Dossier – Imagerie par résonance magnétique mt cardio 2006 ; 2 (6) : 616-21 Imagerie par résonance magnétique des myocardites Jean-Pierre Laissy , Nidal Benachour, Antoine Duval, Elisabeth Schouman-Claeys, Jean-Michel Serfaty Service d’imagerie médicale, hôpital Bichat, 46 rue Henri-Huchard, 75877 Paris Cedex 18 <[email protected]> Résumé. Les myocardites sont responsables d’une nécrose myocytaire capable de simuler d’autres affections cardiaques, essentiellement les Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. cardiopathies ischémiques. Le rôle de l’IRM est non seulement d’apporter des renseignements sur la fonction cardiaque, mais surtout d’affirmer la nature de l’atteinte cardiaque. Mots clés : imagerie par résonance magnétique, myocarde, myocardite Abstract. MR imaging in myocarditis. Myocarditis results in myocyte necrosis that can mimic other cardiac diseases, mainly ischemic cardiopathy. The value of MR imaging is not only to provide information on cardiac function, but also to precise the underlying cause of the disease. Key words: magnetic resonance imaging, myocardial disease, myocarditis, myocardium L a myocardite correspond à une agression aiguë du myocarde entraînant une nécrose myocytaire d’étendue variable [1, 2]. Les zones de nécrose myocytaire débutent dans les régions sous-épicardiques puis ont tendance à diffuser de façon transmurale au stade subaigu. Ces zones ne correspondent a priori à aucun territoire vasculaire coronaire. Tirés à part : J.-P. Laissy 616 mt cardio, vol. 2, n° 6, novembre-décembre 2006 doi: 10.1684/mtc.2006.0037 Dossier – IRM mtc Elle peut être causée par une variété de maladies, mais est essentiellement due à des virus. Les aspects cliniques sont souvent limités à des signes mineurs comme une asthénie, des palpitations dans les jours suivant un épisode aigu de fièvre et/ou d’angine. À l’opposé, la myocardite aiguë peut se manifester dans certains cas par un tableau d’insuffisance cardiaque aiguë. Dans 10 % des cas environ, elle peut revêtir un tableau plus subaigu de cardiopathie dilatée rapidement progressive. Parce que cette maladie peut progresser en myocardite chronique et en cardiomyopathie dilatée, et parce qu’elle peut se présenter comme un infarctus aigu, le besoin de moyens diagnostiques fia- bles est de première importance. Dans une étude récente de 2 231 cardiopathies primaires non expliquées, 111 (9 %) étaient secondaires à une myocardite [3]. Le diagnostic d’une myocardite est souvent un diagnostic de présomption. Les aspects cliniques, l’électrocardiogramme, les données de laboratoire, l’échocardiographie et l’angiographie coronaire ont une valeur étiologique limitée en dehors du fait qu’ils éliminent une pathologie coronaire aiguë, et le diagnostic final est en général posé après avoir éliminé les causes habituelles de pathologies cardiaque et aortique. La biopsie endomyocardique est l’examen le plus spécifique et a longtemps été considérée comme la méthode de référence dans le diagnostic de la myocardite aiguë, mais en pratique elle est rarement réalisée en raison de son caractère invasif et du risque de faux diagnostics négatifs lié au caractère segmentaire et hétérogène de l’atteinte myocardique [4]. La sensibilité est estimée entre 50 et 63 %. La sensibilité de la scintigraphie un asservissement à l’ECG. Il comprend des séquences petit axe en sang noir pondérées en T2, petit axe de perfusion de premier passage pendant l’injection de chélate de gadolinium, petit axe et 4 cavités de ciné-IRM couvrant les deux ventricules, et petit axe, grand axe et 4 cavités de rehaussement tardif pondérées T1, 10 minutes après injection [14]. Aspects en IRM Ceux-ci varient habituellement en fonction du délai de réalisation de l’examen par rapport au début des signes cardiaques. On distingue classiquement une forme localisée les 5 premiers jours, évoluant vers une forme plus diffuse à partir des jours suivants, bien que cela soit discuté [10, 15, 16]. Signes avant 5 jours Séquences T2 Il existe généralement un œdème myocardique en hypersignal (figure 1) qui touche préférentiellement la paroi inférolatérale, avec ou sans épaississement de cette dernière [10, 14, 17]. Un épanchement péricardique est noté dans environ 20 % des cas, le plus souvent modéré. ARS 5 cm Technique IRM L’examen IRM est relativement standardisé, et est identique à celui utilisé dans les autres indications, notamment de recherche de viabilité myocardique [13]. Il se fait avec Liste des abréviations ECG : électrocardiogramme IRM : imagerie par résonance magnétique TDM : tomodensitométrie R C 97 L 195 Figure 1. Myocardite aiguë virale : la séquence pondérée T2 en petit axe retrouve des plages de signal plus élevé au niveau du septum et de la paroi inférieure correspondant à de l’œdème myocardique. mt cardio, vol. 2, n° 6, novembre-décembre 2006 617 Dossier – IRM Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. myocardique au gallium 67 est relativement médiocre [5]. Lorsqu’elle est positive, elle montre une accumulation anormale de gallium dans les zones de myocarde atteintes, aussi bien dans les myocardites non spécifiques que dans la myocardite de la maladie de Lyme. La scintigraphie myocardique aux anticorps monoclonaux à l’antimyosine marquée à l’indium 111, qui se fixent spécifiquement à la myosine intracellulaire à l’intérieur des cellules endommagées, a une sensibilité élevée [4, 6]. Cependant, si la spécificité de ce traceur vis-à-vis de la nécrose myocytaire est bien établie, l’étude du mécanisme responsable de cette nécrose myocytaire reste problématique, le traceur se fixant lors de n’importe quel type de nécrose myocardique, comme dans l’infarctus myocardique, dans la cardiotoxicité due à certaines chimiothérapies, et dans la cardiopathie dilatée. En ce sens, une fixation diffuse du traceur, non segmentaire, s’accompagnant d’une scintigraphie myocardique au thallium (marquant la perfusion et la viabilité myocardique) normale, permet d’écarter raisonnablement une étiologie coronaire. Une étude récente [6] a montré la valeur élevée de cette technique aux anticorps antimyosine dans le diagnostic de myocardite chez les patients ayant une présentation clinique d’infarctus du myocarde avec angiographie coronaire normale. Malheureusement, les anticorps monoclonaux à l’antimyosine marquée à l’indium 111 n’étaient pas commercialement rentables et ont complètement disparu du marché. La scintigraphie myocardique aux anticorps monoclonaux à l’antimyosine marquée à l’indium 111, dont la sensibilité était élevée, n’est donc actuellement plus disponible. L’IRM a montré ses capacités dans l’évaluation des affections cardiaques, notamment au moyen d’études de perfusion associées aux séquences de rehaussement tardif dans la maladie coronaire [7, 8]. De nombreuses études déjà réalisées sur des patients ont montré des résultats encourageants. Dans les myocardites, plusieurs études préliminaires ont évoqué les capacités de l’IRM aussi bien dans la phase diagnostique qu’au cours du suivi [9-12]. L’intérêt de cette technique réside dans son caractère très peu invasif, puisqu’il se réduit à un abord intraveineux périphérique. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Imagerie par résonance magnétique des myocardites Perfusion de premier passage Il n’y a pas de trouble de perfusion précoce. Ceci élimine la présence de troubles microcirculatoires sousendocardiques, comme le no reflow après infarctus du myocarde [13]. Ciné-IRM Il peut exister des troubles de cinétique ventriculaire gauche, le plus souvent diffus à type d’hypokinésie globale, retrouvée dans environ 30 % des cas, et des anomalies de la cinétique régionale ou non ; lorsqu’elles sont présentes, elles sont observées dans des territoires volontiers différents de ceux des prises de contraste tardives [10-14]. Une dysfonction ventriculaire gauche systolique avec altération de la fraction d’éjection ventriculaire gauche peut être présente à des degrés variables. Dans les formes les plus sévères, dites fulminantes, l’élément le plus évocateur du diagnostic dans un contexte de choc cardiogénique est une fraction d’éjection ventriculaire gauche effondrée sans dilatation ventriculaire gauche. Séquences de rehaussement tardif Il existe fréquemment des prises de contraste nodulaires sous-épicardiques ou en bande épaisse centromyocardique qui se trouvent dans le même territoire que l’œdème lorsqu’il est présent, et qui ne correspondent jamais à une distribution vasculaire (figures 2 et 3). Ces prises de contraste tardives sont quasiment toujours localisées dans le territoire inférolatéral, plutôt dans la région apicale (figure 4). Des formes plus frustres, à type de micronodules à la limite de la visibilité, peuvent se rencontrer. Cette topographie peut éliminer de façon quasi formelle l’infarctus où l’atteinte est d’abord sous-endocardique avant d’être transmurale (figure 3), dans un territoire coronaire, et où les troubles cinétiques sont corrélés à la prise de contraste tardive [13, 16, 17]. À ce titre, selon des mécanismes d’action différents de ceux des anticorps antimyosine marqués à l’indium 111, l’IRM avec gadolinium a une spécificité voisine (84 % pour le rehaussement précoce ; 98 % pour le rehaussement tardif). Le gadolinium est un agent de contraste non spécifique du milieu extracellulaire, il rehausse donc des zones dans lesquelles le volume de distribution est augmenté, telles que celles observées dans la rupture cellulaire de la nécrose myocytaire et l’œdème lié au phénomène inflammatoire [13]. Une étude récente a montré la fiabilité diagnostique de l’IRM, en réalisant la biopsie endomyocardique dans les zones jugées normales et pathologiques sur les séquences de rehaussement tardif. Le rendement diagnostique de la biopsie était de plus de 90 % dans les zones jugées pathologiques par l’IRM, contre 9 % dans les zones jugées saines [18]. Ces données confortent l’idée que l’IRM est une méthode robuste dans cette pathologie. A B RAS RAS 5 cm Dossier – IRM R C 92 L 204 5 cm R C 70 L 161 Figure 2. Myocardite aiguë virale : coupes petit axe de rehaussement tardif (A, B). Prises de contraste sous-épicardiques de la paroi latérale. 618 mt cardio, vol. 2, n° 6, novembre-décembre 2006 A B RA 5 cm I 5 cm C 136 L 273 C I C 78 L 162 D RA RA 5 cm 5 cm I C 148 L 297 I C 156 L 323 Figure 3. Myocardite aiguë virale chez une patiente présentant des séquelles d’infarctus myocardique semi-récent (6 mois). Coupes petit axe de rehaussement tardif médiobasales montrant des prises de contraste nodulaires centromyocardiques inférieures (A) ainsi qu’une prise de contraste en bande centromyocardique au niveau du septum interventriculaire (B). La topographie et l’intensité de ces prises de contraste sont fondamentalement différentes de celles liées à l’infarctus, comme le montre une coupe petit axe plus apicale (C) et une coupe long axe 2 cavités (D) où elles sont sous-endocardiques. mt cardio, vol. 2, n° 6, novembre-décembre 2006 619 Dossier – IRM Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. RA Imagerie par résonance magnétique des myocardites Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. A B RAS A 5 cm R 5 cm C 39 L 94 I C 78 L 177 C Figure 4. Forme frustre de myocardite aiguë virale. Les coupes de rehaussement tardif en petit axe (A), long axe 2 cavités (B) et 4 cavités (C) objectivent plusieurs micronodules en hypersignal sous-épicardiques ou centromyocardiques répartis au niveau de l’ensemble des parois du ventricule gauche. R 5 cm Dossier – IRM PSR 620 C 57 L 120 mt cardio, vol. 2, n° 6, novembre-décembre 2006 Conclusion L’IRM est un examen incontournable devant une suspicion de myocardite, excepté dans les formes fulminantes. Sa substitution possible aux autres examens classiquement utilisés, notamment à la coronarographie chez un patient à faible risque cardiovasculaire, doit être discutée à condition d’une disponibilité en urgence. D’autre part, le suivi IRM peut intéresser plus directement les malades à risque d’évolution défavorable vers une cardiomyopathie. 4. Kuhl U, Lauer B, Souvatzoglu M, Vosberg H, Schulteiss HP. Antimyosin scintigraphy and immunohistologic analysis of endomyocardial biopsy in patients with clinically suspected myocarditis - evidence of myocardial cell damage and inflammation in the absence of histologic signs of myocarditis. J Am Coll Cardiol 1998 ; 32 : 1371-6. 5. Veluvolu P, Balian AA, Goldsmith R, et al. Lyme carditis: evaluation by Ga-67 and MRI. 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Il n’y avait pas dans cette étude de signes IRM prédictifs d’une évolution favorable ou défavorable sur la fonction contractile. Une étude récente a en revanche montré l’impact de l’IRM dans la myocardite au stade chronique [16], en distinguant des signes d’activité résiduelle sous formes de prise de contraste sous-épicardiques persistantes. IRM ou TDM ? L’IRM n’est pas la seule imagerie en coupes à faire le diagnostic de myocardite aiguë. Un travail récent, reposant certes sur un nombre limité de patients, a montré que la TDM utilisant des séquences de rehaussement tardif à 5 minutes après injection apportait des informations similaires à celles de l’IRM, avec une excellente corrélation en termes de nombre de lésions et de topographie [19].