Dossier – Imagerie par résonance magnétique
Imagerie par résonance magnétique
des myocardites
Jean-Pierre Laissy , Nidal Benachour, Antoine Duval, Elisabeth Schouman-Claeys, Jean-Michel Serfaty
Service d’imagerie médicale, hôpital Bichat, 46 rue Henri-Huchard, 75877 Paris Cedex 18
Résumé.Les myocardites sont responsables d’une nécrose myocytaire capable de simuler d’autres affections cardiaques, essentiellement les
cardiopathies ischémiques. Le rôle de l’IRM est non seulement d’apporter des renseignements sur la fonction cardiaque, mais surtout d’affirmer
la nature de l’atteinte cardiaque.
Mots clés : imagerie par résonance magnétique, myocarde, myocardite
Abstract. MR imaging in myocarditis. Myocarditis results in myocyte necrosis that can mimic other cardiac diseases, mainly ischemic
cardiopathy. The value of MR imaging is not only to provide information on cardiac function, but also to precise the underlying cause of the
disease.
Key words: magnetic resonance imaging, myocardial disease, myocarditis, myocardium
La myocardite correspond à une
agression aiguë du myocarde en-
traînant une nécrose myocytaire
d’étendue variable [1, 2]. Les zones de
nécrose myocytaire débutent dans les
régions sous-épicardiques puis ont
tendance à diffuser de façon transmu-
rale au stade subaigu. Ces zones ne
correspondent a priori à aucun terri-
toire vasculaire coronaire.
Elle peut être causée par une va-
riété de maladies, mais est essentielle-
ment due à des virus. Les aspects cli-
niques sont souvent limités à des
signes mineurs comme une asthénie,
des palpitations dans les jours suivant
un épisode aigu de fièvre et/ou d’an-
gine. À l’opposé, la myocardite aiguë
peut se manifester dans certains cas
par un tableau d’insuffisance cardia-
que aiguë. Dans 10 % des cas envi-
ron, elle peut revêtir un tableau plus
subaigu de cardiopathie dilatée rapi-
dement progressive. Parce que cette
maladie peut progresser en myocar-
dite chronique et en cardiomyopathie
dilatée, et parce qu’elle peut se pré-
senter comme un infarctus aigu, le
besoin de moyens diagnostiques fia-
bles est de première importance. Dans
une étude récente de 2 231 cardiopa-
thies primaires non expliquées, 111
(9 %) étaient secondaires à une myo-
cardite [3].
Le diagnostic d’une myocardite est
souvent un diagnostic de présomp-
tion. Les aspects cliniques, l’élec-
trocardiogramme, les données de
laboratoire, l’échocardiographie et
l’angiographie coronaire ont une va-
leur étiologique limitée en dehors du
fait qu’ils éliminent une pathologie
coronaire aiguë, et le diagnostic final
est en général posé après avoir éli-
miné les causes habituelles de patho-
logies cardiaque et aortique.
La biopsie endomyocardique est
l’examen le plus spécifique et a long-
temps été considérée comme la mé-
thode de référence dans le diagnostic
de la myocardite aiguë, mais en prati-
que elle est rarement réalisée en rai-
son de son caractère invasif et du ris-
que de faux diagnostics négatifs lié au
caractère segmentaire et hétérogène
de l’atteinte myocardique [4]. La sen-
sibilité est estimée entre 50 et 63 %.
La sensibilité de la scintigraphie
doi: 10.1684/mtc.2006.0037
m
t
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Tirés à part : J.-P. Laissy
mt cardio 2006 ; 2 (6) : 616-21
mt cardio, vol. 2, n° 6, novembre-décembre 2006
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myocardique au gallium 67 est relativement médiocre [5].
Lorsqu’elle est positive, elle montre une accumulation
anormale de gallium dans les zones de myocarde attein-
tes, aussi bien dans les myocardites non spécifiques que
dans la myocardite de la maladie de Lyme. La scintigra-
phie myocardique aux anticorps monoclonaux à l’anti-
myosine marquée à l’indium 111, qui se fixent spécifique-
ment à la myosine intracellulaire à l’intérieur des cellules
endommagées, a une sensibilité élevée [4, 6]. Cependant,
si la spécificité de ce traceur vis-à-vis de la nécrose myo-
cytaire est bien établie, l’étude du mécanisme responsable
de cette nécrose myocytaire reste problématique, le tra-
ceur se fixant lors de n’importe quel type de nécrose
myocardique, comme dans l’infarctus myocardique, dans
la cardiotoxicité due à certaines chimiothérapies, et dans
la cardiopathie dilatée. En ce sens, une fixation diffuse du
traceur, non segmentaire, s’accompagnant d’une scinti-
graphie myocardique au thallium (marquant la perfusion
et la viabilité myocardique) normale, permet d’écarter
raisonnablement une étiologie coronaire. Une étude ré-
cente [6] a montré la valeur élevée de cette technique aux
anticorps antimyosine dans le diagnostic de myocardite
chez les patients ayant une présentation clinique d’infarc-
tus du myocarde avec angiographie coronaire normale.
Malheureusement, les anticorps monoclonaux à l’antimyo-
sine marquée à l’indium 111 n’étaient pas commerciale-
ment rentables et ont complètement disparu du marché.
La scintigraphie myocardique aux anticorps monoclo-
naux à l’antimyosine marquée à l’indium 111, dont la
sensibilité était élevée, n’est donc actuellement plus dis-
ponible.
L’IRM a montré ses capacités dans l’évaluation des
affections cardiaques, notamment au moyen d’études de
perfusion associées aux séquences de rehaussement tardif
dans la maladie coronaire [7, 8]. De nombreuses études
déjà réalisées sur des patients ont montré des résultats
encourageants. Dans les myocardites, plusieurs études
préliminaires ont évoqué les capacités de l’IRM aussi bien
dans la phase diagnostique qu’au cours du suivi [9-12].
L’intérêt de cette technique réside dans son caractère très
peu invasif, puisqu’il se réduit à un abord intraveineux
périphérique.
Technique IRM
L’examen IRM est relativement standardisé, et est iden-
tique à celui utilisé dans les autres indications, notamment
de recherche de viabilité myocardique [13]. Il se fait avec
un asservissement à l’ECG. Il comprend des séquences
petit axe en sang noir pondérées en T2, petit axe de
perfusion de premier passage pendant l’injection de ché-
late de gadolinium, petit axe et 4 cavités de ciné-IRM
couvrant les deux ventricules, et petit axe, grand axe et
4 cavités de rehaussement tardif pondérées T1, 10 minutes
après injection [14].
Aspects en IRM
Ceux-ci varient habituellement en fonction du délai de
réalisation de l’examen par rapport au début des signes
cardiaques. On distingue classiquement une forme loca-
lisée les 5 premiers jours, évoluant vers une forme plus
diffuse à partir des jours suivants, bien que cela soit discuté
[10, 15, 16].
Signes avant 5 jours
Séquences T2
Il existe généralement un œdème myocardique en
hypersignal (figure 1) qui touche préférentiellement la pa-
roi inférolatérale, avec ou sans épaississement de cette
dernière [10, 14, 17]. Un épanchement péricardique est
noté dans environ 20 % des cas, le plus souvent modéré.
Liste des abréviations
ECG : électrocardiogramme
IRM : imagerie par résonance magnétique
TDM : tomodensitométrie
5 cm
ARS
R
C
L
97
195
Figure 1.Myocardite aiguë virale : la séquence pondérée T2 en petit
axe retrouve des plages de signal plus élevé au niveau du septum et
de la paroi inférieure correspondant à de l’œdème myocardique.
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Perfusion de premier passage
Il n’y a pas de trouble de perfusion précoce. Ceci
élimine la présence de troubles microcirculatoires sous-
endocardiques, comme le no reflow après infarctus du
myocarde [13].
Ciné-IRM
Il peut exister des troubles de cinétique ventriculaire
gauche, le plus souvent diffus à type d’hypokinésie globale,
retrouvée dans environ 30 % des cas, et des anomalies de la
cinétique régionale ou non ; lorsqu’elles sont présentes,
elles sont observées dans des territoires volontiers différents
de ceux des prises de contraste tardives [10-14]
.
Une dysfonction ventriculaire gauche systolique avec
altération de la fraction d’éjection ventriculaire gauche
peut être présente à des degrés variables. Dans les formes
les plus sévères, dites fulminantes, l’élément le plus évo-
cateur du diagnostic dans un contexte de choc cardiogé-
nique est une fraction d’éjection ventriculaire gauche
effondrée sans dilatation ventriculaire gauche.
Séquences de rehaussement tardif
Il existe fréquemment des prises de contraste nodulai-
res sous-épicardiques ou en bande épaisse centromyocar-
dique qui se trouvent dans le même territoire que l’œdème
lorsqu’il est présent, et qui ne correspondent jamais à une
distribution vasculaire (figures 2 et 3). Ces prises de
contraste tardives sont quasiment toujours localisées dans
le territoire inférolatéral, plutôt dans la région apicale
(figure 4). Des formes plus frustres, à type de micronodules
à la limite de la visibilité, peuvent se rencontrer. Cette
topographie peut éliminer de façon quasi formelle l’infarc-
tus où l’atteinte est d’abord sous-endocardique avant
d’être transmurale (figure 3), dans un territoire coronaire,
et où les troubles cinétiques sont corrélés à la prise de
contraste tardive [13, 16, 17].
À ce titre, selon des mécanismes d’action différents de
ceux des anticorps antimyosine marqués à l’indium 111,
l’IRM avec gadolinium a une spécificité voisine (84 %
pour le rehaussement précoce ; 98 % pour le rehausse-
ment tardif). Le gadolinium est un agent de contraste non
spécifique du milieu extracellulaire, il rehausse donc des
zones dans lesquelles le volume de distribution est aug-
menté, telles que celles observées dans la rupture cellu-
laire de la nécrose myocytaire et l’œdème lié au phéno-
mène inflammatoire [13].
Une étude récente a montré la fiabilité diagnostique de
l’IRM, en réalisant la biopsie endomyocardique dans les
zones jugées normales et pathologiques sur les séquences
de rehaussement tardif. Le rendement diagnostique de la
biopsie était de plus de 90 % dans les zones jugées patho-
logiques par l’IRM, contre 9 % dans les zones jugées
saines [18]. Ces données confortent l’idée que l’IRM est
une méthode robuste dans cette pathologie.
RAS
R
C
L
92
5 cm
204
RAS
R
C
L
70
5 cm
161
AB
Figure 2.Myocardite aiguë virale : coupes petit axe de rehaussement tardif (A,B). Prises de contraste sous-épicardiques de la paroi latérale.
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RA
C
L
I
136
273
5 cm
RA
C
L
I
78
162
5 cm
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L
I
148
297
5 cm
RA
C
L
I
156
323
5 cm
AB
CD
Figure 3.Myocardite aiguë virale chez une patiente présentant des séquelles d’infarctus myocardique semi-récent (6 mois).
Coupes petit axe de rehaussement tardif médiobasales montrant des prises de contraste nodulaires centromyocardiques inférieures (A) ainsi
qu’une prise de contraste en bande centromyocardique au niveau du septum interventriculaire (B). La topographie et l’intensité de ces prises de
contraste sont fondamentalement différentes de celles liées à l’infarctus, comme le montre une coupe petit axe plus apicale (C) et une coupe
long axe 2 cavités (D) où elles sont sous-endocardiques.
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A
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PSR
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I
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39
94
C
L
78
177
C
L
57
120
5 cm 5 cm
5 cm
A
C
B
Figure 4.Forme frustre de myocardite aiguë virale.
Les coupes de rehaussement tardif en petit axe (A), long axe 2 cavités
(B) et 4 cavités (C) objectivent plusieurs micronodules en hypersignal
sous-épicardiques ou centromyocardiques répartis au niveau de
l’ensemble des parois du ventricule gauche.
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