Le NTE : mandat, mission et historique Mandat Le Nouveau Théâtre Expérimental s’est fait reconnaître comme un théâtre d’expériences inédites, qui joue sur les conventions et la « normalité théâtrale », cherchant à la déjouer, à provoquer de nouveaux rapports à la scène et au public, tout en gardant un ludisme et une convivialité qui sont au cœur de l’expérience et un souci de la communication avec le public, en fuyant l’hermétisme complaisant, mais sans rechigner devant une provocation bien sentie. Le mandat du Nouveau Théâtre Expérimental (NTE) est non seulement de faire un théâtre de recherche et de création, mais de réaliser cette démarche d’une façon originale, en cherchant continuellement à remettre en cause les conventions et les habitudes, afin de retourner au cœur du geste théâtral. Il s’agit donc d’un mandat très clair, et par sa nature même, en constante « remodulation » : faire du théâtre d’une façon inusitée, tout en cherchant, à travers les épreuves artistiques que nous faisons du monde et de sa réalité, à remettre en cause les conventions, les habitudes, les « bons réflexes de bons professionnels », pour revenir au cœur du geste théâtral ; une naïveté à réinventer, une candeur nouvelle devant le dire et le faire du théâtre. Ce qui est intéressant à plus d’un titre, c’est que la majorité des gens qui passent chez nous, qui partagent nos projets et en assument avec nous la réalisation, sont souvent considérés parmi les bons artisans de théâtre de la métropole ; mais le NTE les invite toujours à bord d’un navire qui vogue sur des eaux incertaines, où les écueils ne sont pas balisés. Cette cécité volontaire et joueuse, cette indétermination désirée et toujours recommencée fait du Nouveau Théâtre Expérimental un espace de liberté unique à Montréal. Historique Le Nouveau Théâtre Expérimental, issu du Théâtre Expérimental de Montréal, a été fondé en 1979 par Robert Claing, Robert Gravel, Anne-Marie Provencher et JeanPierre Ronfard. Sans lieu de diffusion fixe de 1979 à 1981, le NTE, en collaboration avec Carbone 14 et Omnibus, les autres membres fondateurs, aménage la caserne de pompiers n°19 de la rue Fullum, qui allait devenir Espace Libre. Le lieu fut inauguré en novembre 1981 avec la présentation du quatrième et cinquième volet de la pièce Vie et mort du roi boiteux produite par le Nouveau Théâtre Expérimental, une immense fresque théâtrale en six pièces et plus de quinze heures de représentations. Une œuvre phare de la modernité théâtrale québécoise. Autre balise remarquable, conçue par Robert Gravel et Yvon Leduc, la Ligue Nationale d’Improvisation a été créée au NTE avant de connaître le succès que l’on sait à travers le monde. L’effervescence règne et ne se dément pas au NTE, on expérimente tous azimuts. Les créations se succèdent et jamais ne se ressemblent, Ronfard, Gravel et leurs acolytes s’en donnent à cœur joie, créent des spectacles audacieux, déroutants, déjantés. JeanPierre Ronfard réalise de 1986 à 1997 une série d’études sur l’art théâtral : Les Objets parlent, Autour de Phèdre, La Voix d’Orphée, Lumière et Les Mots. Robert Gravel, pour sa part, écrit une tragédie moderne intitulée La Tragédie de l’Homme, une œuvre à grand déploiement. Ensemble, Ronfard et Gravel écrivent et créent la pièce 50, avec cinquante comédiens, ainsi que Matines : Sade au petit déjeuner, un spectacle présenté avec succès à 7h30 du matin. Figures emblématiques de toute une génération, Robert Gravel et Jean-Pierre Ronfard ont laissé une œuvre foisonnante et déterminante pour le théâtre à venir. Et beaucoup d’émules… La mort de Robert Gravel en 1996 et celle de Jean-Pierre Ronfard en 2003, en dépit du désarroi causé par la perte de ces deux animateurs magnifiques et amis chers, n’a pas laissé le NTE en rade. Ces hommes généreux et visionnaires s’entouraient depuis longtemps de créateurs plus jeunes, afin d’instaurer un dialogue entre les générations et de faire en sorte que le NTE poursuive sa mission. En 1999, Alexis Martin fait son entrée comme codirecteur, suivi de Daniel Brière en 2003. Marthe Boulianne, active au sein de la compagnie depuis 1987, occupe diverses fonctions au gré des multiples aventures. Devenant codirectrice à partir de 1996, c’est elle qui pilote le chantier de reconstruction d’Espace Libre en 2001. Il y a un NTE pour chaque génération, et les codirecteurs artistiques s’entendent pour poursuivre dans cette voie en entraînant, eux aussi, dans leur sillage de plus jeunes artistes. Depuis plus de trente ans, le NTE a produit une centaine de spectacles. Théâtre de création, le NTE présente des textes originaux, fruits de l’imagination fertile des auteurs maison et d’auteurs satellites. Toujours à la recherche de nouveaux sujets, de matériau insolite, ils n’hésitent pas à s’inspirer de l’Histoire, Hitler (2000), de faits de société, Lortie (2008), du monde médical, Sacré Cœur (2008), du cinéma bollywoodien, Rêvez, Montagnes ! (2009). Les directeurs artistiques Daniel Brière, Alexis Martin et leurs équipes n’ont de cesse de questionner la pratique et le pourquoi du théâtre. Brière et Martin ont à cœur de créer des objets théâtraux originaux qui intègrent la technologie moderne, mais sans s’inféoder à elle, c’est-à-dire en prendre la mesure, s’amuser avec elle, mais ne jamais faire des interprètes ou des auteurs les seconds violons de la représentation. Ensemble, ils ont créé Grid (2006), La Fin (2010), et invité de nombreux créateurs à embarquer dans toutes sortes d’aventures, le Sixième Salon du Théâtre Contemporain (2005), Naissances (2010) et ZOO 2011. Le NTE provoque la rencontre avec l’autre et tisse des liens actifs, affectifs et transculturels en créant des spectacles mettant en scène des personnages issus de diverses communautés culturelles. La nouvelle télé communautaire (2006) invitait des Bulgares, des Vietnamiens, des Haïtiens. La fructueuse collaboration artistique entre Daniel Brière et la dramaturge Evelyne de la Chenelière a permis la création des spectacles Henri et Margaux (2002), Nicht retour, Mademoiselle (2005), Le Plan américain (2008), et plus récemment Ronfard nu devant son miroir (2011). À l’hiver 2012, la pièce Invention du chauffage central en Nouvelle-France marquait le coup d’envoi d’une grande trilogie théâtrale visant à raconter l’histoire du Canada français de 1608 à 1998, de la fondation de la ville de Québec jusqu’à la crise du verglas. Ces trois spectacles se concentrent donc sur la même chronologie mais privilégient trois points de vue bien distincts, inspirés de la géophysique du pays. Suite au thème du climat et de l’hiver abordé dans le premier volet, Les Chemins qui marchent, présenté à l’hiver 2013, se pencha sur notre rapport aux rivières et au grand fleuve. Le dernier volet, Le pain et le vin, suivra l’évolution de nos habitudes agroalimentaires. Cette grande entreprise théâtrale est la réactivation d’un souhait formulé il y a plusieurs années par Jean-Pierre Ronfard et Alexis Martin : creuser le matériau historique, réhabiliter l’histoire du continent et de ses habitants, afin de parer à l’oubli venimeux, aux frimas de la mémoire collective… À partir d’une vision globale de l’histoire, inspirée par une recherche soutenue et porteuse de connaissances concrètes, cette trilogie est une façon originale de mettre en scène la vie des individus et des familles, d’entrer dans la psyché collective, d’offrir des jeux de théâtre. La question fondamentale est celle de la mémoire et de l’oubli, de la fine dialectique qui les lie et de l’importance vitale que cette question a prise pour les Français d’Amérique. Chauffage, Rivières et Pain : trois axes autour desquels l’histoire du pays s’est articulée de manière décisive. Avec une volonté non monumentale d’aborder l’histoire, de dessiner une civilisation en mettant en scène son quotidien et pas seulement ses grands personnages et ses dates marquantes, cette saga historique est la première, au théâtre, à tracer un portrait global des Canadiens français et des Québécois. La constitution de ces trois spectacles s’appuie sur une vaste recherche historique, réalisée et écrite par Alexis Martin. Daniel Brière assume la mise en scène. La création se fait dans un esprit de collégialité, comme toujours au NTE. Acteurs, concepteurs, techniciens sont invités à échanger, partager leur vision : cet environnement convivial de travail est un des plus fermes héritages de Robert Gravel et Jean-Pierre Ronfard. Enfin, notre objectif est de jouer l’intégrale de cette saga historique du Canada français au printemps 2014. Artistiquement, ce sera l’aboutissement pour Daniel Brière, Alexis Martin et Marthe Boulianne d’un travail de collaboration de presque douze années. En 2014, le NTE fêtera aussi ses 35 ans d’existence.