
Le Courrier des addictions (12)  – n ° 1 – janvier-février-mars 2010 30
tement des hépatites C chez les UD suivis par 
le réseau RMS Alsace en 2008. Chez 90 % des 
cas  de sérologie  positive,  le  dosage de l’ARN 
du VHC a été effectué. On a traité 40 % des pa-
tients  ARN-VHC  positifs.  Avec  ces  résultats 
plus  favorables  que  la  moyenne  nationale,  F. 
Di Nino et al. (6) ont démontré qu’un travail 
en équipe à proximité du patient, dans une re-
lation de confiance, améliore la prise en charge 
de l’hépatite C chez les UD. 
La maison médicale belge
Alors,  pourquoi  le  problème  récurrent  du 
financement des réseaux ? "Les cibles  des  ré-
seaux sont les populations précaires et on doit 
arrêter  de  les  assister",  entend-t-on  parfois. 
"On se trompe quand on pense que le patient 
précaire  ou  toxicomane  deviendra  autonome 
un  jour  !"  répond  Lawrence  Cuvelier,  qui 
exerce dans une maison médicale à Bruxelles, 
"Un problème entraîne l’autre et ces personnes 
vivent au jour le jour. Il est impossible de mener 
un projet thérapeutique, s’il n’y a pas de projet 
de vie !" "Aujourd’hui en Belgique, nous avons 
réglé  le  problème  du  financement  car  nous 
avons  obtenu  la  reconnaissance  des  pouvoirs 
publics dès les années 1990", explique-t-elle. 
Une  maison  médicale  est,  selon  le  modèle 
belge,  une  association  de  soignants  regrou-
pant  un  médecin  généraliste,  un  "kinésiste" 
(kinésithérapeute)  et  une  infirmière  ainsi 
qu’une palette d’autres  intervenants. Elle  ne 
comprend généralement pas de spécialistes, 
hormis (dans moins de 1/20e des cas) un pé-
diatre, un psychiatre ou un gynécologue. Le 
Centre public  d’aide sociale (CPAS) dépend 
de la commune et se doit de porter assistance 
médicale au plus démuni avec une très large 
gamme  d’interprétation.  Elle  s’inscrit  dans 
une  dynamique  locale  (maison  de  quartier, 
réseau  d’entraide),  fondée  sur  association 
libre définissant un projet. Elle n’a pas l’exclu-
sivité de l’aide médico-sociale.  
Au  fil  du  temps,  le  financement  est  passé 
du paiement à l’acte à une formule forfait + 
subvention. La maison médicale est payée en 
fonction  du  nombre  de  patients  inscrits.  À 
chaque patient une catégorie sociale est défi-
nie par un risque (VIPO : personne veuve, in-
valide, pensionnée ou orpheline) en fonction 
duquel une somme mensuelle est attribuée. 
Cette  dernière  tient compte de  la  moyenne 
des dépenses nationales. 
Les avantages de ce forfait : pas de rapports 
entre l’acte et l’argent. Le médecin est davan-
tage  maître de la conduite thérapeutique et 
peut  reconvoquer  un  patient  si  c’est  néces-
saire. Le confort financier est au rendez-vous, 
d’où un plus grand respect et un suivi des pa-
tients "complexes" plus facile avec une place 
accordée à la prévention.
La  maison  médicale  gère  le  budget  santé 
des patients en percevant une enveloppe qui 
équivaut à un salaire horaire de travail.
Le réseau méthadone 
d’affinité
Les  UD  ne  représentent  que  10  à  15 %  des 
patients  d’un  cabinet  de  médecine  générale. 
Les avantages du travail en réseau sont aussi 
nombreux  pour  le  patient  qui  n’est  pas  en 
situation de précarité. Dès l’instant où le pa-
 L’ANGREHC, présidée par le Dr Xavier 
Aknine, est l’Association nationale des gé-
néralistes  pour  la  recherche  et  l’étude  sur 
les  hépathopathies  chroniques.  Elle  a  été 
créée par des médecins généralistes face au 
constat de l’inégalité des chances d’accès aux 
traitements des  hépatites pour les  patients 
cumulant  des  facteurs  de  vulnérabilité  so-
cio-sanitaire.  Depuis  sa  création  en  2002, 
cette  association  loi  1901  regroupe  essen-
tiellement des  médecins  généralistes  expé-
rimentés dans la prise en charge de patients 
usagers de drogues et qui se sont formés à la 
prise en charge de l’hépatite C. Elle veut mo-
biliser l’ensemble des médecins généralistes 
pour  le dépistage et  la prise en charge des 
maladies du foie.
Pour cela elle s’est fixée de nombreux ob-
jectifs* tels que: 
–  travailler  avec  tout  généraliste  en  diffi-
culté vis à vis de la prise en charge du VHC, 
qu’il soit ou non adhérant à un réseau ;
– repérer les écueils du suivi en médecine 
libérale ; 
–  mettre  en  relation  les  experts  avec  les 
médecins généralistes du secteur ; 
– valoriser le médecin généraliste dans son 
rôle  spécifique  et  faciliter  des  pratiques 
plus impliquées dans ces prises en charge ;
– mettre en place des formations en parte-
nariat avec les réseaux préexistants et des 
études scientifiques spécifiques à la méde-
cine générale. 
  Un  guide  social  pour  le  médecin,  pu-
blié récemment sous la direction de Sibel 
Bilal*,  est  disponible  aujourd’hui  auprès 
de l’ANGREHC. Ce guide est un outil pré-
cieux  créé  pour  contribuer à améliorer la 
prise en charge sanitaire et sociale des pa-
tients dans le domaine des hépatites et des 
comorbidités associées. Il aborde la protec-
tion sociale, le logement, l’emploi... par des 
situations  concrètes  sous  forme  de  fiches 
telles que : "Docteur, je n’ai plus de sécurité 
sociale" ; "Docteur, je craque, je vais démis-
sionner" ; "Docteur, je suis étudiant c’est la 
galère !"... Le médecin y trouve les conseils 
et les explications qu’il peut donner à son 
patient ainsi que les contacts à prendre en 
vue des démarches à accomplir.
Consulter: www.angrehc.com
tient  franchit  la porte  du  cabinet  médical,  il 
est tributaire du  domaine de prédilection du 
thérapeute, l’omniscience étant impossible. Et 
l’absence de pathologie somatique ne dispense 
pas le médecin de sa vocation.
Carole  Turpin,  jeune  médecin  généraliste, 
raconte ses premières impressions lorsqu’elle 
a débuté au cabinet de Patrick de la Selle à 
Montpellier, membre d’un réseau d’affinité in-
formel et libéral (non subventionné): "Avant 
j’effectuais des  remplacements  dans  des cabi-
nets  conventionnels  (non  adhérents  à  un  ré-
seau), et  face  à  des patients  parfois  sans  pa-
thologie  mais  qui  cumulaient des  facteurs  de 
vulnérabilité  (rupture,  décès,  licenciements...) 
j’étais  complètement  désarmée  ne  sachant 
comment les aider, je les laissais repartir avec 
rien  d’autres  que  des  mots  de  soutien  alors 
qu’ils étaient en détresse. Le jour où j’ai rejoint 
Patrick de la Selle, j’ai découvert le confort et la 
richesse de la pratique en réseau. Les avantages 
sont nombreux. Je suis plus souvent satisfaite 
de mon mode de pratique car je sais que je fais 
à chaque fois tout mon possible  pour  chaque 
patient  en  sollicitant  d’autres  professionnels 
qu’ils soient travailleurs sociaux, psychologues, 
psychiatres,  hépatologues,  biologistes...  De 
plus, la prise en charge globale dont bénéficie 
le patient au sein d’un réseau, garantit la pra-
tique des tests de dépistage envisageables pour 
son cas,  la  prescription des examens  complé-
mentaires sera coordonnée."
Rappel des faits: pour créer son réseau Mé-
thadone  d’affinité,  Patrick  de  la  Selle  a  dû 
longtemps  se  battre  contre  les  Centres  de 
soins spécialisés aux toxicomanes (CSST) lo-
caux,  au  prix  d’une  première  condamnation 
de  l’Ordre  régional  d’exercer  pendant  une 
année – annulée ensuite par l’Ordre national 
–, explique-t-il. Généraliste, très investi en ad-
dictologie, il constate dès son arrivée en 2001 
à Montpellier, carrefour du trafic de drogues 
entre Barcelone et Marseille, le fossé existant 
entre les toxicomanes vivant pratiquement sur 
la place de la comédie, lieu de deal très connu 
et les deux CSST "hyper haut seuil" existants. 
Patients mal suivis car le  réseau social et les 
associations  locales  étaient  très  frileuses. 
Chaque  CSST  suivait  une  trentaine  de  pa-
tients à peine.  La  majorité des médecins  gé-
néralistes faisaient un suivi au lance-pierre, un 
marché gris de la rue prospérait, les pratiques 
de shoot à la buprénorphine haut dosage et au 
Skenan
®
 étaient importantes, l’accès à la mé-
thadone impossible. "J’ai dû mettre en place un 
réseau d’affinité, informel jusqu’à aujourd’hui, 
car les  subventions ont été refusées  par  l’UR-
CAM, suite aux plaintes déposées contre moi. 
J’ai dû agir vite avec  dix autres MG sans at-
tendre le financement. L’urgence était de faire 
passer les  injecteurs  sous  méthadone.  Depuis 
2001,  400  à  410  initialisations  ont  été  réali-
sées. Nous avons moins de 10 perdus de vue et 
zéro accident", expliquait P. de la Selle.