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Le dépistage précoce et le traitement de
l’hépatite C sont une priorité chez les usa-
gers de drogue. Leur traitement est lourd et
occasionne des difficultés tant psycholo-
giques que sociales. Et, face à ce pari sani-
taire, le médecin généraliste joue un rôle
pivot. Avec une prévalence de contamina-
tion allant jusqu’à 60 % (contre 1,2 % pour
la populations française), les usagers de
drogue par voie intraveineuse sont, en effet,
le groupe à risque, comme le rappelle le Dr
F. Girard (1).
Un réseau de soin
Une microstrucure réunit, au cabinet du
médecin généraliste, un psychologue et un
travailleur social pour le suivi des patients
présentant une ou des pharmacodépen-
dances. Son champ d’indication comprend
l’addiction aux substances illicites (pour
les deux tiers, des addictions aux opiacés),
aux médicaments, à l’alcool, au cannabis et
au tabac. Il n’inclut pas les addictions sans
substances (figure 1). Deux patients sont
traités par buprénorphine haut dosage pour
un par méthadone, mais tous ne bénéficient
pas d’un traitement de substitution aux
opiacés. Ainsi 46,1 % du total prennent de
la buprénorphine haut dosage avec un
dosage moyen de 10,4 mg par jour ; 23,9 %
prennent de la méthadone avec un dosage
moyen de 65,5 mg par jour ; 4,7 % suivent
un autre traitement de substitution (sulfate
de morphine) ; 25,3 % des patients n’ont
pas ces traitements en raison d’une autre
addiction. Le rapport buprénorphine haut
dosage/méthadone est faible.
Le réseau des microstructures médicales
d’Alsace (RMS) a démarré dans la région
Alsace depuis juillet 2003. Composé de 18
microstructures réparties dans la région, le
RMS réunit 24 médecins généralistes, 11
psychologues et 4 travailleurs sociaux.
Quatorze microstructures se trouvent dans
le Bas-Rhin, 4 dans le Haut-Rhin. Il est
financé par la Caisse d’assurance maladie
(URCAM/ARH/FAQSV), les collectivités
territoriales (Strasbourg, Mulhouse, Thann),
le Conseil général du Haut-Rhin, la
MILDT et le laboratoire Schering Plough.
Il a établi un dispositif sanitaire contre les
hépatites à partir d’octobre 2003, selon
trois volets : formation, enquête épidémio-
logique, consultations experts. Il l’a fait en
collaboration étroite avec le Pôle de réfé-
rence régional des hépatites du CHU de
Strasbourg, dirigé par le Pr Michel Doffoël
qui lui a fourni aide et compétence.
Ces données montrent les trois addictions
principales suivies dans le réseau (3). On
note une diminution relative de la part des
opiacés depuis le début du réseau (2003) au
profit de l’alcool, des médicaments, princi-
palement les benzodiazépines. Les autres
substances comptent, entre autres, la cocaïne
et le cannabis.
Résultats encourageants pour
la prise en charge de l’hépatite C
Cet article présente les premiers résultats
d’une évaluation de l’action menée par le
RMS, le Pôle de référence régional des
hépatites du CHU de Strasbourg et le labo-
ratoire d’épidémiologie et de santé
publique de l’université Louis-Pasteur,
avec le soutien technique et financier de la
MILDT et du laboratoire Schering-Plough
(4). L’enquête a porté sur 12 mois (janvier
2004-janvier 2005). Sur un effectif total de
385 patients suivis en microstructure, 213
constituent le groupe à risque. Appartenir
au groupe à risque revient à avoir eu
Né en Alsace en juillet 2003, le dispositif du réseau des micro-
structures RMS réunit les cabinets médecins généralistes qui
accueillent chacun dans leurs locaux, un psychologue et un
travailleur social, pour le suivi des patients pharmacodépendants.
Un dispositif innovant dont on sait, après une période d’expérimen-
tation tout à fait concluante, qu’il est reproductible. Et qu’il suscite
d’ores et déjà d’autres vocations en France ! Le dispositif alsacien
travaille en réseau et en étroite collaboration avec le Pôle de
référence régional des hépatites du CHU de Strasbourg régional.
En Alsace, dépistage et traitement
des hépatites C par les microstructures
médicales
F. Di Nino*, A. Feltz**, C. Bernard-Henry**, G.-H. Melenotte**, M. Doffoël***
* Docteur en sciences, RMS d’Alsace
** A. Feltz et C. bernard-Henry, généralistes,
coordination médicale RMS d’Alsace ; G.-H.
Melenotte, président de RMS d’Asace.
*** Pôle de référence régionale hépatites,
CHU Strasbourg. Figure 1.
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Le Courrier des addictions (8), n° 1, janvier-février-mars 2006
recours à l’injection ou au sniff une fois au
moins dans sa vie. Il représente 55,3 % de
l’échantillon total. Ce groupe est composé
de 71,8 % d’hommes (soit 153 patients) et
de 28,2 % de femmes (60).
Dépistage et traitement
Dans le tableau ci-contre, sont présentés
les résultats de l’enquête. Ils montrent que
le dépistage est effectué pour les deux tiers
de la population à risque (75,6 %). Un peu
moins de la moitié des personnes dépistées
ont une sérologie positive (68). Le nombre
de tests ARN (75) est plus élevé que le
nombre de sérologies effectuées (68) : 62
tests ont été effectués chez les patients à
sérologie positive (68), 10 chez les patients
à sérologie négative (85), 3 parmi les séro-
logies non renseignées (8).
Sur 41 patients ARN positifs, le nombre de
traitements entrepris est de 16, soit 39 %
des patients porteurs du virus. Ce résultat
est encourageant pour peu que l’on se réfère
à la moyenne nationale qui, en décembre
2005, variait entre 15 à 20 %.
Traitements de l’hépatite
selon les traitements de substitution
(étude complémentaire)
Cinquante pour cent des patients prenant de
la méthadone, 25 % de ceux qui sont traités
par la buprénorphine haut dosage, 63,6 %
des patients sous sulfate de morphine, avec
un ARN positif sont traités.
Pour améliorer les résultats
Sur la base de ces premiers résultats, des
mesures sont en cours pour améliorer les
performances du réseau. De nouvelles for-
mations sur l’hépatite B et C sont prévues
pour atteindre les 100 % de dépistage. Une
formation sur l’usage du Fibroscan sera
organisée au sein du réseau au cours de ce
printemps. Depuis 2004, des consultations
d’experts où ceux-ci se déplacent dans les
microstructures, ont permis, dans certains
cas, l’initiation d’un traitement antiviral.
Une convention du RMS avec le CHU de
Strasbourg a été signée en vue de la mise en
place d’un dossier médical partagé micro-
structure/Pôle de référence. On a mis en
place un protocole, afin que les centres de
soins spécialisés dans le traitement des
toxicomanes (CSST) puissent, le cas
échéant, “passer” rapidement un patient à
la méthadone. Des conventions partena-
riales avec le secteur psychiatrique sont en
cours afin de faciliter l’accès à l’avis psy-
chiatrique au démarrage d’un traitement
contre l’hépatite C. Enfin, nous sommes en
train d’étudier la découpe du réseau selon
les territoires de santé afin de favoriser les
coopérations sanitaires à l’échelle locale.
Un dispositif pertinent
Si le dépistage en médecine générale reste
encore globalement insuffisant, le pourcen-
tage des traitements entrepris chez les per-
sonnes ARN positif” dans le cadre des
microstructures médicales, est le double de
la moyenne nationale. Le dispositif permet
aux médecins généralistes de jouer un rôle
pivot dans le dépistage et le traitement des
hépatites chez les usagers de drogue.
L’atout majeur du RMS est sa collaboration
exemplaire avec le service hospitalier du
Pr Doffoël (Pôle de référence régional des
hépatites, CHU de Strasbourg), et le sou-
tien actif des pouvoirs publics et privés.
Il facilite l’accès aux traitements de l’hépa-
tite par un recours expert du patient auprès
du médecin généraliste, et ce, à proximité
de chez lui. Par l’accueil large et compétent
qu’elle offre aux patients, par la sollicita-
tion d’avis experts en hépato-gastroentéro-
logie et en psychiatrie pour l’initiation de
leur traitement, par les possibilités de suivis
réguliers psychologiques et sociaux qu’elle
offre, la microstructure donne au médecin
généraliste les moyens de son pari sanitaire
contre les hépatites. Quant à la substitution
par la méthadone – et celle par le sulfate de
morphine – dans le cadre de la microstruc-
ture, elle semble favoriser le traitement de
l’hépatite C chez les personnes contami-
nées. L’initialisation du traitement par la
méthadone rendu possible en microstructure
permettrait de confirmer ce résultat.
Références bibliographiques
1. Dr Françoise Girard. Campagne nationale
d’information sur l’hépatite et d’incitation au
dépistage du VHC.
2. Six C, Hamers F, Brunet JB. Infections à VIH,
VHC et VHB chez les résidents des Centres de
soins spécialisés pour toxicomanes avec héber-
gement, 1993-1998. Centre européen pour la
surveillance épidémiologique du sida, Saint-
Maurice. Perbet C. Enquête sur les patients mis
sous traitement de l’hépatite C, dans l’établis-
sement de santé, 1998.
3. Données de ce paragraphe extraits du docu-
ment ADESP : Guy Hédelin, Ahmed Hama-
douche. Rapport final. Le réseau des micro-
structures, 15 octobre 2005.
4. Les données qui suivent ont été analysées
par Fiorant Di Nino dans: “Exploitation statis-
tique de l’enquête sur l’hépatite C des patients
faisant partie du groupe à risque et inclus dans
le réseau des microstructures médicale (RMS).
Impact sanitaire du RMS sur le traitement de
l’hépatite C”.
Population à risque 213
Sérologie
de dépistage 161 (75,6 %)
positive 68 (42,2 %)
ARN VHC 75
positif 41 (54,6 %)
génotype viral 33 (80,5 %)
Biopsie hépatique 19 (46,3 %)
Fibrotest 8 (19,5 %)
Traitement 16 (39 %)
➯➯➯ ➯
Les trois quarts sont des usagers
de drogues
En France, de 500 à 600 000 personnes
sont atteintes du virus de l’hépatite C.
L’hépatite C, présente une morbidité pré-
coce. Comme le rappelle C. Six et al. (2),
elle est responsable, en Europe, de 20 % des
hépatites aiguës, 70 % des hépatites chro-
niques, 40 % des cirrhoses décompensées,
ainsi que de certains cancers du foie.
Jusqu’en 1992, 30 % des personnes
étaient contaminées suite à une transfusion
sanguine et 30 % l’étaient suite à leur pra-
tique addictive par voie intraveineuse ou par
voie nasale.
En 1989, la découverte du virus de
l’hépatite C et les mesures prises depuis
ont éliminé le risque de contamination
par transfusion.
Aujourd’hui, sur environ 5 000 nouveaux
cas annuels d’hépatite C, 75 % sont, ou ont
été, usagers de drogue par voie intravei-
neuse ou par voie nasale.
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