
Un gène d’origine rétrovirale essentiel pour la formation du placenta 
http://www.cnrs.fr/insb/recherche/parutions/articles09/t-heidmann.htm 
 Le laboratoire « Rétrovirus endogènes et éléments rétroïdes des eucaryotes supérieurs » (Université Paris-Sud 11 / Institut Gustave Rousssy / 
CNRS) que dirige Thierry Heidmann à Villejuif, vient de montrer que le gène syncytine A, d’origine rétrovirale, est essentiel au développement du 
placenta chez la souris. Ces travaux, publiés en ligne le 29 Juin 2009 dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences of the USA, 
apportent la  preuve que la  capture  de gènes de  rétrovirus ancestraux au cours  de l’évolution a  permis aux  mammifères d’acquérir des fonctions 
importantes.   
Les rétrovirus(1) infectieux possèdent la propriété remarquable de s’intégrer dans  l’ADN de nos chromosomes. En  général, les cellules infectées sont  des 
cellules somatiques qui ne sont pas impliquées dans la transmission de notre patrimoine génétique. Cependant, lorsqu’un rétrovirus parvient à infecter une 
cellule  de  la  lignée  germinale,  le  rétrovirus  intégré  peut  se  transmettre  à  la  descendance  comme  n’importe  quel  gène  :  il  devient  alors un  « rétrovirus 
endogène ». Le génome de tous les vertébrés est ainsi envahi par de telles structures et le séquençage systématique d’un grand nombre de génomes, dont ceux 
de  l’homme  et  de  la  souris,  montre  que  les  rétrovirus  endogènes  représentent  près  de  8%  du  matériel  génétique  de  ces  espèces. 
Fort heureusement, la plupart des rétrovirus endogènes sont inactifs, en raison d’altérations génétiques, ou de la répression de leur expression par différents 
systèmes de contrôle développés par la cellule. Quelques rares éléments sont cependant toujours capables de produire des protéines d’origine rétrovirale. 
Parmi celles-ci,  on  trouve  des  protéines  d’enveloppe  exprimées  à  la  surface  de  certaines  cellules  et  qui ont  gardé une  des  propriétés canoniques de leur 
ancêtre « rétrovirus », à savoir la capacité à faire fusionner deux membranes lipidiques entre elles. 
 
Cette propriété est essentielle pour le rétrovirus car elle lui permet d’entrer dans la cellule par un mécanisme de fusion de la membrane virale avec celle de la 
cellule infectée. Elle permet également la fusion de deux cellules entre elles lorsque cette protéine d’enveloppe s’exprime à la surface de l’une d’entre elles et 
que la cellule partenaire possède à sa surface un « récepteur » pour cette protéine d’enveloppe. C’est le cas pour deux gènes du génome humain d’origine 
rétrovirale, exprimés spécifiquement au niveau du placenta, et qui possèdent effectivement la capacité de faire fusionner des cellules entre elles, dans des tests 
réalisés sur des cellules en culture. Ces phénomènes de fusion cellulaire conduisent à la formation de structures géantes appelées « syncytia », constituées par 
la réunion de cellules individuelles en une seule « nappe » cellulaire multinucléée. Cette propriété a conduit à nommer les deux gènes en question gènes de « 
syncytines », et à faire l’hypothèse que les protéines codées par ces fameux gènes pourraient être responsables de la formation d’un constituant essentiel du 
placenta appelé le syncytiotrophoblaste. Cette structure cellulaire  constitue une interface continue et une zone d’échange entre le sang maternel et le sang 
fœtal. Elle joue un rôle crucial pour la survie du foetus et serait nécessaire pour l’établissement de la tolérance immunitaire materno-foetale.  
 
Afin de  valider cette hypothèse, les chercheurs ont tout d’abord recherché la présence  de  gènes de syncytines chez la souris, un mammifère dont on peut 
aisément manipuler le génome. De manière tout à fait surprenante, ils ont découvert deux gènes, qui ne sont pas les « orthologues(2) » des gènes humains 
mais qui en possèdent néanmoins toutes les propriétés. Ils présentent une expression restreinte au placenta et les protéines pour lesquelles ils codent sont 
dotées de la propriété  de fusion cellulaire. Ce résultat indique,  qu’à plusieurs reprises au  cours  de l’évolution des mammifères, des gènes d’enveloppe de 
rétrovirus ont été capturés et conservés pendant plusieurs dizaines de millions d’années, de manière indépendante à la fois dans la branche  des primates et 
celle des rongeurs.  
 
Grâce au modèle animal, les chercheurs ont  également pu  montrer que les syncytines sont  effectivement impliquées dans la formation du placenta, un 
processus physiologique important pour l’espèce. Ils ont invalidé l’un des gènes de syncytines chez la souris. Les animaux porteurs du gène invalidé à l’état 
hétérozygote sont parfaitement viables. Cependant lorsque deux individus hétérozygotes sont croisés entre eux, aucun descendant porteur de la délétion du 
gène  syncytine  à  l’état  homozygote  n’est  identifié. Plus  précisément,  une  étude  des  embryons  et  de  leur  placenta  in  utero  en  cours de gestation met en 
évidence  une  mort  précoce  des  embryons  homozygotes  pour  la  délétion.  L’analyse  fine  des  placentas  correspondants  fait  apparaître  un  défaut  de  « 
syncytialisation », qui se traduit par un transport transplacentaire très altéré, une réduction de la croissance, et in fine la mort des embryons. 
 
Ces résultats démontrent que l’infection d’espèces ancestrales par des rétrovirus infectieux, la transmission mendélienne des rétrovirus intégrés, et la capture 
de leur gène d’enveloppe sont des phénomènes aléatoires qui ont contribué à l’établissement de fonctions essentielles pour les mammifères. Une hypothèse 
radicale peut  alors  être  faite, selon laquelle l’apparition des mammifères placentaires il  y a près de 100 millions  d’années  pourrait être liée à la « capture 
fondatrice  »  d’un  rétrovirus  –dont  on  sait  qu’ils  sont  apparus  bien  avant  les  mammifères-  qui  aurait  permis  de  passer  d’un  mode  de  développement 
embryonnaire  «  externe  »  -chez  les  animaux  qui  pondent  des  œufs-  à  un  mode 
« interne » dans lequel l’embryon est alimenté et protégé du système immunitaire de la mère par son placenta. Cet événement fondateur aurait pu exploiter 
une  deuxième  propriété  essentielle  des  protéines  d’enveloppe  rétrovirale  –en  plus  de  leur  capacité  à  faire  de  la  fusion-  à  savoir  leur  fonction 
immunosuppressive,  possiblement  impliquée  dans  l’établissement  de  la  tolérance  de  la  mère  vis-à-vis  de  l’embryon  et  du  placenta. 
 
Des  expériences  qui  mettent  à  profit  l’énorme  potentiel  du  modèle  souris  et de  la  manipulation  ciblée  de  ses gènes  sont en cours et devraient permettre 
d’aborder ces nouvelles questions. Enfin, il est important  de  noter que les souris génétiquement modifiées au niveau des  gènes syncytines constituent des 
modèles pertinents pour l’étude  de  la  placentation dans l’espèce humaine, à la fois au cours de la grossesse normale et dans les processus pathologiques, 
souvent liés à des défauts de placentation.  
 Définitions 
(1) Un rétrovirus est un virus dont le génome est constitué d'ARN. Sa particularité est de posséder une enzyme qui permet la transcription de l'ARN 
viral du génome en molécule d'ADN "complémentaire" capable de s'intégrer à l'ADN de la cellule hôte. Il utilise ensuite la machinerie cellulaire 
pour se répliquer. 
(2) Des gènes similaires existants chez deux espèces différentes sont dits orthologues s’ils ont un emplacement équivalent sur le génome.