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Pour ce 50ème numéro de la revue, nous avons souhaité nous pencher sur
une thématique un peu résistante et récurrente pour les logopédistes clinicien-
ne-s, celle des diagnostics.
Comme le diront ici des auteurs comme Léo Barblan et Laurent Danon-
Boileau, le diagnostic peut sembler quelque chose de « rond » en théorie alors
que dans la pratique, l’observation clinique, nous nous heurtons souvent à des
aspérités inattendues et dont nous ne savons pas toujours que faire… L’art du
clinicien est alors de lire entre les lignes, de décoder des comportements en
apparence contradictoires, de pondérer les résultats « validés » par des observa-
tions cliniques. Le diagnostic tiendrait alors d’une tension entre ce qu’on pense
« objectivable » et la part évidemment subjective de nos observations de l’enfant.
D'un côté, de nombreux auteurs, chercheurs, s'attellent à décrire de la manière la
plus précise de quoi sont faits les troubles spécifiques du langage, les troubles de
la communication comme ceux du spectre autistique ou encore les corrélations
entre les capacités cognitives et langagières ; de leurs catégorisations naissent
des tests et des critères d’observations rigoureux. De l’autre côté, ces résultats
sont mis en résonance par des réflexions sur la manière d’observer, de penser les
troubles, sur la pertinence d’évaluer, qui, quand, comment et pourquoi.
Nous avons besoin ainsi à la fois de résultats scientifiques clairs et objecti-
vables qui nous permettent d’avoir des critères d’observation précis, tout comme
il nous faut également ne pas perdre de vue les enjeux cliniques, psychoaffectifs
et sociologiques qui sous-tendent la construction de la différence, de la déviance.
A qui profite le diagnostic ? A l’enfant pour le dédouaner de comportements qui
persistent et/ou dérangent ? Aux parents pour les guider quant à l’aide à apporter à
leur enfant ? Aux enseignants pour leur permettre un meilleur ajustement pédago-
gique ? Le diagnostic, nous l’avons tous senti un jour ou l’autre, est à double tran-
chant. Ce qui rassure d’un côté peut aussi devenir source de passivité ou d’anxiété,
ce qui explique peut à la fois ouvrir le champ des possibles ou au contraire empê-
cher une certaine créativité. Poser un diagnostic peut à la fois libérer l’enfant d’un
poids tout comme cristalliser un comportement déviant dont il aurait pu se déta-
cher si on n’y avait pas apposé une étiquette.
Les auteurs que nous allons lire nous rappelleront d’un côté les résultats
scientifiques utiles et de l’autre, nous suggéreront de garder à la fois notre bien-
veillante patience et un certain recul face aux « résultats ».
Le numéro laisse donc la place à des points de vue qui permettront, nous
l’espérons, à la fois de faire le point sur les enjeux actuels de l’observation du
langage (oral et écrit) et de maintenir active la réflexion que nous avons toutes
et tous sur les enjeux psychosociologiques et cliniques des diagnostics.