CAMPANIE LES CHAMPS PHLEGREENS A quelques kilomètres à l’ouest de Naples s’étend une région insolite, née de la rencontre de l’eau et du feu : un enchevêtrement de cratères volcaniques qui dissimulent leur passé explosif tantôt sous les eaux d’un lac ou d’une baie, tantôt sous un épais maquis. Les Grecs donnèrent à cette région le nom de Champs Phlégréens ❖ et crurent y reconnaître l’entrée des Enfers. ❖ du grec phlegreos = ardent, brûlant UNE ZONE AU VOLCANISME INTENSE SITUATION Pour les géologues, les Champs Phlégréens regroupent sur 150 km2 à l’ouest de Naples, plus de quarante édifices volcaniques ; les îles de Procida et Vivara appartiennent à cet ensemble, de même que quelques cratères immergés en baie de Pouzzoles. L’île d’Ischia, volcanique elle aussi, que les Grecs rattachaient aux Champs Phlégréens, est, pour les géologues, un massif indépendant. Cratères récents (- de 35.000 ans) ❖ Caldera (d’un mot portugais signifiant chaudière) ; vaste dépression volcanique de forme circulaire dont le fond est plat. LA NAISSANCE DU MONTE NUOVO Ligne de côte et contours des lacs dans l’antiquité 1 - Lac d’Averne 2 - Solfatare 3 - Grotte du Chien 4 - Temple de Sérapis 5 - Monte Nuovo En 1538, un volcan surgit de terre près du lac Lucrino : quand l’éruption décline, une semaine plus tard, le nouveau-né a 140m de haut ! Voici le témoignage d’un contemporain : “…Le 27 et le 28 du mois de septembre dernier, les tremblements de terre se firent sentir nuit et jour continuellement dans la ville de Pouzzoles…En même temps, la mer qui était très voisine de la plaine fut desséchée l’espace d’environ deux cents pas, à tel point que les poissons restèrent sur le sable…Le 29, la terre s’ouvrit près du lac et présenta une bouche épouvantable qui vomit avec furie de la fumée, du feu, des pierres… Les pierres étaient converties en ponces par les flammes dévorantes, et la grandeur de quelquesunes surpassait celle d’un bœuf…” UNE STRUCTURE COMPLEXE L’activité débuta dans les Champs Phlégréens il y a 2 millions d’années, pour aboutir à la formation d’un grand volcan, l’Archiphlégréus. Il y a 37.000 ans, ce volcan explosa violemment , envoyant ses cendres jusqu’en Méditerranée orientale. A la suite de ce cataclysme, l’Archiphlégréus s’effondra, ouvrant une caldera ❖ de 13 km de diamètre. Dans cette caldera, un autre grand volcan s’est développé et a explosé à son tour il y a environ 12.000 années, entraînant la formation d’une deuxième caldera. C’est dans dans cette zone que les éruptions volcaniques se poursuivirent par intermittence jusqu’en 1538. Aujourd’hui de nombreuses sources thermales, des fumerolles, la variation du niveau de la terre … sont les témoins d’une activité volcanique assoupie. UN PHÉNOMÈNE EXTRAORDINAIRE Depuis au moins 8.000 ans, toute la région est soumise à un étrange phénomène appelé bradysisme : le niveau du sol monte ou descend, comme une sorte de marée terrestre qui peut avoir plusieurs mètres d’amplitude, au cours de périodes allant de plusieurs siècles à quelques jours seulement. Ce phénomène est lié à la présence souterraine d’un grand réservoir de magma instable dont les mouvements déforment verticalement la surface terrestre. Il s’accompagne généralement de nombreux tremblements de terre. Ainsi sur les colonnes du temple de Sérapis des traces de coquillages marins lithophages ❖ jusqu’à une hauteur de 5,80m prouvent que cet édifice romain fut pendant un temps plongé sous les eaux de la baie de Pouzzoles. La découverte de nombreux édifices romains aujourd’hui immergés, montrent bien que le niveau de la côte a globalement beaucoup baissé en 20 siècles. En 1538, à la veille de l’éruption du Monte Nuovo, le sol tout autour du lac d’Averne se souleva de 6m, pour retomber de 4m, sitôt l’éruption terminée. Entre 1982 et 1985, la ville de Pouzzolles se souleva de 1,80 m (soit près de 5cm par mois), avec une activité sismique intense, fissurant les maisons et faisant craindre l’imminence d’une éruption. le sol est depuis redescendu d’environ 80 cm, mais les quais du port sont toujours trop hauts ! ❖ qui mangent la pierre QUELQUES CURIOSITÉS LIÉES AU VOLCANISME Lac Lucrino actuel Antique ligne de côte & limite antique du lac Lucrino Croquis mettant en évidence l’effet du bradysisme sur le contour du littoral LA SOLFATARE Strabon, géographe grec du 1er s av JC, l’appelait Forum Vulcani, demeure du dieu du Feu. Des boues bouillonnantes Ce cratère mesure 600 mètres de diamètre, son fond est situé à 100 mètres sous la lèvre ; au centre du cratère clapotent trois mares de boues grises, riches en éléments chimiques (bore, sodium, magnésium, arsenic, zinc,etc), brassées par des gaz dont la température varie entre 95° et 150°C. La Grande Fumerolle Contre le versant est du cratère, une bouche, la bocca grande, rejette une importante colonne de vapeur d’eau et de gaz sulfhydrique (H2S), à l’odeur caractéristique. Elle contient des sels (dont le fameux cinabre -sulfure de mercure- rouge vermillon utilisé dans les fresques antiques) qui colorent en jaune orangé ses abords. Sa température est de 160°C. Thermalisme Une nappe d’eau minérale à 10m de profondeur, est exploitée pour les curistes, ainsi que deux “étuves” creusées dans la montagne, où chaleur et odeur sont assez suffocantes. Dans ces saunas naturels, on soigne des maladies de la peau et des voies respiratoires, ainsi que les rhumatismes. Une faune diversifiée Dans le cratère s’est développé un micro-climat, plus chaud et plus humide, permettant à de nombreuses variétés de plantes de pousser, du châtaignier à l’eucalyptus, en passant par la bruyère, le ciste, la myrte, le genêt ... Les étuves ou grottes thermales LA GROTTE DU CHIEN Elle se trouve dans le cratère voisin d’Agnano. Sur son plancher s’écoule vers l’extérieur du gaz carbonique plus lourd que l’air. Cette nappe incolore stagne en bas et pour la mettre en évidence, les guides des 18e et 19e siècles introduisaient dans la grotte un chien qui s’évanouissait aussitôt et qu’on réanimait dans l’eau du lac proche, asséché depuis. Un chien ne résistait pas à plus de 15 passages dans la grotte ! Rassurez-vous elle est maintenant fermée aux touristes. UNE ZONE À HAUTS RISQUES Dans la perspective d’une reprise de l’activité volcanique, les Champs Phlégréens sont placés sous haute surveillance (la naissance du Monte Nuovo avait coûté la vie à une centaine de personnes). Lors d’une alerte en 1983, les autorités ont fait évacuer 20 000 habitants du centre de Pouzzoles dont les maisons se lézardaient dangereusement, mais l’éruption redoutée ne s’est pas produite. LES SOURCES THERMALES Des entrailles des volcans des Champs Phlégréens jaillissent aussi un grand nombre de sources thermales dont les vertus thérapeutiques sont connues depuis l’antiquité (vestiges de bains thérapeutiques à Baies, près du lac d’Averne, dans le cratère d’Agnano - où est établi un grand ensemble de cure moderne - ). LE LAC D’AVERNE Au fond d’un cratère partiellement inondé, ses eaux sombres et jadis fumantes avaient poussé les Grecs à reconnaître en lui la bouche des Enfers par laquelle Enée s’était glissé pour aller rejoindre l’âme de son père. Texte, conception et réalisation : Patrice MAURIES - Michèle GOZARD - Edition 2001