14 Les entreprises et l’outre-mer français pendant la Seconde Guerre mondiale
pionniers, entre autres Catherine Coquery-Vidrovitch22, et la publication
des actes dans sa revue avait également marqué l’ouverture thématique
de la Société française d’histoire d’outre-mer (sFhoM)23. La grande
thèse de Jacques Marseille24 avait déjà ouvert la voie à une interrogation
clé : devant une telle dépression économique25, quelle stratégie devaient
concevoir les responsables de l’empire ? Ils étaient placés à la croisée des
chemins entre le maintien d’une tutelle « impérialiste » favorable aux
seuls intérêts industriels26 et commerciaux métropolitains – « la chasse
gardée impériale » au nom du protectionnisme et d’un nouvel exclusif
colonial – et une conception « moderne », prônant « la porte ouverte »,
l’insertion des ressources naturelles (et humaines) de l’empire dans un
ensemble commercial plus propice à la compétitivité globale de la France
au sein d’une économie occidentale confrontée aux dés de la sortie de
crise. Marqué notamment par une grande conférence des gouverneurs
généraux qui avait dégagé des desseins prometteurs27, le Front popu-
laire lui-même avait hésité à passer à l’acte28. Après la guerre, devant la
22. ch a n s o n -Ja b e u R Chantal et Go e R G Odile (dir.), « Mama Africa ». Hommage à Catherine
Coquery-Vidrovitch, Paris, L’Harmattan, 2005.
23. Voir L’Afrique et la crise de 1930, numéro spécial double de la Revue française
d’histoire d’outre-mer, n° 232-233, 1976 (parution en 1978), avec notamment l’article de
co q u e R y -Vi d R o V i t c h Catherine, « L’Afrique coloniale française et la crise de 1930. Crise
structurelle et genèse du sous-développement », p. 386-424 ; de la même, « Mutation de
l’impérialisme français et crise sociale : l’Afrique à l’époque de la grande dépression des
années 30 », African Economic History, University of Wisconsin, n° 4, 1977, p. 103-152.
24. Ma R s e i l l e Jacques, Empire colonial et capitalisme français…, op. cit.
25. Sur le port de Marseille, voir co u R d u R i é Marcel et Mi è G e Jean-Louis (dir.), Marseille
colonial face à la crise de 1929, t. VI, Marseille, Chambre de commerce et d’industrie
Marseille-Provence, 1991 ; da u M a l i n Xavier, Marseille et l’Ouest africain. L’outre-
mer des industriels (1841-1956), Marseille, Chambre de commerce et d’industrie, 1992 ;
la M b e R t Olivier, Marseille et Madagascar. Entrepreneurs et activités portuaires, straté-
gies économiques et mentalités coloniales (1840-1976), Marseille, Chambre de commerce
et d’industrie, 2000.
26. Ma R s e i l l e Jacques, « L’industrie cotonnière française et l’impérialisme colonial »,
Revue d’histoire économique et sociale, 1975, p. 386-412 ; du même, « L’industrie coton-
nière française et l’impérialisme colonial de 1885 à 1970 », Revue d’histoire économique et
sociale, n° 2-3, 1975, p. 386-412 ; du même, « L’industrialisation des colonies : affaiblisse-
ment ou renforcement de la puissance française », Revue française d’histoire d’outre-mer,
1er trimestre 1982, p. 23-34 ; du même, « L’investissement privé dans l’empire colonial :
mythes et réalités », in co q u e R y -Vi d R o V i t c h Catherine et Fo R e s t Alain (dir.), Entreprises
et entrepreneurs en Afrique, x i x e et x x e siècles, vol. 1, Paris, Laboratoire Connaissance
du Tiers-Monde/L’Harmattan, 1983, p. 43-57. co q u e R y -Vi d R o V i t c h Catherine,
« Investissements privés, investissements publics en aEF, 1900-1940 », African Economic
History, t. XII, 1983, p. 13-31.
27. Ma R s e i l l e Jacques, « La conférence des gouverneurs généraux des colonies (novem-
bre 1936) », Le Mouvement social, n° 101, 1977, p. 61-72.
28. ch a F e R Tony et su c k u R Amanda (eds.), French Colonial Empire and the Popular
Front, Londres, McMillan, 1999.