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Le Courrier des addictions (6), n° 2, avril-mai-juin 2004
l’URCAM et de l’Agence régionale d’hospi-
talisation, en deuxième ligne, des collectivités
territoriales (la ville de Strasbourg, le conseil
général du Bas-Rhin), enfin, de la DDASS du
67 et de la MILDT pour la partie évaluation
du projet et des laboratoires Schering-Plough
et Bouchara.
Un vrai réseau de soins
ouvert sur les autres
Outre la proposition de soins diversifiés aux
patients présentant une ou plusieurs addic-
tions (y compris l’initialisation de traitements
par la méthadone, par délégation de signature
du CSST), cet Hermès-là assure également la
formation de ses intervenants (au quatrième
trimestre 2003, tous ses membres ont pu béné-
ficier d’une formation sur l’hépatite C). Il par-
ticipe à la recherche sur la clinique, mène des
enquêtes épidémiologiques (celle en cours
concerne aussi l’hépatite C), et travaille en
partenariat avec tous les autres acteurs concer-
nés : les autres réseaux de soins, les parte-
naires sociaux et institutionnels, les structures
hospitalières, celles de soins en addictologie,
les collectivités territoriales, les équipes des
maisons d’arrêt… “L’avenir et le développe-
ment des microstructures dépendent de leur
capacité à travailler dans le maillage des dis-
positifs sanitaires et sociaux : prison, CHU,
centre hospitaliers, CSST…”, dit encore le
Président de RMS. “Le médecin généraliste,
censé être doté de toutes les compétences,
n’est plus seul dans son cabinet à dispenser
des soins, mais il se rend capable de s’entou-
rer de compétences autres, de solliciter celles-
ci, pour pouvoir analyser le contexte particu-
lier de ces patients et les prendre en charge de
façon globale”.
Côté cour : “L’arrivée de thérapeutes qui ne
sont pas médecins, c’est une révolution cultu-
relle dans le cabinet médical”, dit, pour sa part
le Dr Alexandre Feltz, médecin généraliste,
coordinateur médial du RMS.
Côté jardin (ou vice-versa !) : “Le plus
important, pour le patient, c’est que le méde-
cin lui offre la possibilité de parler à d’autres
intervenants, chez lui. Cette invitation est alors
très souvent reçue favorablement. Le patient
s’en empare à sa manière et nous indique quel
espace particulier créer avec lui”, dit Pascale
Hannon, psychologue.
Et, au “centre de la pièce” : “La micro-
structure, c’est la possibilité d’avoir une
écoute. Comme on connaît les personnes, les
contacts se font plus aisément et j’ai
confiance. C’est quelque chose qui tient dans
la durée”, résume un patient.
Réseau vivant, toujours mouvant
Et de l’autre côté de “la maison” ? Au sein
du RMS, persiste encore un certain nombre
d’interrogations : travailler en utilisant le ques-
tionnaire ASI, est une procédure lourde, forte-
ment “chronophage” (une heure au minimum
par passation de questionnaire qui com-
prend 600 items !). “Il fallait vraiment être
militants !”, dit ce médecin généraliste.
“C’est le questionnaire lui-même qui devenait
un outil thérapeutique”, corrige cet autre
médecin. “Ça nous a demandé un travail très
fatigant de mémoire sur nous-mêmes, sur 20 à
30 ans de nos vies !”, rappelle ce patient. “Oui,
mais l’outil lui-même a modifié les résultats
de l’étude”, ajoute Arnaud Zeman, psycho-
logue… “Certains se sont sentis un peu remis
en cause par l’introduction de cette procédure
d’évaluation, d’autres s’en sont servis comme
d’une balise, disant aux patients : alors on se
reverra, un an après, pour faire l’inventaire du
contenu ?”, disait Danièle Ledit. Les micro-
structures, trois ans après, sont loin d’être des
prototypes, prêts à susciter la production de
modèles en série : ici, le médecin est un peu
autoritaire et ne laisse pas vraiment toute la
place qu’il devrait accorder au psychologue et
au travailleur social. Là, il impose au patient
une prise de rendez-vous à l’avance avec
ceux-ci, alors qu’ailleurs, ces consultations
sont vraiment “open”. Ici, un bureau est lais-
sé libre (voire dans la cuisine), là, le travailleur
social ou le psychologue doit transporter son
bureau dans son dos ou son coffre de voi-
ture… Bref, les plâtres essuyés, le boulot se
poursuit globalement dans la bonne humeur :
“Comme on n’est plus crispés sur la tâche de
recruter des patients susceptibles d’être inclus
dans l’étude, on respire… Et le boulot, plus
ouvert, est plus intéressant”, dit encore ce
médecin .
Et après ? “Moi je suis choqué que ce service
ne soit ouvert qu’aux patients “addicts”, alors
que des personnes âgées, des diabétiques, des
obèses, des parkinsoniens, des déprimés, en
auraient grand besoin également…”, dit cet
autre. Une réflexion partagée par bien des par-
ticipants mais dont la prise en compte se
heurte, pour le moment, aux contingences de
financements, nécessairement spécialisés.
“Pour les obtenir, il faut être clairement iden-
tifiable sur une action précise, concernant une
pathologie donnée”, objecte George-Henri
Melenotte. Et pour finir, “coup de gueule”
– attendu ! – du Dr Claude Bronner : “Je
ne trouve pas normal qu’il soit plus facile et
rapide de faire des primo-initialisations de
traitements méthadone en microstructure
qu’ailleurs !” “Oui, mais en microstructure,
on peut mener des entretiens préalables à la
mise sous traitement et on peut alors, après
consultation du CSST, par délégation de sa
signature, le commencer. En effet, en France,
c’est la qualité de la structure qui détermine la
prescription (méthadone en CSST, centres
hospitaliers ; buprénorphine haut dosage en
ville…), alors qu’il faudrait que ce soit l’état
du patient lui-même qui le justifie… En adop-
tant ce mode de fonctionnement en réseau,
nous pouvons rééquilibrer le pourcentage de
nos patients traités par l’un et l’autre de ces
médicaments de substitution (dans mon cabi-
net, ils représentent fifty-fifty)”, répondait le
Dr Alexandre Feltz. Le débat reste ouvert…
Le bon “bras” :
celui des microstructures
Pour continuer à caboter entre différents
écueils possibles, restent les résultats de l’éva-
luation qualitative, très rigoureuse, menée par
le laboratoire d’épidémiologie et de santé
publique de l’Ulp de Strasbourg. Depuis le
départ de l’expérience, celle-ci repose sur la
comparaison de deux “bras” d’un même cabi-
net, soit 349 patients à T0, mais 232 à l’arri-
vée, à T24 : l'un, “conventionnel”, englobe les
patients pris en charge par le médecin seul,
l’autre, “microstructure”, par le médecin, le
psychologue, le travailleur social. Au total,
seulement 155 dossiers ont pu être analysés,
conformément à la méthodologie très stricte
définie d’entrée de jeu.
Le principal score retenu était l’évolution des
consommations de drogues dans l’un et
l’autre “bras” (nombre de jours d’utilisation
d’héroïne, méthadone, opiacés, barbituriques,
tranquillisants, cocaïne, amphétamines, can-
nabis, hallucinogènes, polyconsommations ;
nombre de jours “à problèmes” de drogues ;
estimation par le patient lui-même de la néces-
sité d’un traitement…). Et, de ce point de vue,
les microstructures ont montré, de façon signi-
ficative, leur efficacité sur le suivi convention-
nel : les patients ainsi pris en charge, surtout
lorsqu’ils ont bénéficié d’entretiens psycholo-
giques, ont nettement diminué leurs consom-
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