dossier pedagogique

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DOSSIER PÉDAGOGIQUE
HISTOIRE
D’UNE VIE
création théâtre | texte Aharon Appelfeld | traduction Valérie Zenatti (Éd.
de l’Olivier) | mise en scène Bernard Levy
MARDI 10 › JEUDI 19 MARS 2015
MARDI ET VENDREDI À 20H30,
MERCREDI, JEUDI ET SAMEDI À 19H30
DIMANCHE À 16H
M° LIGNE 13 MALAKOFF-PLATEAU DE VANVES - PÉRIPHÉRIQUE PORTE BRANCION
THEATRE71.COM SCÈNE NATIONALE DE MALAKOFF
3, PLACE DU 11 NOVEMBRE – 92240 MALAKOFF 01 55 48 91 00
SERVICE RELATIONS PUBLIQUES [email protected]
Béatrice Gicquel 01 55 48 91 06 | Solange Comiti 01 55 48 91 12 | Émilie Mertuk 01 55 48 91 03
SOMMAIRE
› Générique page 1
› Une quête universellepage 2
› Le passé, même le plus dur, n’est pas une tare ou une honte,
mais une mine de viepage 3
› Regards sur Aharon Appelfeldpage 4
› L’équipe artistiquepage 5
› Extraitspage 6
› Pour aller plus loinpage 8
HISTOIRE D’UNE VIE
l’équipe artistique
création théâtre | texte Aharon Appelfeld | traduction Valérie Zenatti (Éd. de l’Olivier) | mise en
scène Bernard Levy assisté de Jean-Luc Vincent
avec Thierry Bosc
adaptation Jean-Luc Vincent et Bernard Levy | scénographie GIulio Lichtner | lumières Christian
Pinaud | costumes Séverine Thiébault | son Xavier Jacquot | vidéo Romain Vuillet
durée env. 1h10
âge conseillé à partir de 16 ans
production déléguée Scène Nationale de Sénart | coproduction Compagnie Lire aux éclats, MC2:
Grenoble, L’Espace des arts Scène Nationale de Chalon-sur-Saône, Scène Nationale d’Albi, La
Passerelle Scène Nationale de Saint-Brieuc, Scène Nationale de Sénart | La Compagnie Lire aux
éclats est subventionnée par la DRAC Île-de-France
1
UNE QUÊTE UNIVERSELLE
Ce sont différents lieux de vie qui se sont enchaînés les uns aux autres dans la mémoire, et
convulsent encore. Une grande part est perdue, une autre a été dévorée par l’oubli. Ce qui
restait semblait n’être rien, sur le moment, et pourtant, fragment après fragment, j’ai senti
que ce n’étaient pas seulement les années qui les unissaient, mais aussi une forme de sens.
J’ai découvert l’ œuvre d’Aharon Appelfeld il y a plus de dix ans. La complexité de son
univers fictionnel, la simplicité de sa langue et la sensibilité de ses interrogations me
touchent à chaque nouveau livre que je lis. En 2004, paraissait Histoire d’une vie (Prix Médicis étranger), son premier livre explicitement autobiographique. Je fus frappé par la force du
combat qu’il y décrit : son combat pour devenir écrivain en acceptant ce qu’il est et d’où il
vient. C’est ce parcours que je désire aujourd’hui mettre sur scène. Je ressens une proximité
unique avec cet écrivain. Ce qu’il écrit fait sans doute écho à ma propre vie, non dans les
faits bien sûr, mais dans cette volonté farouche de s’arracher à tout déterminisme en
écrivant sa propre histoire. Lui par la littérature, moi par le théâtre. Le parcours d’Aharon
Appelfeld est unique : orphelin à 8 ans, il va s’échapper d’un camp ukrainien et errer seul
dans les forêts jusqu’à la fin de la guerre. À 13 ans, il débarque en Israël. Commence alors la
lente et douloureuse prise de conscience de sa vocation littéraire. Il est aujourd’hui l’un des
plus grands écrivains
israéliens vivants. Il a 80 ans et vit à Jérusalem. Cette trajectoire est pour moi celle d’un
véritable héros. Histoire d’une vie, c’est le récit à la première personne d’une lutte. Une lutte
pour reconstituer sa mémoire, pour accepter de trouver le silence qui l’a entouré pendant la
guerre et le faire revenir vers lui, car « dans ce silence était cachée mon âme ». Une lutte
pour ne pas perdre sa langue maternelle tout en acceptant d’en faire sienne une autre,
l’hébreu. Un combat permanent entre le présent, celui de l’homme nouveau israélien, et le
passé, celui de l’enfant juif rescapé des camps. L’écriture est simple, économe. Elle mêle
fragments de mémoire et réflexions sur la langue, la mémoire et l’identité, avec une grande
finesse et une grande émotion. J’ai le sentiment que le théâtre peut naître de cette parole,
de ce drame constitué par la lutte d’un homme pour devenir lui-même. À travers la voix d’un
acteur, la musique, si présente dans l’ œuvre d’Appelfeld, le mélange des sons et des langues, on pourra faire entendre et amplifier cette écriture unique et donner à voir le combat
d’un homme traversé par des forces contradictoires. Paradoxalement, du récit d’une vie si
singulière se dégage l’universalité de la quête menée par tout homme : la quête d’une histoire individuelle et personnelle que l’on construit à la fois avec et contre les déterminismes
historiques et culturels.
Bernard Levy, Jean-Luc Vincent
2
LE PASSÉ, MÊME LE PLUS DUR, N’EST PAS UNE
TARE OU UNE HONTE MAIS UNE MINE DE VIE
Aharon Appelfeld est né en 1932 à Czernowitz en Bucovine (alors rattachée à la Roumanie). Ses
parents, des juifs assimilés influents, parlaient l’allemand, le ruthène, le français et le roumain. La
spiritualité simple de ses grands-parents, paysans, le marque à jamais. Il se souvient des villégiatures
pastorales et des vacances d’été dans les Carpates, et évolue dans un véritable bain langagier :
l’allemand, sa langue maternelle, le yiddish de ses grand-parents, le ruthène de cette Bucovine où il
grandit, le roumain imposé par le gouvernement, plus tard l’ukrainien, un peu de russe, d’autres
dialectes encore glanés ici et là. « Ma tête bourdonnait de langues, mais à la vérité je n’en avais pas
une à moi. ».
Quand la guerre éclate, sa famille est envoyée dans un ghetto. En 1940 sa mère est tuée, son père et
lui sont séparés et déportés. À l’automne 1942, Aharon Appelfeld s’évade du camp de Transnistrie. Il a
dix ans et se réfugie durant trois années dans les forêts ukrainiennes, trompant la vigilance
antisémite (« Heureusement pour moi j’étais blond. ») et souffrant la brutalité obtuse des paysans
qui l’exploitent il travaille. « Des années aveugles pour les enfants. »
En 1944, il est finalement libéré par l’Armée Rouge, pour laquelle il fait le coursier, puis vagabonde
avec un groupe d’adolescents orphelins, jusqu’en 1946, dans toute l’Europe, notamment les côtes
italiennes, royaume du marché noir, mais aussi, enfin, de l’air et de l’eau. Grâce à une association
juive, il embarque clandestinement pour la Palestine où il arrive en 1946. Sur les plages de Tel-Aviv, il
est parqué par les Anglais dans le camp d’Atlit. Le jour, il travaille dans les kibboutzim, les camps de
jeunesse, les écoles agricoles, la nuit, il se soumet à la rude discipline de l’hébreu, de la Bible, des
poèmes de Bialik. Il arpente ce pays fébrile où chacun tente de renaître comme Juif : « À tous les
coins de rue, des haut-parleurs tonnaient : « Plus jamais comme des moutons à l’abattoir ». Je
désirais très fort trouver ma place dans cet élan grandiose, prendre part à l’aventure qu’est la
naissance d’une nation. » Les années de service militaire, de 1950 à 1952, Hatzerim, furent des
années de solitude et de désolation. Il se réfugie dans son journal.
De 1952 à 1956, Appelfeld étudie à l’Université hébraïque, où enseignent notamment Martin Buber
ou Gershom Scholem. Il s’initie à Kafka et Camus, aux classiques hassidiques, à la littérature
hébraïque. Il est l’élève de Dov Sadan, Ernest Simon, Yehezkiel Kaufman, ou du poète yiddishisant
Leib Ruchman, et se rapproche d’Agnon, futur prix Nobel de littérature. Il enseigne à son tour. À la fin
des années 1950, il décide de se tourner vers la littérature et se met à écrire, en hébreu, sa « langue
maternelle adoptive ».
Son premier livre, Fumée, reçut en 1962 un accueil critique favorable : « Appelfeld n’écrit pas sur la
Shoah mais sur les marges de la Shoah. Il n’est pas sentimental, il est tout en retenue. ». Et quand
parut son court roman Comme la pupille de l’œil, Gershom Scholem en personne lui dit : « Appelfeld,
tu es un écrivain. ».
À la fin des années 1980, Philip Roth découvre son œuvre avec émerveillement et fait de lui l’un des
personnages de son roman, Opération Shylock. Un demi-siècle plus tard, Aharon Appelfeld est
devenu l’un des plus grands écrivains juifs de notre temps. Il vit aujourd’hui près de Jérusalem, avec
sa femme et ses trois enfants. « Les gens de ma génération ont très peu parlé à leurs enfants de leur
maison, et de ce qui leur était advenu pendant la guerre. L’histoire de leur vie leur a été arrachée
sans cicatriser. Ils n’ont pas su ouvrir la porte qui menait à la part obscure de leur vie, et c’est ainsi
que la barrière entre eux et leurs descendants s’est érigée. » À ce jour, ila publié une trentaine de
livres, principalement des recueils de nouvelles et des romans. Il a reçu le prix Médicis étranger en
2004 pour Histoire d’une vie et le prix Nelly-Sachs en 2005 pour l’ensemble de son œuvre.
3
REGARDS SUR
AHARON APPELFELD
Aharon Appelfeld est devenu l’un des plus grands écrivains juifs de notre temps. Pourtant, il
récuse avec énergie le statut d’« écrivain de la Shoah » dont on a voulu l’affubler. Il n’a jamais
voulu être un chroniqueur. Il lui a fallu en effet se forger une langue et créer un monde bien à lui
pour accéder à la vérité intérieure qui est l’objet même de sa recherche. Une langue
péniblement arrachée au silence, puis au bégaiement, nourrie du yiddish qu’il apprend
tardivement, cette « langue sacrée » que parlaient ses grands-parents, et qu’il n’avait pas le droit
d’utiliser à la maison lorsqu’il était enfant. À la fin des années 80, Philip Roth découvre cette
oeuvre avec émerveillement. Il comprend qu’il est en présence d’un écrivain exceptionnel,
proche de Kafka et de Bruno Schulz par sa puissance et sa singularité. En France, Pierre Belfond,
puis les Éditions Gallimard ont tenté dans le passé de l’imposer, sans y parvenir. Si nous
reprenons aujourd’hui le fil de ce travail interrompu, c’est parce que nous sommes convaincus
que l’œuvre d’Aharon Appelfeld est, enfin, devenue audible. C’est nous qui n’étions pas prêts à
recevoir ces livres empreints d’une terrible douceur, et qui nous parlent, comme on murmure à
l’oreille, d’un monde qui n’a jamais cessé d’être présent. Quatre ouvrages sont parus
simultanément : deux de ses plus beaux romans, Le Temps des prodiges et Tsili, dans la collection
« Points » au Seuil. Et deux inédits, Histoire d’une vie et L’Amour, soudain aux Éditions de l’Olivier.
Dans Histoire d’une vie, Aharon Appelfeld nous livre des fragments qui sont autant de clefs pour
la compréhension de son œuvre.
L’éditeur
Il m’est venu à l’esprit que, dans votre œuvre, la perspective des adultes ressemble à celle des
enfants, avec ses limites... Je me demande si ce n’est pas un peu votre propre conscience
d’enfant au seuil de l’Holocauste qu’on voit reflétée dans la simplicité avec laquelle l’horreur
imminente est perçue dans vos romans.
Philip Roth, entretien avec Aharon Appelfeld
On n’a jamais mieux dit ce que sont la perte d’humanité et sa reconquête, ce que sont la
déréliction et l’amour de la vie.
Geneviève Brisac, Le Mond
L’écartèlement entre deux mondes, deux cultures, la nécessité de concilier l’inconciliable, la
rencontre avec l’écriture, Appelfeld en rend compte de façon éblouissante et bouleversante.
Christine Gomez, Paris-match, Le Monde
C’est l’une des splendides surprises de cette rentrée littéraire.
Topo, Le Monde
Une certaine conscience de l’absurde, les métamorphoses scellent une évidente proximité avec
Kafka.
Clémence Boulouque, Le Figaro Littéraire, Le Figaro
4
L’ÉQUIPE ARTISTIQUE
BERNARD LEVY ADAPTATION ET MISE EN SCÈNE
Formé à l’EDA puis au Conservatoire national entre 1985 et 1988, Bernard Levy est metteur en
scène et travaille comme comédien pour le théâtre et le cinéma. En 1994, il crée la compagnie
Lire aux éclats, avec laquelle il met en scène Entre chien et loup, la véritable histoire de Ah Q de
Christoph Hein, Saleté de Robert Schneider, L’Échange de Paul Claudel. Il participe avec d’autres
metteurs en scène à deux créations collectives pour la Scène nationale de Sénart : en 1999,
Histoires courtes, mais vraies, et en 2000, Donnez-nous des nouvelles du monde.
Il est l’assistant à la mise en scène aux côtés de Georges Lavaudant pour L’Orestie, Fanfares et Un
Fil à la patte. Après Un cœur attaché sous la lune (2002) de Serge Valetti, Juste la fin du monde
de Jean-Luc Lagarce (2003), Bérénice de Racine (2006), il crée Fin de partie de Beckett en 2006 à
l’Athénée-Théâtre Louis Jouvet, Le Neveu de Wittgenstein de Thomas Bernhard créé en 2007 au
Théâtre national de Chaillot, En attendant Godot de Samuel Beckett en 2009 à l’Athénée-Théâtre
Louis Jouvet, et L’Échange de Paul Claudel en 2011 à l’Athénée-Théâtre Louis Jouvet. En 2011, il
crée Didon et Énée de Henry Purcell, sa première mise en scène pour l’opéra.
THIERRY BOSC JEU
Issu du Théâtre de l’Aquarium, Thierry Bosc a travaillé depuis, notamment, avec Dan Jemmett,
Guillaume Delaveaux, André Engel, Irina Brook, Matthias Langhoff, Stuart Seide, Hélène Vincent,
Jacques Nichet, Claude Yersin, Jean-Pierre Vincent, Thierry Roisin, Jean-Paul Wenzel, Jean-Louis
Hourdin, Carole Thibaut, Krystian Lupa…
Avec Bernard Levy, il joue dans Fin de Partie et En attendant Godot de Samuel Beckett.
Au cinéma, il a travaillé avec Costa-Gavras, Arnaud des Pallières, Arnaud Despléchin, Christine
Laurent, Roger Planchon, Didier Bourdon, Fabien Gorgeart, Serge Lalou, Loïc Portron, Jean-Pierre
Thorn, Frank Mancuso…
› À propos de la pièce Fin de partie
Du grand art : celui du metteur en scène et celui des comédiens à l’unisson avec celui du dramaturge. […] Du pur Beckett. Le metteur en scène a aujourd’hui d’autant plus de mérite que le tiers
de cette pièce fameuse est constitué de didascalies et on sait que Beckett exigeait leur respect
absolu. […] La pièce, dense, drôle et puissante, nous tient du début à la fin, servie par des comédiens exceptionnels.
Pierre Assouline, Le Monde, octobre 2006
› À propos de la pièce En attendant Godot
La mise en scène de Bernard Levy […] saisit par sa beauté, sa force, sa luminosité. Un travail très
précis, très musical, très harmonieux et qui donne à la grande pièce du XXe siècle son statut de
classique pour tous les temps.
Armelle Héliot, Le Figaro, mars 2009
5
EXTRAITS
Je me souviens très peu des six années de guerre, comme si ces six années-là n’avaient pas été
consécutives. Il est exact que parfois, des profondeurs du brouillard épais, émergent un corps
sombre, une main noircie, une chaussure dont il ne reste que des lambeaux. Ces images, parfois
aussi violentes qu’un coup de feu, disparaissent aussitôt, comme si elles refusaient d’être révélées, et c’est de nouveau le tunnel noir qu’on appelle la guerre. Ceci concerne le domaine du
conscient, mais les paumes des mains, le dos et les genoux se souviennent plus que la mémoire.
Si je savais y puiser, je serais submergé de visions. J’ai réussi quelquefois à écouter mon corps et
j’ai écrit ainsi quelques chapitres, mais eux aussi ne sont que les fragments d’une réalité trouble
enfouie en moi à jamais. (...)
Pendant de longues années, je fus plongé dans un sommeil amnésique. Ma vie s’écoulait en
surface. Je m’étais habitué aux caves enfouies et humides. Cependant, je redoutais toujours
l’éruption. Il me semblait, non sans raison, que les forces ténébreuses qui grouillaient en moi
s’accroissaient et qu’un jour, lorsque la place leur manquerait, elles jailliraient. Ces éruptions se
produisirent quelquefois, mais les forces du refoulement les engloutirent, et les caves furent
placées sous scellés.
Le tiraillement entre ici et là-bas, en haut et en bas, dura plusieurs années. Les pages qui suivent
éclairent l’histoire de cette lutte, laquelle s’étend sur un front très large : la mémoire et l’oubli, la
sensation d’être désarmé et démuni, d’une part, et l’aspiration à une vie ayant un sens, d’autre
part. Ce n’est pas un livre qui pose des questions et y répond. Ces pages sont la description
d’une lutte, pour reprendre le mot de Kafka, une lutte dans laquelle toutes les composantes de
mon âme prennent part : le souvenir de la maison, les parents, le paysage pastoral des Carpates,
les grands-parents et les multiples lumières qui abreuvaient alors mon âme. Après eux vient la
guerre, tout ce qu’elle a détruit, et les cicatrices qu’elle a laissées. Enfin les longues années en
Israël : le travail de la terre, la langue, les tourments de l’adolescence, l’université et l’écriture.
Ce livre n’est pas un résumé, mais plutôt une tentative, un effort désespéré pour relier les différentes strates de ma vie à leur racine. Que le lecteur ne cherche pas dans ces pages une autobiographie structurée et précise. Ce sont différents lieux de vie qui se sont enchaînés les uns aux
autres dans la mémoire, et convulsent encore. Une grande part est perdue, une autre a été
dévorée par l’oubli. Ce qui restait semblait n’être rien, sur le moment, et pourtant, fragment après
fragment, j’ai senti que ce n’étaient pas seulement les années qui les unissaient, mais aussi une
forme de sens.
Extraits de la préface de l’auteur
6
Où commence ma mémoire ? Parfois il me semble que c’est vers quatre ans, lorsque nous partîmes pour la première fois, ma mère, mon père et moi, en villégiature dans les forêts sombres et
humides des Carpates. D’autres fois il me semble qu’elle a germé en moi avant cela, dans ma
chambre, près de la double fenêtre ornée de fleurs en papier. La neige tombe et des flocons doux,
cotonneux, se déversent du ciel. Le bruissement est imperceptible. De longues heures, je reste
assis à regarder ce prodige, jusqu’à ce que je me fonde dans la coulée blanche et m’endorme.
(...)
À peine six mois auparavant j’avais des parents. À présent mon existence n’était plus que ce qui se
déroulait devant mes yeux. Je volais quelques instants pour m’assoir au bord d’un ruisseau. Ma vie
antérieure était si loin qu’elle semblait n’avoir jamais existé. Il fallait attendre la nuit pour que, dans
mon sommeil, je me retrouve avec ma mère et mon père, dans la cour ou dans la rue. Le réveil au
matin me faisait l’effet d’une giffle.
(...)
Plus de cinquante ans ont passé depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. Le cœur a beaucoup oublié, principalement des lieux, des dates, des noms de gens, et pourtant je ressens ces
jours-là dans tout mon corps. Chaque fois qu’il pleut, qu’il fait froid ou que souffle un vent violent,
je suis de nouveau dans le ghetto, dans le camp, ou dans les forêts qui m’ont abrité longtemps. La
mémoire, s’avère-t-il, a des racines profondément ancrées dans le corps. Il suffit parfois de l’odeur
de la paille pourrie ou du cri d’un oiseau pour me transporter loin et à l’intérieur.
(...)
À un très jeune âge, avant de savoir que mon destin m’amènerait vers la littérature, l’instinct me
murmura que, sans une connaissance intime de la langue, ma vie serait plate et insipide.
Dans ces années-là, l’approche de la langue était par principe mécanique : « Acquiers des mots et
tu auras acquis une langue », disait-on. Cette approche mécanique qui exigeait de s’arracher à son
monde pour se transporter dans un monde sur lequel on n’avait guère prise, cette approche,
donc, il faut le reconnaître, s’imposa, mais à quel prix : celui de l’anéantissement de la mémoire et
de l’aplatissement de l’âme.
7
POUR ALLER PLUS LOIN
› Nadine Vasseur et Daniel Mordzinski, Israël, terre d’écriture, Gallimard, 2008
Portrait de trente-six écrivains israéliens parmi lesquels Aharon Appelfeld, Alona Kimhi, Amos Oz,
David Grossman, avec, pour chacun d’eux, une photographie et un texte éclairant son parcours
et son œuvre. L’ouvrage est ponctué de photographies d’Israël de Daniel Mordzinski.
› Masha Itzhaki, Aharon Appelfeld le réel et l’imaginaire, Harmattan, Espaces Littéraires, 2011
Aharon Appelfeld, dans son écriture unique qui touche l’au-delà, rend l’histoire juive contemporaine éternelle. Il crée un tissu à la fois fin et terrible où le passé lointain, le passé proche et le
présent projettent un regard nouveau sur l’avenir. La fiction n’est que documentaire, la narration
empruntée au vécu ; c’est pourquoi cette monographie est fondée sur des « va-et-vient » entre le
réel et l’imaginaire, entre la vie et le récit, entre l’histoire véritable et l’histoire de l’histoire.
› Collectif, Retours sur la question juive, Penser rêver numéro 7, printemps 2005
Par gêne, sans doute, par « correction », l’ère des retours (religieux, communautaires, identitaires)
a relégué la question juive au rang de fantôme et tend à méconnaître les conditions psychologiques et historiques de ses émergences. Revenir sur les temps de l’invention de la « question »
ou de ce que les psychanalystes appelleraient sa « construction » : ne pas se détourner du
fantôme, le nommer. Veiller sur la question.
> Tous les ouvrages d’Aharon Appelfeld sont traduits et publiés en France par les Éditions de
l’Olivier, puis dans la collection Points Seuil, à l’exception de Adam et Thomas (École des Loisirs).
ÉCLAIRAGES
RENCONTRE
« Aujourd’hui, je pense que le mot, c’est du camouflage, que le silence est la vraie langue. » Bernard
Levy revient sur la détermination de l’homme et la force de la langue qui fait théâtre, dans une
conversation animée par Jean-Pierre Han, ponctuée de lectures choisies et portées par François
Leclère et un comédien.
› sam 14 mars, 15h, à la médiathèque Pablo Neruda 24, rue Béranger, Malakoff
Entrée libre sur réservation 01 55 48 91 00
ATELIER
LE SOUFFLE DE LA CONFIDENCE
Thierry Bosc revient sur En attendant Godot, Fin de partie et Histoire d’une vie, ses trois expériences
d’acteur avec Bernard Levy. Nourri de ces trois aventures, il propose une exploration à partir d’un
travail sur l’intention et le théâtre de la confidence.
› week-end du 21/22 mars, à la Fabrique des Arts.
8
70 euros, tarif réduit 46 euros Renseignements et inscriptions 01 55 48 91 12 [email protected]
ACCÈS
La salle du théâtre est accessible aux personnes à mobilité réduite. Pour mieux vous accueillir,
pensez à réserver 48h avant et à vous signaler à votre arrivée.
métro 10 min de Montparnasse, ligne 13 station Malakoff-Plateau de Vanves, sortie 2
(à 3 min à pied du théâtre)
bus 126 de la Porte d’Orléans – arrêt Gabriel Péri-André Coin
bus 191 de la Porte de Vanves – Gabriel Péri-André Coin
vélib’ / autolib’ à la sortie du métro et autour de la place
voiture périphérique porte Brancion puis direction Malakoff centre-ville
parking VINCI rue Gabriel Crié, entre le théâtre et La Poste
BAR
Ouvert 1h avant et 1h après les représentations, il vous accueille pour boire un verre, grignoter
ou goûter ses spécialités maison. Un endroit convivial pour partager autour des spectacles.
> si vous êtes nombreux, n’hésitez pas à réserver – Émilie Baboz 06 09 59 83 04
9
THEATRE
71.COM
LE
MALADE
IMAGINAIRE
LA
TENTATION
D'UN
ERMITAGE
AN OLD
MONK
YVONNE,
PRINCESSE DE
BOURGOGNE
HISTOIRE
D'ERNESTO
LOLA
FOLDING
TEL
QUEL !
CANNIBALES
LA
FABRIQUE
DES ARTS
GRAND
FRACAS
LA
DOUCEUR
PERMEABLE
DE LA
ROSEE
HISTOIRE
D'UNE VIE
LE
PREAMBULE
DES
ETOURDIS
JEANNE
CHERHAL
ECLAIRAGES
BRAHMS
BRUCKNER
MENDELSSOHN
CINEMA
MARCEL
PAGNOL
DU REVE
QUE FUT
MA VIE
EMMA
MORT,
MEME PAS
PEUR
TIM TAOU
JAZZ
A
MALAK
!
CONCERTS
BRUNCH
THEATRE
71.COM
M MALAKOFF-PLATEAU DE VANVES – PÉRIPHÉRIQUE PORTE BRANCION
WWW.THeATRe71.COM 01 55 48 91 00
3 PLACE DU 11 NOVEMBRE 92 240 MALAKOFF
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