Peu de maladies se manifestent par l’association d’une épilepsie
et d’une cardiopathie. Les deux principaux diagnostics à
évoquer sont ceux de maladie mitochondriale et de sclérose
tubéreuse de Bourneville. Pour ces deux pathologies qui n’ont
presque rien en commun, un diagnostic précoce peut avoir des
implications importantes pour le pronostic des patients. Nous
présentons ici les caractéristiques générales de ces pathologies,
ainsi que les spécificités liées à la présence d’une épilepsie ou
d’une atteinte cardiaque.
Maladies mitochondriales
Le terme de maladies mitochondriales s’applique à un
ensemble de syndromes en rapport avec une anomalie de fonc-
tionnement de la chaîne respiratoire mitochondriale. Elles sont
les conséquences d’anomalies génétiques qui entraînent des
défauts de structure de l’un des 5 complexes de la chaîne respi-
ratoire, responsable de la phosphorylation oxydative ou des
anomalies du système de réplication de l’ADN mitochondrial
(Wallace et al., 1988a, b). Les génomes nucléaire et mitochon-
drial codent pour les protéines de la chaîne respiratoire et peu-
vent être tous les deux en cause, d’où une transmission possible
sur un mode mendélien ou maternel (Moraes et al., 1989).
Les mitochondries étant présentes dans tous les tissus, ces
maladies peuvent se manifester par une atteinte de n’importe
quel organe, mais surtout les tissus faisant le plus appel au
métabolisme oxydatif tels le système nerveux, le cœur et le
muscle. Ces atteintes cliniques peuvent s’exprimer dans le
cadre de syndromes cliniques très nombreux et très divers
(Zeviani et di Donato, 2004).
L’épilepsie s’intégrant dans le cadre d’une encéphalopathie
mitochondriale peut avoir des présentations cliniques très
diverses avec des crises partielles ou généralisées, des spasmes,
des états de mal. Des crises partielles occipitales, motrices, et
une épilepsie partielle continue sont particulièrement évocatri-
ces du diagnostic. Un des points les plus importants de la prise
en charge est la contre-indication absolue au valproate et aux
barbituriques, dont l’administration est associée à un risque
d’insuffisance hépatique sévère, potentiellement mortelle
dans le cadre d’un syndrome de défaillance multiviscérale.
Les principales pathologies mitochondriales associées à une
épilepsie sont : la maladie d’Alpers (le plus souvent en rapport
avec des mutations de POLG), les syndromes de Leigh, de
MERRF (épilepsie myoclonique avec fibres rouges déchiquetées
[Myoclonic Epilepsy with Ragged Red Fibers]), de MELAS (Mito-
chondrial Encephalopathy, Lactic Acidosis, Stroke-like episodes)et
MSCAE (Mitochondrial Spinocerebellar Ataxia-Epilepsy Syndrome)
(Canafoglia et al., 2001).
L’atteinte cardiaque peut se manifester sous la forme d’une
cardiomyopathie dilatée ou hypertrophique pouvant évoluer
vers l’insuffisance cardiaque terminale, et pouvant être associée
à des troubles conductifs nécessitant l’implantation d’un pace-
maker ou à des troubles du rythme de tout type. Ces anomalies
peuvent s’intégrer dans un certain nombre de syndromes clini-
ques. Ceux pour lesquelles la présence d’une atteinte cardiaque
est au premier plan sont les syndromes de MERRF et de MELAS,
dont les caractéristiques principales seront détaillées plus loin,
les ophtalmoplégies chroniques progressives, les syndromes en
rapport avec des mutations des gènes nucléaires de mainte-
nance de l’ADN mitochondrial, responsables de délétions
multiples (POLG,TWINKLE).
De manière générale, la confirmation du diagnostic de
maladie mitochondriale repose sur :
–la recherche d’une hyperlactacidémie à l’effort ou d’une
hyperlactatorachie ;
–la spectroscopie RMN du phosphore 31 à la recherche d’une
lenteur de la resynthèse de la phosphocréatine ;
–la biopsie musculaire deltoïdienne, à la recherche d’une
accumulation anormale de mitochondries au sein des fibres
musculaires (ragged-red fibers) et d’un déficit de l’activité enzy-
matique du complexe IV de la chaîne respiratoire (cytochrome
c oxydase). L’analyse de l’activité enzymatique de la chaîne
respiratoire par spectrophotométrie peut également montrer
un déficit de l’un ou de plusieurs complexes ;
–les explorations neuroradiologiques susceptibles de mettre en
évidence des lésions bilatérales et symétriques des noyaux gris
centraux et du tronc cérébral, des calcifications des noyaux gris
sur l’IRM, un pic de lactate intracérébral en spectroscopie de
proton ;
–les analyses génétiques pour confirmer le diagnostic de mala-
die mitochondriale, et aider au conseil génétique. L’analyse
génétique peut être effectuée sur différents tissus, en particulier
le muscle, le sang et les urines, et est initialement orientée vers
la recherche des principales mutations connues. Cependant,
une mutation de l’ADN mitochondrial n’est actuellement
détectée que dans environ 50 % des cas. La détection des muta-
tions de l’ADN nucléaire reste encore le plus souvent du
domaine de la recherche, bien que l’analyse directe de certains
gènes comme POLG ou TWINKLE soit possible.
Syndrome de MERRF
Le syndrome de MERRF est une encéphalomyopathie mito-
chondriale caractérisée par des crises myocloniques.
La maladie débute le plus souvent à l’adolescence ou chez
de jeunes adultes, par une épilepsie myoclonique, parfois asso-
ciée à une surdité neurosensorielle, une atrophie optique, une
petite taille ou une neuropathie périphérique. L’évolution est
progressive, avec aggravation régulière de l’épilepsie et appari-
tion de symptômes additionnels comme une ataxie, une sur-
dité, une faiblesse musculaire, et une dégradation intellectuelle.
Une cardiomyopathie est fréquemment observée, le plus
souvent dilatée, et évolue fréquemment vers une insuffisance
cardiaque rapidement progressive, qui constitue une des princi-
pales causes de décès. Le syndrome électrocardiographique de
Wolff Parkinson White est observé chez environ un quart
des patients. Il est rarement associé à la survenue de crises de
tachycardie, sans retentissement évident sur le pronostic des
Quelles maladies sont responsables d’une épilepsie et d’une pathologie cardiaque ?
Épilepsies, vol. 22, n° 3, juillet-août-septembre 2010
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