains dangers, protection du principe de la
bonne foi dans les affaires), également par la surveillance des banques et des assurances (art. 98). Ces
restrictions ne sont tolérées que si elles sont prévues par la Constitution fédérale ou fondées sur les droits
régaliens des cantons (art. 94, alinéa 4). On en trouve des exemples dans la politique agricole, la politique
économique extérieure, ainsi que dans certains domaines de la politique conjoncturelle.
Auteur(e): Christoph Winzeler / MBA
Références bibliographiques
Sources imprimées
– A. Kölz, Quellenbuch zur neueren schweizerischen Verfassungsgeschichte, 2 vol., 1992-1996
Bibliographie
– H. Bauer, Von der Zunftverfassung zur Gewerbefreiheit in der Schweiz, 1798-1874, 1929
– H. Marti, Die Wirtschaftsfreiheit der schweizerischen Bundesverfassung, 21976
– R. Rhinow, «Art. 28-31bis und 31quater BV», in Commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération
suisse, éd. J.-F. Aubert et al., 1988-1991
– U. Pfister, «Protoindustrialisierung», in L'hist. en Suisse, 1992, 67-78
– E. Grisel, Liberté du commerce et de l'industrie, 2 vol., 1993-1995
– Ch. Winzeler, «Die Wirtschaftsfreiheit in der schweizerischen Verfassungsgeschichte des 19. und 20.
Jahrhunderts», in RDS, N.S. 113 II, 1994, 409-432
– R. Rhinow et al., Öffentliches Wirtschaftsrecht, 1998, 27-57
– P. Caroni, "Privatrecht": Eine sozialhistorische Einführung, 21999
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