CHAPITRE II CRITIQUE DE L`EXISTENTIALISME

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CHAPITRE II
CRITIQUE DE L'EXISTENTIALISME SARTRIEN
Dans le premier chapitre, la critique indienne a fait
une pr~sentation de la philosophie sartrienne.
Une v~ritable
critique, pourtant, ne peut se contenter d'expliquer.
Il est
normal qu'elle reagisse,Temette en question, apprecie, conteste ou
donne
tort a un systeme de pensee.
Voila le but du present
chapitre.
Dans un premier temps, on verra des reactions plutot
g~n~rales
tant
appr~ciatives
la pensee de Sartre.
que
d~preciatives
sur l'ensemble de
Dans un deuxieme temps, on
~tudiera
une cri-
tique approfondie qui tantot conteste ou rejette, tantot essaie de
comprendre ou de sympathiser avec
quelques principes de l'exis-
tentialisme sartrien.
Commen~ons
avec la premiere categorie de critiques.
Ka Naa Subramanyam, critique litteraire examine l'existentialisme
sartrien
a
partir du contexte indien.
Pour lui, "Sartre est tou-
jo~rs
en train de modifier et reviser sa definition et concept
d'existentialieme." 1 De plus, "Camus et Malraux ont fait un
n
meilleur usage de l'idee existentialiate que Sartre 11 "' et que
"l'existentialisme sartrien n'est qu'une vague passagere." 3 Sartre
eat determine a prouver que l'univers meme est absurde et, quoique
1. Subramaniam, Ka Naa: "Existentialist Muddle", Debonair, Delhi,
Dec. 1978, p.34.
2. Ibid., p.35.
3. Ibid., p.35.
-
- 95 l'homme en fasse, restera et continuera d'3tre absurde." 1
critique indien pense que
certains
~v~nements
"l'id~ologie
de Sartre peut
contemporains en Europe
Ce
~claircir
ma~s
l'homme ne peut
jamais se servir d'elle comme ~royance pour mener sa vie." 2
Parfois Subramanyam est hostile A l.'existentialisme m3me quand
il
par exempleLl'appelle une "monstruosit~ logique", parfois · apprecj.e par example "son meilleur usage par Camus et Malraux."
Il est
curieux que Subramanyam ne cite nulle part Sartre pour soutenir sa
prise de position
mais seulement quelques critiques
hostiles A l'existentialisme comme Robbe Grillet ou Wood Kruch,
critique
am~ricain.
Le titre de son article: Existentialist Muddle
(Embrouillamini existentialiste) aussi bien que les nombreuses
affirmations categorques sans preuve, reflete une approche negative
et meme
pr~judiciable.
Subramanyam.
Sartre a
Il vaut la peine d'essayer de
~crit
r~pondre
A
vis-A-vis de ses critiques :
••• La passion s'est si bien mel~e ala philosophie,
lorsqu'il s'est agi de l'existentialisme et tant
d'ig11orants ont cru pouvoir prendre la plume pour
combattre ou d~fendre cette doctrine que je n'avais
jamais ••• pu retrouver mes intentions ou ma pens~e
dans les articles et dans les livres qui pretendaient
parler de moi ••• 3
Subramanyam, par exemple, s'oppose
a
l'~volution
dans la
pens~e
de
Sartre et affirme que l'existentialisme sartrien ne peut etre une
1. Subramaniam, Ka Naa : "Existentialist Muddle", Debonair, Delhi,
Dec.1978, p.34. "Sartre is intent on demonstrating that the
universe .itself is absurd and whatever man does will always
remain and continue to be absurd."
2.
~·'
p.36.
3. Jeanson, Francis: Le probleme moral et la pensee de Sartre;
Seuil, Paris, 1947, 1965, p.11, preface de J.P. Sartre.
- 96 -
croyance pour fonder la vie de l'homme.
~tre
cent pour cent d'accord avec lui.
Sartre,
lui-m~me,
aurait
La raison d'etre et le
fondement de l'existentialisme est justement 2ette
v~rit6
que
pre~tablie d'apr~s
l'homme ne peut et ne doit avoir une croyance
laquelle il ordonne sa vie car a chaque instant l'homme est en face
d'une nou7elle situation.
Au dire de Sartre dans une lettre a
Francis Jeanson:
Vous n'avez pas commis l'erreur de juger l'oeuvre
d'un vivant comme si son auteur etait mort et
qu'elle fOt arretee pour toujours. Vous avez choisi,
au contraire, pour l'etudier, le point de vue de plus
difficile mais aussi le plus fructueux: vous l'avez
envisag~e comme une pens~e inachev~e, en mouvement •.. 1
N'oublions pas que Subramanyam a
~crit
son article du vivant
Jeanson conclut: "Le meilleur hommage que l'on puisse
de Sartre.
rendre a l'oeuvre de Sartre, c'est d'en contester sans cease l'efficacit~
pratique: par la
but essentiel." 2
d~ja
on lui aura permis d'atteindre son
Dire que 'Sartre est d~termin~ a prouver que
l'univers est absurde rnalgre les efforts de l'homrne'
certaine ignorance de la
pens~e
sartrienne.
r~v~le
L'absurdit~
le meme sens pour Sartre que pour Subramanyarn.
une
n'a pas
L'univers bien sur
a un sene, mais ce sens est donne par chaque horerne.
Si on veut
chercher un sens en dehors de l'hornme, dans ce cas Sartre n'est pas
d'accord.
reux
L'absurdit~
d'apr~s
du monde decoule
du
raisonnement rigou-
le principe de dasein (etre-la) et de
de la conscience.
1. Jeanson, Francis: op.cit., p.11.
2. Ibid., p.288.
l'intentionnalit~
- 97 Pour SubramanyamJ"le mot 'alienation' et l'idee derriere
cela sont vraies en termes occidentaux mais pas du tout dans la
tradition indienne.
Alienation est totalement ·impossible dans
le contexte indien.
Si aliene que vous essayiez d'etre, la societe
vous absorbe.dans son sein." 1 Est-ce que cela veut dire queM.
Subramanyam accepte que l'alienation existentialiste est valable
dans l'Occident, ce qu'il avait rejete precedemment.
De toute
faqon, 'alienation' au sens existentialiste et sartrien est ontologique et fait partie integrale de l'existence humaine en soi et
non pas quelque chose de surajoute.
europeenne ni indienne.
Alienation, alors, n'est ni
Le Dr. Madangobalane a raison de dire que
"Ka Naa Subramanyam n'a pas compris Sartre dans sa totalite mais
\
d'une faccon fragmentaire."
2
Un autre critique indien, qui se montre peu sympathique,
est B.K. Bhattacharya.
D'apres celui-ci, la pensee de Sartre est
completement incoherente et illogique.
L'existentialisrne, d'apres
l'auteur n'est qu'un mode moderne de vie et rien de plus. 3 M.
Bhattacharya comprend les locutions sartriennes dans un sens ordinaire et non dans un sene philosophique.
C'est pourquoi il ecrit:
"Vraiment, il serait difficile de trouver dans l'histoire de la
philosophie un penseur (comme Sartre), qui s'abandonne, de cette
1. Subramanyarn Ka Naa: art.cit., p.34. "The word 'alienation'
and the jdoR behind it are true in WeAtern terrnA but not at
all true in the Indian tradition. Alienation is something
entirely impossible under Indian conditions; however alienated
you try to be, society absorbs you in its fold ••. "
2. Madanagobalane, K.: Lettre a l'editeur : Debonair, Vol.VIII,
No.2, Fev. 1979, p.33.
~. Bhattacharya, B.K.: "Existentialism: A Modern Craze", Calcutta
Review (New Series), 1(2) Oct-Dec. 69, p.350.
- 98 -
mani~re hyperbolique, d des abstractions verbales." 1
tr~s d~pr~ciatif,
mais
d~utre
part
appr~ciatif
D'une part
quand il dit que
l'existentialisme est le produit de l'epoque moderne ou l'homme a
exaggere le role de la raison au detriment de sa liberte. 2 Et un
peu plus loin il reconna!t
consiste, precisement,
a
qu~
"La valeur de l'existentialisme
faire les philosophes se rendre compte que
a la
la raison n'est pas indispensable, mais qu'on doit accorder
sensibilite sa juste portion dans l'interpretation et !'evaluation
de l'existence humaine." 3
T.M.P. Mahadevan attribue la difficulte de comprendre
Sartre
a son
utilisation des mots ordinaires pour
inhabituels, ce qui mene
plus, Sartre a tendance
d~voiler
a l'incomprehension de ses
a suraccentuer l'absurde et
des sens
oeuvres. 4
En
l'anormal, les
passions elementaires et la conscience prereflechie. 5 Sa philoso6
phie n'est p~s liberatrice mais plutot pessimiste.
Et malgre ~a,
Mahadevan reconnait la valeur positive de l'existentialisme:
"Sartre's philosophy of existence reflects the moods and challenge
of a generation in revolt, dissatisfied with the status quo." 7
1. Bhattacharya, B.K.: op.cit. "Indeed it would be difficult to
find in the history of philosophy any other thinker indulgins
in verbal abstractions in this hyperbolic fashion (as Sartre)."
2. Idem, p.351.
3. Idem., p.352. "The value of existentialism consists precisely
in making philosophers realise that reason is not all in all,
but that sensibility must be given its due share in the interpretation and evaluation of human existence."
4. Mahadevan, T.M.P.: "Jean-Paul Sartre"
Vedanta Kesari,
Vol.55. 1968-69, p.49.
5. Idem, p.49.
6. Idem, p.49.
7. Idem, p.49.
- 99 -
pas
La difficulte de comprendre Sartre ne doitLetre etonnant.
L'incomprehenaibilite apparente du style etait un obstacle aussi
A see lecteurs europeens.
et parle fort bien le
Le philosophe anglafs
fran~ais
"Ayer qui lit
disait justement que l'Etre et le
Neant, comme tant d'ouvrages de philosophes celebres, avait ete
plus admire que lu.
Ayer ne pretendait pas qu'il le comprenait. 111
Olivier Todd raconte see efforts de comprendre Sartre.
Je plongeai enfin dans l'Etre et le Neant, cherchant une
sortie. Eblouissement et fureur: ce type-la jonglait avec
lea motel Derriere chaque substantif il pla~ait, inventait
une substance. Puis il inserait la substance-substantif
dans une phrase qui, souvent, sonnait bien, endormant,dans
l'oreille et la tete,tout sens critique •.. 2
Sartre pour lui n'etait pas "sur la terre des choses, des humains
et des situations reelles."
3
Par centre, Francis Jeanson tout en
reconnaissant la difficulte de lire et comprendre Sartre, affirme
qu'il est intelligible
Redisons ••• notre conviction profonde, qui est que tout
lecteur s'interessant a l'existentialisme de Sartre peut
et doit se rendre capable d'en comprendre l'esprit au
niveau meme des themes reputes lea plus difficiles. Il
suffit selon nous qu'il ne se laisse point rebuter par
certaines resistances dues au langage, et qu'il veuille
bien admettre des le depart qu'elles sent la dans l'unique
but d'assurer, de temps a autre, a quelque idee particulierement importante, une formulation plus rigoureuse ou
plus frappante. 4
En derniere analyse, l'existentialisme sartrien est une doctrine
plut8t a vivre qu'a comprendre.
Et Sartre avait une tnchc difficile
1. Todd, Olivier: Un fils rebelle, Grasset, 1981, Paris, p.91.
2. Ibid., pp.88-89.
3. Ibid., p.89.
4. Jeanson, Francis: op.cit., p.15.
- 100 -
de traduire en concepts et mots faibles une experience reelle de
l'exp~rience
humaine.
Sartre affirme que "si vraiment la philosophie existentialiste est avant tout une philosophie qui dit : l'existence
pr~cede
l'essence, elle doit etre vecue pour etre vraiment sincere.
Vivre en existentialiste, c'est accepter de payer pour cette doctrine, et non pas l'imposer dans des livres. 111
G.K. Dutt reproche
a Sartre
d'avoir demoli les liens de
communication interpersonnels entre hommes,
sinc~rit~,
a savoir
les vertus de
les passions comme l'amour et l'amitie et, ainsi nous
transmet une philosophie triste et sombre ou l'action n'a pas de
sens et la liberte equivaut au non-etre. 2
E.R. Marozzi, soucieux de sauvegarder lc theisme, s'oppose
a l'atheisme
de Sartre.
Sous forme traditionnelle indienne d'un
dialogue entre maitre (gourou) et disciple (sisya), il analyse
l'existentialisme de Sartre.
Le disciple, dans cet article, ne voit
pas pourquoi un homme, sain d'esprit, a besoin de chercher une
signification de la vie.
le
"C'est l'individu opprime et inadapte -
ou le psychotique - qui a perdu sa signification et
trouve la vie absurde et ficheuse." 3 Est-ce qu'on a oublie que
nevros~
l'homme au debut du XXeme siecle a ete completement dequ par
1. Sartre, J.-P.: L'Existentialisme est un humanisme, Nagel,
Paris (reimprime) 1970, p.101.
2. Dutt, G.K.: op.cit., p.48.
3. Marozzi,
Bharata,
adjusted
lost his
E.R.: "Reflections of Existentialiam'', Prabuddhn
March 1969, p.137. "It is the oppressed and malindividual - the neurotic or psychotic - who has
meaning and finds life absurd and a predicament."
- 101 l'~croulement
des valeurs humaines et spirituelles, meme des soi-
disant vertus chretiennes?
Ce critique, sans doute, plein de bonnes
intentions, ne se rend pas compte du fait que 1'existentialisme est
ne dans un contexte europeen, et apportait une reponse
tion d'alors en Europe.
rable a posteriori
aux systemes
tialisme
~ourquoi
a l'existentialisrne
th~istes
a des
C'est
a la
situa-
porter un jugement defavode Sartre en le cornparant
de l'Inde et essayer d'appliquer l'existen-
contextes qui P'existent pas, semble etre un exercice
vain et injuste.
Marozzi, par la bouche du disciple, dit que la
liberte chez l'homme presuppose son infinite et son inalterabilite,
l'existence de son ame et l'existence de Dieu. 1 Maison presuppose,
sans preuve, que la liberte humaine a pour fondement l'existence
d'une ame immortelle et d'un Dieu.
ceptable
a Sartre.
Ce raisonnernent n'est pas ac-
Les faits, en effet, ont demontre que les
valeurs chretiennes, ou plutot leur application, basee sur une
doctrine de l'existence de Dieu et de l'irnmortalite de l'arne, n'ont
pas abouti
a grande
chose, surtout pendant les annees de la guerre.
C'est pourquoi Sartre elabore une philosophie plutot
a vivre qu'a
debattre dans laquelle chaque homme peut decouvrir sa vraie grandeur.
Marozzi estime que Sartre)bien que se basant sur Descartes,
refuse pourtant d'accepter un Dieu infini,
oipe.
Il trouve caln illogique de sa part.
d~duction
du meme prin-
"Strongly enough,
Sartre cites Descartes as giving him the basis of.his thinking and
yet he does not follow through with the next logical step as
2
Descartes ehowed."
1. Marozzi, E.R.: artcit., p.139.
2. Ibid., p.139.
- 102 Neanmoina, la lecture attentive de Sartre montre que ce
philosophe ne croit pas
a une
la situation et les donnees
metaphysique qui depasse l'experience,
concr~tes
de l'homme.
Marozzi a,pour-
tant, raison de dire que Sartre a tort de deduire l'existence
m~me
d'autrui du
'cogito' cartesien.
Mathew Zachariah trouve que la question de choix
element
tr~s
i
est-~n
poaitif dans l'existentialisme de Sartre : "C'est cette
gravite concernant l'importance de son choix qui donne
a l'exis-v
tentialieme u~e signification, fondamentalement religieuse et
morale." 1 Zachariah rejette la critique negative du philosophe
~
italien, de Ruggierro, pour qui l'existentialisme est une 'porno-
'
graphie n.~taphysique' et avance que l'existentialiame est prdfonde2
ment moral, m~me dans son refus de Dieu.
Pour Zachariah, l'existentialisme eat quelque chose de positif en ce sens que malgre la
decouverte de l'absurdite du monde, l'homme essaie de transformer
cette situation absurde en y decouvrant pour lui-meme des valeurs,
.
. 3
e t une con f 1ance en so1.
Ce critique estime, avec raison, que
toute denonciation de l'existentialisme aurait ete mains severe
si leurs auteurs avaient realise la difficulte, voire meme l'impuissance eprouvee par les existentialistes de depeindre par le
faible moyen des mots la realite humaine qui est une experience,
principale~ent,
vecue.
"Si l'on veut formuler son experience, on
1. Zachariah, M.: The Existentialist Posture", Educational Forum,
13(1), January 1968, p.12. "It is this seriousness about the
importance of one's choice that gives existentialism a fundamentally ••. religious and moral significance."
2. Ibid., p.13.
3. Ibid., p.16.
- 103 -
sera ob+ige de se servir d'une methode, d'un systeme d'idees ou
d'images, c'est-a-dire d'une theorie qui commencera a oter la
richesse et la complexite de l'experience
dire~te
de son exis-
tepce."1
Considerons maintenant des critiques de la deuxieme
categorie,'les specialistes' qui font une analyse plus approfondie
du sartrisme.
Quelques-una on a deja vue, d'autres on verra pour
la premiere fois.
Ils jugent, mettent en question, et parfois,
rejettent l'existentialisme sartrien.
Etudions, tout d'abord les
observations du professeur Pritibhushan Chatterji qui met en question le rejet de l'Ego transcendental par Sartre.
Il reconnait
qne Sartre le fait pour sauver la phenomenologie du solipsisme et
ne l'idealisme mais demontre la faussete de son raisonnement.
D'apres Chatterji, le principe de l'intentionnalite sartrienne
doit contenir implicitement un
~ubjet
l'objet de l'intentionnalite.
On ne peut pas avoir l'un des termes
sans l'auGre.
intentionnel aussi bien que
Une conscience qui reflechit presuppose necessaire-
ment un sujet reflechissant.
Il ecri t: "L 'intentionnali te impli-
que signification; signification, cependant, se refere non seulement a un objet mais aussi
a un sujet.
S'il faut depersonnaliser
le champ de la conscience il faut le deobjectiver aussi. 112
1. Zachariah, M.: art. cit. , p .16.
"If we wish to formulate our
experience we are bound to use a method, a system of ideas or
images i.e. a theory which begins to take away the richness
and complexity of directly experiencing one's existence."
2. Chatterji, P.: art.cit., p.212. "Intentionality implies meaning : meaning, however, is not simply of some object but also
for some subject. If the field of consciousness is to be
depersonalised, it is to be de-objectified as well."
- 104 -
Ce Professeur indien ne comprend pas comment d'apres
Sartre, la conscience reflechie peut donner naissance
a
l'Ego.
Car, si l'lgo n'est pas necessaire au niveau prereflechi, pourquoi
devient-il necessaire au niveau reflechi?
Il se demande si l'Ego
sartrien n'est rien d'autre que la reapparence de l'Ego prereflechi 1
et reproche
a Sartre
de n'avoir pas precise la difference entre
l'Ego, comme objet non materiel et lea autres objets materiels qui
se trouvent aussi dans le monde. 2
Pour Chatterji, Sartre se soucie trap de sauvegarder la
translucidite de la conscience.
La conscience d'apres Sartre,
jouissant d'une autonomie, ne peut pas s'appuyer sur un sci qui
la trapscende.
A cela, le Dr. Chatterji repond que le soit ou l'Ego
est identifie avec la conscience : "La crainte de Sartre que la mise
du sci au milieu de la conscience ne detruise pas son caractere
translucide, n'a aucune justification quelconque puisque le vrai
a
sci etant identique
la conscience est nussi lumineux que cellc-ci
3
(la conscience)."
Pour repondre au Professeur P. Chatterji, il
faut se mettre au clair
conscienc~
de sci.
a propos
du sens sartrien de }'expression:
Le 'sci' n'est pas un 'res cogitan3'.
"Aussi
le terme 'sci' ne denote-t-il pas quelque entite mysterieuse (quelque chose comme le veritable 'sci' de Pierre, mais il denote uniqucment ce qu'on designe par l'exprcssion 'conscience posltlonnellc
1. Chatterji, P.: op.cit., p.212.
2. Ibid., p.213.
3. Ibid., p.213. "Sartre's apprehension that putting the self in
~midst of consciousness would destroy its translucent character has no justification whatsoever for the true self being
identical with consciousness is as much luminous as the latter
is."
- 105 -
de l'arbre." 1
La preposition 'de' n'etait qu'une contrainte gram-
maticale et souvent Sartre mettai t le 'de' entre parentheses.
Le Professeur Chatterji reproche a Sartre de n'avoir pas
defini l'Ego pour qu'on puisse le distinguer des autres objets du
monde.
Mais,
a vrai
dire, Sartre n'a pas besoin de definir l'Ego
puisqu'ille.rejette:
L'originalite de sa contribution a la problematique de
l'Ego ne doit pas etre cherchee dans lcs questions qu'il
se pose, rnais dans ses reponses. Il est le seul philosophe de notre siecle a se servir d'une analyse transcendantale pour arriver ala conclusi0n de l'impersonnalite
dans la conscience transcendantale et pour en ecarter
definitivement l'Ego. 2
Pour Margaret Chatterjee, Sartre, en rejetant l'Ego
. Transcendantal, va
a l'encontre
et des projets secondaires.
de sa theorie du projet fondamental
"Si le projet fondamental ne penetrait,
d'une maniere ou d'autre, tous les projets posterieurs, Sartre
semblerait etre incapable de trouver dans le concept du projet un
substitut adequat a l'ego qu'il a rejete. 3 Car d'apres ce philosophe
fran~ais,
secondaires.
le projet fondamental enveloppe tous les projets
En principe, il doit accepter l'Ego pour expliquer
son projet Iondamental.
Le Dr. M. Alexander est un
autre critique
de la prise de ponition snrtrlenne sur 1 'EBo Transcendantal. D'apres
elle, si Sartre veut retenir sa theorie de la phenomenologie de
J 'uxJntenoo, Jl doit nccepLer J 'E1~o 'l'rannccnduntu.L de lluuoe1·l.
1. Fretz, Leo: Le Concept d'individuulite, Obligues/Sartre, 1978,
p.226.
2. Ibid., p.224.
3. Chatterjee, Margaret: op.cit., p.53. "If the fundamental project does not somehow pervade all subsequent projects, Sartre
would seem to be unable to find in the concept of project an
adequate substitute for the ego which he has rejected."
- 106 Voici le resume de son argumentation: La tcmporalite interir.ure
de la conscience, comme centre d'unification, est essentielle
pour retenir les structures de la signification humaine, et par
co~sequent, on est oblige de retenir l'Ego Transcendantal. 1 Selon
ce professeur, Sartre modifie le principe d'intentionnalite husserlienne pour echapper a un idealisme.
"Ar. irreducible
~;;ubtantial
ego discovered by consciousness in reflection on itself seemed to
Sartre a typical symptom of idealist self-deception. 2 Le Dr.
Alexander a raison.
Si Sartre se base sur Husserl pour expliquer
et soutenir sa these sur la temporalite interieure il sera oblige
de.niear sa doctrine de la conscience impersonnelle.
Sartre se refere ala 'conscienc~ interne du temps' de
Husserl, mais l'appui qu'il cherche chez Husserl concernant ce sujet semble plutot attenuer sa these sur
la transcendance de l'Ego .•• Puisqu'a ce niveau-ci
(du pseudo-cogito) il n'est encore question d'aucune
constitution du sujet, mais exclusivement d'un 'champ
transcendantal' impersonnel, tandis que chez Husserl
il n'est sans doute pas question d'un ~ transcendantal,
mais bien d'un sujet ( 'subjekt'). 3
Le projet fondamental pour Sartre appartient
a la
cons-
cience prereflechie tandis que lee projets secondaires au niveau
reflechi - ce qui pourrait etre une reponse
Margaret Chatterjee.
a la
difficulte de
Le Dr. Alexander cite Sartre: "L'Ego n'est
ni formellement ni materiellement dans la conscience, il es} dehors
dans le monde •.• il n'est pas un principe vide d'unification. 114
1.
.Alexander, Meena: "Inner Time and a Phenomenology of Existence",
Indian Philosophical Quarterly, Vol.2, 1974, p.337.
2. Ibid., p.324.
3. Fretz, Leo: art.cit., p.225.
4. Sartre, J.-P.: La Transcendance de l'Ego, Librairie Philosophique,
J. Vrin, Paris, 1965, p.13.
- 107 Et encore : "Quand je cours
apr~s
un tramway, quand je regarde
l'heure, quand je m'absorbe dans la contemplation d'un portrait,
il n'y a pas de Je. Il y a conscience du tramway-devant-etrerejoint et conscience non-positionnelle de la conscience." 1 A
cela, Meena Alexander retorque que Sartre, en avouant l'identification de l'objet, irnpliciternent accepte un centre de reference
qui pourrait distinguer cette chose-ci de cette chose-la, le pre2
sent du passe; que si Sartre est de l'avis que "les objets
• se presentent avec des valeurs, des qualites attractives et re3
pulsives •.. " il doit presupposer une conscience qui puisse interpreter ces valeurs, prendre des decisions, dire que telle valeur
est attractive ou repulsive.
meme de
ch0i~ir
rejette l'Ego.
Cela presuppose un "Je".
La liberte
doit etre phenomenologiquernent intenable si l'on
4
Pour Sartre, "ce sont les objets qui constituent
l'unite de mes consciences, qui se presentent" avec des valeurs" 5
6
parce que "moi, j'ai disparu, je me suis aneanti."
Notre critique
presuppose qu'on doit avoir un "Je" pour interpreter les valeurs,
un "Je" qui
d'apr~s
Sartre n'existe pas ace niveau.·
Pour Sartre, la conscience transcendantale est une spontaneite impersonnelle.
Elle se determine
a chaque
1. Snrtre, J.-P.: op.cit., p.32.
2. Alexander, Meena,· art.cit., p.326.
3. Sartre, J.-P.: La Transcendance de l'Ego, p.32.
4. Alexander, Meenn, art.cit., p.326.
5. Sartre, J.-P.: La Transcendance de l'E6o, p.32.
6. Ibid., p.32.
instant, sans
- 108 -
qu'on puisse rien concevoir avant elle.
r~vele
de notre vie conscience nous
une
Ainsi, chaque instant
cr~ation
ex nihilo. Mais
cette doctrine d'une existence ponctuelleet atomiste, dit Meena
Alexander, ne peut aucunement expliquer la
capacit~
de la cons-
cience d'organiser le pass~ et projeter lea activit~s futures de
l'Ego. 1 Elle se demande comment je peux savoir simon ego est dans
le monde comme n'importe_quel autre objet et n'importe quel autre
ego, comment peut-on savoir si tel ego est le mien, ou non. 2 Cette
difficult~
revient au probleme de !'unification des consciences
temporelles.
Et nous avons
d~ja expos~
tion se fait A partir de l'objet.
Le savant critique affirme qu'ilY
a d'autres contradictions chez Sartre.
que lee concepts de
'intimit~',
que lee Ego des autres hommes
plus int .me.
Celui-ci, dit-elle, affirme
'mien', 'Ego' ont le meme statut
a cette
difference que le mien est
Mais, d'apres elle, cette intimite dont parle Sartre
implicitement reconnatt l'existence de
elle (cette
que pour Sartre !'unifica-
intimit~) pr~suppose
la
l'int~riorit~
libert~
du temps car
d'attribuer une certaine
valeur aux choix bases sur la realite, et cela
a son
tour presuppose
la presence de l'Ego pour interpreter la realite et identifier les
interpretations. 3 L'auteur trouve aussi intenable la prise de
position sartrienne qui attribue
a un acte ethique de la conscience,
par exemple mon effort de secourir Pierre, le meme statut impersonnel qu'A la couleur de l'encrier devant moi. 4 "The comple~ities
1.
2.
Meena, art.cit., p.327.
p.-327.
Alexand~r,
~.,
3. Ibid. , P • 327 •
0 ~.c;t.
4. Sartre, J.-P.: Transcendance de l'Ego,Lp.39.
- 109 of the interpretative act are blurred over and the value I accord
the situation of the other is viewed as if it were the same sort
1
of thing as of the sound of his voice. "
Pou·r Alexander, Sartre
a du etre conscient de ces problemes mais son enthousiasme pour
montrer !'equivalence de la.subjectivite et des objets spatiaux
l'q fait meconnaitre le principe subjectif qui interprete les actes
de la conscience a savoir la temporalite interieure et psychique. 2
Mecna Alexander va plus loin en disant que mime l'intentionnalite sartrienne, la base de sa phenomenologie existentialiste, va ~tre cise e• doute. 3 Le savant critique croit que
meme l'Ego de Husserl, pousse
a l'extrime
logique de la theorie de
1 'epoche, ne peut rester isole dans la conscience.
elle, "ce sont les perspectives
e~terieures
connaissance de la.conscienoe absolue."
tion de Sartre
a Husser!
4
"Car 11 , di t-
qui determinent la
C'est pourquoi l'opposi-
n'est pas valable puisque meme l'epoche
Husserlien est incomplet et insuffisant et doit logiquemcnt exiger
et aboutir
completent.
a la
realite
spatio~temporelle.
Sartre et Husserl se
Sartre a besoin d'Ego et du temps psychique pour pro-
teger sa realite existentielle de meme que Husserl a besoin de
Sartre pour que sa conscience absolue et son Ego transcendantal
puissent posseder sea noemata. 5 Elle estime que le corps humain
1. Alexander, Meena, art.cit., p.328.
2. Ibid. , p.329.
3. Ibid.
4. Ibid. , p.333.
5. Ibid. , p.333.
- 110 en tant qu'un vecu peut fournir une reconCiliation entre Husserl
et Sartre.
"The ambiguous existence of the lived body stems from
its nature both as a subject possessed o! the intentionality of
inner time and as object occupying a place in the extension of the
spatial world~
111
fois n'arrive pas
Meena Alexander a raison de dire que Sartre par-
a sortir
des contradictions que le systeme ela-
bore par lui essaie d'eviter.
Toute l'oeuvre .sartrienne aboutit ala liberte absolue
de l'homme.
Qu'en pense la critique indienne?
Le Professeur Chakma reproche
a
Sartre de prouver l'exis-
tence de la liberte absolue de l'homrne par les concepts de destruc.tion, de jugement et d'interrogation.
~1
accepte avec Sartre qu'
avec la destruction, un non-etre, ce qui n'etait pas avant, est
n~,
mais dire que l'homme en est le cause est absurde, puisque etre
temoin d'une transformation geologique et en etre le createur n'est
pas la meme chose: "Dire que nous produisons de la destruction dans
la nature (seulement en etant des temoins) est l'equivalent de dire
que nous entretenons la chaleur du soleil ou la temperature du
jour." 2
Archana Ray ne peut pas accepter la soi-disant liberte
absolue proposee par Sartre, puisque ce dernier se contredit en
affirmant que l'homme en tant que conscient de son existence
1. Alexander, Meena, art.cit., p.327.
2. Chakma, N.K.s "Man as Nothingness : An Existentialist View", ·
Indian Philoso hical uarterl , Vol.VIII, No.2, Jan.(1981),
p. 70.
To say that we bring forth destruction in nature (just
by being a witness) is equivalent to saying that we maintain
the heat of the sun or the temperature of the day."
- 111 solitaire, se degage
1
sa liberte absolue.
D'apr~s
compl~tement
de son environnement pour realiser
elle, Sartre se contredit dans l'enonciation de
sa theorie de la liberte humaine.
D'une part, cette liberte est
absolue et ne veut pas etre · ·. determinee, d 'autre part, elle est
conditionnee par des situations, par exemple, par la decision du
general d'envoyer ses soldats ala mort, exemple
tite(·
par lui dans
l'Existentialisme est un humanisme: "The more intimate his relationship with his men, the greater the poignancy of the decision he
makes."
2
Beaucoup de critiques se trompent dans leur interpretation
de la liberte absolue de l'homme selon Sartre.
Par liberte absolue
Sartre ne veut dire que l'homme est libre a faire quoique ce soit.
"Absolue" doit
~tre
toute con+.rainte
compris dans son sens etymologique - libere de
ext~rieure
predeterminee.
Ray,
-elle-m~me
cite
Sartre:
Si, en effet, l'existence precede l'essence, on ne pourra
jamais expliquer par une reference a une nature humaine
donnee et figee; autrement dit, il n'y a pas de determinisme, l'homme est libre, l'homme est liberte •.. nous
sommes seuls, sans excuses. C'est ce que j'exprimerai
en disant que l'homme est condamne a etre libre. Condamne,
parce qu'il ne s'est pas cree lui-meme, ..• cependant libre
••• parce qu'il est responsable de tout ce qu'il fait. 3
C'est pourquoi la liberte absolue est compatible avec la responsabilite.
Marozzi demontre que la liberte absolue sartrienne est
1. Ray, Archana:"Sartre's Existence before Essence", Darshana
Internat:lonnl, Vol. VIII, July 1968, No.3, p.4.
2. ill£_., p.6.
3. Sartre, J.-P.: L'Existentialisme est un humanisme, pp.36-37.
- 112 -
impossible ·puisque 1 'homme et son corps sent assujettis aux limitations et contraintes de l'espace et du temps.
Autrement dit,
pour ce critique, une liberte absolue ne peut exister que si l'on
accepte et presuppose et l'existence de Dieu et l'immortalite de
l'ame.
"How can man be free, or there be freedom unless he is in-
finite and not subject to change and the limitations of space-time." 1
Les rapports pour-sci en-sci
Apr~s
avoir considere quelques observations faites par la
critique indienne sur la liberte absolue sartrienne, passons ala
critique faite sur les rapports du pour-sci et de l'en-soi.
D'apr~s
Margaret Chatterjee, Sartre en
pas accorder une priorite ni
a l'en-soi
consciemment une priorite a l'en-soi.
s'effor~ant
de ne
ni au pour-sci, accorde inSartre, comme nous le savons,
dit-elle, a voulu elaborer un systeme qui eviterait les
pi~ges
et
de 1 'idealisme. et du realisme; aussi, veut -il construire un pont
entre les deux.
.en
"Il depasse la bifurcation cartesienne de la nature
et esprit ou la bifurcation kantienne en phenomenal et
mati~r,·
noumenal." 2
Et pourtant, en disant que le monde est le terrain
indifferencie de complexes d'instrumentalite, Sartre semble accorder
une priorite a l'etre-en-soi. 3 Et puis, meme le role neantisant du
pour-sci,
d'apr~e
Margaret Chatterjoo, pr6ouppooo oa d6pendnncc
1. Marozzi, E.R.: art.cit., p.139.
2. Chatterjee, Margnrets opu~.cit., p.55. "IIo goco ono better than
the Cartesian bifurcation of nature into matter and mind or the
Kantian bifurcation into phenomenal and noumenal."
3. Idem., p.56.
- 113 -
envers l'en-soi, car on nc peut neantiser ou reduire au neant que
ce qui est deja donne. 1
Ne peut-on retorquer en disant que po'ur etre neantise)
l'en-soi presuppose l'existence d'un pour-soi.
Car toute l'onto-
logie de Sartre reste phenomenologique - c'est-a-dire pour apparattre le phenomene presuppose un etre a qui il peut apparaitre.
de logique peut etre un piege.
sience hUmaine est
d'~tre
Trop
En cffet la structure de la cons-
intentionnelle vers un objet qui est donne
simultanement.
· Le Professeur Chakma dans une etude deja mentionnee,
rejette le raisonnemcnt de Sartre selon lequel
est
a l'origine
4u neant
(non-~tre).
un jugement negatif
D'apres Chakma, de meme que
la destruction ou un tremblement de terre n'est pas produit par son
temoin, de mSme en faisant un jugement negatif par exemple Pierre
n'est pas dans le cafe, cette absence de Pierre n'est pas creee
par moi. "I don't create his absence." 2 C'est une chose, d'apres
Chakma, de sentir le neant et son existence~ et tout autre chose
de dire que le neant (le non-~tre) est produit par moi. 3
Est-ce qu'on se heurte
a
des difficultes
a
cause du fait
-e..n
qu'on a pris le neant pour une substance, quelque .choseLdehors de
l'homrne. Le neant sartrien, pourtant, ~ait partie integrante de la
conscience hurnaine.
possible d"l dire
.!!Q.!!,
"La condition necessaire pour qu'il soit
c'est que lc non-etre soit unc presence
1. Chatterjee, Margaret: opus.cit., p.56:
2. Chakma, N.K.: art.cit., p.271.
3. Idem. , p. 271.
- 114 perp~tuelle,
en nous et en dehors de nous, c'est que le n~ant
hante 1'1tre." 1 D'apr~s Sartre une -destruction n'est po~sible
qu•A
caus~
de l'homme.
"L'homme est le seul
destruction peut @tre accomplie.
~tre
Un plissement
par qui une
g~ologique,
un
orage ne detruisent pas directement, ils modifient simplement la
A
des masses d'etre
•.•' Pour avoir la destruction
11 faut que l'homme saisisse un ~tre comme destructible." 2
r~partition
...
Beaucoup de critiques indiens s'expriment sur le principe
fondamental de l'existentialisme de Sartre et des autres existen-
a savoir,
tialistes,
!'existence precede !'essence. Quelques-uns
l'ont meme attaque severement.
Considerons, tout d'abord, !'analyse faite par Archana
Ray dans 1-lqtJ,elle elle apporte plusieurs argumentations pour demontrer la faussete de ce principe de Sartre.
D'apres elle, insister
sur !'importance du sujet en train d'exister ne pcut pas revenir
a dire
que !'existence du sujet precede son essence. 3
D'apres
Sartre, en creant mon essence, c'est-a-dire en me faisant, j'accorde une signification au monde qui autrement resterait absurde.
Mais Archana Ray repond que le monde n'est pas absurde par rapport
a moi seul.
Il y a d'autres personnes de qui le monde peut recevoir
· C'est pourquoi, d'apres elle, on n'est pas, A
vrai dire, createur des essences du monde. 4 Et elle ajoute ce
une
signific~tion.
0
.c:.;
.
1. Sartre, J.-P.: L'Etre et le Neant,L .46.
2. Ibid • , p. 42.
3. Ray, Archana: art.cit., p.2.
4.
~.
p.4.
- 115 raisonnement de Sartre lui-meme qui affirme que son existentialisme
est un humanisme du fait de l'existence simultanee d'autres existences et essences.
Voila pourquoi Archana Ray arrive
a la
con-
clusion que chaque individu n'est que la realisation graduelle
d'une essence universelle preexistante. 1 Autrement dit pour ce
critique, il eat impossible de vivre une existence depouillee de
toute essence.
On ne peut pas avoir un etre absolu :
"Existence
and essence are never separate, never aloof to the extent of my
saying: 'Yes I exist and exist an essenceless existence'. n 2
Je me demande si Archana Ray ne confond pas existence
ontologique avec existence chronologique.
Car pour Sartre, l'exis-
tence en tant. qu'ontologique est prioritaire.
D'ailleurs pour Archana Ray, il n'est pas possible d'accepter que la soi-disant liberte absolue, dont Sartre parle et par
laquelle l'homme se fait
suite se fait.
prouv~
que l'homme existe d'abord , et en-
Et ce refus est du au fait que meme cette liberte
absolue est conditionnee par des situations qui donnent naissance
a des
qui
choix ·par lesquels l'hornrne se fait.
Autrement dit, ces choix,
l'essence, ne peuvent preceder, mais coexistent
simultanement avec l'essence. 3
condition~ent
Archana Ray se sert du principe fondamental du projet
de l'etre pour dire et prouver qu'un projet ne peut pus avoir lieu
sans essence car l'existence pure ne peut etre projetee. 4 Elle
1.
Ray, Archana: art.cit., p.8.
2. Idem., p'. 4.
3. Idem., p. 4.
4. Idem. , p.7.
- 116 estime que !'alienation sartrienne en tant que trait essentiel
tout @tre humain, est universelle (propre
a chaque
a
etre humain)
et par consequent, fait partie de l'essence de·,l'homme d'abord, et
ensuite de son existence. 1 Cependant, il faut ajouter que si pour
Sartre alienation est un tra1t universel, cette alienation va differer d 'une situation
salit~
a 1 'autre.
"On peut dire qu 'il y a une uni ver-
de l'homme; mais elle n'est pas donnee, elle est perpetuel-
lement construite.
l'univer~~l
realisant un t~pe
Je construis
chaque homme se realise en
M. Arindam Chakravarty refute
priorite de !'existence sur l'f'essence.
recours ace principe pour corriger
l'essence precede l'existence.
est due
a la
Je
en me choisissant •••
d'humanite." 2
principe sartrien de la
Il croit que Sartre a eu
1
l'a~tre
extreme qui dit que
Malheureusement cette conception
mauvaise interpretation du cogito (Essence) ergo sum
(Existence) de Descartes.
Pour l'auteur, l'existence et l'essence
sont donnees simultanement: "I think" and "I exist" are inextricably interwoven.
They are two simultaneous certainties." Quelles
sont les raisons ou plutot les preuves donnees par M. Chakravarty
pour refuter Sartre?
tence?
Qu'est-ce que c'est cette priorite de l'exis-
Est-elle meme possible?
L'auteur est de l'avis que cette
priorite peut etre soit temporelle soit epistemologique soit logique ou metaphysique. 3 Chronologiquement il n'eot pan possible pour
un etre d'exister sans prendre la forme de telle ou telle existence:
1. Ray, Archanas art.cit., p.8.
op· cit.
2. Sartre, J.-P.: Existentialisme est un humanisme,Lpp.70-71.
3. Chakravarty, Arindam:"Impossibility of Existentialiom", Indian
Philosophical Quarterly, Vol.IV(1), Oct. 1976, p.26.
- 11? -
"Il est inconcevable qu'une chose
puisse
exister sans essence pour
L
une fraction microscopique d'11n second." 1
Sartre se contredit
en proposant la priorite de !'existence sur l'essence car sans
essence, le pour-soi sera identifie avec l'en-soi ce qui est impossible m@me pour Sartre.
2
NiJepistomologiquemen~
l'existence
a l'essence.
peut-elle @tre prioritaire
Car la connaissance du
3
soi presuppose que celui-ci poss~de une essence a connaitre.
Cette priorite ne peut pas etre d'ailleurs logique.
Car,
d'apr~s
Chakravarty, dans des phrases comme 'Socrate est juste' la qualite
d'@tre juste ne suit pas celle d'exister; le sujet et ses attributs
sent donnes simultanement.
o-1tologique?
etre
prec~de
4
Mais est-ce que cette priorite est
Chakravarty est de l'opinion que si l'existence d'un
son essence, cela va a l'encontre de la phenomenologie
sartrienne car
d'apr~s
Sartre, le noumenon n'est pas different de
son phenomenon.
Ce refus du dualisme du noumenon et du phenomenon
de l'etre est fondamental a l'existentialisme sartrien. 5 Et finale-
ment:
Son attitude pessimiste, sa tendance athee, son obsession
vis-a-vis de la personne, son individualisme egocentrique,
et surtout sa revolte sans harmonie centre la pensee et la
rationalite- les deux tresors de l'humanite- voila des
objections standardes illogiques centre lui (le sartrisme). 6
1 •. Chakravarty, Arindam: art. cit., p. 27.
"It is inconceivable
that a thing can exist without an essence even for a microscopic fraction of a second."
2.~.,p.28.(
3. Idem., p.28.
4. ~·, p.28.
5. Idem., p.29.
6. Idem., p.30. "Its pessimistic attitude, its atheistic trend, its
personalistic obsession, its demoralising metaphysics, its selfcentred individualism and above all its deharmonising revolt
against thought and rationality - the two treasures of mankind all these are standard non-logical objections to it."
- 118 -
M. Chakravarty presuppose sans preuve que le rationalisme seul
rend
a l'homme
sa vraie dignite perdue.
Inversement, pourtant,
on se rend compte que trop de rationalisme peut deshumaniser
l'homme et le reduire
a un
esprit sans chair et os.
Le but de la philosophie, d'apres M. Chakravarty, est
la reflexion seule et non l'action.
"It (existentialism) is des-
cribed sometimes as together with Marxism an 'activist philosophy'.
But this last seems to be a self-contradictory concept. The heart
of philosophy is reflection." 1 Ne peut-on pas mettre en question
cette affirmation du critique?
corps.
Toute philosophie a pour but un projet d'action.
ne fait pas exception.
theAtre.
Car l'homme est esprit, coeur et
Sartre
Cela est bien evident dans ses pieces de
En effet, ce grand existentialiste est, peut-etre, le seul
a elaborer un systeme philosophique de pensee qui est, en meme temps,
une philosophie d'action.
Chakravarty lui-meme reconnait la valeur
de l'existentialisme: "··· the present writer had found Existentialism painfully true as an emotional position .•. " 2
L'atheisme sartrien
La philosophie de Sartre a pour point de depart l'existence concrete de l'homme sans reference
c.omme.
a une
Il n'a pasL origine une essence
int~rieurc
Meme Dieu, s'il existe, n'a rien
a
cxt~ricure
a lui.
faire avec l'homme qui jouit,
naturellement, d'une autonomie absolue.
1. Chakravarty, Arindam: art.cit., p.30.
2. Ibid., p.24.
ou
essence precedente.
Cette prise de position
- 119 -
de Sartre a provoque des prononcements sur son atheisme.
bien evident que l'existentialisme sartrien est athee.
Sanjiwan
Prasad :
"L'atheisme de Sartre d'une
mani~re
Il est
Comme dit
est un
rejet de la religion •.• Il porte un coup ala r,acine meme de la
religion."
1
Mais tout en acceptant l'atheisme de Sartre, le Dr. Prasad
lit entre lee lignes de cet atheisme des traces d'un theisme.
pour prouver sa
utilis~
th~se,
Et
il se sert des meme principes que Sartre
pour rejeter le theisme.
Sartre, dit-il, rejette la reli-
gion pour trois raisons principales :
i)
La religion en tant que concept et essence.universelle
empeche l'homme de realiser son unicite.
ii)
La relieion est une contrainte de la liberte humaine.
La religion
se dissocie
de la vie de l'homme. 2
iii)
Repondant
a la
premi~re
objection, le Dr. Prasad dit que le veri-
table esprit religieux tient en haute estime l'unicite et les emotions .de chaque homme.
Deuxi~mement,
l'homme,
d'apr~s
Prasad,
garde toujours sa liberte, car il peut toujours choisir de fonder
sa propre religion.
parvenons
a une
Croire meme en Dieu est un choix.
"Nous
conclusion interessante que dans l'existentialisme
athee il y a de laplace pour la vraie religiQn. 113
Et encore "en
depit meme de l'atheisme de l'existentialisme athee, la religion
4
persiste."
Prasad, Sanjiwan : "Religion and Atheistic Existentialism",
Indian Philosophical Quarterly, 4(4), July 1977, p.62S.
11 Sartre 1 s atheism is in a way a rejection of religion ... it
strikes in its own way at the very root of religion."
2. Ibid.
p.126
1.
3. Ibid. \ 1 "VIe come to an interesting conclusion that in Atheistic
26
~xistentialism t~~re is scope f~r true re~igion."
4 • Ibid. ~
---~hus even ~n.sp~~e of the Athe~sm of Ahe~stic Exislalism rel~g~on comes to say."
- 120 Renfor~ant
l'observation faite par Prasad
a propos
de
la subjectivite de l'homme, S.K. Singh estime que la religion ne
neglige pas l'experience
concr~te
et
v~cue
de l'homme : "La religion
'
ressort de la vie et n'est pas derivee d'elle puisqu'elle
n'existe
pas dans des p.roposi tions doctrinaires mais en 1 'hornme. 111 Pour
l'auteur, la raison d'etre de la religion est son application ala
vie des individus et doit etre individualisee et existentielle.
M. Singh fait une observation fort
int~ressante
de Paul Tillich
pour qui l'existentialisme a pris naissance la ou la tradition
religieuse a ete battue en breche, mais qu'il n'a pas pu, par
contre, s'enraciner la ou elle etait vivante :
"L'Angleterre est
le seul pays ou le probleme existentiel de chercher un nouveau sens
de la vie n'avait aucune importance •.• parce que •.• la tradition
religieuse ••• s'est opposee aux question radicales sur le sens
.
de 'l'existence' humaine."
2
L'existentialisme et la religion mettent en relief l'importance de l'individu pris dans sa
totalit~
y compris son intel-
lect, see emotions, bref tout aspect de sa vie.
La religion se
donne pour mission de regler la conduite de l'homme en tant qu'individu dans see rapports avec Dieu.
L'existentialisme aussi bien
que la religion accordent une importance primordiale
a l'individu.
Si, d'apres l'auteur, l'existentialisme incite l'homme a poser des'
questions sur la vie, la foi religieuse
y trouve les reponses, et·
1. Singh, S.K.: "Existentialism and its convergence with Religion",
Darshana International, Vol.XXIII, April 1983, No.2, p.80.
"Religion comes out of life and cannot be derived from it since•
it exists not in doctrinal propositions (essences) but in man."\
2. Ibid. , p. 81. "England is the only country in which the existential problem of finding a new meaning of life had no significance
••• because ••• religious tradition ... p~evented radical questions about the meaning of human 'existen~e'."
- 121 ainsi, l'existentialisme et la religion jouent des roles complementaires.1
Pour le Professeur Sinari, l'existen~ialisme a cohtribue
a restaurer des rapports entre la pensee et la foi. 2 D'apres lui,
tous les existentialistes, theistes ou athees, affirment que la
foi est un refuge : "Aucun d'existentialistes, anciens ou nouveaux,
theistes ou athees, reniera::. que l'homme, grace ala foi, survit
ala lutte contre les problemes de la vie, et que quand il se desespere, c'est cette foi-la tournee vera l'absolu, qui eveille en
-lui le sentiment que toute son existence est en crise." 3
Voila des critiques qui voient meme dans l'atheisme de
Sartre quelque chose de positif, des traces et des reflets d'un
theisme.
A ce propos, il est interessant de lire un livre de
Marius Perrin, pretre Jesuite, compagnon d'autrefois de Sartre dans
un camp de guerre nazi • . Dans ce livre Avec Sartre au Stalag 12D,
Perrin parle de l'aspect humain et
fraterne~
de Bariona
pi~ce
de
theAtre sur la nativite de Christ, que Sartre avait redige et monte,
a l'occasion de
a~lemand.
Sartre
1. Singh,
~.K.:
No~l
1940, dans un camp de prisonniers de guerre
lui-m~me
a propos de cette piece s'exprime ainsi:
art.cit., pp.83-84.
2. Sinari, R.A.s Reason in Existentialism 7 p.203.
3. Ibid., p.203. "There are no existentialists, old or new,
theistic or atheistic, who would deny that it is by means
of faith that man survives the struggle against the problems
of life, and that, when he despairs, it is that faith turned
towards the absolute that awakens in him the sense that his
entire existence is in crisis."
- 122 Si j'ai pris mon sujet dans la mythologie du christianisme, ce ne signifie pas que la direction de ma
pensee ait change, fut-ce un moment, pendant la
captivite. Il s'agissait simplement, d'accord avec
les pretres prisonniers, de trouver un sujet qui put
realiser, ce soir de No~l, l'union la plus large des
chretiens et des incroyants. 1
C'est cet aspect humain, cette fraternite, cet espoir qui transparaissaient dans les propos tenus par le personnage de Balthazar
(role joue par Sartre, lui-mem~auquel fait reference Perrin.
"Lorsque Dieu a
fa~onne
l'espoir et le souci."
la nature de l'homme il a fondu ensemble
2
Malheureusement, nous avons trop tendance
hommes
d'apr~s
a classer
des
leurs croyances religieuses ou iaeologiques ce qui
engendre des 3uperiorites, le mepris, et la haine.
Nous avons
plutot besoin d'un vrai humanisme qui cherche l'homme derriere
l'apparence religieuse ou ideologique.
Marius Perrin ecrit
Les rares amis qui savaient que je connaissais Sartre
ne manquaient pas de m'interroger sur sa philosophie.
Comment conciliais-je son atheisme avec rna croyance?
A quoi je repondais toujours •.. C'est l'homme Sartre
qui avait voue sa vie ala quete impossible d'une authentique liberte. 3
C'est peut-etre cet Espoir, ne avec l'homme, auquel font reference
lea critiques indiens en
s'effor~ant
de reconcilier l'atheisme de
Sartre et le theisme des croyants.
1. Sartre, J.-P.z Extrait d'une lettre adressee le 31 octobre
1962 A Yves Frontier cite en Sartre, un theatre de Situations,
textes rassernbles par Michel Contat et Michel Rybalka, idees,
Gallimard, Paris, 1973.
2. Sartre, J.P.: Bariona cite en Avec Sartre nu Stnlnc 12D par
Perrin, Marius, Opera Mundi 1980, Jean-Pierre Delarge, Paris,p.167.
3. Perrin, Marius: op.cit., p.166.
- 123 Matthew Zachariah aussi sympathise avec Sartre et Camus
en observant que l'exclusion de Dieu de leurs systemes de pensee
1
est logiquement en harmonie avec leur principa qe base : l'existence
pr~cede
l'essence.
D'apres Zachariah, les existentialistes sont
a l'existence de Dieu, car
toujours a fairc face a l'angoisse
indifferents
aura
meme s'il existe, l'homme
eta l'alienation et aura
besoin de faire des choix afin decreer son essence. 1
Deux critiques peu favorables
sont Marozzi et Radhakrishnan.
a l'atheisme
de Sartre
Pour Marozzi, les existentialistes
apres avoir rejete Dieu, ne meritent que de se retrouver avec une
ame vide et un avenir de desespoir. 2 Radhakrishnan a une attitude
moine neJative en estimant que, meme dans le desert du neant,
l'homme cherche la lumierre, et que Dieu n'a pas besoin de nos
idees pour exister et controler l'univers. 3
Marozzi reproche a Sartre un manque de logique dans son
raisonnement qui en principe devra aboutir
a l'existence
de Dieu:
L'existence de soi est etablie par la decouverte du
fait 'Je pense, alors je suis'. Et puis celui qui
existe trouve qu'il y a certaines idees que lui-meme
n'y a pas mises ••• surtout les idees d'infinite et
de l'etre fini et imparfait pourrait avancer des idees
d'infinite et de perfection. 4
1. Zachariah, Matthew: art.cit., p.15.
2. Marozz~, E.R.: art.cit., p.139.
3. Radhakrishnan, S.: The Brahma Sutra, pp.146 and 167 cites dans
l'article de Marozzi, p.139.
4. Marozzi, :G.R.: art.cit., p.139. "One's own existence is established by the discovery of the fact 'I think', therefore, 'I
am'.
And then he who exists finds that there are certain
ideas not at all put there by his own will ••• especially of
the ideas of infinity and perfect being, for how could a
finite and imperfect being came forth with ideas of infinitude
and perfection."
- 124 Lea valeurs sartriennes
Abordons maintenant la question des valeurs sartriennes.
Que comprend Sartre par valeur?
Y avait-il une evolution dans sa
conception des valeurs humaines?
Qu'en dit la critique indienne?
Il est clair que le Sartre de l'Etre et le Neant n'est
pas le Sartre de l'Existentialisme est un humanisme ou de La
critique.
a
Sa theorie de la liberte, qui est etroitement liee
celle des valeurs a evolue.
Elle est absolue dans l'Etre et le
Neant, n'ayant aucune determination de l'exterieur.
Sartre, pour-
tant, essaie de concilier cette liberte absolue aux exigences de
la societe dans l'Existentialisme est un humanisme et
a l'histoireJ
dans la Critique de la Raison Dialectigue. C'est pourquoi Marius
Perrin dit : "Son passage de l'ontologie, avec l'Etre et le Neant
au plan de l'histoire avec la Critique de la raison dialectigue
m'apparaissait comme une adaptation de la liberte (de droit)
monde contingent ou celle-ci n'est pas donnee. 1
a un
Dans l'Etre et le Neant, Sartre categoriquement affirme
que tout choix ne peut etre humain puisqu'il provient de moi :
••• Ainsi il n'y a pas d'accidents dans une vie .••
si je suis mobilise dans une guerre, cette guerre
est~ guerre, elle est a mon image et je la merite •••
faute de m'y etre soustrait, je l'ai choisie •••
chaque personne est un absolu jouissant d'une date
abeolue et parfRitemcnt impenonblo a uno uutro date. 2
D'apr~s
le Professeur Srinivasan le choix absolu ris-
querait de mener la societe humaine au chaos.
1. Perrin, Marius : op.cit., p.166.
2. Sartre, J.-P.:
~·Etre
o;.,;c.
et le Neant,[!p.613-614.
- 125 La valeur n'aura aucune validite d~elle-meme .•• Je
serai, en fait, en train de la 'creer'. N'importe
quoi devient une valeur du fait que je l'ai choisie
La foi dans la subjectivite, poussee a son terme
logique aboutit a une forme grossiere d'hedonisme et
toute veritable distinction entre la moralite et
l'immoralite disparait. 1
. ..
Sartre est au courant de ce dilemme, c'est pourquoi en essayant
de se defendre contre cette moralite completement subjective, il
en est arrivee a une prise de position plus humaine dans l'Existentialisme est un humanisme.
Dans cet essai il montre que chaque
individu, A travers ses choix et decisions, doit aussi pcnaer nux
droits des autres.
Sartre ecrit :
Quand nous disons que l'homme se choisit, nous
entendons que chacun d'entre nous se choisit, mais
par la nous voulons dire aussi qu'en se choisissant
il choisit tousles hommes •.. on doit toujours se
demander : qu'arriverait-il si tout le monde en
faisant autant? 2
Sartre se trouve dans l'impasse.
Il veut garder le droit absolu
du choix absolu, independant de toute conscience universelle liee
aux autres.
Et en meme temps, conscient des difficultes concretes,
il a recours ala responsabilite de l'individu envers la collectivite.
Ainsi, si en prenant une decision, l'on ne pense pos aux
autres, on tombe dans la mauvRise foi.
Srinivasan a raison de
1.
di~e
C'est pourquoi le Professeur
que Sartre involontairement a recours
Srinivasan, G.:"Choice and Value", Aryan Path, March 1968,
p.121. "Value will have no objective validity of its own .••
I will be in fact 'creating' it. Anything becomes a value
because I chose it •.• Thus belief in subjectivity pushed tb
its logical end, results in a gross form of hedonism a~d any
real distinction between morality and immorality disappears
in this view."
op-e it.
2. Sartre, J.-P.: L'Existentialismc est un humanisme,Lp.25.
- 126 ala conscience en vue d'elaborer'une theorie de choix plus valable:
La conscience devient la pierre de touche de la vie
morale dans la philosophie athee de Sart~e et l'homme
e~t, en fin de compte, responsable devant sa propre consciP~ce.
La conscience est le plus intime guide moral
de l'homme, celle qui dirige son acte de choix subjectif vera des valcurs un1versellement applicables et le
met en garde contre d'autree. 1
Aprea la mort de Sartre beaucoup de critiques occidentaux
ont considere Sartre comme un moraliste •
••• Sartre a donne le sentiment de redecouvrir (dans ses
dernieres declarations) enfin des valeurs fondamentales,
a savoir que la liberte n'est pas la liberte folle mais
qu'elle a une finalite •.. en d'autres termes ... Sartre
ala fin de son parcours intellectuel etonnant, s'est
affirme comme un authentique moraliste. 2
Maie ne risque-t-on pas de voir Sartre tomber dans le piege des
valeurs universelles (essences) qu'il a deja rejetees?
Le Profes-
seur Srinivasan se demande pourquoi on doit choisir parmi des va~eurs
universelles si toutes les valeurs seront aneanties par la
mort? 3
Comment resoudre ce dilemme de Sartre?
Le Professeur ·
Srini vsan cherche la re·ponse dans la philo sophie indienne. DI apres
celle-ci l'essence universelle ou la divinite est a l'interieur de
l'homme.
Nous faisons des choix independamment de criteres ex-
terieurs - ainsi est preservee la subjectivite du choix.
Mais en
1. Srinivasan, G.: Choice and Value, p.123. "Conscience is made
the touchstone of moral life in Sartre's atheistic philosophy
and man is answerable to his own conscience ultimately. Conscience is the most intimate moral guide of man, which directs
his subjective act of choice towards universally applicable
values and cautions him against others."
2. Poupard, Paul (Msgr): Liberation, mai 1980, p.50.
3. Srinivasan , G. : ·~ch~ke. Ql16/. Va_l~.~e: ''o-,..f. c. it. p. 12 3.
- 127 meme temps on se reserve le droit de choisir du fait qu'on est
en train de realiser en soi-meme l'essence divine, qui est la
liberte absolue :
a la
sont integrees
"Ainsi les valeurs subjecti·ves et uni verselles
liberte spirituelle subjective et interieure,
la realisation de laquelle devient)en tant que valeur, eon
but supr~me." 1
Il faut dire que cette solution ne conviendra i
Sartre puisque ce philosophe n'accepte pas une arne immortelle comme
creee par Dieu.
Pour Margaret Chatterjee, l'impasse dans laquelle se
trouve Sartre est bien plus comprehensible si l'on considere la
question de choix et de valeur d'un point de vue esthetique plutot
que de celui d'une moralite esthetique.
tenir
L'essentiel n'est pas de
com~te
d'un choix, d'un acte pris isolement mais en tant
qu'il fait partie d'une totalite. 2 En plus, elle considere logique-
ment et ontologiquement intenable la these sartrienne d'apres laquelle l'homme en choisissant pour soi doit aussi choisir pour des
autres. 3
Zachariah est de l'avis que Sartre a voulu lier la question du choix
a celui
de l'engagement.
Par l'engagement de soi
4
l'homme tend vera les autres.
Arc han a Ray refuse d'accepter la proposition sartrienne
d'apres laquelle l'homme cree ses vnleuro.
O't
.C•
.
Elle donne unc nouvelle
1. Srinivasan, G.: Choice and Value,Lp.123. "The subjective and
universal values thus come to be 1ntegrated with the individual's inner subjective spiritual freedom, the realization
of which is his supreme goal as value."
o;.cit.
2. Chatterjee, Margaret : The Existential Outlook~p.55.
3. Ibid., p.61.
4. Zachariah, Matthew: art.cit., p.15.
- 128 -
explication au terme 'neant' qui commence
vidu
a partir
ment.
pour un indi-
dans
du moment ou il ne voit aucun sens Lson environne-
Celui-ci contient deja des essences que ·,1 'homme manipule
et modifie pour faire son choix.
Cette modification et transfor-
mation est creation ex nihilo (du neant).
il ne
a exister
Et l'homme meme quand
per~oit
aucun sens dans l'environnement sait qu'il y existe
des possibilites pour lui - et ainsi peut-il avoir de l'espoir. 1
J.e Neant eartrien
N.K. Chakma a consacre tout un article au 'neant' sartrien.
D'apr~s
lui, trop de critiques, et en particulier le Professeur
Ayer l'ont compris dans un sene populaire : "La critique de Ayer
s'appuie sur le sens commun et ordinaire du mot 'neant' (nothing),
tandis que pour Sartre, 'neant' ou rien a un sens plus profond." 2
Dans le sens ordinaire si rien ne separe deux choses, cela veut
dire que ces deux choses sont identiques et non separees, mais pour
Sartre : "la conscience est vraiment separee de l'etre et c'est la
conscience qui la distingue de l'etre, et c'est ce neant qui est
3
l'etre-meme de la conscience."
C'est l'etre-en-soi qui est indivisible, et identique
a
soi et qui coincide parfaitement avec soi.
La conscience est une presence
n'est pas.
a
soi et ainsi elle est ce qu'elle
Ce que dit Chakma est nussi nffirme par Richard :
1. Ray, Archana: art.cit., p.7.
•
2. Chakma, N.K.: art.cit., p.264. "Ayer's criticism is based on
the common, ordinary meaning of 'nothing', while for Sartre,
'nothing' or nothingness has a deeper meaning."
3. Ibid., p.264. "Consciousness is certainly separated from being
and it is nothigness that distinguishes it from being. It is
this nothingness which is ... the very being of consciousness."
- 129 -
"Le
n~ant
sartrien a connu des
qu'erron~es.
N~ant n'~quivaut
interpr~tations
pas
a rien
ce qui permet une negativite creatrice.
est la possibilite de dire ..!!2.!!·"
ou
aussi fantaisistes
a vide,
il est plutot
Le pouvoir de neantiser
1
Chakma comprend les sens sartriens du neant, mais il
doute que le lecteur ordinaire ne le comprenne pas.
quai il reproche
tion
diff~rente
a Sartre
Et c'est pour-
d'avoir donne au 'neant' une significa-
de celle des aut.res existentialistes.
C'est pour-
quai "on pourrait accuser Sartre d'avoir egare ses lecteurs. Cela
devient d'autant plus dangereux du fait que les autres penseurs
existentialistes utilisent le terme dans un sens ordinaire." 2 Et
il donne l'exemple de Kierkegaard qui decrit
l'~tat
d'Adam avant
la chute comme celui "···de paix et de repos ... pas de dissension
et de contestation .•• (ce qui signifie) pour Kierkegaard le "neant".
Neant dans ce sens signifie simplement •.. rien pour lequel on a
lutter ou avec quoi on a
a s'occuper." 3
a
Et il conclut ainsi :
"··· Sartre aurait pu expl1quer la nature de la conscience ou la
libre situation facheuse de l'homme dans le monde ..• par d'autres
moyens et non necessairement par le concept du neant." 4
1. Richard, Michel: op.cit., p.90.
2. Chakma, N.K.: art.cit., p.272. " ... Sartre may be guilty of
misleading his readers. This becomes dnngcroun pnrticulnrly
where other existentialist thinkers use the same term in the
ordinary sense •.. "
..
3. Ibid., p.272. " ... There is peace and repose ... not dissension
nor strife - it is whnt Kicrkegnurd callu 'notltlnG'.
'Nothing'
here .•. simply means ... nothing to strive for or to be concerned with. "
4. Ibid., p.272. "··· Sartre could have explained the nature of
consciousness or man's free predicament in the world ... in
many other ways but not necessarily through the notion of
nothingness."
- 130 que
a
Est-ceLce critique entend dire que Kierkegaard a droit
mais
se servir du terme 'neant' a ses fins L non pas Sartre? D'une
part, il defend le 'neant' sartrien centre des critiques comme
le Professeur Ayer
o~
il affirme : "Ce que Sartre veut dire n'est
pas, peut-@tre, difficile a comprendre." 1 Ou encore "il sera errone
et injuste d'identifier la notion sBrtrienne du 'neant' avec le
sens philosophique ordinaire ou traditionnel du neant." 2 D'autre
part il donne tort
sens peu habituel.
a comprendre
a
Sartr~
d'avoir utilise le terme neant dans un
En effet Chakma lui-meme conseille les lecteurs
le neant sartrien dans son contexte.
"··· Celui qui
ne conna!t pas completement sa pensee sur la nature de la conscience
va surement s'egarer." 3 Demander a Sartre de modifier son opinion
sur le 'neant'c'est comme si on demande
pensee sans Dieu.
a Kierkegaard
d'elaborer sa
Beaucoup de critiques oublient que le 'neant'
d'apres Sartre n'est pas quelque chose qu'on ajoute en accessoire.
Son neant fait partie integrale de son ontologie de ln realite
humaine.
C'est le neant qui donne naissance
a sa
marque de trans-
cendance ce qui distingue les existentialistes chretiens des exis-il
tentialistes athees. Comment Sartre peut/accepter le neant kierkegaardien que vient de decrire Chakma, quand le paradis terrestre
est un saut
a Dicu
que Sartre refuse d'accepter?
Meunier differencie les existentialistes chretiens des
existentialistes athees justement par leurs
r~spectives
notions
Chakma, N.K.: art.cit., p.263. "What Sartre wants to say is
perho.ps not difficult to understand.''
2. Ibid. , p. 264. "It will be wrong and unjust to identify :the
Sartrean notion of nothingness with the ordinary or the
traditional philosophical meaning of nothing."
3. Ibid., p.272. "··· ar.y one who is not thoroughly acquainted
with his views about the nature of consciousness is sure to
be misled."
1.
- 131 transcendantales du
n~ant.
Tandis que pour Kierkegaard, Jaspers
et Marcel, l'homme en face du neant est l'homme devant Dieu, pour
Sartre l'homrne n'est devant rien.
L'opposition entre les deux existentiali~mes apparait
maintenant en toute clart~. L'existentialisme existentialiste, si l'on peut dire, celui de Kierkegaard,
de Jaspers et de Gabriel Marcel, place l'action en ten8ion
entre une surabondance cr~atrice et un recueillement purificateur. L'existentialisme inexistentialiste la ~et en
dispute entre une ethique de l'action pour l'action, ind~termin~e passionnee .•• et un consentement inavoue •.•
ala necessite du monde ••• ala necessite de l'absurde.
L'hornme nourrit une action vaine. 1
Chakma reproche aussi a Sartre d'avoir eu recours a l'interrogation
pour prouver l'existence du neant.
Car si par neant on entend
l'absence dn savoir, dans ce cas rneme avant de poser une question
le neant (absence de connaissance) existe.
C'est possible qu'il y
ait quelque confusion persistante vis-a-vis du neant eartrien.
Sartre ne veut pas dire que le non-@tre n'existe qu'en posant des
questions.
Pour Sartre ''le non-etre est une presence
perp~tuelle,
en nous et en dehors de nous, que le neant hante l'etre", 2 de meme
qu'il y a toujours un etre partout rnais toujours relatif en ce sene
qu'il n'est pas partout.
non.
Il y a toujours la possibilite de dire
pas
Il ne fautfpenser qu'il soit necessaire de formuler une ques-
tion, car s'interroger sur le monde et sur ce qui nous entoure
rn~me
sur notre propre existence est structure constitutive de la
r~alite
humaine.
Et Chakrna a raison de dire que l'absence du
1. Meunier, E.: Introduction aux exi~tentinlismcn, Deno~l, 1947
pp.Jf>-1-Jf.)!) c.ILe dnno ,Jontl-I>nul Snr·Lr··~ pnr.- J. Col.ontlwl, op.clt.
p.245.
op.c.it ·
2. Sartre, J.-P.: L'ELre et le Neantzp.46.
- 132 eavoir existe meme avant la question car Sartre dit "pour qu'il
y ait de la negation dans le monde et pour que nous puissions par
consequent nous interroger sur 1 'Etre, il fau·t que le Neant soi t
donne en quelque
fa~on."
1
Sartre ne parle pas d'un non-etre
de facto mais la possibilite de jure
de dire non.
Epistemologit
Le Professeur Sinari met en question l'epistemologie
sartrienne.
D'une part, Sartre, en tant qu'existentialiste refuse,
ontologiquement, grace
a
sa phenomenologie, une adequation exacte
entre l'essence et l'existence, entre la realite de l'Etrc ct la
connaissance que nous en avons (on nc peut pas, alors, combler
l'impasse qui separe l'intellect des sentiments existentiels, 2
d'autre part, le pour-sci (conscience humaine) a une capacite de
depasser ad infinitum la realite en soi vers l'Etre Absolu.
Le pour-sci, d'apres Sartre, est toujours positionnel
d'etre et de non-@tre.
Il est dans l'etre et dans lc non-etre.
C'est Valery qui a dit que le reel que la conscience cherche ne
peut qu'ttre une complexite infinie •.. inepuisable.
Pourtant on
peut etre indulgent avec Sartre pour cette apparente incoherence
si l'on pense que le grand philosophe s'est efforce avec beaucoup
de difficulte d'inclure par sa phenomenologie meme l'infini dans
son ontologie, mais, surement, au detriment de la clarte.
op.cit
1. Sartre, J.-P.: L'Etre et le Neant,Lp.57.
2. Sinari, R.A.: Reason in
cfo.c.lt.
Existentialism,~.201.
- 133 -
Le Professeur Sinari avance que Sartre en decrivant
l'etre, attribue ala phenomenologie un role qu'elle ne peut pas
jouer puisque les categories psychologiques
e~
logiques de nega-
tivite, de mauvaise foi, de la temporalite, de la nausee, de la
liberte vont
a l'encontre
de la nature transcendantale de l'Etre.
Pour cette raison, d'apres Sinari, les existentialistes chretiens
tels que Jaspers, Kterkegaard et Marcel sont plus coherents puisqu 'ils idP.nt.ifient le transcendantal avec· Dieu et il ajoute
"Peut-etre la plus grande limitation de la philosophie de Sartre
reside dans son effort de voir tout ce qui est ontologique dans
ses decouvertes psychologiques et phenomenologiques. 1
Tout en acceptant la critique de Sinari, il faut remarquer que la transcendance sartrienne se fonde, contrairement
a
celle des existentialistes chretiens, sur le neant ontologique du
pour-soi.
La transcendance d'apres Sartre, bien sur, est le mouve-
ment perpetuel
tien.
a l'infini
mais cet "infini" n'est pas le Dieu chre-
C'est pourquoi accuser Sartre d'etre incoherent n'est pas
completement correct.
Idealisme chez Sartre
Est-ce que Sartre, malgre son opposition
nalisme peut l'eviter?
a
tout ratio-
Margaret Chatterjee et le Profesreur Sinari
sont de l'avis que cela n'est pas possible.
Ils se demandent si
le fait meme d'en parler peut effectivement a'empecher de Generaliser.
Meme d'autres expressions qui apparemment n'ont pas de
Pp.c.it.
1. Sinari, R.A.: Reason in Existentialism,Lp.143. "Perhaps the
greatest limitations of Sartre's philosophising is contained
in his attempt to read all that is ontological through the
psychological and phenomenological findinr,s."
- 134 rapport semantique avec 'essence, la contiennent implicitement.
Margaret Chatterjee ecrit :
11
A question may be raised as to whether
Sartre has in fact thrown essentialism
comple~ely
overboard?
Instead of the concept of 'human nature' he offers the concept
1
of 'the human condition'."
Et elle ajoute que les caracteristiques de la
l'homme. 2
~ondition
humaine ne sent que generales et faites par
Pour le Professeur Sinari, une philosophie nc peut pas
se passer de gen.eraliser.
Chaque homme n'est pas une
soi mais plutot en fait partie.
en
Tout en appreciant la contribution
de l'existentialisme pour restaurer
d'apr~s
esp~ce
a l'homme
sa dignite, Sartre,
Sinari, par sa theorie de la conscience qui se neantise,
accepte involontairement le principe de l'universel.
"As a philo-
sopher, Sartre cannot refuse to admit that in the process of philosophising,consciousness can seldom cease to act as a universal. 3
Et
m~me
la methode qu'on elabore
a partir
de l'individu presuppose
une experience commune : " ••• Inspite of the fact that the existential reality is most personal and disguised, there is an experience in it that is, besides being communicable, common." 4
Le Professeur Sinari accepte l'idee que l'experience de
l'existence est individuelle et vecue et par consequent, difficile
5
traduire en concepts universels.
Il nffirme egalement qu'nussi-
a
t8t qu'on commence
a
expliquer cela par des concepts universels,
0
•C:I
•
1. Chatterjee, Margaret: Existential Outlook,Lp.GO.
2. ~·' p.GO.
ofo.cit.
3. Sinari, R.A.: Reason in Existentialism,Lp.143.
4.
3.
ll!£·' p.143.
I£!£·, p.195.
- 135 la
m~taphysique
existentialiste est
oblig~
••• d'universaliser.
De ce point de vue, elle est intellectuel ••• ; 1 et que meme la
conscience de l'etre et du neant est un acte intellectuel. 2 A
ce propos le titre du livre de Professeur Sinari Reason in Existentialism est significatif.
Nous y lisons :
Sartre planted the very raison d'etre (of the phenomenal
universe of man) in the self-nihilating nature of man's
consciousness •.. As a philosopher, Sartre cannot refuse
to admit that in the process of philosophising, consciousness can seldom cease to act as a universal. 3
Tout en acceptant l'individualite, et l'unicite de chaque homme,
on
a
droit de s'interroger sur la source de cette urticite,
car l'homme est unique parmi tant d'autres de son
esp~ce.
Lea
questions qu'on se pose sont toujours des questions universelles
et generales.
"Existentialism must maintain that the brute reality
of the individual is possible because, in spite of the fact that
the existential reality is most personal and disguised, there is
an experience in it that is, besides being communicable, common." 4
L'existentialiste pourrait repondre
a cette
objection
que Sartre essaie de traduire en mots l'experience profonde de
l'existence humaine qui est la sensibilite, et qu'il est destine
a ~chouer
car cette sensibilite, toujours unique et individunlisee,
est a vivre plutot qu'a discuter.
Comme avoue Sinari lui-meme
"Sartre's analysis is an endeavour to translate into words the
subtlest facts about the feeling of existence.
It is needless to
say that this feeling with which all existentialist philosophising
0
1.
2.
3.
4.
Sinari, R.A.: Reason in
Ibid. , p. 201.
Ibid., p.143.
Ibid., p.143.
Existentialism~
,c;.,
•
.199.
- 136 -
beings cannot be comprehended unless one makes one's own self the
origin of what one is here and now. 111
C'est pourquoi il faut faire une distinction entre l'experience existentielle et son explication.
tielle,
d'apr~s
L'experience existen-
Sinari, ne peut pas etre essentialiste en soi mais
aussi tot qu 'on commence
a 1 'expliquer
on est oblige d 'utiliser de.s
"Is the existential experience universal?
concepts universels.
. ..
To the extent to which the existentialist metaphysics is forced to
ratiocinate and to universalize it should be described as intellectuel.112
En meme temps, il ne faut pas dire que puisque l'experience
existentielle est vecue, elle est hors de portee de toute comprehension philosophique.
Meme le philosophe peut humblement reconnaitre
et accepter la verite de l'experience vecue par un autre, sans pour
autant l'avoir eprouve
lui-meme.
Le Professeur Sinari se demande si l'existentialisme est
. une experience ou une essence?
D'apres lui, la conscience de l'etre
et la conscience du neant sont des actes strictement logiques, mais
cette distinction entre l'etre et le neant est impossible non seulement dans l'experience ontologique mais aussi dans l'intuition.
C'est-a-dire qu'on est oblige d'avoir recours a l'intelligence,
des concepts intellectuels, a des eonencco. 3
op.cit.
1. Sinari, R.A.: Reason in Existentialism,Lp.199.
2. Ibid., p.199.
3.
!E.ll·,
p. 200.
a
- 137 -
La honte, le regard, l'autrui
Pour saisir
a plein la critique indienne
sur la honte
.,
sartrienne, faisons une recapitulation de la prise de position de
Sartre sur la honte cornme phenomene pour atteindre l'autrui.
D'apres Sartre, l'ontologie phenomenologique nous mene
a
l'existence du pour-soi et celle de l'en-soi comme liees par une
relation essent.ielle, constitutive du pour-soi.
De meme que les
phenomenes du pour-soi et de l'en-soi sont immediate, ceux du poursci et de l'autrui sont donnes immediatement.
L'analyse du phenomene
de la honte me revele moi-meme et simultanement l'autrui.
"Elle
(la honte) est conscience non positionnelle (de) soi comme honte
sa structure est intentionnelle, elle est apprehension honteuse de
quelque choae.et ce quelque chose est moi. 111
"Et la honte est en
meme temps dans sa structure premiere honte devant guelgu'un. 112
D'ailleurs, cette existence de l'autrui est necessaire pour que je
puisse avoir honte de moi-meme.
moi-meme devient possible grace
L'intentionnalite de la honte vers
a cette
presence immediate de l'autrui.
Sans l'autrui,ne serait pas possible cette intentionnalite.
C'est
pourquoi pour Sartre: "La honte est honte de soi devant autrui ...
3
ces deux structures sont inseparables."
Du meme coup, j'ai besoin
d'autrui pour saisir
a plein
toutes les structures de mon etre.
Ainsi "le pour-soi renvoie au pour-autrui. 114
Of· cit.
1. Sartre, J.-P.: L'Etre et le Neant ,Lp.265.
2. Ibid. , p.265.
3. Ibid. , p.266.
4. Ibid. , p.26?.
"Pour saisir ... dans
- 138 -
sa totalite la relation d'etre de l'hornme
a l'etre-en-soi
11
,
1 il faut
etudier la question de l'existence d'autrui, et ensuite celle demon
rapport d'etre avec l'etre d'autrui.
Sartre prouve que les realistes, les idealistes, aussi
bien que Husserl, Hegel et Heidegger n'arrivent pas
l'existence d'autrui comme il est dans sa totalite.
a atteindre
Pour lui, "il
semble que la philosophie du XIXeme et du XXeme siecle ait compris
pas
qu'on ne pouvaitLechapper au solipsisme si l'on envisage d'abord
moi-meme et autrui sous l'aspect de deux substances, en effet, doit
etre tenue pour impossible."
2
C'est pourquoi il faut faire "un
effort pour saisir au sein meme des consciences une liaison fondamentale et transcendante
a autrui
qui serait constitutive de chaque
conscience dans son surgissement meme." 3
Pour Sartre il ne suffit
de refuser l'Ego transcendantal pour echapper au solipsisme.
seule
fa~on
"Ln
d'echapper au solipsisme serait de prouver que rna cons-
cience transcendantale, dans son etre mime, est affectee par l'existence extra-mondaine d'autres consciences de mime type. 114
Husserl
a fait la liaison par voie de la connaissance, "il ne saurait done,
pas plus que Kant, echapper au solipsisme." 5 Co~me dit Shouery:
"Sartre exprime son insatisfaction avec le maniere dont le realiste
et l'idealiste abordent le probleme d'autrui, et avec la maniere
1. Sartre, J ·. -P.: L'Etre et le Neant, p.26?.
2. Ibid. , p.2??.
I
p.2?8.
~.,
p.280.
3. Ibid.
4.
5. Ibid. , p.280.
- 139 dont Heidegger, ·Husserl et Hegel ont construit leur rapports ontologiques avec le monde. 111
Ce critique indien met en question la prise de position
sartrienne.
"Les question que
j'~dresse
A l'ontologie de Sartre
sont les suivantes :
1.
Est-ce que Sartre a veritablement reussi a regler
l'optimisme de Hegel vis-a-vis de la connaissance
d'autrui?
2.
Est-ce que Sartre a reussi
3.
A propos de la base preontique de l'etre et de la
tendance manistique chez Heidegeer, Sartre a-t-il reussi
a etablir une meilleure base ou relation de l'etre
l'autrui?
a surmonter le solipsisme?
a
Je suis de l'avis que bien que Sartre ait rejete l'optimisme ontologique de Hegel, il semble plus optimiste dans son approche du probleme d'autrui.
Son optimisme ou plutot son positivisme d'apres son
2
idee d'autrui paratt presque dogmatique."
D'apres Shouery, "Sartre en rejetant la voie de 'connaissance' et en lui substituant celle de l'etre ..• n'a laisse au poursci que sa propre intentionnalite et ses etats psychologiques pour
1. Shouery, Imad: "The Phenomena of the 'Look', 'Shame' and the
'Other' in Sartre'', Darshana International, Vol.XI, April 1971,
No.2. "Sartre expresses dissatisfaction with the way the realist
and the idealist approach the problem of the other and with
Heidegger, Husserl and Hegel and the wny they constructed ontological rclationG with the world."
2. Ibid., p.44. "The questions! raise in regard to Sartre's ontology
are-the following: (1) Did Sartre actually succeed in regulating
Hegels optimism in relation to knowing the other? (2) Did Sartre
succeed in overcoming solipsism? (3) Concerning the pre-ontic
ground of being and the monistic tendency in Heidegger - was Sartre
successful in establishing a better ground or relation of being
and the other? I believe that while Sartre rejected Hegel's ontological optimism, he seemed to be more optimistic in his approach
to the problem of the other. His optimism or rather his positivism
in the way he conceived the other appears almost dogmatic."
- 140 se rapporter i l'autrui. 1
Et plus sp~cifiquement, il attribue
l'argumentation sartrienne aux
rneme.
~tats
psychologiques de Sartre lui-
" ••. les efforts de Sartre pour formuler sa description
ph~nom~nologique
de l'autrui
2
de Sartre envers l'autrui."
n'exprirnent que l'attitude-meme
Ce critique indien se base sur la
formule que Sartre lui-meme utilise : "La conscience
se rapporte au monde." 3
'
a
sa
manier~
l
Shouery croit,que Sartre, conscient de l'impossibilite
d'atteindre l'autrui par la voie de connaissance cherche une alternative dans l'action qui rnalheureusement depasse les possibilites
d'une ontologie qu'il propose.
r~duction
transform~
Sartre estimait que n'importe quelle
aboutit au solipsisme, et c'est pour cette raison qu'il a
son ontologie du savoir en une ontologie de l'action.
Quel est le rapport du pour-soia l'autrui?
comme on l'a
d~ja
vu, c'est une relation conflictuelle, ce qui est
necessaire pour le pour-soi.
cer sa liberte.
Pour Sartre,
Cnr, r,rilce <\ ce eonrlit, il pcut exer-
Ainsi,
Sartre ne voit aucune possibilite des rapports intersubjectifs d'apres lesquels le pour-soi comrne sujet se
rapporte a l'autrui comme autre sujet ... il est impossible aussi d'~tablir une relation objective dans
le sens spinosiste ou la personne individuelle ~tablit
une relation avec une autre personne apres avoir ete
prete a accepter et respecter la personnalite et l'identit~ de celle-ci.
Ce type de relation serait consid~r~
1. Shouery, Imad: art.cit., p.44. "By rejecting the knO\'Iing approach
to the other and replacing it with being ... Sartre leaves the
for-itself to relate itself to the other (with nothing) except ...
i t B own 1 n t e n t j o n n J i. t y • • . n n d p n y e II o 1 o g .l <~ nl n t n t c o • "
2. Ibid., p.44. "Sartre's attempts to formulate his phenomenological
description of the other .•• can only express Sartre's own attitude
toward the other."
3. Sartre, J.-P.: L'Irnaginaire, Paris, P.U.F., 1963, p.24.
.
- 141' trop intellectuel pour Sartre. 1
Ce critique trouve difficile de comprendre Sartre quand
il avance cette attitude negative et hostile entre les hommes, ou
chaque homme voit sa liberte menacee par l'autrui.
C'est plutot
A travers ses propres etats psychologiques que Sartre generalise
les rapports entre l'homme et l'homme.
Ceci est aosez evident par
exemple dans Les Mots ou Sartre parle de la mort de Jean Baptiste
2
qui lui rend la liberte.
En meme temps, Shouery nous met en gardede
croire que toutes les descriptions phenomenologique faites par Sartre
ne sent que des donnes psychologiques; il veut plutot dire que Sartre
toute sa vie lutta centre l'autrui : "Ce qui je voudrais indiquer est
que la vie meme de Sartre etait une lutte silencieuse centre l'autrui
... Sartre,
a des moments, ale sentiment d'etre presque suffoque
par l'autrui." 3
Shouery cite des morceaux du Sursis et des Mouches
pour demontrer que Sartre revele ses propres etats psychologiques
vis-a-vis de l'autrui dans ses personnages, Daniel (le Sursis),
Garcin (Huis-clos) ou Egisthe (Les Mouches).
Dans les Mots, Sartre parle de la double vie qu'il menait
dans sa jeunesse - celle d'un imposteur au grand jour, et l'existence
1. Shouery, !mads art.cit., p.50. "Sartre in this respect does not
see any possibility for inter subjective relations in which the
for-itself as a subject relates itself to the other as another
subject ••• It is also impossible to establish an objective relationship, in a Spinozistic sense, in which the individual person
establi3hes his relation with another person, preserving the
willingness to respect ... the personality of the other according
to its own identity. This type of relationship would probably be
considered by Sartre too intellectualiotc."
2. Ibid., p.51.
11 Wha t I would like to point out is that Snrtre 's
3. I~id. , p. 51.
life itself v·tas a silent struggle against the other ... Sartre
at moments conceives a feeling of being almost suffocated by the
other."
- 142 imaginaire et solitaire qu'il menait en soi-meme : "(For Sartre) to
be at once an object and to be free is contradictory."
aussi la
th~orie
Il critique
sartrienne de la honte eprouvee·,par le pour-soi
devant le regard d'autrui; d'apres cette theorie le sujet se
con~oit,
non comme il est, mais comme l'autre le voit et le con~oit, et en a
honte ce qui lui fait perdre sa liberte. 1 D'apres ce critique, la
raison pour
ala
~aquelle
m~thodologie
Sartre arrive a cette conclusion n'est pas due
phenomenologique mais plutot
a l'etat
psychologique
du pour-soi .: "La methode phenomenologique n'est pas une methode
objective •.• ni l'enquete n'est independante de la disposition psy2
chologique de l'investigation."
Sartre. fait une description psychologique plutot qu'une
definition ontologique de lu honte dans l'Etre et le Neant quand il
ecrit ' "La honte est le sentiment de chute originelle, non du fait
que j'aurais commie telle ou telle faute, mais simplement du fait
que je' suis tombe dans le monde ..• et que j'ai besoin de la meditation d'autrui pour etre ce que je suis
" 3 Sartre apres avoir
analyse la honte l'a transfert au domaine ontologique : "Sartre
se~ble
etre en train d'analyser son experience subjective et en suite
d'etablir une definition universelle et ontologique d~ honte. 114
Pour Sartre la honte est le sentiment et la consequence de
la reconnaissance de l'autrui qui me voit dans rna nudite.
Shouery
1. Shouery, Imad: art.cit., p.5~.
2. Ibid., p.54. "The phenomenological method is not an objective
method nor ••• the enquiry independent of the psycholoeical moods
of the enquirer."
3. Sartre, J.-P.: L'Etre et le Neant, p.336.
4. Shouery, Imad: art.cit., p.55. "Sartre seems to be analysing his
subjective experience of shame and then establishing a universal
and ontological definition of shame."
- 143 -
donne l'exemple d'un volcur en train de voler et qui se sentant
observ~
peut reagir de
fa~on
differente suivant son etat psycholo-
gique ace moment-la.
m~mt
Il se peut qu'il ait honte de sa conduite ou
1
ait_ le sentiment contraire.
Selon Shouery on peut avoir
conscience de soi, voire
m~me
le. sentiment de la honte mais au niveau
non-reflechi, ou l'Ego n'est pas conscicnt de son identite ontologique.
Finalement, Sartre se contredit, s'il accepte la conscience
comme
absolue~
tion
d'~tre
flexion doit
puisque la conscience ne peut
~tre
absolue qu'a condi-
independante de toute influence exterieure, et sa re~tre
independante de tout non-ego.
Shouery conclut
que si le pour-soi reagit au regard d'autrui par le sentiment de
honte, cela est du
ment du
a
a des
etats psycholgiques du sujet et non seuleune reaction ontologique comme affirme Sartre. 2
D'apres Shouery, Sartre confond l'etat psychologique de
1 'homme' avec _son etat ontologique : "Sartre considere toutes les
experiences psychologiques de l'homme comme des modes ontologiques
d'etre dans le monde •.• Sartre ontologioe ses etats psychologiques
et s'efforce d'universaliscr ce qui est ontologiquement donne. 113
Mais en ceci reate la grandeur et la faiblesse de Sartre; la faiblesse puisqu'il n'arrive pas
a voir
l'autrui d'un regard objectif,
detach~
et ouvert; la grandeur en cela qu'il garde toujours un regard
tree subjcotif. 4
Shouery, .!mad: art.cit., p.55.
2. Ibid., p.56.
3. Ibid., p.57. "Sartre considers whatever man experiences psychologically as an ontological mode of being in the world ... Sartre
ontologizes his psychological states and attempts to universalize
what is psychologically given."
4. _ill£., p.57.
1.
- 144 C'est fort possible que la description du pour-soi et
autrui que Sartre nous offre dans l'Etre et le Neant soit un reflet
des ses propres etats psychologiques.
Mais en·meme temps il faut
accepter que le raisonnement de Sartre reste, rnalgre tout, ontologique.
Pour Sartre la liberte est toujours au niveau prereflechi, de
meme que l'intentionnalite de l'etre.
au niveau reflechi.
La connaissance par contre
C'est pourquoi dire que Sartre n'etait pas cap-
able d'atteindre l'autrui par voie de connaissance, et qu'il a choisi
la voie d'action neva pas
a l'encontre
de son ontologie.
Le pour-
soi sartrien n'est jarnais statique mais en perpetuel mouvement.
Shouery, pourtant, a raison de critiquer l'emphase exageree de l'aspect conflictuel des hornmes entre eux-rnemes.
La Psychanalyse existentielle
Apres avoir analyse l'etude d'un critique indien sur la
psychologie de 'honte' chez Sartre, passons
analyse existentielle sartrienne.
a l'etude
de la psych-
Des critiques parlent de l'appli-
cation de :a psychanalyse existentielle dans la guerison des malades
mentales.
D'apres le Dr. J.G. Tiwari un nornbre croissant de gens
.
qui cherchent aupres de la psychotherapie une guerison, temoignent
d'un grand interet pour d'etudes existentielles. 1 Bien que Tiwari
no Be
ref~re
pas directomcnt h Snrtro, nen nbnnrvntionn noun prlrntn-
sent utiles en ceci qu'il fait une description destypes de personnes
qui ressemblent beaucoup aux personnages des oeuvres d'existentialistes comme Sartre, Camus etc.
Par exemple, Tiwari en parlant des
1. Tiwari, J.G.: "Existential Neurosis and Humanistic Personality'',
Ra_~ical Humanist, March 1979, p.17.
- 145 nevros~s
et des symptomes de la nevrose existentielle, semble de-
peindre Rocquentin et Meursault.
Pour Tiwari les manifestations de
la nevrose existentielle paraissent
a
trois
niv~ux
: cognitif,
affectif et actif.
Au niveau cognitif, la vie pour le nevrose est denuee de
sens; il est incapable de croire
pour son metier, se retire
\
Q:
une verite, perd tout interet
a l'interieur de lui-meme et donne l'ap-
parence de mort psychologique. 1
Comparez cette description avec le personnage de Rocquentin,
dans la Nausee, qui entre dans un restaurant et s'ennuie : "J'ai
traverse lee mers, dit-il; j'ai laisse des villes derriere moi, j'ai.
remonte des fleuves ••• j'allais toujours vers d'autres villes ••• "2
Maison sent en lui le solitaire, l'aliene.
Il continue plus loin :
"Je vis eeul, entierement seul.
Je ne parle A personne, jamais; je
3
ne re~ois rien, je ne donne rien."
Parlant de Meursault, dans
l'Etranger, Tiwari dit : "He frequently says and even more frequently implies that he believes life to be meaningless and his activities
arbitrary.
He is always bored.
He has no goals
On attribue
cet etat de choses au fait qu'un tel individu se prend pour un joueur
de roles sociaux et pour un ensemble de besoins biologiques; il perd
de vue sa vraie identite. 5
1.
2.
3.
4.
5.
Tiwari, J.G.: art.cit., p.17.
Sartre, J.-P.: La Nausee, p.39.
Ibid., p.17.
Tiwari, J.G.: art.cit., p.18.
Ibid., p.18.
- 146 -
Tewari se refere
a l'oeuvre d'Erich Fromm pour corroborer
see conclusions sur la personnalitepremorbide, dent la vie affective
est contr8lee par des considerations du
'march~'.
Fromm se plaint de l'homme qui a ete reduit a un simple
venaeur de sa personnalite. Sa valeur ne depend pas
principalernent de ses propres qualites mais de la reussite a se vendre dans un marche competitif. A cause
de la fluctuation continuelle du rnarche, son estime de
soi-meme reste constamment chancellante et elle a besoin
d'un renfermissement renouvele des autres. 1
Hazel Barnes, critique americain· :, a fni t, aussi, une etude comparative approfondie des theories de Sartre, Fromm et Karen Horney. Elle
trouve des paralleles interessantes dans l'approche psychologique de
ces trois ecrivains.
La comparaison, d'apres elle, est appropriee
pour plusieurs raisons:
••• Tousles trois ont ecrit des livres destines aussi
bien au grand public qu'aux domaines des specialistes.
Ils s'interessent tous au domaine specifique dans lequel
la philosophie et la psychologie s'entremelent inextricablement. Sartra en tant que philosophe a mis la base
d'une nouvelle methode psychologique; Fromm et Horney
en tant que psychologues ont developpe les implications
philosophiques de leurs idees et ont presente une nouvelle interpretation de l'homme. Tousles trois soutiennent la theorie que la psychologie ne doit pas se divorcer
des considerations ethiques afin qu'elle s'occupe convenablement aussi bien des aspects normatifs que descriptifs •••
tous mettent l'emphase sur le conditionnement plut8t sociologique que biologique et se preoccupent de ce que Sullivan
appelle 'la psychologie des rapports interpersonnels.' Tout
cela on peut resumer en disant que l'ecole Fromm-Horney
propose une etude de l'etre humain en situation, ce qui est
1.
Tiwari, J.G.: art.cit., p.20. "Fromm bemonnn tltat man has been
reduced to a mere ~eller of his personulity. His worth depends
primariLy not on his own qualities but o~ his success to sell
himself in a competitive market. Due to the ever-changing
chnrn.cter of tldn market, lllD adJ-e:Jtuern l'emalnu conuLantJ.y
shaky and in need of repeated confirmation by others ..• "
- 147-
precisement, le point central de l'existentialisme. 1
Qu'il soit permis de mentionner
a
ce propos une etude doctorale
fait par Kirpal Singh sur Marx, Fromm et Sartre. 2
Dans le premier chapitre de notre etude,Siddiqui a fait
une description de la psychanalyse sartrienne.
lei il met en ques-
tion certains aspects de la psychanalyse existentielle.
D'apr~s
lui
la psychanalyse sartrienne est negative et meme contradictoire.
Examinons de plus pres ses propos.
Tout d'abord il croit que Sartre confond les buts de
l'existentialisme avec ceux de la psychanalyse; la valeur scientifique de la psychanalyse chez l'existentialisme est trop
precon~ue.
Autrement dit, puisque l'existentialisme cherche finalemcnt A decouvrir l'etre, cela devient aussi le but de la psychanalyse : "Elle
(la psychanalyse) presume les verites de l'existentialisme et cela
la rend hypothetique et diminue sa valeur scientifique. 113
En effet,
1. Barnes, Hazel E.: "Humanistic Existentialism and Contemporary
Psychoanalysis" in Sartre so us la direction de E. Kern: , p .150.
"All three have written books addressed to the general public
as well as to specialists in their own field. All are concerned
with the particular area in which philosophy and psychology are
inextricably interwoven. Sartre as a philosopher has laid the
basis for a new psychological method; Fromm and Horney an psychologists have developed the philosophical implications of their
views and offered a new interpretation of man. All three hold
that psychology must not be divorced from ethical considerations,
that it may properly concerned with the normative as well as
descriptive ... all ~mphasize sociological rather than biological
conditioning and are greatly concerned with what Sullivan callo
the 'psychology of interpersonal relationships.' We may sum up
all this by saying that the Fromm-Horney school proposes a study
of the human being in situation - which is precisely the central
focus of existentialism.
2. Singh, Kirpal : "A study of the concept of alienation with special
reference to Karl Marx, Erich Fromm and Jean-Paul Sartre", Kurukshetra University, 1980.
3. Siddiqui, Z.A.: art.cit., p.59. "It (psychanalysis) takes the
truths of Existentialism for granted and this fact renders it
hypothetical and detracts from its scientific value."
- 148 -
une theorie scientifique ne doit pas etre trop dogmatique, et toute
theorie a priori n'est pas en harmonie avec l'esprit scientifiqu0. 1
.'
Bien qu'il y ait beaucoup de ressemblances
entre la psychanalyse freudienne et sartrienne, d'apres Siddiqui, cette ressemblance est un peu exageree, et cela pour plusieurs raisons.
Sartre
est contre tout determinisme et il pense que Freud est du meme avis.
Pourtant Freud accepte certains donnes primaires qui determinent
•
l'individu par exemple l'eros, la mort, l'instinct, l'Id etc. D'apres
Freud on trouve chez l'individu des mecanismes de defense comme
l'identification et la projection, qui jouent une role en predeterminant le destin de l'individu.
"En un mot, la psychanalyse empi-
rique se base sur le postulat du determinisme psychique tandis que
la psychanalyse existentielle sur la supposition opposee du libre
2
choix de l'etre."
Une autre difference est que Freud fonde sa theorie sur
des donnes cliniques (clinical data), sur des experiences faites,
tandis que, Sartre s'appuie sur les principes a priori de sa philosophie, et de ses propres experiences. 3
On critique l'emphase excessive que Sartre met sur les
rapports homme-femme tels que l'amour, le sexe etc., qui pour Sartre
sont toujours negatifs et anormaux.
L'homme sartrien est toujours
anormal, solitaire, asocial, ce qui contredit
ce grand philosophe,
1GB
a la
realite.
Pour
amoureux, dnns leurs rapports mutuels,
Siddiqui, Z.A.: art.cit., p.63.
2. Ibid., p.63. "In ohort th~ empirical p~ychoanalyoi:.J in bus~d on
the postulate of psychic determinism and the existential psychoanalysis on the opposite assumption of free choice of being."
3 • Ibid . , p. 6 3.
1.
- 149 -
essaient de reduire l'un l'autre
a un
object: "Bref, la valeur de·
la psychanalyse existentielle en tant que technique psychologique
est plutot negative
amant et bien-aimee
la description de
. ..
rev~le
Sartr~
de la tension entre
une attitude malsaine vis-l-vis du
sexe. 111
En plus, Sartre n'est pas memn logique dans l'application
des principes qu'il a formules ou il introduit une certaine elasticite, un certain compromis, afin de les accommoder
a ses
fins.
Et
Siddiqui croit qu'a moins que les principes de l'existentialisme
ne
eux-mem~soient demontres valables, on ne peut pas accepter leur
application
a la
psychanalyse existentielle.
Mais n'y a-t-il pas, pour autant, quelque chose de positif
dans la description de la psychanalyse faite par Sartre?
Siddiqui
n'y accorde pas beaucoup de valeur bien qu'appreciant l'intelligence
et le genie de Sartre: "Malgre ces limitations et defauts, la psychanalyse existentielle nous
la reaction d'un genie,
a des
a
rev~le
un penetrant et vif esprit.
C'est
personnalite fort susceptible et unique,
situations et experiences de sa vie. 112
Quelques observations sommaires sur les remarques de
Siddiqui.
Celui-ci s'oppose
a
l'emphase excessive que Sartre met
sur l'aspect anormal des rapports sexuels de l'homme et de la femme.
1. Siddiqui, Z.A.: art.cit., p.63. "In short, the value of existential psychoanalysis, as a psychological technique is rather negative ••. Sartre's description of the tension between belovcr and
beloved •.. be tray u v el'y unhcul ~hy :1 t U ~udo towurllo oux ... "
2. Ibid., p.64. "In spite of these limitations and shortcomings,
existential psychoano.lysi s reveal ~1 to u:~ n penetrating nnd keen
intellect. It is the reaction of a most sensitive and unique
personality of a genius to his life situations and experiences."
- 150 Il n'en faut pas etre etonne.
Car
1~
psychanalyse existentielle
utilisee dans la guerison des personnes rnalades n'a qu'a faire avec
des cas anormaux.
anormale.
Toute rnaladie de 1 'esprit et ·,du corps est toujours
Je ne demande si on a droit de reprocher
exagere l'aspect negatif et sombre du sexe.
a
Sartre d'avoir
D'apres Sartre chaque
pour-soi vo.tt ·sa liberte limitee et contrainte par celle d 'autrui et
vice versa.
Tout rapport est alors necessairement conflictuel.
Sartre est alors logique avec soi-meme.
Et on ne peut pas le criti-
quer d'apres des criteres qu'il n'accepte pas.
D'ailleurs comment
peut on verifier les principes de la psychanalyse existentielle avant
leur application puisque leur validite ne se revelera qu'en les applicant
a des
cas concrets.
Les experiences sent necessaires dans n'im-
porte quelle science pour valider ou invalider une theorie qui avant
son application reste toujours une hypothese.
Finalement, les faits ont montre, comme dira ci-apres
le Dr. Sachdev, que la psychanalyse existentielle de Sartre a ete
une contribution precieuse
a la
psychiatrie.
En dehors de ce que
vient de dire Hazel Barnes, lisons ce texte d'un grand specialiste
psychiatre David Cooper:
R.D. Laing et moi, nous avons trouve les travaux de Sartrc
d 'une importance capi tale.
Apres nOU!:i etrc penchea :.mr
l'Etre et le Neant et sur d'autres travaux- ... nous nous
semmes atteles au Saint Genet a uestion de Methode ct A
Ln. Criti uc de la Rnioon Dla!ecUctw. C • a
a unu phU.osop ie uti isnblel J'ajouterai en ce qui me concerne l'importance de l'analyse par Sartre de la conscience (dans la
Transcendance de l'Ego et L'Etre et le Neant) dans l'abolilition du rnoi 'receptaculaire' de la psychanalyse (et par
ailleurs de l'Inconscient! ).
En 1964 Lain~ et moi-rnerne nous nvons publie Rninnn et
Violence en anglais. C'etait un expose et un commentaire
critique de la philosophie de Sartre entre 1950 et 1960
avec une reference particuliere au champ psychiatrique.
- 151 Le but etait de communiquer au monde anglophone les idees
de Sartre que nous avions trouvees d'une immense valeur
sur les bases tres concretes de notre travail .
••. Dans tout cela nous devons bcaucoup a .~artre. Ensemble et avec beaucoup d'autres ... nous avouons une
grande dctte personnelle et theorique a Sartre ••• 1
Le Dr. Parminder Singh Snchdev m·edecin-psychintre se montre plus
sympathique envers la psychanalyse existentielle que Siddiqui. Nous
nous baserons sur sa communication presentee par lui a un seminaire
2
sur Sartre.
D'apres lui, les existentialistes n'etaient pas de
theoriciens mais s'interessaient
a
ln psychanalyse.
En effet, Karl
Jaspers a ete d'abord un psychiatre eta ecrit son oeuvre principnlc
sur la Psychopathologie Generale. 3 Et Sartre, en particulier, a
ecrit enormement sur le sujct bien que son influence soit plus ressentie et visible dans le domaine de la politique et de la litterature.
Sartre?
Quelle a ete, d'apres Sachdev, la plus grande contribution de
Une meilleure comprehension de l'esprit de l'homme:
avec Heidegger a fourni une unification laquelle a aide
"Lui
a la
comprehension non seulement de l'esprit normal mais de l'anormal aussi." 4
Pour ce medecin, Sartre a pris en consideration les actes de l'homme
dans leur totalite et non en isolemcnt; la psychanalyse existentielle
refuse de reduire la complexe personnnlite de l'homme nun nombre
reduit de desirs, des impulsions et des instincts; dans son rejet
de la causalite, l'existentialisme rejette aussi le positivisme et
1. Cooper, David: "Sartre et l'anti-psychiatrie", dans Oblioues/
Sartre, p.60.
2. Sachdev, P.S.: "Sartre and the Human Mind- A Psychiatrist's
Viewpoint'', communication faite au Seminaire national sur Snrtre.
(inedit)
3. Ibid.
4. Ibid. "He along with Heidegger has provided a unification which
has helped not only in understanding the normal human mind but
also the abnormal."
- 152 le determinisme, et n'nccepte pas une symbolisation universelle
applicable
a
tous les hommes.
Chaque etre humain en tant que totalite en soi, independante et unique, ne peut etre assujetti l des symboles universels
tels qu'un serpent (le phallus), ou un coussin a epingles (un sein)
valables pour~ant dans leur ensemble. 1 En plus, le Dr. Snchdev dit
que la psychanalyse freudienne de l'inconscient n'est 9as tres
intelligib1epuisque quelque chose qui est inconscient ne peut etre
connu: "Le message
masse de donnees
a faire
a
l'investigateur est que le sujet n'est pas une
enseveJ~
sous l'inconscient mais un
individu~libre
son choix. " 2 DI a pres le Dr. Sachdev' -Sartre a raison de re-
jeter l'inconscient freudien et dele remplacer par 'la mauvaise
&Jfl~
foi'; celle-ci bien qu~~mode de vie inauthentique, est une conscience
de soi.
La theorie sartriennc des emotions, d'apres Sachdev, est
une nide precicusc pour lu psychnitric puiDqu'un pnychintrc pcut
mieux comprendre un nevrose s'il tient compte du fait que les emotions ne peuvent etre comprises que comme integrees dans la totnle
realite humaine.
Prenons pur exemple l'imagination.
Ellc eot une
activite de.la conscience dont l'objet n'est pas une donnee psychique
mais quelque chose identifiee
a ln
personne cu
a la
chose dent nous
avons l'image.
C'est en appliquant ln paychannlyse existentielle aux soins
et
a la
guerison des malades que nous constatons le grand apport de
1. Suchdev, P.S.: urt.cit.
2. Ibid. "The message to the investigator is that the subject is not
a-ffiass of data buried in the unconscious but a free, choosing
individual."
- 153 Sartre pour qui la categorisation des etres humains est intenable.
Pour Sartre, selon Sachdev, le malade en tant qu'individu est plus
important que l~s mots dont on se sert pour le guerir. "Laing
se
(19so)Lplaint qu'il ne peut s'approcher directement du malade comme
individu
s~
les mots
~distance de lui."l
~sychiatriques
a sa
disposition mettent le malade
C'est pourquoi ce medecin estirne que lee mots
psychanalytiques enferment le malade, l'isolent.
L'existentialisme
resoud la difficulte rencontree par les psychiatres: "insatisfaction
avec des mots psychiatriques et
psychanalytique~
est assez connuechez
les psychiatres ...• La pensee existentielle surmonte admirablement
cette difficulte." 2
Le Dr •. _Sachdev est de l'avis que la pensee existentialiste
est tres utile dans la guerison des malades dont 55 pour cent frequentent les cliniques psychotherapeutiques non parce qu'ils sont
3
victimes d'une nevrose mais parce qu'ils trouvent leurs vies absurdes.
Mais est-ce que Sachdev se contredit quand il ajoute que
la psychanalyse sartrienne n'a pas pu penetrer -
· le domaine des
precedes therapeutiques grice au pessimisme de sa philosophie: "The
failure of ·sartre's doctrine to impress psychotherapy is a little
astonishing ••• one of the reasons is perhaps the pessimism in his
philosophy. 114
1.
Sachdev, P. S.: art. cit. "Laing ( 1960) has lamented that he cannot
go straight to the patient as an individual if the psychiatric
words at his disposal put the patient at a distance from him."
2. Ibid. "Dissatisfaction with psychiatric and psychoanalytic words
~airly widespread among psychiatrists ••. Existential thought
overcomes this difficulty admirably."
3. Ibid.
4. Ibid.
- 154 Le but de la psychotherapie est d'aider le nevrose
redonner un sens a sa vie apparemrnent absurde.
a
A quoi bon de le
faire sortir d'une vie inauthentique si cela n'e$t pas un pont qui
le
m~ne
a une
~utre:
"Voila vraisemblablement la plus profonde raison
pour laquelle l'existentialisme de Sartre n'a eu aucun impact sur
la psychotherapie." 1
Ce pessimisme de l'existentialisme sartrien a ete,
a
"
plusieurs reprises,mentionne par des critiques indiens et etrangers.
Malgre cet aspect negatif, le Dr. Sachdev reconnait que la granue
contribution de Sartre a ete de transformer et changer les attitudes
des medecins vis-a-vis des malades.
La rencontre entre le malade et
le medecin doit aider le malade a se sentir
a reprendre
ses responsabilites.
a l'aise,
et l'encourager
Pour ce medecin indien, le role
d'un therapeute n'est alors que d'enlever au malade une petite pierre
ici et la, dele rendre davantage capable d'aimer, de faire na!tre
lui faire.
en lui la confiance et deLsurmonter sa culpabili te.
2
Sartre lui-meme
dans sa preface au livre Reason and Violence de Laing et Cooper
(1964) et cite par Sachdev dit:
"Je suis' ..• de l'avis qu'on ne peut
pas etudier ou guerir un nevrose sans avoir d'abord un respect pour
le malade en tant qu'@tre humain." 3
Une observation fort interessante de ce medecin indien
est celle de l'influence qu'a eue la psychanalyse sartrienne sur les
pRychiatres americains.
Apr~s
l'echec
a Broadway
de 'Huio-Clos', en
,r,c/e{.· t
1. Sachdev, P.S.: art.cit.L"This is probably the deepest reason why
Sartre's existentialism has made no impact on pnychotherapy."
2. Ibid.
3. Ibid. "I am ... of the opinion that one cannot study or cure a
neurosis without first having a respect for the patient as a
human being."
- 155 1946, Sartre, parlant des Americains, a dit: "Les Americuins nc
a 1 texis ten tialisme.
comprennent rien
etre etonne de voir la sympathie,
disciple~ am~ricains
~.1ais
II
Sartre, lui -meme a dil
l'appr~ciation
et le nombre de
qu'a attire la psychunalyse existentielle comme
Rollo May, James Bugental, les psychologues Ang~1~.
Maslov et Rogers.
Fromm, Goldstein,
Il fait reference au livre de Hazel Barnes
Humanistic Existentialism and Contemporary Psycho-Analysis, ou elle
ecrit que Karen Horney a remarque en 1939,dans New Ways in PsychoAnalysis,des paralleles et des comparaisons entre la pensee existentialiste et la psychologie am~ricaine.
1
Considerons maintenant une etude erudite de Prem Nath
Existential Trends in American Psychology ou il analyse l'approche
existentieJle chez certains psychologues americaine.
les Americains
de~us
par le behaviourisme et la
dienne se sont montres ouverts
europeenne.
a
D'apr~s
p~ychanalyse
l'auteur
freu-
a
la phenomenologie existentielle
pour
En plus, il trouve une autre raioon L l'uccucil accorde
l'existentialisme: "la psychanalyse en marne temps est une condam-
nation de la culture americaine ou l'individu est en train d'etre
ecrase par le poids lourd de la technologie et des entreprises commerciales.2
Ala difference de la phenomenologie freudienne, la
psychanalyse existentielle ne concentre pns son attention sur les
esS'enc es dans 1 'abs trait de maniere intuitive: "( EJ.le) s 'efforce
d'analyser des gens dans des situationo reelles de la vie.
s 'interesse pas
1. Ibid.
a
des
simpl~s
Ellene
concc:ptunlisntiono mnis cherchc une
(In e/J;t)
2. Prem Nath: "Existential Trends in American Psychology", Darshana
International, Vol.VII, Oct.67, No.4, p.l.
- 156 reference concrete." 1
Bien que Prem Nath ne parle pas specifiquement
de Sartre, nous avons juge utile de presenter sa critique puisque sa
critique o'etend sur l'cnsemble de
pris celui de Sartre.
existentielle on
l'existentiali~me
europeen, y com-
D'ailleurs, quand on parle de la psychanalyse
suu~er.tend
Sartre.
Prcm Nath passe en revue quelques psychintres et psychologues
am~ricainp
influences pnr la psychannlyoe existenticlle.
psychologues ont mis l'emphase d'abord sur
l~unicit~
Ces
de l'individu et
sur son existence sans pour autant negliger le role que jouent les
essences sur l'homme.
Il analyse d'abord la
t~eorie
de la logothera-
pie de Victor E. Frankl qui penetre la vie concrete de l'individu.
Pour Frankl, chaque individu quelque soit
l'et~t
de son esprit (malade
ou non) garde toujours la volonte et la liberte de donner un sens et
une direction
~
sa vie:
"le plus intime centre de la personnalite du
malade n'est pas atteint m@me par une pnychose." 2
Ensuite, Prem Nath parle de Rollo May.
Ce dernier, tout
en gardant une approche 'essentialiste', la complete par une orientation existentielle.
D'apres lui, il est impossible de comprendre un
etre humain si l'on ne tient compte que de son cote 'essentialiste'.
La seule verite pour l'homme est celle dent sa vie concrete fait
partie, et dans laquelle elle s'integre: "Aucune chose telle que la
renlite ou ln verite n'exiote pour un atrc humnin onuf celle
~
ln-
quelle il participe, dont il est conscicnt et ~ laquelle il a quelque
relation." 3 Ala maniere de Sartre, l'auteur dit que presque quatre
1. Prern Nath: art.cit., p.l.
2. Ibid., p.2.
3. Ibid. , p. 2. "'rhere is no such thing as truth or reality for a
living human bein~ except as he participates in it, is conscious
of it, has some relationship to it."
- 157 siecles de developpement technologique n'ont abouti qu'a notre repression du sens ontologique de l'etre, et que pour bien comprendre le
mecanisme psychologique, la connoissance des coneepts del'etre' et
d~
I
non-e"t re
I
• d 1spcnsa
• .
bl e. 1
es t 1n
Autrement dit, il faut tenir compte
des capacites virtuelles de l'homme, qu'on ne doit pas nssimiler
l'inconscient invisible freudien.
~
Pour MayJl'inconscient est ces
capacites virtuelles de savoir et de faire l'experience que l'individu
ne peut pas realiser.
D'apres lui, la theorie freudienne d'un multi-
ple Ego affaiblit le soi centrpl qui doit
~tre
pris et accepte co1nme
une totalite et non de maniere fragmentaire.
A.H. Maslov, le troisieme psychologue etudie, se base sur
les concepts existentinlistes de solitude, d'angoisse et d'alienntion
2
Maslov se sert des exmais purifies de leur connotation negative.
pressions
tr~s
.significatives telles que 'Peak experiences' (experiences
de pointe), 'self realizing ueople' (des gens auto-realisants). 3 Les
hommes arri vent a un optimisme de bien-(Hre en eprouvant
d'eux-memeset de leur conscience - leur propre identite.
a1
I
intcrieur
Ace profond
niveau d'etre, et d'experiences, l'homme reste unitaire et non fragmentaire, et jouit d'une certaine experience mystique 4 qu'on trouve
dans l'orient et l'occident.
Maslov ace propos fait une remarque
fort pertinente quand il dit que ces 'peak experiences' sont plus
evident es chez' lc grand pub J i c qu (~ chez 1 en psyclloloeucn.
!Itt t rc men t
dit, ces experiences sent connues intellectuellement par des savants
mai!:! vecues et reulluees par des t;enu
~1lmples
aesthetic experiences ... are taken for
1. Prem Nath, art.cit., p.2.
2. Ibid. , p. 3.
3. Ibid., p.3.
4. Ibid., p.1.
et
gran~ed
honnGtc~:
"··· uuch
and commonly expected
- 158 -
by artists, and art educators, by creative teachers .•. by living
husbands, mothers and therapists. As a matter of fact they are co~on
1
to all but psychologists."
L'auteur ensuite passe en revue G.VI.
Allport pour qui "l'individu est mains un produit acheve qu'un etre
en transition", dent toutes les actions sent controlees par le proprium
et se constituent en une totalite.
Aucune phase de devenir ne peut
s'expliquer par une seule fonction, puisque,
a chaque moment donne du
devenir, il y a une fusion de differentes fonctions. 2
logue,le futurisme est
indispens~ble
Pour ce psycho-
pour le developpement de la per-
sonnalite de l'individu, Si l'on garde devant sci les valeurs et objectifs principaux, les decisions et les choix en decouleront sans
conflit et resistance. L'existentialisme ainsi peut approfondir la
3
condition hurnaine.
Et il ajoute que pour la premiere fois est offerte
une psychologie de l'humanite; de plus, l'existentialisme europeen va
s•enrociner en Amerique.
En effet d'nprea lui les tendances de la
philosophie et psychologie americaines existentielles des nnneen 60
sent plutot positives et optimistes par opposition
europeen d'apres guerre, triste et negatif. 4
a l'existentialisme
Ce psychologue americain estime que la psychologie existentielle est et doit etre applicable
ala pedagogie en particulier.
a l'education, en general, et
L'existentialisme, une fois applique,
pormottrnit ,\·J.•onfnnt do orortro
Oll
plnlnn
lihnrl;t~
t\
fill
vi
Ltlllllt!
des conditions creees pour debloquer ses capacites creatrices.
dn.nn
Prem
Nath nous met en garde centre le danger qu'il ya de s'enfermer dans
1. Prem Nath: art. cit. , p.3.
2. Ibid. , p.4.
3. Ibid. , p.5.
4. Ibid • , p.5.
- 159 la subjectivite et de fermer les yeux
a tout ce qui pourrait nous
aider du dehors, et surtout aux conditions culturelles entourant
l'individu qui peuvent contribuer au developpement de la personnalite.
"C'est-A-dire l'ernphase de la psychologie existefttielle pourrait
egalement se deplacer de l'interieur
a l'exterieur, c'est-a-dire aux
influences socio-culturelles nuxquelles Allport a pertinemment attire
notre attention." 1
Ceci pourrait s'ajouter ace qui manque ala sim-
ple consideration de la subjectivite de l'individu.
L'auteur fait reference au debut de son etude au fait que
la technologie et l'affairisrne des entreprises par leur rnepris de
l'identite de l'individu ont cree des conditions favorables au developpernent de la psychologie existentielle.
Pourtant on ne peut pas,
d'un seul coup, rejeter la technologie et le Big Business ·.comrne
Je.s
forces oppressives et deshumanisantes sans donner a !'intelligence la
possibilite de les controler et les orienter vers l'epanouissement de
la personhalite. 2 Est-~e que la technologie est vraiment nuisible a
la personnalite et
~
des valeurs humnines?
technologie si celle cree des injustices.
tielle doit contribuer
a l'elirnination
Il faut transformer la
La poychologie existen-
des injustices sociales.·
"Une psychologie de l'humanite (Allport) ne peut passe batir sur la
pe:.urie socio-economique et 1 'injustice sociale. 113
La psychologie
existentielle en Amerique, conclut Prem Nath, doit tenir compte des
aspects individuels et des aspects socinux pour qu'elle soit cfficttccment appliquee
~
la vie des homme s.
"Il faut r,arder en jun t e equi-
libre le nexus tant personnel que social et les tendances de la·
Prern Nath: art.cit., p.6. "That is to
tential psychology need equally nhift
i.e., on socio-cultural influenceD to
drawn our attention."
2. Ibid . , p. 6.
3. Ibid.., p.7. "A psychology of mankind
onsocio-economic scarcity and soci;ll
1.
say the emphasis of exisfrom the innc~ to the outer,
v1hich Allport has pertinently
(Allport) can:.ot be built
injustice."
- 160 -
psychologie existentielle vers cet objectif peuvent
~tre
l'espoir
d 'une philo sophie plus com!Tel1ensi ve et synthtHique. 111
L '.analyse descriptivC' des psycholot,rues et des psychiatres
am~ricains
qui font l'apolication de ln psychologie et de la psycha-
nalyse existentielle donne du coeur.
le noeud de la question.
toute societe
E
La societe n.mericaine et occidentale voire
developp~e
'ardHer et de
ou en voic de developpement a besoin de
r~fJechir
~randeur
sur ce qui devoile la
sa valeur individuelle, son
individuulit~
psychanalyse existentielle a mis en
t~
Prem No.th a mis le doigt sur
de 1 'homme -
qui merite le respect.
lumi~re
que l'hommc est une totali-
et non pas fracmentaire, que l'homme en tant qu'individu
de tout autre homme et merite· une attention tout
societe trop riche risque de tro.iter l'individu
A vendre,
et l'individu
comme des marchandises
A son
La
diff~re
particuli~re.
com~e
Une
une marchandise
tour commence i traiter les autres
a acheter
ou
a vendre.
A l'autre extremite,
une societe pauvre et surpeuplee comme celle de l'Inde court le danger
de negliger l'individu dans son souci de s'occuper des masses.
dividu et ses
particularit~s
sent noyes dans un
oc~an
L'in-
d'etres humains.
Dans une telle situation qu'en dira-t-on de la declaration universelle
droits
den droits de l'homme? Comment va-t-on
fairc l'ap~lication de cesL·
de l'homme dent chaque article commence nvec 'chacun' ou 'tout individu' ou 'toute personne'?
Ou
prntiqucr un humnni.f:me rnondinl?
pcut-on trouver une base commune pour
L'exinten~tnlinrnc
a
fray~
un chemin,
que ce soit ce1ui de SRrtre ou d'un autre.
1.
Prem Na th: art. cit. , p. 7. "Both the personal nexus and the social
nexus have to be kept in proper balance and towards this ~oal,
trends in existential psychol6gy may be a promise of a more comprehensive and synt~etic philosophy."
- 161 -
La critigue de la raison dialectigue
Tant que Jean-Paul Sartre levait sa voix et sa plume du
cote des opprimes et par consequent du cote du proletariat, il est
accueilli par lea communistes comme un frere.
Mais des qu'il s'op-
pose aux theories marxistes ou denonce certaines actions du URSS il
devient persona non grata.
Ils aiment Sartre quand il ecrit "le
materialisme historique fournissait la seule interpretation valable
de l'histoire."
fran~aise
1
Sartre leur platt quand il denonce la presence
en Indo-Chine la comparant au visage nazi en France, 2 ou
quand dans sa preface au livre de Frantz Fanon, les Damnes de la
Terre, 3 il fait du tiers monde la force future et mise sur l'avenir
des luttes liberatrices de ces opprimes.
pour dire: "Ma seule reaction politique
Sartre a 'l'imprimatur'
a l'age
de dix-neuf ans,
c'etait l'ecoeurement de la colonisation, la seule voie que je voyais
pour reussir
a sortir
de la colonisation, c'etuit la violence. Cette
violerice qu'on pourrait appeler juste qui etait celle du colonise
centre le colon. 114
Suite A cela, il est accueilli comme un hero
dans lea pays socialistes et communistes.
Mais q?and Sartre denonce dans Les Temps Modernes la cruelle
realite des camps sovietiques en 1950, quand il appelle l'intervention
de U.R.S.S. en Hongrie en 195? "une agression sovi6tique centre la
1. Sartre, J.-P. : Question de Methode dans Critique de la Raison
Dialectigue, Gallimard, 1960, p.24.
2. Sartre, J.-P. : Temps Modernes, Editorial, Dec. 1946.
3. Sartre, J.-P. ' Preface au Damnes de la Terre par Frnntz Fanon,
Maspero, 1961.
4. Sartre, J.-P. : "L'Espoir Maintenant'', Entretiens avec Benny Levy
dans Le Nouvel Observateur, mars 1980.
- 162 -
d~mocrati; des conseils ouvriers" 1 et l'invasion de la Tch~coslo­
vaquie en 1968; quand Sartre affirme
.,
•.. apr~s nous avoir transform~ toutes nos idees
le marxisme, brusquement, nous lnissait en plan; il
ne satisfaisait pas notre besoin de comprendre, sur
le terrain particulier ou nous etions places, il
n'avait plus rien de neuf a nous enseigner parce qu'il
s'~tait arr~t~ ... pr~cis~ment parce qu'il s'est opere
en elle une veritable scission qui a rejete la theorie
d'un cote et la praxis de l'autre. 2
0u encore quand Sartre ecrit: "Le Marxisme, lui, a des fondements
theoriques, il embrasse toute l'activite humaine mais il'ne sait
plus rien
1
ses concepts sont des diktats, son but n'est plus d'acque-
rir des cor.naissances mais de se constituer a priori en savoir
absolu. ~ 3
1es Marxistes lui ont declare la guerre.
Fire encoreJ
quand il affirme que l'existentialisme seul pcut complementer le
marxisme, lui donner des bases solides et corriger son dogrnatisme, 4
ace moment Sartre s'est fourre dans un guepier.
Carles Marxi·stes
n'arrivaient pas a comprendre (il le prenaient pour marxiste) sa
critique de son propre pays (France) et en meme temps d'un pays
d'ideologie marxiste.
tion?
Comment resoudre cette apparente contradic-
En effet, ils ont oublie que l'idee maitresse de toute la
pensee de Sartre,
reflete~
dans ses oeuvres tant philosophiques que
litteraires, c'est l'homme en tant qu'individu, l'homme hie et nunc
toujours libre et irreductible.
Methode dans Criti ue de la Raison
1.
.• f•
2. Ibid. , p.25.
3. Ibid. , p.28.
4. Ibid. , p.120.
"L'existentialisme et le marxisme
2.'
- 163 visent le meme objet mais le second a resorbe l'homme dans l'idee
et le premier le•cherche partout ou il est,
lui, .dans la rue. "l
a son
travail, chez
Sartre accuse par Albert .,Camus du nihilisme
pour son compagnonnage avec les communistes lui retorque : "Supposez
qu'on vous reponde comme Marx: 'L'Histoire ne fait rien' ... C'est
l'homme, l'homme reel et vivant que fait tout; l'Histoire n'est que
l'activite de l'homme poursuivant ses propres fins. 112
la liberte individuelle de l'Etre et le Neant ou la
Que ce soit
lib~rte
collec-
tive de la Critique, c'est toujours la liberte de l'homme concret
qui est en jeu.
Toun les ecrits de Sartre et toute son action poli-
tique avait pour fin de defendre les droits fondamentaux de l'homme
qui ne pouvait etre jamais un moyen mais une fin en soi.
C'est
pourquoi 11 pouvait etre du cote des palestiniens et des juifs, des
•
vietnamiens et des hongrois sans compromettre ses principes. Car
ce n'etait pas une ideologie avec son n
~r1ori~m8
qui etait pour
lui un critere mais l'homme exploite·qui qu'il soit et ou qu'il soit.
La critique du sartrisme trop souvent risque de se noyer dans le
piege d'un idealisme.
par des
Ceci dit,considerons les critiques faites
sur la Critique de la raison dialectigue, qui pour
~ndiens
la plupart sont, apparemment, des marxistes.
Un critique presente Sartre comme "un des philosophes qui
a avance l'humanisme democrate bourgeois." 3 On y voit implicitement
la critique marxiete.
Le meme critique
noi~neusement
evite toute
condemnation sartrienne des interventions militaires de URSS en
Sn.rtre, J.-P.: uention de Methode rlans Critiaue de la Rai.son
Dialectigue, p.2 .
2. Sartre. J.-P.: Situations IV "ReponEe a Albert Camus", 1964.
Edit 1980, p.123.
3. Gupta, Suman
. : Sartre 's Concept of r.1c:m and Freedom as expounded in "Beinf': and Nothine;r.ess 11 - a Marxist .Analysis .(Stm•"'ar'n·e ,~.~ .. SQYt~ ..
1.
·
,·,a:t)
- 164 -
Hongrie et en Tchecoslovaquie bien que la meme personne fasse
mention de son opposition (de Sartre) au controle du gouvernement
fran~ais
•
en Algerie et l'intervention des Etats-Unis en Vietnam.
Le Pro1'esseur Suman Gupta a intitule sa communication "Le concept
de l'homme et de la liberte d'apres Sartre comrne expose dans l'Etre
!{
et le Neant : une analyse marxiste."
idees.
En resumons les principales
Elle repete plusieurs fois que l'existentialisme (y compris
celui de Sartre) est une philosophie metaphysique qui separe la
pensee de i'action.
"La prise de posi~ion existentialiste quant au
probleme des hommes et de leur rapport entre eux et le monde naturel
est
compl~tement
metaphysique.
Cette philosophie etant abstraite,
n'offre aucune direction pour la vie pratique. 111
Eta la fin de son
memoire : "D'apres notre exposition, ci-dessus, sur l'existentialisme,
il est clair que l'existentialisme est un principe metaphysique qui
separe 1 'homme du monde C0ncret et reel. 112
De pluG' ''1' existentinlisme
de Sartre est une des ideologies bourgeoises modernes qui essaie de
defendre l'ordre socio-economique capitaliste en niant la capacite
de l'homme de transformer le monde par leurs efforts c0operatifs." 3
Et puisque Sartre n'arrive pas
a defendre
par un liberalisme rationnel il a recours
et
a la
le capitalisme bourgeois
a un
systeme irrationnel
metaphysique.
: ayt cit. "The existentialist position with
regard to the problem of men and their relationohip among themselves and the natural world is completely metaphysical. This
philosophy, being abstract, does not offer au~: guidance in prac-
1. Gupta, Suman .
t·j~a]
Jjfe."
2. Ibid. "From our above exposition of cxintentialiom it is clenr
thnt cxio ten tin.1ism is a ml~ taphyn.i.ca1 phi1onophy which nbn trnc tn
mnn from th·· concr~~Le, runl world."
3. Ibid. "Sartre's existentialism is one of the modern bourg~ois
ideologies which tries to defend the capi~n1ist socio-economic
order bi denyin& the capacity of men to change the world through
their cooperatiYe endeavour."
- 165 -
Les jde9logies de la bourgeoisie ont echoue dans le
cadre d'un liberalisme rationnel de trouver une
solution aux nroblemes de l'oppression, de l'exnloitation, ~e lh.faim, de la peur du desespoir et ae
l'impuissance de l'homme dans la societe capitaliste
les existentialistes comme la plupart de l'eur~ nredecesseurs bourgeois s'adressent a l'irrationalisme,
l'idealisme et ala metaphysique. 1
a
Pour ce professeur la philosophie sartrienne n'est qu'un idealisme,
elle est le cogi to cartesien et la conncicnce pure.
"Le libre et
aliene soi de Sartre n'est pas un etre concret biologique mais il
.t. •
es t 1 e cog1. t o car t ~s1en
•.. 112
Quelles sont, d'apres ce cri:ique,
les bases de l'existentialisme sartrien?
"L'existentialisme sartrien
se base sur la fausse interpretation des concepts fondamentaux tels
que l'existence, la liberte, le choix ... "3 Et puisqu'on ne peut
resister ala tentation d'introduire des observations oarxistes;
"Analogues a toutes les autres tendances de l'idealisme subjectif,
l'existentialisme rejette les explications marxintes de la relation
4
entre l'etre social et la conscicnce."
Le point de depart de
tout~
critique murxiGte rente toujours
des premisses marxistes et tout ce qui nc leur convient rente taujours
"une fausse interpretation" de la realite.
Au lieu de se limiter
a
l'Etre et le Neant, ce critique donne l'impression de demolir l'existehtjalisme, en general, et le nnrtriomc e11
1. Gupta, Suman~~-~: a~tcit.
purtic~licr.
On
trou~c
"'.rhe ideologies of the bourgeoisie
have failed, within the framework of rat~o~al liberalism, to find
a solution to the problems of oppression, exploitation, hunger and
the feelings of fear, desperation and helplessness of man in the
capitalistic society."
2. Ibid. "The free, alienated self of Sartre is not a concrete
biological bein~ but is the Cartesian cogi to or pure conocit~nce."
3. Ibid. "Sartre's existentialism rests upon misinterpretation of
basic concepts like existence, freedom, choice etc.
4. Ibid. "Like all other trends in subjective idealism, existentialism refjects thl~ Marxint eX])]<l!'nL:ion of the r·elation between
social being and consciousness."
- 166 des citations de l'Existentialisrne est un hurnanisrne sans doute plus
faciles l
comprend~e,
et qui n'est pas du tout, cornrne on avait dit,
ex~osition syst~rnatique
une
de la philosophie de Snrtre.
Par exernple
une longue citation de ce livre pour dire que son existentialisrne
ath~e.
est
la
Une ou deux citations de l'Etre et le
libert~
prononc~e
sartrienne.
la
pour
d~crire
Il est cur·ieux de rernarquer une absence
de ses principes du pour-soi et de l'en-soi, ou merne le
principe de
a
N~ant
l'intentionnalit~
du pour-soi qui lc lie essentiellernent
r~ali~e.
Sartre peut se
contre l'accusation que sa philopor /e. re.c.ou-rs
sophie est une meto.pl"ysique qui fuit a la realite ~ -:·.· a cette
d~fendre.
intentionnalite de la conscience.
Dire que l'existentialisme de
a une
Kierkegaard ou des existentialistes chretiens a recours
m~taphysique
est intelligible jusqu'l un certain point.
que 1 'existent] allsrnc sartricn qui oe fondc uniquernent
tiais dire
a accepter.
1'expe-
cu1·
rience vecue de ln realite hurnainc eot ''unc philooophic
rnetaphysique" est difficile
certaine
compl~temcnt
Dire aussi que "1 I
e~cisten-
tialisme de Sartre s'appuie sur une fausse interpretation des concepts de l'existence de la liberte, du choix ... "semble
pr~judi­
ciable, car quelle interpretation, peut-on demander, est la vraie,
celle des marxistes ou d'autres?
Et finalement, appeler l'existen-
tiolisrne sartrien une philooophie bourgeoise va mal avec quelqu'un
qui toute sa vie a lutte contre los valeurs bourgeoiseo.
A mains
que defendre les droits de l'individu soit pour certains une attitude
bourgeoise.
Il ne faut pas
basent sur les
~crits
fois :res hostiles.
r~p~tcr
que beaucoup de critiques ne se
de Sartre mais sur ceux de ses critiques par-
- 167 -
Pourquoi Sartre etait-il de11u par le Marxisme?
11
Nous
reprochons au marxisme contemporain de rejeter du cote du hasard
toutes les determinations
coner~tes
de la vie humaine et de ne rien
garder' de la totalisation historique si ce n'est son ossature abstraite d'universalite.
Le resultat, c'est qu'il a entierement perdu
le sens de ce qu 'est un homrr:e.
111
rielle n'est pas une fin en soi.
Pour Sartre la production mate"On connait le passage de Marx":
"Ce regne de la liberte ne commence en fait que lA
o~
cesse le travail
impose par la necessite et la finalite exterieure; il se trouve done
par-dela la sphere de la production materielle proprement dite"
(Das Kapital III, p.873).
Aussitot qu'il existera pour tous une
marge de liberte reelle au-dela de la production de la vic, le mar.
x1sme
aura
:~s
,(.
v~cu
•.• rr2
Dans une etude approfondie Arun K. Jetli pose
questions suivantes.
"Si les Marxisteo contemporains ont eehoue,
est-ce que Sartre peut leur fournir une base de transformation?
Sartre est-il capable de reconstruire le cote actif de la dialectique?
Si la 'dialectique dogmatique' est veritablement dogmatique,
peut-on la remplacer par la "di.alectique critique"? 3 Ce critique
repond que "Sartre ne reussit pas par sa 'dialectique critique' a
remettre l'homme a sa propre place. 114
sartrienne de l'individu aboutit
1 • Snr t ro , ,1 • - r. s
Dialectigue, .
a un
D'apres Jetli la subjectivite
abstractionisme puisque le
ll~"lll.lon <io M{!l;llo!lo tl:!ntl Cr•ll.ltiW do Jn Ha.luon
o P·
,. ; .
P. 5 a
2. Ibid., p.32.
3. Jetli, Arun, K.: "Sartre and Marxism'', Dnrshnnn Internntinnnl,
Vol.XIX, Jan.1979, No.1, p.49. "If contemporary Marxists have
fallen, can Sartre produce for them a base to transform? Is
Sartre capnble of redevelopin~ the active side of the dialectic?
If the doematic dialectic is indeed dogmatic, can it be replaced
by the critical dialectic?"
4. Ibid., };.4-9. "Sartre does not succeed in pos:. "l;ing ma..l'l in his
proper place throngh his 'Critical dialect'."
- 168 -
devenir de l'etre ne peut etre donne que dans le neant et par
~
~ans
consequent, l'etre
ce neant ne peut etre qu'un abstractionisme.
Aussi,.l'homme· tombe-t-il dans le piege d'un dualisme cartesien dont
une partie est abstraite et
est materielle.
l'autr~,
en tant que partie de serialite
Tout cela revient au dualisme cartesien contre
lequel Sartre s'est oppose.
Le 'cogito' sartrien est alors incapable
de 'praxis' laquelle Sartre veut retenir.
Cette praxis n'est, en
effet, qu'un symbole, une prise de position pre-marxiste. 1
Autrement dit, Sartre n'arrive pas
a rectifier
le Marxisme.
Plutat, d'apres Jetli, c'est Marx et le Marxisme qui sont valables.
Voici l'argumentation dont il se sert pour prouver sa these.
La dialectique historique est un mouvement continuel. Mais
le devenir de l'etre n'est pas possible chez Sartre
pui~que
en-soi est inerte, et l'etre se donne grfice au nennt.
est alors coincee dunn le moment ou ellc se fige.
L~
l'etre
critique
Ceci cmpeche le
mouvement necessaire pour la constitution de l'histoire : "Being in
')
Sartre is however practico-inerte and thus without autonomy.""'
Sartre a recours, pour ce mouvement,
n'est qu'une. juxtaposition des invididus.
~
la serialite qui
Mais les hommes, dans ce
cas, pris individuellement n'ont pas la possibilite d'entrer en
rapport les uns avec les autres.
Si pour Sartre l'etre-en-soi est
inerte, l'@tre-en-soi pour Marx, est dynamique.
a
recours~
Celui-la, en effet,
l'autrui pour constituer la subjectivite.
hlerleau-Ponty
affirme nussi que, pour Snrtre, il n'y n que des hommcs et den ci1ones,
1. Jetli, Arun K.
2. Ibid., p.52.
art. cit. , p. 50.
- 169 -
mais aucune histoire, puisque d'apres l'analyse sartrienne il n'y
a'pas de
subjecti~ite
interpersonnelle.
C'est vrai que Sartre affirme qu'a uncertain moment de
leur developpement les forces productives entrcnt en conflit avec
les rapports de productions ce qui declenche une periode revolutionnaire.
D'apres le critique indien, cela n'est pas possible
puisque la periode revolutionnaire s'enracine dans l'histoire existentielle et non dans un moment solitaire ou dans la vacuite d'un
neant.
La subjectivite sartrienne de la conscience
ne peut pas en
principe suivre une structure objective, ou rnerne se referer
periode revolutionnaire.
Comment une
a une
serialite peut ou doit se
constituer en groupe-en-fusion?
L'individu sartrien, d'apres Jetli, jouit d'une double
existence - une existence abstraite et essentialiste
rnateriell~. 1
e~
une existence
Le pour-soi sartrien est enracine dans l'en-soi auquel
il fait face en tant que rnaterialite practico-inerte, et dans le
sillage du neant.
Par consequent, l'individu sartrien est abstrac-
tion et en ser1alite et ne vit pas en tant qu'individu en soi, mais
en se referant aux autres membres de la serialite.
est une
e~istence
Cette existence
commune aux autres.
Jetli lie cette double existence de l'individu ace que
dit Sartre en parlant de l'autrui : l'enfer c'est l'autre : ou le
regard de l'nutrui est une menace de l'individu mat6riel pour 1'individu abstrait :
~rt
is this dichotomy that necessitates Sartre to
view the other as a threat, but the threat is only for the abstract
individual, who is united with the other th1·out:;h cOI:wunali ty though
1. Jetli, Arun K.: art.cit., p.54.
- 170 -
knowing him to be an enem:y-." 1
Nous avons remarque precedemment que Sartre a evolue d'un
v i.s'eble.
.,
individualisme exagereL9ans l'Etre et le Neant vers uncertain engagement dans l'Existentialisme est un
hu~nisme
et la Critique.
Dans
cette derniere oeuvre, Sartre a essaye de montrer que son existentialisme peut mieux aboutir a l'emancipntion revolutionnaire du
•
proletariat que le Marxisme, et que celui-ci pourrait nussi y arriver
une fois adapte a l'existentialisme.
Jetli essaie de prouver que
Sartre s'est trompe, qu'il ne peut pas reussir puisque son existen~'
tialisme ou plut6t sa Critique s'affniblit par un dunlisme, voirc
un dualisrne cartesien.
Le raisonnernent que Sartre offre pour faire participer
l'individu ala Revolution par la serialite n'est pas valable et
acceptable.
Ce philosophe existentialiste, pris dans l'impas£e de
I
sauvegarder l'independru1ce de l'individu et en
rnent
~
ln societe, cree
che~
lui un dunlisme.
m~me
temps son
L'individu
e~gage-
nbnt~nit,
s'efforce de sortir de lui-m!me par la serialite et ainsi jouit d'une
communalite avec les autres, qui n'est justement qu'une pretention
car, au fond il retient son individualisrne.
materiel et dans le pratico-inerte
pnrticip~
L'individu en tant que
l l'action revolution-
naire du groupe mais,au fond, il garde son individunlisme.
Ainsi,
d'npres JetJi, lc vra.i individu (nbntrn:lt) n ln IH'(.Hcnti.on de vivre
en groupe, car en realite il est intouche; merne ln praxis devient une
2
pretention ct une nbstrnction.
-1. Jetli,
~run
S. Ibid., p.55.
K.: art.cit., p.54.
- 171 M~me.si
a ln
l'ouvrier participe
r~volution
et sacrifie
sa vie, il le fait· en tant qu'individu commun, comme faisant partie
de la seriulite, mais sa vraie individualite n'a pas ete ~acrifiee.
Jetli cite plusicurs philosophes
tombe dans le
pi~ge
du dualisme cartesien.
malgre tout, n'arrive pas
a depasser
d'apr~s
1
qui Sartre est
Pour Raymond Aron, Sartre
le dualisme cartesien inter-
prete par HuSsE:rl, puisque la conscience sartrienne est solitaire,
transparente
a s~i,
alienee ala matiere; grace
2
homme devient l'ennemi de l'autrui.
D'apr~s
cartesien.
a son
unicite, chaque
le Professeur Desan, Sartre revient au cogito
Il ecrit : "Sartre has carried on a life long struggle
to protect what the French so aptly call '•lucidi te' which is of
course Descartes old 'cogito' the privilece that mind alone has of
not.being earth or any kind of matter.
3
Par centre, l'individu pour Marx est valable en coi puisqu 'il est mntiere ceulc et pnr consequent, pnrticipc ;\ ce tll.re
l'action revolutionnaire.
L'honme pour
~arx
mais non pas en tant qu'individu abt'trait.
u
fait partie du groupe
C'est l'ir.dividu materiel
qui compte et.non pas l'individu abstrait.
Autrement dit, la faiblesse et l'echec de Sartre pcut @tre
attribue
a SOn
effort de faire Un COT.1pl'OI'IiD entre 1 'idealismc et lc
realisme ce qui n'a pas reussi.
1. Jetli, Arun, K.: art.cit., p.55.
2. Ibid., p.56.
3. Ibid., p.5G.
- 172 -
Ce dualisme, d'apres Jetli, est aussi visible dans les
oeuvres de Sartre .~
qu 'il
~
Dans 1 'Etre et le Neant, celu est si evident,
'efforce de le transcender pour que 1 'hdm1~e puisse vi vre son
corps; aussi dans la section consacree
il s'efforce de depasser ce dualisme
vivant du 'Dasein vers la mort•. 1
superficielle
sci condamne
~ar
a Husserl,
p~r
Hegel et Heidegger,
lu creation d'un cocito
Pour Jetli, cette tentntive e~t
cans le reste de l'oeuvre, Sartre revicnt au pour-
a etre
aliene
a l'en-soi.
Dans la gausee, son protago-
niste Roquentin est condamne ala liberte absolue, tandis que duns
le Diable et le Bon Dieu le personnaGe principal est voue
terminismc absolu. 2
a un
de-
Un autre grave defaut de la Critique est son anti-nn.turalisme.
Cela Yeut dire que,
d'apr~s
Sartre, la nature ne fait pas
partie de l'homme : "The assumption is tl1at nature is inside of man
and man outside of nature and they confront each other as enernies." 3
Jetli cite Levi Strauss pour qui l'opposition nartricnne entre l'homme
et la nature remonte ala vision sartrienne de l'histoirc qui etait
ce
une ar~ne ou l'homme vainc la nature. 4 C'est a cause deLfosse que
Sartre etait incapable de donner una explication valable du devenir,
dans des structures, ce qui a eu pour resultat lu naissance des
structuralistes au sein du Marxisme frun<:fais.
Jetli fait une
tr~s
bonne etude comparative sur la prnxis
marxiste et ln critique dinlcctique de Sartre.
1. Jetli, Arun K. : art.cit., p.56.
2. Ibid. , p.56.
3. Ibid. , p.57.
4. Ibid., p.57.
Pour le
~nrxismc,
- 173 -
le groupe et ses accomplissements comptcnt avant tout; pour l'exissartrien ou le marxisme existentialiste de Sartre, c 'est
~;entialisme
~
la serialite.
Pour le marxisme, les resultats pour l'Etat en tant
que groupe sont importants.
D'apres Jetli pour' que Sartre apprecie
la sociclogie Marxiste, il doit depasser la serialite.
l'universalite appartient
a la
pour Jetli,
a l'individu
Pour lui
mais non au groupe, ce qui,
rigueur, reste une quasi-universalite, puisque
toute collectivite si complexe qu'elle soit est obsedee par la serialite.
D'apres ce critique indien, Sartre reconnait involontaire-
ment un dualisme rigoureux; c'est pourquoi il n'arrivc pas
prendre que le groupe est au-dessus de la serialite.
~com-
La soi-disant
synthese de l'idealisme et du realisme est symbolique car chacun
garde son identite independn.nte, et ce que Plekhanov a dit de Kareyev
peut s I appliquer
a Sartre
: "The difference between r.1arx and Mr.
Kareyev reduces itself in this case to the fact that the latter in
spite of his inclination to 'synthesis' remains a dualist of the
purest water. 111
Enfin, Jetli critique la dialectique sartrienne qui, comme
toute'philosophie, est necessairement abstraite et loin de la
pr~~is,
et par consequent, ne peut pas etudier le marxisme et lui appliquer
des remedes.
Sartre est trap doGmatique et son zele l'a aveucle
centre le meri te du fllarxisme.
!.~erne
Kersch et Luckacs, malr,re leur
critique de la dialectique d'Engels, y avaient trouve quelques principcs de base corrects :
"~lthout;h
Sartrc waa acute enout;h to consider
some of the Marxist trends '.to be tending towards positivism and
.
mechanistic materialism, he was not quite justified in
1. Jetli, Arun, K.':.. art.cit., p.59.
rcjcctin~
the
- 174 -
entire dialectic of nature." 1
Pour Jetli, Sartre a passe trop de
temps en interpretant ce qu 1 est la praxis, tandis que ce qu 1 on
attendait de lui c 1 est plut6t l 1 action et la
tr~nsformation
du monde.
Il cite Althusser pour qui la philosophie n 1 est qu 1 un flot de mots
"Philosophy is that strange theoretical site where nothine really
happens, nothing but this repetition of nothing.
To say that nothing
happens in philosophy is to say that philosophy leads nowhere because
.
..,
it is goi! ,g nowhere:·
D1 apr~s l 1 auteur, Sartre et Heidegger s 1 effor-
cent de miner la philosophie de la science, et sont opposes
a la
psychologie et rejettent les disciplines de Yoga et de Tai Chi, car
ils y decouvrent un pur sujet.
La source de 1 1 anti-naturalisme de Surtre est, pcut-etre ,
Hegel qui s 1 est montre en opposition au principe grec de l'identification de l 1 homme avec la nature et par contraste insistait sur la
subjcctivite de l'hornme.
Sartre l 1 n suivi en refucnnt la nature.
Mais Hegel, en effet, cherchait ·une moralite d 1 action r.ans intervention divine laquelle exiote chez le
~hristianisme.
Tout en ac-
ceptant que·Sartre a introduit dans la. philosophie uncertain humanisme, celui-ci pour Jetli est plutot un discours humain qu 1 un humanisme enracine dans l'existence. 3
D1 apres Jetli, Sartre n 1 a pas reussi
dans le tnarxisme parce que
lui-m~me
est source active de dtscouro.
3. Ibid., p.61.
le oujct
avai t refuse la materinli te qui
Mnin nprco uvoir demontre la faiulcosc
1. Jetli, Arun K.: art.cit., p.59.
2. Ibid., p.60.
a trouver
- 175 -
de la critigue de la dialectique sartrienne, Jctli appr&cie ct
comprend le dilemme de Sartre qui etait conscient nes lncunes de
son a'bstractionisme.
Cela est evident du fait'' quI il a renonce
a
son intellectualisme pour donner son appui au Parti Cor.n:n.miste
Francwais dans la lutte centre l'imperialisme.
Cela montre qu'il a
senti lc besoin d'une praxis; et c'est pourquoi il a appuye le stalinisme qu'il avait auparavant attaque bien qu'en ce fuisant il a du
vivre cette mauvaise foi. 1
Ce critique marxiste affirme que Sartre vers la fin de sa
vie critiqua lcs intellectuels duns son 'Plaidoyer pour lcs intel1ectuels', ou il estime qu'un theoricien est incapable de s'engaGer
dans la Revolution.
r.1ais, en meme temps, on remurque cl!cz lui une
oscillation entre le cat6rialisme et l'intellectualisme dent le
resultat est .finalement le retour
D'aprP.s Jetli,
a part
a un
I')
abstractionnisme.~
les philosophies de l'Orient qui
possedaibnt deja une praxis, l'Ouest a du attendre l'arrivee de
marxisme pour elaborer une philosophic de la praxis:
Ce que les Upanishades realis~rent en 800 av. J.C. et qui fut
l'essence du bouddhisme de Chan et de Zen c'est bien leur
emphase sur la necessit~ de depasser des theories par la
praxis. Les Keans du Zen sent renommes pour avoir demontre
l'absurdite de la nure intellection. L'histoire dans l'Occident a du attend~e l'arrivee de Marx pour comprcndre la
neC0.SSi te de ln renlisntion dt) la plli.lor;ophi.c que Sar!;rc
n'an·Jvu pa:.J :\ t!OIIIJU.'L'JH.lrn. :5
1. Jetli, Arun K.: art.cit., p.61.
2. Ibid., p.61.
3. Ibid., p.62.. "Whnt the Upanishads realized tn 800 ~.c. and what
has been the core of Chan and Zen· Buddhisme is their i1wistance
of the nP.cessi ty of transcend in~ theories throuch prn..."<is. The
Keans of the Zen are famous in showinG the absurdity of pure
intellection. In the western world, history had to wait till
Marx to understand the need of realization of philosophy, viliich
Snrtre rails to see."
- 176 -
Ainsi est demontre qae l'Existentialisme sartrien n'a pas reussi
a corriger
le Marxisme.
Faisons quelques observations
faite par Jetli.
sommair~s
sur l'analyse
Il faut accepter que Sartre s'est trouve dans un
dilemme et a eu beaucoup de mal
a existentialiser
le mnrxisme. Sartre
s'est refugie dans le besoin comme raison fondnmentale du depassement
a travers
la rarete.
Sartre elabore :
une theorie qui situe la connaissance dans le monde ...
et qui la determine dans sa negativite. Alors seulement
on comprendra que la connaissance n'est pas connaissance
des idees, mais connaissance pratique des chases; ...
quel nom donr.er a cette negativite situee comme moment
de la praxis et comme pure relation aux chases memes,
si ce n~est justement celui de la conscience? Il y a
deux fa~ons de tomber dans l'idealisme : l'une consiste
a dissoudre le reel dans la subjectivite, l'autre a nier
toute subjectivite reelle au profit de l'object.ivite.
La verite, c'est que la subjectivite n'est ni tout, ni
rien; ~lle represente un moment du processus objectif
(celui de l'interiorisatj_on de l'exteriorite) et ce
moment s'elimine sans cesse pour renaitre sans cesse a
neuf. 1
En derniere analyse et Sartre et ses critiques marxistes ont raison
et tort.
Ils ont raison dans leurs raisonnements en ce sens que
tous veulent renettre l'homme
a sa
place.
Ils ont tort de s'efforcer
de prouver faux les argumentations de l'opposition.
Car en effet
Sartre ne veut pas etre Marxiste; son existentialisme est "en marge
du marxisme".
Ses critiques ont tort de 'marxiser' son existcntia-
lisme de meme que Sartre a tort 'd'existentinliser' le mnrxisme. Car
la praxis n'a pas le meme sens pour le marxisme et pour Sartre:
1. Sartre, J.-P. : Question de llethode dans Critique de la Raison
Dialectigue, . - - of>. cit. f· Jl.
- 177 A-t-elle le meme sens, recouvre-t-elle le meme domaine
pour Sartre ou dans le marxisme? Est-elle creation,
invention ou 'production sociale? Son fondement est-il
dans les .forces collectives ou dans l'individu? L'ensemble de la Critique de la raison dinlect~.gue va osciller
entre ces deux lectures possibles sur Sartre et le marxisme. 1
Ou encore: "Ainsi s 'articulent deux conceptions opposees: 'Sartre
d'un bout a l'autre de la Critique s'efforce de demontrer que l'univers
soci~-historique
se ramene en droit
a 1~
praxis, autrement dit
a l'experience vecue, ala conscience : Levi-Strauss tend ala demonstration exactement contraire, autrement dit ala demonstration
qu'il y a une raison humaine qui a ses raisons que l'hom:nc ne connnit
pas", dit Raymond Aron dans Histoire et dialectique de la violence. 2
Gautam Sanyal a fait une etude tres savante et informatrice
sur Sartre et le Marxisme.
Marxism~
Dans un article : Jean-Paul Sartre and
l'auteur pense que l'etude de l'existentialisme marxiste de
Sartre est une contribution a une sociologie marxiste pour deux
raisons principales : Tout d'abord, puree que Sartrc se croyait
e~
Marxiste
mettait sa foi en l'efficacite du Marxisme, et
deuxi~me­
ment parce que l'etude aide ala comprehension d'une ideologie bourgeoise.
Dans cet article on met en question la critique de Sartre
qui reproche a Marx, EnBels et Lenine d'avoir supprime dans l'elaboration de leur these sur le materialif>me dialectique la subjectivite
et l'individ11alite de ln personne et d'nvoir perdu de
tance des evenements historiques individuels.'
en doute les fondements meme du
vu~
l'impor-
Sartre, ainsi, met
marxisme~
o/J·
c./
•
1. Colombel, Jeannette: Jean-Paul Snrtre, textes et debats~p.553.
2. Ibid., pp.5G1-565.
3. Sanyal, Gautam: "Jean-Paul Sartre and J.larxism" dans Marxian
Sociologv sous la direction de Roy, V.IC.ct Sarikawal, Ramesh1 C.
Ajo~~tt.,
Pub/; c. o.t ion.s )
'PELHI.J
191-9.
- 178 Dans une autre etude : Dualism in Sartre's Philosophy 1
ce critique met en question l'affirmation
o~
Sartre dit qu'il avait
depasse le dualisme de l'Etre et le Neant dans la Critioue de la
Raison Dialectigue, publie queJque 17 ans apres, la parution de
l'oeuvre precedente.
Sanyal demontre d'une maniere rigoureuse que
ce depassernen"t n'est qu'une apparence, et que ce dualisme de la conscience et de la matiere, soit du pour-sci et de l'en-soi, est commun
aux deux oeuvres.
C'est pourquoi pour lui, Sartre ne peut etre un
vrai Marxiste, ni a-t-il le droit de critiquer le
~arxisme.
Dans ce deuxieme article)Sanyal fait d'une part un resume,
d'autre part. une critique du marxisme sartrien.
Pour lui, Sartre
accepte l'opinion marxiste que la philosophie est moyen theorique
ac.c.eptQ.
pour la transformation du monde et_t:ussi le materialisme historique
d'apres lequel la mode de production de la vie materielle est, en
general, le facteur qui determine la vie politique, sociale et intellectuelle.
Sartre reconnait la conception marxiste de la liberte
comme inseparablement liee ala necessite.
Et pourtant, d'apres
Sanyal, Sartre rejette la theorie marxiste de la connaissance comme
n'arrivant pas a expliquer le role de la s'ubjectivite dans l'acquisition du savoir; il accuse le Marxisme d'etre un monisme qui reduit
la pensee l un &tre;. et finalement il rejette la dialectique marxiste
de la nature.
L'auteur ensuite, preuve que le depassement du dualisme,
Sartre, d'apres lui, le savoir est un depassement vers la praxis,
une transformation de ce qui est; connu; e t le caractere diulectique
du savoir devient praxis et projet. 2
1. Sanyal, Gautam:"Dualism in Sartre's Philosophy", communication
inedite faite au Seminaire national sur Sartre.
2.
.I2.i£.
- 179 Comme la connaissance, la philosophic sartrienne est
fois dialectique et praxis.
Ce n'est pas unc abstraction.
a la
Elle est
toujou?="s en train de totaliser et accumuler, rna-is elle n'est jamais
quelque chose d'acheve : "Philosophy is the totalisation of contemporary knowledge ... it is a totalisation but not a totality ..•
totalisation for Sartre means totalisation - dctotalisation retotalisation. 111
faire, aucune
verite.
Puisque la philosophie est toujours en train de se
~hilonophio
ne peut @tre le depositaire de tottte la
En plus, la philosophic sartrienne, pour Sanyal, est tou-
a la
jours lieP
vie
~eelle
et donne une direction au mouvement
general de la societe.
Ce critique indien, ensuite, souligne la difference entre
ideologie et philosophie faite par Sartre puisque, ce dernier avait
une opinion
precon~ue
centre le marxisme qu'il prenait pour une
ideologie.
La· philosophie [.lSSimile tout, tnndis qu'une ideolot;ie
fait partie de ln philosophic; son orientation est
et elle (ideologie) reste son parasite.
aosum~e
par cllc;
Sartre, d'apres Sanyal,
croyait, ainsi, pouvoir incorporer le marxisme avec son autonomie
relative, au sein de l'existentialisme.
Et puisque la philooophie
est toujours en train de se depasser, l'ideologie
~ourrait
aussi
jouir d 'un de.passement : "However the r'..utonomy of ideolo;_:;y bccomco
redundant."
N4nnmoinn, malgrt! tout ce que dit le
Frnn~nio,
raisonnement perd de sn force, et s'affaiblit puisque le
son
d~pnssement,
le principe fondnmental d'une praxis, ne se donne pas dans ses oeuvres.
L'auteur de l'Etre e: le Neant lui-meme reconnait n'nvoir pas
elimine ce dualisme, et accepte que le
1. Sunyal, Ga.u tnm: art. cit.
duaJL;m~
oc 'l'et.re et de
(sc,..il\lili,.e. .soM. StdfYc~ itt~'old)
- 180 -
l'apparence', de 'l'apparence et de l'essence' de 'la potence et de
l'acte' se transforme en un autre dualisme - celui 'du fini et de
1 'infini'.
Pour Sanyal, pourtant, lc dualisme .,qui interdi t un de-
passement SRrtrien, est celui'de la matiere et de la conscience' de
l'etre et de la pensee' qui existe ausGi dans la Critioue.
S~rtre
Car, ici,
en accusant Marx d'avoir supprim~ la subjectivit6, indirecte-
rnent accepte un dualisme.
En conclusion, Sanyal est de l'avis que
toute les differences entre le
~arxisme
l'incompatibilite entre ln doctrinP
et Sartre ont pour source
m~rxiste
de
mat~rialisme
et le dualisme sartrien de la pensee et de 1 'etre.
moniste
"These disaGree-
ments lead us to the conclusion that Sartre's thouGht does not really
involve depassing. ul
La plupart des critiques inc:icns, surtout les marxistes,
estiment que Sartre ne pouvait pretendre Gtre un vrai marxiste. Ils
attribuent cette
incompatibilit~
entre leo deux systemes uux postulate
de base de l'e~istentialisme sartrien et du mnrxisme.
comment
p~'"'ut-on
D'apr~s
eux,
reco::1cilier une philonophie qui met en valeur ln
subjectivj_te, la conscience de l'individu au-dessus tout, et une
autre qui affirme que ce qui compte n'est pas la conscience individuelle et son action mais l'action sociale du groupe.
cette premiere incompntibilite il en decoule une outre.
ln JHwrte
illllividw~JJt:
c~;t
nl>noluc, pour
1:1:p11~llr~
En plus, de
Pour Sartre,
i.l n';y a auc11n
determinisme, tnndis que pour le mnrxisme ln. nociete et 1 'action
collective determinent completement l'action individuelle au benefice
du groupe.
Ainsi les critiques conclu0nt-ils que l'existcntialisrn
1. Sanynl, G<!utam: Rrt. cit.
(t·He:oU)
- 181 sartrien et le marxisme sont irreconciliables voire contradictoires.
Cependant le Dr. B.G. Tewari n'est pas de cet avis. Dnns
Marxism and Exist;ntialism 1 , il essaie de demontrer que ces contradictions sont superficielles.
Une plus profond.e analyse revel era un
point de recontre un trait d'union entre Sartre et hlnrx.
il?
La dialectique.
Quel est-
Comment?
L'analyse de l'action sociale de l'existentialisrne et du
marxisme revele que la transcendance et le depassement sont
a tousles
co~~uns
deux, puisque ils s'orientent 'vers l'objet, vera l'action.
Qu'on prenne pour point de depart la 'conscience' sartriennc, ou l'action rnarxiste, on aboutit toujours
a l'objet
et au monde: "For Sartre
••• consciousness with which you begin is not a self-enclosed dead
end, but intrinsically transcends, it is a wind blo\'!ing towards
objects ••. so too with action, it intrinsically grapples with the
world and in this mode transcends." 2 C'est pourquoi, ni pour Sartre
ni pour M'arx le point de depart n'est l'essence.
Mais comment reconcilier la liberte sartrienne avec le
determinisme marxiste?
Laliberte sartrienne, absolue en soi, refuse
tout deterrninisme du dehors.
Cette apparente
inco~patibilite
est
resolvable si l'on fait une analyse plus profonde de l'action marxiste et de la liberte sartrienne.
m.trice de la societe
rev~le
L'analyse de l'action transfor-
un aspect paanif voire dnns 1'6tude
et la comprehension de la societe source de nos rnaux.
l'homme n'y s'urr@te pas, il s'adonne 0. la
Pourtnnt
transfor~ation
de la
societe.- L'acceptation des conditions sociales ne devient qu'un
1. Tewari, B.G.: "Marxism and Existentialism", Darshana International,
Vol.VI, July 1966, No.3.
2. Ibid., p.31.
- 182 -
point de depart pour son action transformatrice ulterieure. Voila
ce qui est l'action marxiste.
Passons maintenant
a l'action
sartrienne.
Il ne veut pas
proposer une liberte absolue repliee sur elle-meme et privee de la
possibilite de choisir parmi lee alternatives qui se
D'apr~s
elle.
pr~sentent
Tewari, la liberte sartrienne est liee
•
a
a l'imagination
creatrice,precondition d'action, de meme que pour le h)arxisme lu
liberte est ·essentielle pour transformer la societe.
pour que cette compatibilite entre Sartre et
~arx
Neanmoins,
paraisse plus evi-
dente, on doit approfondir notre analyse de la conscience sartrienne.
C'est
m~me
a l'interieur
de cette conscience, dans son essence
qu'il fnut trouver la source de l'action.
Y a-t-il un lien
etroit entre la conscience subjective et l'action?
D'apr~s
Il y en a un.
ce critique indien, l'imagination et l'action n'ont que la
meme racine : "It is our thesis that imagination has the same root,
and their nature is the same and becaHAe of this, the freedom inherent
in the one implies the freedom inherent in the other. 111
cette racine?
a prouver
D'apr~a
Tewari, c'est la dialectique.
Quelle est
Si on arrive
que celle-ci est l'essence de l'existentialisme sartrien,
on a reussi ale reconcilier avec le
lectique est essentielle.
m~rxisme,
pour lequel la dia-
Autrement dit, le Dr. Tewari demontre que
la nialectique fait partie integrante de la conscience et qu'elle
relie la conscience
argumentations.
a la
societe.
A cette fin, il donne plusieurs
Dans un premier temps, il analyse l'intentionnalite
de la conscience, dans un deuxieme temps, il examine la relation
de la conscience
a l'imagination,
1. Tewari, B.G.: art.cit., p.32.
et troisiemement il decrit la
- 183 psychologie sociale du developpement, de l'esprit et de la conscience.
Revenons sur l'analyse de la conscience.
Nous risquons
ici de nous repeter, car nous avena deja vu ce qu'est la conscience
.,
sartri~nne.
T~wari
pretend que la conscience prereflechie est un
neant qui trouve son unite dans son objet, puisque la conscience est
essentiellement intentionnalite.
ciente de sci, elle l'est grace
Tewari a-t-il recours
a cette
M~me
si la conscience est cons-
a l'objet
transcendant.
Uaie pourquoi
caracteristique de la conscience?
Il
le fait parce qu'au sein de cette intentionnalite se cache la dialectique.
La· dialectique se fait d'une these, d'une
synthese.
anti-th~se
et d'une
L'analyse de l'intentionnalite de la conscience rnbntre que
la conscience en s'identifiant avec l'objet le nie en merne tenps en
le referant
object." 1
De
a un
~erne
neant.
''Consciousness both is and is not its
que la conscience ne par son essence constituc un
etre et en merne temps le neant, l'irnagination joue aussi un role
identique.
Quel est, en effet, ce role?
Tewari dit : "Throughout
••• Sartre has been stressing the fact that in imagination, the object
is posited either as absent, non-existent as existing elsewhere or as
neutralised. 112 Cela exige un pouvoir de neantisation que, comme nous
l'avons vu, la conscience nussi possede.
VoilR pourquoi Snrtrc
estirne que l'objet de la conscience ent aussi cclui de l'imagination:
"He (Sartre) points out that frequently
th~
object of' both are the
snme but what distinguishes the two 1:.1 the conoci0nce attitude towal'do
the object. 113
En d'autres terrnes, s'il existe une dialectique dan::;
1. Tewari, B.G.: Hrt.cit., p.33.
2. Ibid., p.31.
3. Barnes, Hazel E. : Translator's Introduction of L'Etrc et le Neant,
Washington Square Press, 1966, Hew York, p.xv.
- 184 -
la conscience par la position d'un etrc et du neant, de m@me dans
1'1mag1nat1on qui n'est d'autre chose que lo. conscience imaginante,
on trouve une dialectique.
nante est lie
a la
De plus, le role de la conscience irnagi-
question de la liberte puisque pour pouvoir imagi-
ner il faut etre libre.
Tewari arrive, alors,
a degager
la dialecti-
que et la transcendence dans la conscience et dans 1 'imacsina·tion.
Le critique, ensuite, demontre que la conscience et l'imagination sont, de par leurs essenries, pnrties constituontesde la psychologie du developpcment de l'esprit.
Il se demar:de : "Are the
necessary conditions for realizing tht social development of the mind
the same o · different from the conditions of possibility of a consciousness in general?" 1 EtA repondre que, d'apr~s Sartre, led~­
veloppement social de l'esprit vade pair avec les conditions du
devcloppement de ln conscience.
Tewari a recours nux argumentations
de Herbert Mead pour dernontrer que la relation entre la conscience
et l'action sociale est
intrins~que,
et par consequent, la liberte
sartrienne peut coexister avec le determinisme marxiste. Le soi-disant
determinisme social (dumarxisme) n'est pas du tout une negation de
la liberte (constitutive de la conscience) mais la consequence de
cette liberte dont elle fait partie. 2
Analysons de pres la theorie socialc de Mend d'npreo qui,
l'intelligence se revele essentiellement dans l'ncte et l'acte est
essentiellement social.
Quelles sont les etapes loeiques entre l'acte
et son aboutissement social?
Il y a certains comportements organiqueG chez certains
nnimDUX
OU
etres humains qui provoquent une reaction chez d'autres
1. Tewari, B.G.: art.cit., p.34.
2. Ibid. , p. 35.
- 185 -
membree de la
m~me
et dee hommes.
esp~ce.
Mead donne l'exemple des cris des animaux
Ce comportement organique complexe transmet un mesl
sage qui declenche une reaction laquelle se transforme en comportement identique.
Celui-ci,
a son
.,
tour, transmet un message.
Voila
un comportement organique complexe puisqu'il implique plusieurs
membres du corps : la bouche, la voix, les pieds etc.
" •.. dogs
approch one another in a hostile attitude, walk around one another,
growling and snapping, waiting for the opportunity to attacJc." 1
Le
geste et le comportement du premier chien a un sens pour l'autre,
qui par une reponse provoque une reaction chez le premier chien. Ces
gestes, ces comportements sent une sorte de converoation symbolique
que le philosophe americain nomrne "the conversation of eeoturef:i". 2
Ces actes ne restent pas chez l'animal au l'individu mais lc trru1scendent necessairernent vers l'autrui.
En ce sens, ils sent sociaux.
Pour Head cette conversation de gestes est l'intelligence
potentielle.
Comment?
Les gestes surtout vocaux deviennent des
symboles comr.1Unicant et transmettant un sens, alors sont-ils des
symboles signifiants.
La repetition frequente de ces conversations
de Gestes chez l'individu·donne naissance
a l'intelligence.
"Mind
ie the rehe"arsal of the conversation of gestures within the individual."3
Dans le cas des hommes, la conversation de eestes prend la
forme du langage, par lequel l'action sociale est incorporeea l'individu.
C 'eat-a-dire que d 'npr~s Mend, ln ·convprnnti.on do £:en ten rlonnc
naiosr.mce
a ].'intelligence
elJc J1refluppooe l'nct1on
puisqu'en prellant la forme du langage,
oocinl1~.
Pour r6uumur, l'uction :.;oclnlc
donne naissance au lang age qui est la genese de
1. Tewari,B.G. : art.cit., p.36.
2. Ibid. , p. 36.
"3. ~·'
p.36.
1 'intr~lligence.
- 186 -
a l'action
Ainsi, 11 est clair que l'intellisence est liee
sociale.
Mead preuve cela d'une autre maniere.
Chaque individu
contient "the generalised other", 1 (l'autrui geheralise).
individu joue le r8le d'autrui.
Chaque
Si un enfant joue tout seul il joue
deux roles, le sien et celui d'un partennire imaginaire.
the simplest form of being anotl:er to ourself. 112
"Play is
l'.Iaio ccla cot
encore plus visible dans une partie ou "l'enfant doit savoir ce que
tous les autres vent faire en vue d'opercr son propre jeu.
qu'il prenne taus ces roles." 3
Il faut
Il faut noter que cette conversation de Gestes n'est pas
seulenent productive
de
l'intelligence et de l'nction sociale, mais
en plus elle est transcendante et dialcctique.
Pour cela, on doit
suivre Uead dans son analyse de la "conversation de gestes".
recours
a un
de l'esprit.
Il a
processus de repetition partie essentielle de sa theorie
La repetition de gestcs n'est pas toujours actuelle,
mais parfois potentielle.
Le chien n'est pas toujours en train de
grogner, le be be ne erie pas toujours pour attirer 1' attention /e sa
rnaman.
En effet, la repetition est une memoire, c'est-a-dirc elle a
a faire
avec le passe, mais sa potentialite n'est pas toujours ac-
tualisee.
"Consequently the moment we enter rehearsal, we e11ter the
possible. 114
quences.
solutions.
Nous anticipons des actions possibles, et leurs conse-
On peut anticiper des problenes sociaux et en chercher les
On a la capncite de regler notre conduite.
1. Tewari, B. G.: art. cit. , p.37.
2. Ibid. , p.37.
3. Ibid., p. 3'~.
-
4. Ibid. , p.38.
"Rehearsal
- 187 -
lifts us into the realm of logic.
actions
We are askinf: if such and ouch
~ undertaken, then what? "1
Ainsi explorons-nouo des
alternatives, ce qui n'a pour but que la recherche des solutions
aux
probl~mes.
L 'auteur conclut en dis ant que la trc:mscendance et la
dialectique sent de l'essence de la conscience sartrienne et nous
touchons du doigt en m@me temps l'action sociale, ce qui est essentiel ala dialectique marxiste.
Ainsi,
a un
niveau profond, l'exis-
tentialisme sartrien et le rnarxisrne se rapprochent et ne se centredisent pas.
Dans ce relativernent long chapitre nous avons
revue des analyses et
~tudes
pass~
en
critiques sur la philosophie snrtrienne.
On n'a pas l'intention dele prolonger par de longues commentaires
de notre part.
Qu'il suffise de noter que le sartrisrne n'a pas
i.nnperctu p::tr la critique indienne.
MalGr~
la
difficul·t~
pass~
de comprcndre:
.
les oeuvres philosophiques
de Snrtre, on constate que l'existentif.
lisme"sartrien·a
~t~
bien interroge,
d~battu
et rneme mis en question
dans notre partie du monde.
Parfois la critique est un peu sornmaire,
parfois un peu superficielle
s~rtout
semblent avoir des
pr~jug~s
quand les auteurs de la critique
centre l'existentialisme athee de Sartre
ou rneme quand ils font des affirmations sans avoir etudie ses oeuvres
au fond.
Beau coup de critiques, pourtar1t, ont montre qu 'ils ont bien
etudie leA oeuvren de Snrtre et ont tout le droit de oc mcttrc en
accord ou pas avec sa philosophie.
hostil~mnis
Beaucoup se sent montre
plucieurs sympathiques A sa philosophie.
Certains
aspects de sa philoAophie ont attire plus de critique que d'autres.
1. Tewari, B.G.: art.cit., p.38.
188 -
Somme toute, on peut conclure en disant que Sartre,
pas inconnu de l'Inde.
philo~ophe
n'est
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