a x e s u È a rrÈrsÈeseauuxx Séminaire interrégional de l’ANGREHC Le parcours coordonné de soins pour des patients cumulant plusieurs facteurs de vulnérabilité : la diversité des expériences en réseaux M. Rakem* Les objectifs essentiels de ce séminaire, organisé les 11 et 12 décembre derniers à la faculté de médecine de Bobigny par l’Association nationale pour la recherche et l’étude sur les hépatopathies chroniques (ANGREHC), étaient d’échanger les expériences, de réfléchir ensemble aux modalités de coordination des soins les plus opportunes et les mieux adaptées aux populations suivies en médecine générale ; elles sont d'ailleurs rarement connues par les pouvoirs publics : maisons médicales, réseaux de microstructures, interventions de coursiers sanitaires et sociaux au sein des mini-réseaux de proximité… Ne jamais baisser les bras Le séminaire interrégional de l’ANGREHC a permis à plusieurs réseaux de présenter leur dispositif : MRP/CRC Aulnay (1), les Réseaux de microstructures (RMS) Alsace (2) et Canebière (3), DIANEFRA 93 (4), Résad 84 (5) et un réseau Méthadone informel et libéral de Montpellier. Le Dr Lawrence Cuvelier, représentant la maison médicale de Bruxelles, a été invitée à présenter le modèle belge. Premier constat, d’évidence : les chemins empruntés pour créer un réseau sont certes très différents, certains même semés d’embûches, à l’instar de celui suivi par Patrick de La Selle à Montpellier. Au bout du compte, heureusement, on a toujours le même trio gagnant : le patient, le praticien et les dépenses publiques. Deuxième remarque : le financement d’un réseau est souvent très difficile et long à obtenir, ce qui conduit certains, qui font passer leur vocation médicale et une certaine exigence de la qualité de la prise en charge avant d’autres considérations, à se lancer dans l’action sans en disposer, en attendant. Il faut savoir qu’avec de la détermination et de la persévérance, et au prix de beaucoup de démarches administratives, une fois le projet déposé, le duo Union régionale des caisses d’assurance maladie (URCAM)-Agence régionale d’hospitalisation (ARH) peut répondre positivement (d’autres organismes financeurs existent). Comment, en effet, s’assurer qu’un usager de drogues (UD), ou une personne précaire, puisse suivre un traitement lorsqu’il n’a même pas un toit au* Médecin journaliste, Vitry-sur-Seine. dessus de sa tête, par exemple ? Les spécificités médico-sociales de ces populations particulièrement fragilisées justifient en elles-mêmes la nécessité de créer des réseaux afin que les professionnels agissent ensemble et puissent suivre efficacement leurs traitements. C’est donc en qualité de président de l’ANGREHC, que Xavier Aknine a déposé, en mars 2007, une demande de financement (FAQSV ) pour mener une étude de faisabilité. En mai 2008, il a obtenu un financement de l’URCAM pour la Seine-Saint-Denis à condition de créer une association locale. Ainsi est né le Mini-réseau de proximité (MRP)/Centre de ressources. Pas un, mais des réseaux à la carte Une expérimentation est alors programmée de septembre 2008 à septembre 2009. Le centre de ressources dispose de dérogations tarifaires couvrant les séances de psychothérapie et l’indemnisation des professionnels libéraux pour les réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) [2]. Il dispose aussi de coursiers sanitaires et sociaux. Le mode de fonctionnement ? Lorsqu’un médecin généraliste (MG) repère une "situation de crise", il contacte le centre en temps réel. Un coursier sanitaire et social se déplace immédiatement au cabinet du médecin généraliste. Il effectue un bilan diagnostique socio-sanitaire du patient, établit un plan d’action et débute les démarches pour le patient, avec ou sans lui. Aucun professionnel n’est imposé. Pas d’intervention clés en main : le centre travaille avec des personnes 29 en qui les patients ont confiance (infirmières, psychiatres...) et le réseau est adapté aux besoins, attentes et demandes de chacun d’eux. Après six mois de fonctionnement, les données collectées par le dispositif ont été analysées. Elles ont permis d’établir les profils des patients rencontrés qui ont bénéficié du dispositif : 56 % des personnes étaient atteintes d’au moins deux pathologies différentes ; la majorité d’entre elles n’étaient pas issues de milieux marginaux : 57 % vivaient seules, 43 % travaillaient, 73 % avaient des liens familiaux. Premières conséquences positives, vite mises en évidence : l’intervention du Centre réduit considérablement les délais d’attente pour obtenir ses droits, car "une personne recommandée est toujours mieux accueillie". Ensuite, contrairement à une assistante sociale "classique" formée avec l’idée que la demande doit venir du patient, le coursier socio-sanitaire sait faire la différence entre une personne normale mais lente et "paresseuse", qui mettra peut-être 6 mois pour effectuer une démarche, et un patient souffrant d’une dépression ou d’une autre maladie mentale, qui, lui, mettra une année entière pour effectuer la même démarche, voire restera en panne. Par ailleurs, par son action multisectorielle, un tel dispositif favorise la continuité des soins et permet au médecin de libérer du temps administratif pour se consacrer davantage aux RCP. La voie des microstructures Le Dr Yves Grandbesançon, du RMS Canebière Le Cabanon et représentant la coordination nationale des RMS, a présenté le concept et les résultats de trois études. Rappel : la microstructure est une équipe composée d’un médecin généraliste, d’un psychologue et d’un travailleur social collaborant dans un même lieu : le cabinet médical. Ils assurent ensemble le suivi des patients, selon un rythme hebdomadaire, à des plages horaires fixes. L’étude ASI, qui évaluait l’impact de la microstructure sur la qualité de vie des patients, a révélé que ce dispositif obtenait des résultats significativement meilleurs que le cabinet de ville. Sur les quatre points suivants : baisse des abus de drogues, amélioration des relations sociales, de l’état psychiatrique, et de l’emploi. Un résultat déjà observé dans l’étude qualitative DEQUASUD menée par RMS Alsace entre 2007 et 2008, dont l’objet était d’évaluer le rapport coût-utilité de la prise en charge de personnes en microstructures présentant une ou plusieurs addictions. Avec en plus le constat que la prise en charge en microstructure revient moins cher que celle en cabinet de médecine conventionnelle, même après avoir intégré les frais du réseau lui-même. La troisième étude concernait le dépistage et le trai- Le Courrier des addictions (12) ­– n ° 1 – janvier-février-mars 2010 a x e s u È rrÈrsÈeseaauuxx 4 L’ANGREHC, présidée par le Dr Xavier Aknine, est l’Association nationale des généralistes pour la recherche et l’étude sur les hépathopathies chroniques. Elle a été créée par des médecins généralistes face au constat de l’inégalité des chances d’accès aux traitements des hépatites pour les patients cumulant des facteurs de vulnérabilité socio-sanitaire. Depuis sa création en 2002, cette association loi 1901 regroupe essentiellement des médecins généralistes expérimentés dans la prise en charge de patients usagers de drogues et qui se sont formés à la prise en charge de l’hépatite C. Elle veut mobiliser l’ensemble des médecins généralistes pour le dépistage et la prise en charge des maladies du foie. Pour cela elle s’est fixée de nombreux objectifs* tels que : – travailler avec tout généraliste en difficulté vis à vis de la prise en charge du VHC, qu’il soit ou non adhérant à un réseau ; – repérer les écueils du suivi en médecine libérale ; – mettre en relation les experts avec les médecins généralistes du secteur ; – valoriser le médecin généraliste dans son rôle spécifique et faciliter des pratiques plus impliquées dans ces prises en charge ; – mettre en place des formations en partenariat avec les réseaux préexistants et des études scientifiques spécifiques à la médecine générale. 4 Un guide social pour le médecin, publié récemment sous la direction de Sibel Bilal*, est disponible aujourd’hui auprès de l’ANGREHC. Ce guide est un outil précieux créé pour contribuer à améliorer la prise en charge sanitaire et sociale des patients dans le domaine des hépatites et des comorbidités associées. Il aborde la protection sociale, le logement, l’emploi... par des situations concrètes sous forme de fiches telles que : "Docteur, je n’ai plus de sécurité sociale" ; "Docteur, je craque, je vais démissionner" ; "Docteur, je suis étudiant c’est la galère !"... Le médecin y trouve les conseils et les explications qu’il peut donner à son patient ainsi que les contacts à prendre en vue des démarches à accomplir. Consulter : www.angrehc.com tement des hépatites C chez les UD suivis par le réseau RMS Alsace en 2008. Chez 90 % des cas de sérologie positive, le dosage de l’ARN du VHC a été effectué. On a traité 40 % des patients ARN-VHC positifs. Avec ces résultats plus favorables que la moyenne nationale, F. Di Nino et al. (6) ont démontré qu’un travail en équipe à proximité du patient, dans une relation de confiance, améliore la prise en charge de l’hépatite C chez les UD. La maison médicale belge Alors, pourquoi le problème récurrent du financement des réseaux ? "Les cibles des réseaux sont les populations précaires et on doit arrêter de les assister", entend-t-on parfois. "On se trompe quand on pense que le patient précaire ou toxicomane deviendra autonome un jour !" répond Lawrence Cuvelier, qui exerce dans une maison médicale à Bruxelles, "Un problème entraîne l’autre et ces personnes vivent au jour le jour. Il est impossible de mener un projet thérapeutique, s’il n’y a pas de projet de vie !" "Aujourd’hui en Belgique, nous avons réglé le problème du financement car nous avons obtenu la reconnaissance des pouvoirs publics dès les années 1990", explique-t-elle. Une maison médicale est, selon le modèle belge, une association de soignants regroupant un médecin généraliste, un "kinésiste" (kinésithérapeute) et une infirmière ainsi qu’une palette d’autres intervenants. Elle ne comprend généralement pas de spécialistes, hormis (dans moins de 1/20e des cas) un pédiatre, un psychiatre ou un gynécologue. Le Centre public d’aide sociale (CPAS) dépend de la commune et se doit de porter assistance médicale au plus démuni avec une très large gamme d’interprétation. Elle s’inscrit dans une dynamique locale (maison de quartier, réseau d’entraide), fondée sur association libre définissant un projet. Elle n’a pas l’exclusivité de l’aide médico-sociale. Au fil du temps, le financement est passé du paiement à l’acte à une formule forfait + subvention. La maison médicale est payée en fonction du nombre de patients inscrits. À chaque patient une catégorie sociale est définie par un risque (VIPO : personne veuve, invalide, pensionnée ou orpheline) en fonction duquel une somme mensuelle est attribuée. Cette dernière tient compte de la moyenne des dépenses nationales. Les avantages de ce forfait : pas de rapports entre l’acte et l’argent. Le médecin est davantage maître de la conduite thérapeutique et peut reconvoquer un patient si c’est nécessaire. Le confort financier est au rendez-vous, d’où un plus grand respect et un suivi des patients "complexes" plus facile avec une place accordée à la prévention. La maison médicale gère le budget santé des patients en percevant une enveloppe qui équivaut à un salaire horaire de travail. Le réseau méthadone d’affinité Les UD ne représentent que 10 à 15 % des patients d’un cabinet de médecine générale. Les avantages du travail en réseau sont aussi nombreux pour le patient qui n’est pas en situation de précarité. Dès l’instant où le pa- Le Courrier des addictions (12) ­– n ° 1 – janvier-février-mars 2010 30 tient franchit la porte du cabinet médical, il est tributaire du domaine de prédilection du thérapeute, l’omniscience étant impossible. Et l’absence de pathologie somatique ne dispense pas le médecin de sa vocation. Carole Turpin, jeune médecin généraliste, raconte ses premières impressions lorsqu’elle a débuté au cabinet de Patrick de la Selle à Montpellier, membre d’un réseau d’affinité informel et libéral (non subventionné) : "Avant j’effectuais des remplacements dans des cabinets conventionnels (non adhérents à un réseau), et face à des patients parfois sans pathologie mais qui cumulaient des facteurs de vulnérabilité (rupture, décès, licenciements...) j’étais complètement désarmée ne sachant comment les aider, je les laissais repartir avec rien d’autres que des mots de soutien alors qu’ils étaient en détresse. Le jour où j’ai rejoint Patrick de la Selle, j’ai découvert le confort et la richesse de la pratique en réseau. Les avantages sont nombreux. Je suis plus souvent satisfaite de mon mode de pratique car je sais que je fais à chaque fois tout mon possible pour chaque patient en sollicitant d’autres professionnels qu’ils soient travailleurs sociaux, psychologues, psychiatres, hépatologues, biologistes... De plus, la prise en charge globale dont bénéficie le patient au sein d’un réseau, garantit la pratique des tests de dépistage envisageables pour son cas, la prescription des examens complémentaires sera coordonnée." Rappel des faits : pour créer son réseau Méthadone d’affinité, Patrick de la Selle a dû longtemps se battre contre les Centres de soins spécialisés aux toxicomanes (CSST) locaux, au prix d’une première condamnation de l’Ordre régional d’exercer pendant une année – annulée ensuite par l’Ordre national –, explique-t-il. Généraliste, très investi en addictologie, il constate dès son arrivée en 2001 à Montpellier, carrefour du trafic de drogues entre Barcelone et Marseille, le fossé existant entre les toxicomanes vivant pratiquement sur la place de la comédie, lieu de deal très connu et les deux CSST "hyper haut seuil" existants. Patients mal suivis car le réseau social et les associations locales étaient très frileuses. Chaque CSST suivait une trentaine de patients à peine. La majorité des médecins généralistes faisaient un suivi au lance-pierre, un marché gris de la rue prospérait, les pratiques de shoot à la buprénorphine haut dosage et au Skenan® étaient importantes, l’accès à la méthadone impossible. "J’ai dû mettre en place un réseau d’affinité, informel jusqu’à aujourd’hui, car les subventions ont été refusées par l’URCAM, suite aux plaintes déposées contre moi. J’ai dû agir vite avec dix autres MG sans attendre le financement. L’urgence était de faire passer les injecteurs sous méthadone. Depuis 2001, 400 à 410 initialisations ont été réalisées. Nous avons moins de 10 perdus de vue et zéro accident", expliquait P. de la Selle. a x e s u a e x rrÈ s È u r Èse aux Références bibliographiques 1. MRP CRC Aulnay. Centre de ressources pour mini- réseaux de proximité en Seine Saint-Denis représenté par les Drs X. Aknine, Grunberg et Mme S. Bilal. 2. RMS Alsace. Réseau de microstructures Alsace re- présenté par le Dr Y. Grandbesancon. 5. Résad 84. Réseau Addictions Vaucluse Camargue. le Dr M. Monod. 4. DIANEFRA 93. Réseau réservé aux diabétiques, représenté par le Dr M. Nemorin, voir activités sur http://www.dianefra.fr 6. Di Nino F, Melenotte GH, JL Imbs JL, Doffoel M. 3. RMS Canebière, représenté par Mme S. Thomas et www.retox84.org Étude portant sur le dépistage et le traitement des usagers de drogues par le réseau RMS Alsace en 2008. vvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvv Champix®, BPCO et sevrage tabagique l’arrêt du traitement. Ils recevaient en parallèle des conseils pour le sevrage tabagique et un soutien moral. La tolérance a été généralement bonne, avec 2,8 % d’effets secondaires sérieux sous varénicline contre 4,4 % observés chez les patients sous placebo. Cette étude montre que la varénicline est efficace pour le sevrage tabagique, avec un bon profil de tolérance, chez ces sujets très dépendants M.P. à la nicotine et difficiles à traiter. v Plus de la moitié des fumeurs risquent de développer, à terme, une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). Aux États-Unis, plus de 12 millions de patients sont atteints de BPCO et 80 à 90 % d’entre eux sont fumeurs. Environ 24 millions d’adultes américains fumeurs ont une altération de la fonction respiratoire mais ignorent majoritairement qu’ils sont à risque de développer une BPCO. À travers le monde, 210 millions de patients seraient atteints de cette pathologie qui, en 2030, devrait être la troisième cause de décès. Arrêter de fumer est un enjeu majeur pour ces patients. En effet, le sevrage tabagique est le traitement le plus efficace et le moins cher pour prévenir la survenue d’une BPCO ou en stopper la progression. Les recommandations internationales préconisent de proposer aux fumeurs le plus d’aide possible pour arrêter de fumer en associant médicaments et soutien psychologique. Les résultats d’une étude récente, présentés au cours de la 75e Assemblée scientifique internationale annuelle du Collège des pneumologues américains (CHEST 2009, 31 octobre-5 novembre San Diego, ÉtatsUnis), ont montré que 42,3 % des fumeurs atteints de BPCO légère à modérée traités par Champix® (varénicline, laboratoire Pfizer) ont été capables d’arrêter de fumer et de rester abstinent pendant les quatre semaines qui ont suivi l’arrêt du traitement contre 8,8 % des sujets sous placebo. Cette étude multicentrique, en double aveugle contrôlée versus placebo, a inclus 499 adultes ayant fumé au moins 10 cigarettes par jour dans l’année précédant l’inclusion, sans période d’abstinence supérieure à trois mois. Tous les participants présentaient une BPCO légère à modérée et fumaient depuis 41 ans en moyenne avec une forte dépendance à la nicotine (test de Fagerström). Les patients ont été randomisés en deux groupes de traitement sur 12 semaines (varénicline 1 mg deux fois par jour ou placebo) et ont été suivis 52 semaines après 28 mai 2010 – L’esprit des drogues aujourd’hui – Colloque organisé par Espace Indépendance*, RMS Alsace**, l’IRIST*** avec le soutien de la MISHA**** au forum de la faculté de médecine (4, rue Kirschleger, Strasbourg). Intervenants : JeanPol Tassin, neurobiologiste, professeur au Collège de France ; Véronique Nahoum-Grappe, anthropologue à l’EHESS ; Jean-Christophe Weber, professeur de médecine interne, chercheur à l'IRIST ; George-Henri Melenotte, psychanalyste. On constate l’importance croissante que prend le phénomène des addictions dans la vie quotidienne. On peut se demander si ce n’est pas là un phénomène majeur du début de ce siècle. Or, l’étude actuelle du phénomène addictif se cantonne quasi exclusivement dans une approche cognitivo-comportementale. Celle-ci se trouve corroborée par des avancées récentes de la neurobiologie. L’axe comportement/ dysfonctionnement cérébral s’en trouve privilégié, souvent aux dépens d’autres approches. Le thème de cette journée a pour but de reprendre une réflexion entamée il y a de nombreuses années sur l’esprit des drogues. Y participaient des personnalités de domaines fort différents : sociologues, anthropologues, psychanalystes, neurobiologistes. C’est une réflexion comparable que propose cette journée. La thématique retenue, "L’esprit des drogues aujourd’hui", nous invite à actualiser la réflexion d’alors, en prenant acte du fait que le phénomène addictif est complexe et encore peu connu. Cette journée offrira l’occasion de promouvoir la diversité des réflexions afférentes au champ des addictions. Penser le phénomène addictif dans sa complexité revient à laisser ouverte l’interrogation suscitée par la grande énigme de l’esprit des drogues. * Lieu d’accueil et de soins en addictologie. ** Réseau des microstructures médicales d’Alsace. *** Institut de recherches interdisciplinaires sur les sciences et la technologie, EA 3424, université de Strasbourg. **** Maison interuniversitaire des sciences de l’homme, Alsace. ADIEU AU DOCTEUR JACQUES LAURANS De Leonid Plioutch au toxico prévenu "parqué" en tenue pénale… Jacques Laurans est décédé accidentellement à l’âge de 76 ans. Il fonda le Centre médico-psychologique régional (CMPR) de Fresnes en 1979. J’ai fait sa rencontre en étant son interne à une époque où soigner en prison était souvent considéré comme une compromission avec l’ordre établi, une trahison. Notre société était aveugle face aux conditions de détention et il avait fallu que les détenus montent sur les toits pour qu’enfin, on commence à les entendre… Jacques Laurans inspirait l’admiration de tous ceux qui l’ont côtoyé, car il a su tracer la voie d’une psychiatrie en milieu pénitentiaire et a toujours évité toute ingérence de l’administration pénitentiaire et des magistrats dans le fonctionnement médical. "Il n’y a pas d’incarcération de routine" Il imposait le respect de la personne, quelle qu’elle soit. C’est ainsi qu’il a su défendre Plioutch, victime de la psychiatrie soviétique aussi bien que faire fermer un lieu de nondroit, comme le quartier toxico de Fresnes, et y développer des soins adaptés (antenne toxicomanie puis CSST…), promouvoir une prise en charge des agresseurs sexuels, "la prison à 31 vie est une monstruosité" expliquait-il… Il faudra regrouper ses écrits, car loin des publications "référencées", ils sont le témoignage d’un véritable enseignement clinique en milieu pénitentiaire où "la qualité de malade doit toujours prendre le pas sur celle de détenu". À l’heure où le climat d’insécurité conduit à préconiser toujours plus de mesures attentatoires aux libertés et provoque des attitudes de repli sur soi, il nous a appris qu’il faut savoir opposer la sollicitude thérapeutique à la contrainte arbitraire. En toutes circonstances. D. Touzeau Le Courrier des addictions (12) ­– n ° 1 – janvier-février-mars 2010