Le Courrier des addictions (8) – n° 4 – octobre-novembre-décembre 2006
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tures”, dit-il. Mais c’est le cas également de
60% de ceux qui sont sous buprénorphine
haut dosage. “Je les prend aussi en délivrance
quotidienne (sans pour autant les faire atten-
dre les 15 minutes que demande le dissolution
sous la langue !) Je les cadre pour éviter les
dérives, les chevauchements. D’ailleurs, je ne
prend en charge aucun patient sous bupré-
norphine haut dosage qui n’a pas d’ordon-
nance sur laquelle figure mon nom.” Tous se
présentent et sont servis “au même comptoir”
que les autres clients et par la même équipe.
Sauf, bien sûr, s’ils préfèrent être reçus en
privé dans un espace confidentiel de l’offi-
cine. “Mais c’est à leur demande. Personnel-
lement, j’aime qu’ils avalent leur méthadone
devant la personne âgée, par exemple, qui va
poser des questions… c’est bien pour elles,
comme pour eux, de savoir qu’il existe des
parcours différents dans la vie. Et cela brise
la marginalisation”.
Une fois par mois, Philippe Riehl, comme les
autres pharmaciens participant aux réseaux de
microstructures, rencontre l’équipe au cours
de la réunion de synthèse mensuelle. Un mo-
ment très important pour ces professionnels,
qui casse leur isolement et élargit le champ de
leur prise en charge des patients à autre chose
que la seule délivrance de médicaments.
$ESPATIENTSPLUSCOMPLIANTS
Les premiers bilans sanitaires de ce nouveau
dispositif sont très encourageants : l’utilisation
de la méthadone par les médecins généralistes
dans les RMS a montré qu’elle pouvait se fai-
re dans des conditions proches de celles d’un
CSST. Les suivis réalisés en microstructures
sont réguliers et les patients globalement très
“compliants” : en 2004 et 2005 dans le RMS
d’Alsace, 56 à 76% des patients ont suivi des
entretiens psychologiques réguliers. Mieux :
une enquête menée avec le pôle de référence
hépatite C du CHU de Strasbourg montre
qu’au sein de RMS Alsace, le pourcentage de
dépistage de l’hépatite C a été notablement
élevé et celui des traitements institués, satis-
faisant : “un taux de dépistage de 80% (sé-
roprévalence de 57%), très supérieur à celui
que l’on enregistre dans les autres modalités
de prise en charge. Celui des traitements en-
trepris chez les malades porteurs du virus
(test ARN positif), usagers de drogues s’élève
à 35%, ce qui est très proche de celui des ma-
lades chroniques qui ne sont pas usagers, soit
39%”, expliquait le Pr Michel Deffoël , pour
ce Pôle. Enfin, 70% de ces malades ont une
bonne observance des traitements de leur hé-
patite C. Pour obtenir ces bons résultats, pas
de mystère : l’hépatologue a pris sa voiture
pour aller travailler avec les médecins, sur
leur terrain, à l’extérieur de l’hôpital. Et tenir
une “consultation expert, avancée”, montée
grâce à une convention passée entre l’hôpital
universitaire de Strasbourg et le RMS d’Al-
sace. Un aller vers les patients usagers de dro-
gues atteints d’hépatites C, concrétisé par une
initialisation des traitements en microstructu-
res, facilité par la mise à disposition de deux
modalités de dépistage non invasives, qui
peuvent être mises en œuvre en ambulatoire :
le Fibrotest® et Fibroscan®.
#OQUELICOT
TOUTNESTPASGAGNm
Quant à la séroprévalence du VIH, elle a
été, en microstructures, basse comme dans
les autres dispositifs de soins : 4%. C’est
moins que les pourcentages obtenus chez
les plus de 30 ans dans l’enquête Coque-
licot dont les résultats ont été exposés, au
cours de cette journée, par Marie Jauffret-
Roustide, sociologue à l’INVS (10,8%
pour le VIH et 59,8% pour le VHC, 10,2%
pour les coïnfections).
• Pour la première fois en France, Coqueli-
cot a permis de mesurer, la séroprévalence
du VIH et du VHC chez les usagers de
drogues, dans cinq villes de France : Lille,
Strasbourg, Paris, Bordeaux et Marseille.
Cette enquête, initiée en 2004, a été menée
par l’Institut de veille sanitaire (INVS),
avec le soutien de l’Agence nationale de re-
cherches sur le sida et les hépatites virales
(ANRS). Conclusion centrale : “la trans-
mission du VHC ainsi que les pratiques à
risque persistent de manière importante et
préoccupante chez les usagers de drogues
de moins de 30 ans. Cette enquête indique,
par ailleurs, que la prévalence du VIH est
extrêmement faible (0,3%) chez les usagers
de drogues de cet âge”.
Ainsi 1462 personnes ayant eu recours à
des drogues injectables et/ou par inhalation
au moins une fois dans leur vie ont accepté
d’y participer. L’objectif était d’estimer la
séroprévalence pour le VIH et le virus de
l’hépatite C (VHC) chez les usagers de
drogues et de décrire leurs comportements
(consommation de produits, pratiques à
risque). Les participants ont accepté de
répondre à un questionnaire portant sur
des aspects socio-comportementaux et des
échantillons biologiques ont été recueillis
par autoprélèvement de sang au niveau du
doigt pour 79% d’entre eux.
•Résultats : les usagers de drogues sont
essentiellement masculins (74%), leur âge
moyen est de 35,6 ans pour les hommes et
de 34,5 ans pour les femmes. Cette popula-
tion est fortement marquée par la précarité
sociale, puisque 19% vivent dans la rue ou
dans un squat (55% n’ont pas de logement
stable). D’une façon générale, la séropré-
valence du VIH et du VHC augmente avec
l’âge, alors que la séroprévalence du VIH
est quasi nulle chez les usagers de drogues
,ESRmSEAUXDEMICROSTRUCTURES2-3
•Région Alsace. Le RMS Alsace a été créé en janvier 2000. Un réseau, 17 cabinets, 21 mé-
decins généralistes, 9 psychologues, 4 travailleurs sociaux, 630 patients suivis. Coût annuel :
500000 euros. Principal financeur : URCAM-ARH, dans le cadre d’une enveloppe réduction
des risques. Cofinanceurs : DRASS-Alsace, MILDT, Conseils généraux 67 et 68, ville de
Strasbourg. Siège : 29a boulevard de Nancy, 67000 Strasbourg. Président : Dr George-Henri
•Région PACA. Association support : Réseau Canebière “Le Cabanon”. Deux dispositifs :
le RMS Provence a été créé en 2005. Il comprend 6 microstructures (et 4 en projet), 12 méde-
cins généralistes, 6 psychologues, 3 travailleurs sociaux, suit 100 patients. Le Cabanon est un
lieu d’accueil médico-psychosocial pour les usagers, un lieu de formation et d’information, de
partage d’expériences pour les professionnels. Il regroupe 15 médecins généralistes, 1 hépato-
logue, 1 psychologue, 1 travailleur social, 40 médecins, 30 pharmacies partenaires. Il suit 130
patients environ par an. Coût annuel : 545000 euros. Principal financeur : URCAM-ARH dans
le cadre d’une enveloppe réduction des risques. Cofinanceurs : DDASS-13, ville de Marseille.
Siège : 34, rue du Petit-Chantier, 13007 Marseille. Président : Dr François Brun. Tél. : 04 91 33
•En cours, région Pays de la Loire, réseau DATURA. Association support : La Rose des
Vents. Projet de création de 6 microstructures dans le bassin d’emploi de Saint-Nazaire. Res-
ponsable du projet : Arnaud Zeman, Reims.
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