Le groupement villageois : pertinence d`une organisation d

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Le groupement villageois :
pertinence d’une organisation
d’économie sociale
au Burkina Faso1
SOULEYMANA SOULAMA
Agrégé de la Faculté
des sciences économiques
Université de Ouagadougou
Burkina Faso
[email protected]
RÉSUMÉ • Cet article traite de la pertinence du groupement villageois (GV) face à l’apparition récente de
nouvelles organisations paysannes. Contre la thèse qui
prône la fin des GV, l’article laisse entendre que celui-ci
a encore un rôle essentiel à jouer comme acteur de développement socioéconomique, dans le contexte actuel de
sous-équipement agricole des paysans, d’insuffisance
d’offre de crédit, de déficit d’offre de biens et services
publics. En fait, au plan conceptuel, le GV est une
organisation d’économie sociale de « type associatif
communautaire ». Il combine en son sein, de manière
structurelle, l’économique et le social, le marchand et le
non-marchand, le marché et la solidarité associative, le
tout au service du développement socioéconomique du
territoire villageois. Malgré les limites que lui imposent
sa nature et les stratégies d’acteurs, il est plus apte que
les organisations professionnelles naissantes à traduire
l’intérêt collectif et à promouvoir le développement
socioéconomique du village.
ABSTRACT • This paper examines the relevance of
the “groupement villageois” or GV (community-based
village organization) in Burkina Faso compared with the
more recent peasant organizations. GV’s seem to be
facing their demise. However this article suggests that
the GV’s still have an essential role to play in rural economic development, due to the under-development of
the rural areas, the inadequacy of the rural credit market
and the deficit supply of public goods and services. In
fact, on a conceptual level the GV’s can be considered a
“community-based social economy organization”, for
they combine within their very structure both an
economic and a social outlook, both the market and a
community-based solidarity, in order to better serve the
socio-economic development of the village. In spite of
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limits due to its nature and the strategies of various actors, the GV’s are more apt
than the new professional peasant organizations to promote public interest and the
socio-economic development of the entire village.
RESUMEN • Este artículo trata de la pertinencia del groupement villageois (GV)
en Burkina-Faso frente a la aparición reciente de nuevas organizaciones campesinas.
Contra la tesis que vaticina el fin de los GV, el artículo sugiere que estos regrupamientos juegan aún un rol esencial como actores de desarrollo socioeconómico en
el contexto actual de sub-equipamiento agrícola de los campesinos, de la
insuficiencia de créditos, del déficit de bienes y servicios públicos. De hecho, en el
plano conceptual, el GV es una organización de economía social de tipo comunitario.
Combina de manera estructural, lo económico y lo social, lo mercantil y lo no
mercantil, el mercado y la solidaridad asociativa, todo ello al servicio del desarrollo
socioeconómico del territorio local (comunidad campesina). A pesar de los límites
que son impuestos por la naturaleza y las estrategias de los actores, el GV logra
traducir mejor que las organizaciones profesionales en emergencia el interés
colectivo y promover el desarrollo socioeconómico de toda la comunidad campesina.
—•—
INTRODUCTION : LE GROUPEMENT VILLAGEOIS (GV),
UNE ORGANISATION EN VOIE DE DISPARITION ?
Les années 1990 ont été marquées au Burkina Faso2, par l’émergence de nouvelles organisations paysannes3 et le risque de disparition4 des groupements
villageois. Cette situation a été favorisée par le processus de mondialisation et
de désengagement de l’État qui, tous deux, poussent à la spécialisation des
organisations paysannes dans le milieu rural, à leur professionnalisation. Les
théories économiques explicatives de l’émergence des nouvelles organisations,
fondées sur l’individualisme méthodologique et l’ « économisme » semblent
corroborer la thèse de la fin des groupements villageois. Les performances économiques et sociales parfois mitigées des groupements villageois et/ou le
surendettement des groupements villageois des zones cotonnières achèvent de
convaincre de l’inutilité de ces derniers et de la nécessité de passer à des formes
d’organisation « supérieures ». Tout se passe donc comme si les nouvelles
organisations paysannes étaient de même nature, de « qualité supérieure » et
substituables aux groupements villageois ; ceux-ci auraient fini de jouer un rôle
significatif dans le développement économique et social. Certes, la littérature
abondante et parfois critique qui leur a été consacrée, notamment dans les
décennies 1970 et 1980 (Gosselin, 1969 ; Belloncle, 1978, 1984 ; Esman et Uphoff,
1984 ; Gentil, 1984, 1986 ; Pradervand, 1989 ; Mercoiret, 1992 ; Jacob et Lavigne
Delville, 1994 ; Olivier de Sardan, 1995), pourrait laisser croire que tout a été dit
sur les organisations coopératives et de type coopératif. Cette littérature a
éclairé, en effet, bien des aspects des organisations paysannes en Afrique. Les
critiques sur l’égalitarisme et la solidarité africaine (Meister, 1977 ; Gentil, 1984),
la mise en garde contre l’universalisme coopératif (Belloncle, 1984), la mise en
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évidence des stratégies des acteurs à l’intérieur des organisations paysannes
(Jacob et Lavigne Delville, 1994 ; Olivier de Sardan, 1995), l’échec de nombreuses
expériences ont montré les limites effectives des organisations paysannes. La
littérature économique plus récente, économie des organisations et des institutions, théorie du capital social, a inspiré une théorie explicative de l’efficacité
des organisations paysannes et remis à l’ordre du jour la problématique des
organisations paysannes. Ce qui est toutefois en cause aujourd’hui, c’est moins
la question de l’efficacité absolue des groupements villageois, de leurs limites,
que celle de leur existence même en tant qu’organisations paysannes.
L’émergence des nouvelles organisations paysannes pose en effet le problème de la pertinence du groupement villageois. Cet article laisse entendre que,
si le groupement villageois est défini comme étant une organisation d’économie sociale à l’échelle du village, alors il a encore un rôle essentiel à jouer dans
le processus de développement économique et social dans les milieux ruraux.
Il en est ainsi en premier lieu parce l’existence même au niveau villageois de
besoins qui ne sont pris en compte ni par le secteur privé, ni par l’État, et donc
l’existence d’une fonction de production de biens et de prestations de services
collectifs au niveau villageois justifie de fait l’existence des groupements
villageois. En conséquence, la disparition des groupements villageois et leur
remplacement dans un même village, par une multitude d’organisations spécialisées, de nature différente, et dont les missions sont également différentes,
feront en sorte que des fonctions essentielles jadis remplies par les groupements
villageois risquent de ne plus l’être. Par exemple, il s’agit d’abord de la fonction
importante de production des biens et services collectifs au niveau villageois ;
il s’agit ensuite de la fonction d’intermédiation avec l’extérieur : désormais, qui
va prendre en charge au niveau du village, la dimension collective du développement économique et social, la construction et l’entretien des infrastructures
collectives (écoles, centres de santé, construction de barrages, etc.) ? Qui va
jouer le rôle d’intermédiation entre le village et les intervenants extérieurs ?
Outre le fait que la spécialisation généralisée des organisations paysannes n’est
pas compatible avec les systèmes traditionnels de production où les producteurs gèrent le risque en diversifiant leurs productions et leurs activités plutôt
qu’en se spécialisant, la spécialisation actuelle des organisations paysannes est
favorable au développement d’un individualisme qui conduit à l’abandon
de la fonction de production d’un surplus collectif au niveau villageois et de
son affectation dans l’intérêt de la collectivité villageoise. Les organisations
paysannes émergentes ont-elles pour mission de résoudre les problèmes
socioéconomiques à l’échelle du village ? Le mode d’affectation de leur surplus
à l’avantage de leurs seuls adhérents les détourne des objectifs communautaires.
On peut imaginer que les organisations professionnelles de producteurs d’un
village s’accordent pour mettre en place une structure de coordination, de
concertation et un mécanisme de constitution d’un fond villageois affecté à la
production des biens et services collectifs ; mais ce processus ne fera que
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confirmer a posteriori l’insuffisance des organisations professionnelles et
la nécessité d’une institution de type « groupement villageois » si tant est que
celle-ci est chargée de la production et de l’affection du surplus au niveau du village.
En deuxième lieu, il apparaît que la manière la plus efficace de combler
le déficit d’offre de biens et services collectifs au niveau villageois est de procéder par l’association de l’économique et du social au sein d’une même unité
de production ; cela justifie la nature de ces institutions en tant qu’organisation
d’économie sociale. Il existe donc une place dans les villages pour les organisations d’économie sociale qui opèrent non pas au niveau des spécialisations,
mais à l’échelle même du village. Les nouvelles organisations paysannes ne sont
donc pas substituables aux groupements villageois. Dès lors, montrer qu’il
existe des fonctions de production de biens et services collectifs à l’échelle du
village, que ces biens et services sont d’autant mieux produits qu’ils le sont par
des organisations d’économie sociale, que le groupement villageois est une
organisation d’économie sociale, aide à faire la différence entre celui-ci et les
organisations émergentes, aide à préciser le rôle et la fonction des groupements
villageois aux côtés des autres organisations paysannes, à évaluer leurs performances économiques et sociales. Il devient possible de « réhabiliter » ainsi le
groupement villageois, si l’on remet au premier plan les questions fondamentales relatives à la nature même de ces organisations au plan théorique et
conceptuel, à la nature des activités qu’elles peuvent prendre en charge avec
succès, à la nature et à la destination du surplus qu’elles génèrent. Ne s’agit-il
pas en fait, d’une composante de l’économie sociale à l’échelle du village tout
entier ? Quelle est sa particularité ? L’approche officielle du groupement villageois éclaire très peu sur la nature et les fonctions précises de ce dernier par
rapport à l’économie sociale malgré le qualificatif officiel de « pré-coopérative »
qui situe le groupement villageois dans le champ de l’économie sociale et sousentend une transformation nécessaire du groupement villageois en coopérative.
La réponse à ces questions passe par l’examen des activités économiques mises
en œuvre par les groupements villageois, d’une part, et, d’autre part, par la
caractérisation du mode d’affectation du surplus engendré par ces activités productives. À un certain niveau d’abstraction, on peut admettre, toutes activités
productives confondues, que le groupement villageois est une organisation
d’économie sociale de « type associatif communautaire », une unité de production d’un surplus collectif à l’échelle d’un village et d’affectation de ce surplus
au profit de la communauté villageoise.
Pour mener cette analyse, on montrera dans un premier temps, l’importance
qu’ont eu les GV dans un passé récent au Burkina Faso tant du point de vue de
leur effectif que du point de vue des activités menées et des fonctions assurées ;
dans un deuxième temps, l’étude de leurs performances organisationnelles et
économiques de même que du mode d’allocation des ressources et d’affectation
du surplus permettra de les caractériser comme étant une composante de
l’économie sociale et de discuter de leur pertinence dans un troisième temps.
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LE GROUPEMENT VILLAGEOIS,
RÉALITE AU BURKINA FASO
La formule du groupement villageois (groupement villageois au Burkina Faso
et au Bénin, Association villageoise au Mali et au Sénégal, groupement villageois
à vocation coopérative en Côte-d’Ivoire…) est apparue dans les années 1970,
sous le vocable de développement communautaire. Les textes portant sur le
statut général des Groupements pré-coopératifs et sociétés coopératives au
Burkina Faso5 définissent les groupements villageois comme étant « des organisations volontaires à caractère économique et social jouissant de la personnalité morale et dont les membres ont des intérêts communs ». Leur objet s’étend
à « toute activité économique, sociale et culturelle visant au bien-être de leurs
membres et de la communauté ». Implicitement, le groupement villageois
est une organisation de développement socioéconomique qui associe en son
sein, de manière structurelle, l’économique et le social, le marchand et le
non-marchand, le tout, au service du développement socioéconomique du
territoire villageois. C’est dans cette perspective que le groupement villageois
a constitué, jusqu’au milieu des années 1990, la structure de base des stratégies
de développement rural.
Les groupements villageois,
quelques évidences empiriques
Avec un effectif de plus de 15 000 groupements villageois en 1996 contre
120 coopératives environ, toute catégorie confondue, le groupement villageois
est la composante la plus importante des organisations paysannes au Burkina
Faso. On distingue respectivement (tableau I) selon le sexe, l’âge et l’activité,
les groupements villageois des hommes (51,80 %), les groupements villageois
des femmes (30,60 %) et les groupements villageois mixtes (13,20 %). Les autres
catégories, d’importance moindre, groupements des jeunes agriculteurs,
groupements des jeunes installés et groupements autour des barrages, représentent 5,50 % des effectifs. L’appartenance du membre au terroir villageois
est un critère essentiel d’adhésion même si la référence au terroir villageois
n’empêche pas qu’il y ait une différenciation des sous-groupes ou sous-sections
de l’association villageoise, selon le sexe, les groupes d’âges ou la profession.
Le groupement est donc une association préalable des membres d’un territoire
villageois ; ensuite seulement, il entreprend dans l’intérêt de ses membres des
activités productives qui peuvent n’intéresser qu’un sous-ensemble des membres
du groupement initial. C’est pourquoi les groupements villageois ont été et
sont encore les partenaires et intermédiaires privilégiés de nombreuses organisations non gouvernementales (ONG) et/ou associations de développement
qui interviennent dans les milieux ruraux. Dans presque toutes les situations
d’intervention au profit d’un village, d’une région ou d’un département, l’existence préalable ou la constitution de groupements villageois (ou d’unions de
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groupements villageois) est une condition (Piveteau, 1998, p. 243-244) imposée
par les intervenants. C’est en cela que le groupement villageois diffère de
certaines formes d’organisations nouvelles, notamment les organisations
professionnelles de producteurs telles que le groupement de producteurs de
coton. S’il ne peut exister qu’un seul groupement villageois dans un village, il
peut par contre exister, et c’est la situation générale, plusieurs groupements de
producteurs de coton dans un seul village.
Tableau I
Situation des GV selon la nature
Nature
GVH
GVF
GVM
GJA
GJI
GB
Total
Effectif
%
8 029
51,80
4 742
30,60
2 044
13,2
380
2,5
218
1,4
81
0,5
15 494
100
Source : Compilation des données du ministère de l’Agriculture et des Ressources
animales, 1996.
Tableau II
Situation des GV selon les secteurs d’activité
Nature
A-M-E6
Forêt
Art.
Effectif
%
14 655
94,6
143
0,9
271
1,75
Ep. et Cr. Pêche
146
0,9
Autres
Total
181
1,15
15 494
100
98
0,7
Source : Compilation des données du ministère de l’Agriculture et des Ressources
animales, 1996.
La répartition des groupements villageois par secteur d’activité révèle une
forte représentation dans le secteur primaire. En regroupant l’agriculture,
l’élevage, le maraîchage, l’environnement et la pêche dans le secteur primaire
classique (voir le tableau II), celui-ci concentre 96,2 % des effectifs. Ils sont peu
nombreux dans les autres secteurs, soit artisanat, épargne et crédit entre autres
(1 à 2 % de la population). Sur le plan géographique, il existe deux zones caractéristiques de développement des GV : la région Nord-Ouest (Yatenga, Passoré,
Bam) et la région Centre-Ouest (Mouhoun, Sourou, Kossi). La première région
connaît ces dernières années un développement des cultures de contre-saison
avec une variante de GV qu’est le « Groupement Naam ». La seconde région a
une longue tradition de culture du coton. Ces deux régions concentrent à elles
seules plus des deux tiers de cette forme d’organisation paysanne.
Les activités économiques et socioéconomiques
Pour accomplir leur mission, deux grandes catégories d’activités productives
sont en général pratiquées par les GV : des activités productives marchandes et
des activités productives non marchandes. En théorie, et dans une perspective
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où le groupement villageois est au service du développement socioéconomique
local, les activités productives non marchandes sont financées par les surplus
dégagés par les activités productives marchandes.
Les activités productives marchandes
Les activités productives marchandes englobent toutes les activités de prestations de biens et services marchands utiles et nécessaires, de faible rentabilité
financière et non prises en compte par le secteur privé. Ces activités permettent
non seulement de répondre à des besoins formulés par les adhérents, mais aussi
de fournir des prestations de qualité et de dégager sur le plan économique et
financier des fonds qui seront réinvestis dans la production ou dans les réalisations socioéconomiques. Parmi l’éventail des activités productives, on relève
cinq activités ou catégories d’activités caractéristiques.
En premier lieu, le groupement villageois se caractérise par l’exploitation
d’un champ collectif ou « chantier école ». Le champ collectif est mis en valeur,
soit comme cadre d’apprentissage des techniques agricoles, soit comme modalité de gestion et d’exploitation d’une ressource spécifique devenue rare, les
terres et périmètres irrigués en l’occurrence, sollicités pour les cultures de rente
et de contre-saison. À travers le champ collectif, le GV vise trois objectifs : renforcer la solidarité et l’esprit d’entraide ; disposer d’un champ de démonstration
lors des séances de vulgarisation de techniques agricoles (formation) ; alimenter
la caisse par les revenus monétaires issus des ventes des produits du champ
collectif. Le champ collectif est une forme embryonnaire de coopérative de
production.
En deuxième lieu, les groupements mettent en œuvre une activité
d’approvisionnement en intrants et équipements agricoles. Cette activité offre
à l’échelle du village la possibilité pour le paysan pauvre d’user de la caution
solidaire du groupement et de pouvoir acquérir les intrants et les équipements
agricoles à crédit. L’adhésion au GV, condition d’accès au crédit, accroît la
probabilité d’adoption de la culture attelée. La gestion correcte de cette activité
est aussi une preuve de maturité du GV, car l’activité d’approvisionnement
en intrants agricoles comporte plusieurs opérations : estimation des besoins en
intrants agricoles, commande des quantités estimées, réception et répartition
du produit en fonction des besoins individuels estimés au préalable, récupération après campagnes agricoles des sommes dues par chaque adhérent. La
situation est la même dans le cas des activités de production et de mise en
marché des produits du maraîchage.
La commercialisation des produits agricoles des membres est une autre
activité de prestation de service, caractéristique des groupements villageois.
C’est un service que certains GV offrent à leurs adhérents dans les zones cotonnières
ou maraîchères. On distingue principalement deux formes de commercialisation :
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les marchés autogérés (MAG) et la commercialisation (traditionnelle) de
produits maraîchers. Le MAG (coton) est une structure intégrée d’approvisionnement en intrants agricoles, de production de commercialisation et de réalisation de projets communautaires. Le MAG est aussi un caractère distinctif du
pouvoir économique et financier des GV : les GV qui abritent un MAG sont ceux
dont les fonds d’accumulation individuels et collectifs sont les plus importants.
Cette structure initiale est fondamentalement modifiée avec la prise en charge
de la production du coton par les groupements de producteurs en lieu et place
des groupements villageois.
En quatrième lieu, la gestion du crédit, de l’épargne et de l’assurance est
proposée par certains groupements villageois à leurs membres ; il s’agit d’une
activité autonome de crédit et d’épargne. Tant que les prêts se font à partir de
fonds collectifs propres (résultats d’autres activités productives), ils ont un
caractère sporadique. Le développement rapide des expériences de microcrédit
à partir des années 1980 a ouvert aux GV de nouvelles possibilités d’activités
(gestion de caisses populaires ou caisses villageoises d’épargne et de crédit). Il
en est de même de la micro-assurance apparue dans les années 1990 (Fonteneau,
2000) et qui s’insère harmonieusement dans les activités de certains groupements
villageois.
Une cinquième catégorie d’activité productive regroupe les unités communautaires. Ce sont les unités économiques qui permettent aux GV de produire
des services collectifs : banques de céréales, boutiques villageoises, pharmacies
villageoises, moulins villageois, etc. Lorsqu’un groupement dispose de ristournes
importantes ou de fonds disponibles pour l’investissement, il s’oriente généralement vers ce type de réalisation. Ces activités constituent également les
raisons d’être de tous les groupements villageois. Une des illustrations la mieux
connue mais aussi la moins bien réussie est la banque de céréales. La banque a
pour fonction de garantir la disponibilité et l’accessibilité des céréales en régulant les flux entre les deux périodes extrêmes que sont la période d’abondance
(après la récolte) et la période de soudure (période de transition). Il est supposé
que les paysans vendent leurs céréales après la récolte à des prix peu rémunérateurs et s’approvisionnent pendant la période de soudure à des prix relativement élevés. La création et la gestion par le groupement villageois d’un
magasin de stockage permet une meilleure régularisation des flux et des prix
au profit des villageois. Depuis le début des années 1990, les bourses céréalières
paysannes sont apparues comme une nouvelle activité des groupements villageois. Elles constituent une approche nouvelle pour résoudre le problème de
la sécurité alimentaire (disponibilité, stabilité des approvisionnement et accessibilité). Il est possible d’améliorer les conditions de fonctionnement du marché
en créant un réseau d’échanges où les organisations de producteurs à travers
les GV pourront vendre ou acheter des céréales à des prix librement négociés.
Les bourses céréalières paysannes forment donc un réseau d’échange de céréales
entre différentes régions du Burkina Faso dans la sphère des organisations
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paysannes. Dans ce réseau, les organisations paysannes se rencontrent afin
de proposer des produits à vendre ou à acheter. L’échange porte sur des flux
physiques de céréales, généralement le sorgho, le maïs et le petit mil.
Les activités productives non marchandes
Les activités productives non marchandes désignent pour l’essentiel les activités
d’aménagement du cadre de vie et de sauvegarde de l’environnement (aménagement hydro-agricole, sites anti-érosifs, diguettes, reboisement), de réalisations
socioéconomiques et sanitaires (éducation, formation, santé, communication).
Ces activités non marchandes sont le lieu par excellence d’organisation collective du travail et d’investissement humain. Le reboisement, la confection de
diguettes, de puits sont à des degrés divers des activités que l’on retrouve
dans toutes les organisations. En comparaison avec les autres organisations
paysannes, les GV affectent le plus de ressources à des réalisations pouvant
bénéficier à la communauté villageoise : investissements dans les infrastructures
(routes, écoles, centre de formation d’adulte, centres de santé). Les GV interviennent surtout dans le domaine de la sauvegarde de l’environnement (55,6 %),
dans le domaine de l’alimentation (64,4 %) et dans celui de l’éducation (42,2 %).
Un exemple intéressant reste le cas du GV de Sanrgo dans la province du Bam ;
il a mis en place dans les années 1990 une gamme complète d’infrastructures
socioéconomiques : une maternité, un poste de santé primaire, une école à trois
classes, six puits, trois retenues d’eau, des latrines publiques, une salle d’alphabétisation et de formation, des opérations de récupération et de conservation
des sols, des travaux collectifs de réfection des routes avec institution d’un
« système de péage » par les usagers.
LE GROUPEMENT VILLAGEOIS,
PERFORMANCES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES
À partir de l’éventail disponible d’activités productives, le GV arrive-t-il à
mettre en œuvre la combinaison optimale qui lui permette de « maximiser »
la ristourne sociale à partir de laquelle il peut effectivement contribuer au
développement économique et social ?
Les performances socioéconomiques
et la contribution au développement
Les performances peuvent s’analyser comme la capacité des GV à faire
bénéficier le plus grand nombre de personnes par la mise en œuvre de procédures appropriées d’affectation des résultats. C’est une forme de ristourne
sociale. Pour maximiser « la ristourne sociale », le GV doit auparavant accomplir
des performances intermédiaires : des performances organisationnelles et des
performances économiques.
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Les performances organisationnelles
La fonctionnalité des organes permet de mesurer le fonctionnement effectif du
groupement villageois. Ces organes constituent des structures formelles qui disposent de tous les attributs juridiques leur conférant une personnalité morale :
statut, règlement intérieur, agrément par les autorités, etc. Toutefois, le fonctionnement effectif des organes est très pragmatique et s’écarte en réalité de la
norme. C’est dans les GV que l’on rencontre, comparativement aux autres
organisations rurales de même nature, le plus d’organes de gestion et d’administration (bureau notamment) sans que des mandats précis, ni une périodicité
précise de réunion ne soient préalablement définis. La prise de décision, longue
à obtenir, se fait plus par consensus que par vote majoritaire. En ce qui concerne
les assemblées générales (AG), elles ont lieu en fonction des problèmes rencontrés
d’où la fréquence des AG extraordinaires.
Le deuxième critère de mesure de la performance organisationnelle est
la capacité de mobilisation des ressources humaines. La mobilisation des ressources humaines représente un des objectifs des GV en plus d’être un facteur
fondamental pouvant contribuer à la formation de capital ou à la réalisation
d’économie d’échelle. La participation aux AG est relativement bonne, car plus
de la moitié des membres se présentent aux AG. Quant à la présence aux travaux collectifs, la tendance est aussi à une bonne participation. Ces résultats
s’expliqueraient-ils par la contrainte de paiement d’amende en cas d’absence
qui pèse sur les membres ?...
Le troisième critère de mesure de la performance organisationnelle est la
performance dans la gestion et l’administration. Sur ce point, on note l’absence
de normes de gestion qui serait due à la difficulté de maîtriser des outils de
gestion ou à l’absence d’un système de comptabilité simple maîtrisable par les
paysans. Dans un environnement où l’analphabétisme domine ce fait peut
s’expliquer mais constitue un facteur limitatif à l’autonomie de gestion des GV.
Évidemment, cette situation n’est pas générale. Certains GV sont dotés
d’organes d’administration et de gestion compétents et disposent d’instruments
fiables de gestion et fonctionnent de façon satisfaisante.
Enfin, l’apprentissage et l’autopromotion permettent de savoir s’il y a
un processus de renforcement des capacités. Par l’intermédiaire de certaines
activités (commercialisation, approvisionnement en intrants, MAG), le groupement villageois est engagé dans un processus d’apprentissage de l’économie
de marché. Pour la commercialisation, le groupement assure toutes les opérations afférentes à la mise en marché des produits : collecte, choix de qualité,
pesée, conditionnement, etc. Le MAG coton est une activité encore plus
complexe qui exige beaucoup de savoir-faire. Il est multidimensionnel, intègre
la gestion des approvisionnements (en intrants et équipements agricoles), la
gestion du crédit, la collecte et la commercialisation proprement dite, le paiement
des montants dus à chaque producteur et, enfin, la gestion des ristournes
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accumulées collectivement. La maîtrise de ce processus par un GV peut être
considérée comme un signe de maturité. La formation des groupements de
producteurs de coton résulte en partie de ce processus d’apprentissage.
Les performances économiques
La nature des données disponibles ne permet pas de calculer des résultats économiques comme le surplus. Toutefois, les performances peuvent s’apprécier
à partir d’indicateurs disponibles qui permettent de déduire les performances
économiques proprement dites : la capacité de mobilisation et d’accumulation
des ressources financières par les organisations de type coopératif (OTC) et leur
part de marché.
La capacité de mobilisation et d’accumulation mesure la capacité de
création et de capitalisation des ressources financières ou de constitution d’un
patrimoine. Les organisations paysannes souffrent de l’absence d’activités
rentables pouvant renforcer leur assise économique et financière. Un autre constat
qui peut être perçu comme un corollaire du premier est l’incapacité des GV à
sauvegarder leur autonomie financière vis-à-vis de l’extérieur. Les marchés
autogérés de coton font la force de nombreux GV dans le Mouhoun. C’est en
effet dans les zones cotonnières que l’on rencontre les GV les mieux pourvus
sur le plan financier. On estime qu’au titre des ristournes MAG à des GV, chaque
GV reçoit en moyenne plus d’un million de FCFA par GV. Au total, l’examen
empirique et les différentes analyses arrivent tous à la conclusion que les OTC
ont des ressources financières limitées.
En ce qui concerne la part de marché au niveau des activités, elle mesure
la capacité du GV à intéresser le maximum d’usagers possible aux prestations
de service qu’il offre en principe sur leur propre demande. C’est la part des
transactions effectives ou les intentions d’achat que les adhérents effectuent par
l’intermédiaire de leur GV. Naturellement, les GV pratiquant le MAG ou la
commercialisation des produits maraîchers réalisent le taux de pénétration le
plus élevé ; ils contrôlent en effet la quasi-totalité de leur marché et affichent une
bonne performance en ce qui concerne l’approvisionnement en intrants (84 %)
et la commercialisation des produits maraîchers. La banque de céréales et le
moulin du GV ont atteint, surtout à leur démarrage, la proportion de 80 % pour
s’effondrer par la suite. Mais, en général, les banques de céréales comme les
moulins ont essuyé un échec pour des raisons liées à la mauvaise gestion mais
qui s’expliquent fondamentalement par « le paradoxe du bien public7 ».
Le choix de la combinaison productive optimale
Le GV est une combinaison d’activités productives marchandes et non marchandes. Cette combinaison est-elle optimale ? L’analyse économique révèle que
l’élargissement de la base d’accumulation du GV nécessite la mise en œuvre
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d’activités économiques rentables et le recours à de nouvelles activités intégrables dans son champ d’activité. Au plan de l’analyse théorique, tout se passe
comme s’il existait au sein du groupement villageois un quasi-marché (Soulama,
1995) des activités productives. La demande d’activité émane du GV et est fonction décroissante du coût. L’offre d’activité, fonction croissante du coût, est faite
par les adhérents. Le coût de l’activité productive est un coût d’opportunité que
les adhérents assument. Le coût d’opportunité représente l’utilisation alternative du temps ou le bénéfice auquel l’adhérent renonce en n’achetant pas ses
biens ou prestations de services auprès du secteur privé. La demande d’activité par le GV est en principe limitée à l’éventail des activités des individus
membres (champ collectif, approvisionnement en intrants, commercialisation,
crédit épargne, assurance, etc.).
Dans ce cadre théorique, le choix optimal du GV commande que les activités additionnelles soient associées selon le principe de la rentabilité marginale
décroissante. Le GV « rationnel » commence donc par intégrer (dans l’éventail
du possible) les activités les plus rentables et procède ainsi, jusqu’au point
où la courbe de demande d’activité égale la courbe d’offre des individus. La
figure I illustre cette situation selon le bénéfice marginal décroissant qu’elles
procurent : dans ce cas, l’intégration des activités dans le champ d’action du GV
concerne les activités [1, 2] [2, 3] et [3, 4]. Au-delà, toute activité additionnelle
[4, 5] et [5,6] entraîne une perte d’efficacité. En fait, la problématique du choix
de l’activité productive débouche sur une série de questions. Quelle est la règle
Figure I
Quasi-marché des activités productives
P
Rm
RM
P0
0
1
2
3
4
5
6
Activités
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optimale d’allocation des ressources ? Au nom de la recherche de l’optimum de
l’entreprise, le GV ne doit-il pas s’en tenir qu’à l’activité [1, 2] ? Le GV doit-il
entreprendre des activités non économiquement rentables telle l’activité [4, 5]
par exemple ? Selon l’orthodoxie de l’économie sociale, il sera répondu négativement à l’ensemble de ces questions. Le GV ne peut pas limiter son action
à l’activité [1, 2], car en termes de surplus social, il produirait moins qu’en
intégrant les activités [2, 3] et [3, 4]. De même, le GV ne peut étendre son action
à l’activité [4, 5].
Dans le cas burkinabé, les contre-performances dans les choix des activités
par les GV sont encore plus nettes, car il n’est pas rare de trouver dans les GV
des combinaisons productives du genre : Activité [1, 2] (optique de l’entreprise
classique), Activité [4, 5] + [5, 6] (optique d’un GV qui ne fonctionne que par
subvention), Activité [1, 2] + [5, 6] (optique d’un GV avec surplus social non
optimal), etc. ; on vérifie sur le graphique que la combinaison d’activités [4, 5]
+ [5, 6] n’est pas économiquement soutenable.
Comme nous l’avons mentionné, le groupement villageois est donc une
structure de production et d’allocation d’un surplus collectif, ancré dans le
terroir villageois. Par le mode de production et d’affectation de ce surplus, il
s’apparente à une organisation d’économie sociale.
LE GROUPEMENT VILLAGEOIS,
UNE ORGANISATION D’ÉCONOMIE SOCIALE
DE « TYPE ASSOCIATIF COMMUNAUTAIRE »
La filiation du GV avec l’économie sociale peut être établie à la lumière de
l’histoire, d’une part, et de l’analyse conceptuelle, d’autre part. Il sera possible
de tirer dans un deuxième temps les implications normatives de cette caractérisation et de « réhabiliter » le groupement villageois en tant qu’organisation
d’économie sociale efficace et pertinente.
La filiation avec l’économie sociale
L’économie sociale ou économie des organisations coopératives et de type coopératif, au sens pur et normatif, est entendu ici, dans la tradition de Fauquet
(Fauquet, 1942 ; Vienney, 1982, 1994 ; Soulama 1995 ; Bidet, 2000) comme la combinaison entre l’économique et le social au sein d’une seule et même unité de production dont la coopérative est la forme idéale. Le critère distinctif est l’existence
d’une entreprise, d’une activité ou d’un ensemble d’activités économiques autour
de laquelle ou desquelles des acteurs spécifiques s’organisent pour produire et
répartir entre eux et selon des règles inspirées par la coopérative, le surplus généré
par leur activité productive. Idéalement, l’activité économique couvre ses charges
et dégage un surplus qui est réparti selon les règles de l’économie sociale.
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L’histoire du mouvement coopératif et de type coopératif dans les pays
francophones d’Afrique de l’Ouest (Gosselin, 1969 ; Meister, 1977 ; Belloncle,
1978, 1979 ; Gentil, 1984, 1986) révèle que les expériences de création directe des
coopératives dans les années 1950-1960 se sont soldées par des échecs8. Comme
alternative à la création des coopératives, le groupement villageois a été pour
la première fois expérimenté en Haute-Volta en 1960 par la Compagnie internationale de développement rural (CIDR)9. Dans les années 1970, la formule sera
réintroduite dans les stratégies de développement rural, sous l’option de
développement communautaire. Le groupement villageois est donc affilié historiquement, du moins à l’économie sociale ; il apparaît ainsi comme une forme
d’organisation plus simple et mieux adaptée à la participation des membres à
la détermination des objectifs et à la gestion courante des activités. Les GV vont
se multiplier dès 1975, en réponse à l’échec des coopératives en milieu rural.
Ils sont donc conçus comme une phase préalable à la forme plus élaborée qu’est
la coopérative d’où le vocable de « pré-coopérative » utilisé dans la littérature
pour caractériser cette forme d’organisation.
Dans les faits, la différence entre un GV et une coopérative est difficile à
établir, car ces deux organisations sont constituées d’individus qui mènent en
commun les mêmes types d’activités telles la commercialisation, l’approvisionnement en intrants et en facteurs de production, etc. ; ils peuvent donc réaliser
les mêmes performances. La différence fondamentale réside dans la dimension
territoriale du GV, dans la faible importance relative de l’économique (mode
d’affectation du surplus) et dans le faible développement des relations marchandes. En effet, la référence à l’espace villageois dans la notion de GV l’apparente à une organisation territoriale de solidarité et de responsabilisation commune
par rapport au terroir villageois. Le GV est considéré comme une prémisse
de commune rurale ou de collectivité locale et se distingue des organisations
professionnelles. Cette vision est parfois corroborée dans les faits par la composition très diversifiée du sociétariat des GV et leur caractère multifonctionnel.
En somme, à partir du concept pur et normatif d’économie coopérative,
le GV est sans ambiguïté une organisation d’économie sociale en ce sens qu’il
combine au sein d’une même unité de production l’économique et le social.
C’est une organisation « capable de créer des richesses de manière économiquement efficiente et de les redistribuer de manière équitable » dont l’éthique
(Defourny, Develtere et Fonteneau, 1999, p. 38) se traduit par les principes de
« finalité de services aux membres, d’autonomie de gestion, de processus
démocratique et de primauté des personnes et du travail sur le capital dans la
répartition des revenus ». En tenant compte des modalités d’affectation du
surplus, on peut préciser davantage son statut dans le champ de l’économie
sociale en le classant comme une organisation d’économie sociale, de « type
coopératif » ou de « type associatif communautaire10 » (Soulama, 1997, p. 221).
En ce qui concerne le qualitatif « associatif communautaire », il fait allusion à
la faible prévalence du calcul économique marchand au sein de ces structures ;
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en effet, la nature des activités d’intérêt collectif qui sont fréquemment entreprises par les GV de même que le mode d’affectation du surplus social suggèrent que la dimension sociale est prépondérante au sein du groupement
villageois, comparativement aux coopératives traditionnelles ; la production de
biens « publics » et « collectifs » au sens que la théorie économique donne à ses
biens est comparativement plus développée dans ceux-ci que dans celles-là. En
d’autres termes, l’économique et le calcul économique marchand sont embryonnaires, les relations entre les individus sont plus des relations de solidarité que
des relations fondées sur le calcul marchand. Au plan de la spécificité coopérative, les GV ont un caractère économique et marchand moins prononcé que
les coopératives et ont une plus grande propension à entreprendre des activités
productives non marchandes. Comparés aux associations, les GV développent
explicitement des activités marchandes, plus que les associations ordinaires
mais ils affectent leurs surplus, selon le mode de l’association : les surplus
sont appropriés collectivement et sont investis dans la poursuite d’objectifs
socioéconomiques de développement de la collectivité.
Le qualificatif de « type coopératif » ou de « type associatif communautaire » a été préféré à celui de « pré-coopératif » utilisé dans la littérature
officielle, et cela pour deux raisons fondamentales : en premier lieu, le « précoopératif » suppose une évolution discutable de ces types d’organisation vers
une forme supérieure qui serait la coopérative. En second lieu, le qualificatif
de pré-coopératif pose un autre problème classificatoire au Burkina Faso : celui
des groupements « Naam11 ». Ces derniers ne se considèrent ni comme « pré »
ni comme « post » coopératif ; ils revendiquent leur identité propre12. Ils sont !
Au total, le groupement villageois, tel qu’il apparaît n’est ni une coopérative (mutuelle) au sens strict, ni une association (au sens strict), mais il s’apparente à l’un et à l’autre. C’est le résultat d’un compromis entre la coopérative
et l’association. À la coopérative, il emprunte l’entreprise ou l’activité comme
unité productive de même que le mode de calcul économique. À l’association,
il emprunte le mode d’affectation du surplus engendré par l’entreprise ou
l’activité productive.
Le GV, efficacité et pertinence d’ une « organisation
d’économie sociale de type associatif communautaire »
Si l’on considère les activités productives des GV, l’incidence de la pauvreté dans
les campagnes (Lachaud, 1997 ; INSD, 1999 ; Soulama, 2000) et le déficit d’offre
des biens publics, le groupement villageois en tant qu’organisation d’économie
sociale est loin d’être d’une structure désuète.
En théorie comme en pratique, il est possible de réaliser au sein du
groupement villageois une combinaison optimale et rentable d’activités économiques marchandes et non marchandes. Cette combinaison permet de dégager
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un surplus social réinvestissable. L’efficacité dépend de la nature des activités,
de certaines variables organisationnelles et institutionnelles (existence d’incitation), de l’environnement (risque et incertitude) et de la capacité de gestion
et d’administration. À partir de la combinaison optimale d’activités productives,
les GV peuvent apporter une contribution au développement économique et
social en mettant notamment à la disposition de la collectivité villageoise des
infrastructures de base (routes, retenues d’eau, forages, écoles, centres de santé,
préservation de la nature, etc.). Les cas de réussite se rencontrent en particulier
dans les zones à fort développement de cultures de rente ou maraîchères, dans
certaines zones où des ONG apportent un appui approprié à ces organisations.
Ces expériences réussies attestent de l’intérêt que peuvent susciter ces organisations dans le processus de développement et donnent force à la stratégie de
développement à la base. Par leur action propre ou en partenariat avec les ONG,
ils ont également contribué à l’équipement des villages en infrastructures
socioéconomiques et sociosanitaires. Comme indiqué ci-dessus, le GV de Sanrgho
a mis en place toute une gamme d’infrastructures économiques, socioéconomiques et sociosanitaires ; à cela, il faut ajouter la gestion de quatre unités
communautaires : une banque de céréales, un moulin, une pharmacie
villageoise et une boutique villageoise. N’est-ce pas le prototype d’organisation
conférant au groupement villageois une fonction d’agent de développement
local, avec potentiellement un rôle à jouer dans le processus de décentralisation, de responsabilisation des communes et collectivités rurales ? En tout état
de cause, ces organisations animent la « dynamique du dessous » qui donne son
sens à la « dynamique du dessus », c’est-à-dire aux changements en cours dans
la configuration des organisations d’économie sociale, en réponse au processus de mondialisation, de déréglementation et de désengagement de l’État. La
décentralisation, autre dynamique en marche, ne renforce-t-elle pas la constitution de collectivités locales, confortant ainsi au niveau villageois les organisations ancrées dans le territoire local comme les groupements villageois et les
associations dites de développement économique et social ?
Toutefois, compte tenu de leur nature d’organisation d’économie sociale
de « type associatif communautaire », les groupements villageois sont soumis
à plusieurs contraintes qui limitent leurs performances économiques et financières stricto sensu. En premier lieu, comme dans toute production de biens
publics, le groupement villageois est exposé aux difficultés bien connues que
sont le paradoxe du bien public, de la « tragédie des biens communautaires »
et les comportements stratégiques des individus en situation de choix collectifs,
les asymétries d’information avec leurs corollaires (sélection adverse, aléa moral),
toute chose qui influe sur la rentabilité de leurs activités et leur efficacité
économique. Avec la philosophie communautaire du groupement, le bénéfice
de l’action collective est offert à tous y compris à ceux qui ne prennent pas part
aux activités productives. Il est difficile dans ces conditions de mener une gestion efficace de l’offre et de la demande d’adhésion. En plus, il résulte de la
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nature du groupement une primauté des objectifs sociaux sur les objectifs économiques. La prépondérance de l’esprit de solidarité communautaire pousse
les GV à investir l’essentiel de leurs résultats (en ristourne sociale) dans la production de biens collectifs, à la construction d’infrastructures (hydraulique
agricole, transport, éducation, santé, environnement, etc.). Dès lors, ces organisations donnent l’impression d’être solides sur le plan des réalisations collectives tout en souffrant d’un manque de moyens (activités marchandes rentables)
pour créer une dynamique économique réelle.
L’incapacité à choisir la combinaison optimale d’activités productives est
une autre faiblesse des GV. Dans le choix des activités, les GV ne sont pas
familiers avec le calcul économique. Ainsi, ils arrivent difficilement à établir
des objectifs clairs, à faire révéler aux adhérents leurs préférences et à agréger
ces préférences en un objectif collectif clair et précis ; or il est apparu (Soulama,
1995, p. 293-294) que la clarté de l’objectif explique effectivement l’essentiel des
performances des GV tant sur le plan de la coordination des ressources, de la
création de ces ressources que sur celui des performances économiques et
socioéconomiques. Dans ces conditions, le choix des activités répond à la reproduction d’une mode, plutôt que d’être ancré dans un besoin effectivement
ressenti et confirmé par le calcul économique. Ce biais est favorisé par l’action
des gouvernements et par certaines ONG. Ce fut notamment le cas des banques
de céréales et des moulins villageois. En fait, la gestion des céréales (constitution des stocks et écoulement) est apparue comme étant plus complexe, nécessitant des compétences professionnelles spécifiques. Dans cette bataille menée
contre les commerçants privés, les banques de céréales ont incontestablement
perdu la partie ! Il en fut de même pour les moulins villageois. En règle générale,
lorsque le secteur privé a investi avec succès un domaine d’activité, la tentative
de récupération du marché par les groupements villageois a été un échec.
CONCLUSION
Au total, l’analyse révèle la dynamique du groupement villageois sur le plan
numérique, son caractère d’organisation de solidarité ancrée dans le territoire,
sa tendance à la multifonctionnalité et sa présence dans de nombreux domaines
stratégiques pour le développement. Sur le plan conceptuel, comme nous
l’avons relevé, le GV est une entreprise d’économie sociale de « type associatif
communautaire ». Les groupements villageois ont entrepris des activités qui
pour des raisons de rentabilité financière insuffisante ne sont pas prises en
charge par le secteur privé. C’est généralement dans cette catégorie d’entreprise
que les groupements villageois réalisent les meilleures performances économiques
et sociales. Les succès dans le domaine du crédit, de l’approvisionnement en
intrants, de la commercialisation des produits, comparativement aux échecs
dans le domaine des banques de céréales ou des moulins villageois suggèrent
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que les groupements peuvent être économiquement efficaces et que les performances réalisées dépendent de la nature des activités productives et du soutien
extérieur dont ils ont bénéficié. Ces structures ont en général une mauvaise
capacité de gestion et d’administration, notamment dans l’établissement et la
maîtrise de règles adéquates de gestion et planification de leurs activités sauf
dans le cas d’une intervention extérieure appropriée qui se donne comme
mission de favoriser l’autonomie de l’organisation. Les soutiens extérieurs
proviendront de plus en plus des associations dites de développement. Ces
dernières regroupent généralement (en milieu urbain) les ressortissants d’une
localité géographique (villages, départements, provinces, régions) qui mettent
en commun leurs efforts en vue de promouvoir le développement économique
et social de leur localité. Ces associations se sont développées avec vigueur à
partir des années 1990 et ont précisément comme partenaires privilégiés les
groupements villageois.
Les groupements villageois s’investissent également dans la production
de biens et services publics au niveau villageois, pour combler ainsi les
défaillances de l’État. À l’image de la complémentarité recherchée entre l’État
et les organisations paysannes, l’intervention de l’État doit viser à favoriser la
production par les groupements villageois de biens publics dans les domaines
de la sauvegarde de l’environnement, de l’éducation, de la santé, de l’alimentation et de la nutrition. Dans ce domaine de production de biens d’utilité
collective au niveau villageois, le groupement villageois se révèle plus efficace
que les pouvoirs publics. Comparée à l’intervention publique, celle du groupement villageois présente plusieurs avantages : prise en compte effective des
besoins des agents concernés, gestion simultanée de l’économique et du social,
initiative à la base, souplesse et rapidité de l’intervention, etc.
Dans sa conception d’origine, le modèle réussi du groupement villageois
est celui d’une structure de production d’un surplus collectif à l’échelle d’un
village et la réallocation de ce surplus au profit de la communauté villageoise.
Conceptuellement, le groupement villageois est une organisation de développement socioéconomique qui associe en son sein, de manière structurelle, l’économique et le social, le marchand et le non-marchand, le marché et la solidarité
associative, le tout au service du développement socioéconomique du territoire
villageois. Il est ancré dans le territoire villageois, et malgré les limites qui lui
sont imposées par les stratégies des acteurs, il est plus apte que les organisations
professionnelles naissantes à servir l’intérêt collectif du village.
Notes
1.
L’auteur remercie Lucie Fréchette, professeure en travail social à l’Université du Québec en Outaouais
et les évaluateurs externes de la revue pour leurs commentaires et suggestions particulièrement
intéressantes qui lui ont permis d’améliorer la première version de cet article.
2.
La problématique est pertinente pour d’autres pays francophones d’Afrique de l’Ouest.
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3.
Organisations des producteurs (OP) », « Organisations professionnelles des paysans », « Groupements
de producteurs de coton », « Comités villageois de gestion des terroirs », etc.
4.
À la différence de l’ordonnance no 83-021/CSP/PRES/DR du 14 mai 1983 remplacée par la Zatu
no ANVII-0035/FP/PRES du 18 mai 1990, le texte en vigueur actuellement, la loi no 014/99/AN portant
sur la réglementation des sociétés coopératives et groupements au Burkina Faso, ne fait plus aucune
référence au GV.
5.
Cette définition est celle de l’ordonnance no 83-021/CSP/PRES/DR du 14 mai 1983.
6.
Agriculture-Maraîchage-Élevage.
7.
Un bien que tout le monde souhaiterait consommer mais qu’aucune personne solvable ne veut payer
puisqu’il suffit qu’une personne le paie pour qu’il soit disponible pour tous. Dans ces conditions,
« situation paradoxale », bien que le besoin de ce bien soit ressenti par tous, comme personne ne
veut payer pour l’obtenir, il ne sera disponible pour personne.
8.
Cf. les travaux de S. Soulama, 1987, 1990, 1992, 1995, 1997.
9.
Une des quatre sociétés dites d’intervention qui étaient chargées de l’organisation du développement
rural en Haute-Volta dans les années 1960-1970.
10.
Une organisation d’économie sociale dans laquelle il y a une dissymétrie organique au profit de la
composante associative, et au détriment de l’entreprise et de l’individu. L’organisation poursuit
davantage les objectifs de développement communautaire. La difficile unité de l’économique et du
social dans ces conditions ne peut pas être maîtrisée du fait, généralement, d’une mauvaise capacité
de gestion et d’administration ; la structure n’est pas familière avec le calcul économique.
11.
Forme d’organisation communautaire, fortement ancrée dans la tradition (celle du Nord-Ouest du
Burkina Faso notamment) dont les pratiques s’apparentent à celles de l’économie sociale, mais qui
revendique une identité propre.
12.
À la différence du « pré-coopératif », le « type coopératif » ne présuppose pas l’évolutionnisme
coopératif. La relative neutralité permet de regrouper un large éventail d’organisations que sont les
coopératives ou mutuelles stricto sensu, les groupements villageois et les groupements « Naam » du
Burkina Faso qui, sans être « pré ou post » coopératif, partagent néanmoins quelques principes
fondamentaux avec la coopérative et l’économie sociale. C’est cela l’essentiel !
Bibliographie
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