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10/02/2015 |
Histoire économique
Cette discipline scientifique s'est développée en Suisse vers 1900, à l'intersection des sciences économiques
et de l'histoire. Dans les universités où elle a été introduite comme branche autonome, son rattachement est
resté précaire jusqu'à nos jours: elle a été attribuée tantôt à la faculté des sciences économiques et sociales,
tantôt à celle des lettres. Pourtant, elle était un sujet d'études déjà avant son institutionnalisation. Adam
Smith et Karl Marx, pères fondateurs de l'économie moderne, lui empruntèrent le matériel documentaire dont
ils tirèrent leurs vues théoriques. La première chaire fut créée à Harvard en 1892. L'université de Genève
suivit l'exemple en 1902, plusieurs années avant l'introduction de la discipline en Allemagne (1909) et en
France (1927). L'histoire économique répondait aux besoins d'interprétation induits par les transformations
socio-économiques accélérées de l'époque. Elle était aussi une conséquence de l'extension des universités et
de la différenciation du système scientifique. En outre, elle comblait le vide laissé par la disparition de l'école
historique de l'économie politique de Gustav Schmoller, et par la mathématisation croissante des sciences
économiques.
La chaire genevoise, occupée depuis 1913 par William Emmanuel Rappard, resta longtemps unique en Suisse.
Quelques historiens s'occupaient certes d'histoire économique mais ils restaient en marge de la "corporation"
(tel l'archiviste cantonal argovien Hektor Ammann) ou l'intérêt pour leurs recherches ne survivait pas à leur
retraite. La matière était marginalisée par une histoire politique conservatrice, qui se considérait comme une
science de la légitimation nationale. Ce n'est que dans les décennies 1960 à 1980 qu'elle prit son essor. Les
raisons en furent l'augmentation du nombre des étudiants, le réveil social, les nouveautés techniques
(l'ordinateur) et l'influence de modèles étrangers (Ernest Labrousse, Fernand Braudel, Walt Whitman Rostow).
L'histoire économique suisse de ces décennies se concentra notamment sur l'histoire de l'industrialisation
(Jean-François Bergier, Franklin F. Mendels, Hansjörg Siegenthaler), de l'agriculture (Markus Mattmüller,
Rudolf Braun), des villes (Paul Bairoch, Bruno Fritzsche, Anne-Marie Piuz) et de l'environnement (Christian
Pfister). L'institutionnalisation de la branche resta toutefois limitée. La chaire de Genève se transforma en
institut; à l'université de Zurich, trois chaires forment depuis 1971 un centre de recherches en histoire
économique et sociale. Le département d'histoire économique, sociale et environnementale de l'université de
Berne a été créé en 1997. La Société suisse d'histoire économique et sociale, fondée en 1974, tient des
sessions annuelles. La recherche extrauniversitaire demeure rare, l'intérêt du monde économique, limité: les
Archives économiques suisses, installées à Bâle en 1910, se bornent à réunir de la documentation; les livres
anniversaires des entreprises s'adressent à un public profane plutôt qu'aux professionnels; le centre d'histoire
économique et sociale parrainé par la Banque cantonale de Lucerne n'a existé que de 1973 à 1982.
Depuis les années 1980, l'histoire économique est restée dans l'ombre de nouvelles disciplines, telles
l'histoire culturelle et l'histoire des femmes. Le tournant dit culturaliste des années 1990 lui fit perdre de
l'importance, les méthodes quantitatives étant passées à l'arrière-plan. Certes il va maintenant de soi, pour
comprendre n'importe quelle époque, que dans le processus des mutations historiques les éléments
constitutifs de l'économie, de la structure sociale, des institutions politiques et de la vie culturelle
s'interpénètrent (même les histoires cantonales et locales s'inspirent désormais de cette prémisse). D'un
autre côté, il n'existe pas en Suisse une recherche de base continue dans les différents secteurs de l'histoire
économique (finance, agriculture, entreprises, transports, techniques et commerce). Même la Commission
indépendante d'experts chargée d'étudier le comportement de la Suisse pendant la Deuxième Guerre
mondiale et présidée par Bergier, n'a rien changé à cela: elle s'est limitée à enquêter sur l'interdépendance
de l'économie publique suisse avec l'Allemagne nazie. Les résultats de l'histoire économique suisse ne
suscitent que peu d'intérêt hors de nos frontières, car les travaux sont rarement menés sur une base
comparative internationale ou en association avec l'étranger.
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Bibliographie
– G. Ambrosius et al., éd., Moderne Wirtschaftsgeschichte, 1996
Traverse, 2010, n° 1
Auteur(e): Christoph Maria Merki / FP
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