sés séquences rétrovirales endogènes
(voir Science et Vie n°1078, p.92). En
l’occurence, MSRV présente des si-
militudes avec une famille rétrovirale
endogène nommée ERV9. Des fa-
milles de ce type, on sait aujourd’hui
qu’il en existe plus d’une trentaine
dans le génome humain. Chacune
rassemble les nombreux fragments
d’ADN témoins d’une infection par un
rétrovirus souvent vieille… de mil-
lions d’années! Intégrées dans notre
génome, elles en représentent même
8%. La présence chez des malades de
la SEP de cet étrange rétrovirus MSRV,
datant du lointain passé de l’homme,
signifie-t-elle qu’un rétrovirus intégré
dans le génome aurait retrouvé la fa-
culté de s’exprimer aujourd’hui chez
ces personnes?
2008 > MARS > SCIENCE & VIE 54 SCIENCE & VIE > MARS > 2008
M.KONTENTE
primer en protéine! Une petite révo-
lution, car “pour beaucoup de scien-
tifiques à l’époque, il était impossible
qu’un rétrovirus organisé puisse persis-
ter dans le génome humain. Ils consi-
déraient les séquences rétrovirales en-
dogènes comme de l’ADN poubelle,
trop dégradé pour être exprimé en pro-
téines”, dit François Rieger.
Parallèlement, Hervé Perron réalise
les mêmes observations aux côtés de
son collègue François Mallet, au sein
d’un laboratoire mixte CNRS/Biomé-
rieux. Et bientôt, ce sont d’autres sé-
quences rétrovirales qu’identifient les
deux équipes avec le même procédé.
Disséminées dans l’ensemble du géno-
me, ces milliers de copies constituent
en 1998 une nouvelle famille de rétro-
virus endogènes humains, appelée
HERVW. Quel lien avec les particules
MSRV ? “Chez certains individus, des
copies de la famille HERVW restent pa-
thogènes et gardent une capacité
trick Alliel, tous deux neurobiologistes
à l’Inserm, se préoccupent également
de cette question. “Nous avons été voir
dans le génome humain s’il n’existait
pas des séquences qui correspondent à
celles du rétrovirus MSRV”, se sou-
vient Patrick Alliel. Comment? A l’aide
d’un petit bout de séquence de MSRV,
utilisé comme sonde, capable de s’ap-
parier dans le génome avec tout mor-
ceau d’ADN lui ressemblant.
Sauf qu’à l’époque, le séquençage
du génome humain est encore balbu-
tiant. C’est à peine si l’on a déchiffré 2
à 3% des 3 000 Mbases qui le compo-
sent. Coup de chance: c’est dans un
fragment d’ 1 Mbase, rendu public
sur Internet, que les chercheurs dé-
tectent sur le chromosome7 une sé-
quence rétrovirale complète composée
de tous les motifs propres aux rétrovi-
rus. Mieux: l’un d’eux, le gène “env”,
qui code pour l’enveloppe des rétro-
virus, s’avère encore capable de s’ex-
>JARGON
Les rétrovirus sont des
virus à ARN, qui, pour s’in-
tégrer dans le génome des
cellules qu’ils infectent,
savent copier leur ARN en
ADN. Les rétrovirus en-
dogènes se sont ainsi in-
sérées dans l’ADN de nos
lointains ancêtres via les
cellules de la lignée germi-
nale , qui donnent nais-
sance à toutes les autres
cellules de l’organisme.
Il est vrai qu’après s’être intégré dans
l’ADN d’une cellule hôte, un rétrovi-
rus classique, type VIH, peut se répli-
quer en s’exprimant sous forme de vi-
rions (particules virales) composés du
matériel génétique (ARN) du rétrovi-
rus. Mais un rétrovirus inséré dans le
génome depuis des millions d’années
aurait-il encore la capacité de s’expri-
mer ainsi?
Le jeune biologiste pousse donc plus
loin son enquête… Première étape, vé-
rifier que MSRV peut effectivement
avoir une “contrepartie endogène”.
Car la similitude entre MSRV et la
famille ERV9 peut être simplement
due à une proximité phylogénétique.
François Rieger, alors vice-président
scientifique de l’ARSEP (Association
pour la recherche sur la SEP), et Pa-
Le gène env, hérité de nos ancêtres,
peut encore s’exprimer en protéine!
Comme HERVW , la famille ré-
trovirale endogène HERVK est
suspectée d’être pathogène
pour l’homme. Elle aussi a été
associée à l’expression de par-
ticules rétrovirales, observées
dans des mélanomes et des
tumeurs des cellules sexuelles
humaines.Thierry Heidmann,
spécialiste des rétrovirus en-
dogènes (Villejuif), a même
réussi à reconstituer ce rétro-
virus en 2006 pour com-
prendre son action. HERVK et
HERVW se seraient inséré dans
le génome des primates il y a
30 millions d’années environ.
Malgré les mutations, HERVK
contient encore beaucoup de
séquences actives, contraire-
ment à HERVW qui n’en comp-
te que quelques unes.
LA SCLÉROSE
EN PLAQUES
S’INSTALLE
Rétrovirus
ancestral
Protéine
d’enveloppe
Protéines
d’enveloppe
Virion
INFECTION
TRANSMISION
1Un rétrovirus a intégré le génome humain
Il y a des millions d’années, un rétrovirus a
intégré les cellules reproductives d’un indivi-
du, s’insérant ainsi dans son génome. Cette
séquence d’ADN rétroviral s’est depuis trans-
mise de génération en génération. On la re-
trouve aujourd’hui dans toutes les cellules
de l’organisme et notamment dans les ma-
crophages du cerveau.
2Des générations plus tard,
le rétrovirus est réactivé
Dans certaines conditions, l’infection
par un virus comme l’herpès réactive
des séquences d’ADN rétroviral dans
les macrophages du cerveau.
3L’ADN rétroviral s’exprime
Les macrophages se mettent à sécréter
des protéines d’enveloppe et/ou des vi-
rions couverts de cette protéine. Ces
structures se fixent à un récepteur des cel-
lules dendritiques du système immunitaire.
4La maladie est déclenchée
Alerté, le cellule immunitaire déclen-
che une inflammation dans les tis-
sus cérébraux. C’est cette inflamma-
tion qui, à la longue, conduirait à la
perte de motricité des malades.
Comment un rétrovirus ancestral
déclencherait la sclérose en plaques
ADN rétro
viral
ADN
nucléaire
ADN rétro-
viral activé
Cellule dendritique
du système
immunitaire
Récepteur
Macrophage
du cerveau Macrophage
du cerveau
Virus de l’herpès
Noyau
INFECTION
ACTIVATION
SÉCRÉTION DE PROTÉINES
D’ENVELOPPE ET DE VIRIONS
UNE INFLAMMATION
EST DÉCLENCHÉE
DANS LE CERVEAU
LES CELLULES
DENDRITIQUES
STIMULENT
LE SYSTÈME
IMMUNITAIRE
Virion
Tous les
descendants
sont porteurs
de l’ADN
rétroviral
UN AUTRE VIRUS
PATHOGÈNE DANS
NOTRE GÉNOME?
>VIROLOGIE
qu’une autre thèse, timidement
apparue dans les années 80 et pointant
du doigt le rôle d’un rétrovirus dans la
SEP, a pris un essor considérable ces
derniers mois. Elle n’a pas encore con-
vaincu l’ensemble de la communauté
scientifique. Mais elle séduit car elle
établit un lien entre les différentes hy-
pothèses émises jusqu’ici et, prétend
même conduire à l’élaboration d’une
nouvelle thérapie de la SEP.
DE L’ADN POUBELLE ? FAUX
Aujourd’hui directeur scientifique
chez GeNeuro, Hervé Perron était
étudiant en thèse lorsqu’il fit une dé-
couverte étonnante. C’était en 1989.
Observant au microscope électronique
les cellules du liquide céphalorachi-
dien d’une patiente de 57 ans atteinte
de SEP, il a la surprise d’y découvrir des
particules rétrovirales. Observation
confirmée via des cultures cellulaires
d’autres malades. Commence alors la
phase d’identification. Nouvelle sur-
prise: ces particules ne ressemblent à
rien de connu. Le jeune chercheur
en conclut qu’il s’agit d’un nouveau ré-
trovirus humain, qu’il nomme MSRV.
Mais le séquençage partiel de son gé-
nome révèle autre chose: certains mo-
tifs ressemblent étrangement à des élé-
ments de notre propre génome, bapti-
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