CHAPITRE II CRITIQUE DE L'EXISTENTIALISME SARTRIEN Dans le premier chapitre, la critique indienne a fait une pr~sentation de la philosophie sartrienne. Une v~ritable critique, pourtant, ne peut se contenter d'expliquer. Il est normal qu'elle reagisse,Temette en question, apprecie, conteste ou donne tort a un systeme de pensee. Voila le but du present chapitre. Dans un premier temps, on verra des reactions plutot g~n~rales tant appr~ciatives la pensee de Sartre. que d~preciatives sur l'ensemble de Dans un deuxieme temps, on ~tudiera une cri- tique approfondie qui tantot conteste ou rejette, tantot essaie de comprendre ou de sympathiser avec quelques principes de l'exis- tentialisme sartrien. Commen~ons avec la premiere categorie de critiques. Ka Naa Subramanyam, critique litteraire examine l'existentialisme sartrien a partir du contexte indien. Pour lui, "Sartre est tou- jo~rs en train de modifier et reviser sa definition et concept d'existentialieme." 1 De plus, "Camus et Malraux ont fait un n meilleur usage de l'idee existentialiate que Sartre 11 "' et que "l'existentialisme sartrien n'est qu'une vague passagere." 3 Sartre eat determine a prouver que l'univers meme est absurde et, quoique 1. Subramaniam, Ka Naa: "Existentialist Muddle", Debonair, Delhi, Dec. 1978, p.34. 2. Ibid., p.35. 3. Ibid., p.35. - - 95 l'homme en fasse, restera et continuera d'3tre absurde." 1 critique indien pense que certains ~v~nements "l'id~ologie de Sartre peut contemporains en Europe Ce ~claircir ma~s l'homme ne peut jamais se servir d'elle comme ~royance pour mener sa vie." 2 Parfois Subramanyam est hostile A l.'existentialisme m3me quand il par exempleLl'appelle une "monstruosit~ logique", parfois · apprecj.e par example "son meilleur usage par Camus et Malraux." Il est curieux que Subramanyam ne cite nulle part Sartre pour soutenir sa prise de position mais seulement quelques critiques hostiles A l'existentialisme comme Robbe Grillet ou Wood Kruch, critique am~ricain. Le titre de son article: Existentialist Muddle (Embrouillamini existentialiste) aussi bien que les nombreuses affirmations categorques sans preuve, reflete une approche negative et meme pr~judiciable. Subramanyam. Sartre a Il vaut la peine d'essayer de ~crit r~pondre A vis-A-vis de ses critiques : ••• La passion s'est si bien mel~e ala philosophie, lorsqu'il s'est agi de l'existentialisme et tant d'ig11orants ont cru pouvoir prendre la plume pour combattre ou d~fendre cette doctrine que je n'avais jamais ••• pu retrouver mes intentions ou ma pens~e dans les articles et dans les livres qui pretendaient parler de moi ••• 3 Subramanyam, par exemple, s'oppose a l'~volution dans la pens~e de Sartre et affirme que l'existentialisme sartrien ne peut etre une 1. Subramaniam, Ka Naa : "Existentialist Muddle", Debonair, Delhi, Dec.1978, p.34. "Sartre is intent on demonstrating that the universe .itself is absurd and whatever man does will always remain and continue to be absurd." 2. ~·' p.36. 3. Jeanson, Francis: Le probleme moral et la pensee de Sartre; Seuil, Paris, 1947, 1965, p.11, preface de J.P. Sartre. - 96 - croyance pour fonder la vie de l'homme. ~tre cent pour cent d'accord avec lui. Sartre, lui-m~me, aurait La raison d'etre et le fondement de l'existentialisme est justement 2ette v~rit6 que pre~tablie d'apr~s l'homme ne peut et ne doit avoir une croyance laquelle il ordonne sa vie car a chaque instant l'homme est en face d'une nou7elle situation. Au dire de Sartre dans une lettre a Francis Jeanson: Vous n'avez pas commis l'erreur de juger l'oeuvre d'un vivant comme si son auteur etait mort et qu'elle fOt arretee pour toujours. Vous avez choisi, au contraire, pour l'etudier, le point de vue de plus difficile mais aussi le plus fructueux: vous l'avez envisag~e comme une pens~e inachev~e, en mouvement •.. 1 N'oublions pas que Subramanyam a ~crit son article du vivant Jeanson conclut: "Le meilleur hommage que l'on puisse de Sartre. rendre a l'oeuvre de Sartre, c'est d'en contester sans cease l'efficacit~ pratique: par la but essentiel." 2 d~ja on lui aura permis d'atteindre son Dire que 'Sartre est d~termin~ a prouver que l'univers est absurde rnalgre les efforts de l'homrne' certaine ignorance de la pens~e sartrienne. r~v~le L'absurdit~ le meme sens pour Sartre que pour Subramanyarn. une n'a pas L'univers bien sur a un sene, mais ce sens est donne par chaque horerne. Si on veut chercher un sens en dehors de l'hornme, dans ce cas Sartre n'est pas d'accord. reux L'absurdit~ d'apr~s du monde decoule du raisonnement rigou- le principe de dasein (etre-la) et de de la conscience. 1. Jeanson, Francis: op.cit., p.11. 2. Ibid., p.288. l'intentionnalit~ - 97 Pour SubramanyamJ"le mot 'alienation' et l'idee derriere cela sont vraies en termes occidentaux mais pas du tout dans la tradition indienne. Alienation est totalement ·impossible dans le contexte indien. Si aliene que vous essayiez d'etre, la societe vous absorbe.dans son sein." 1 Est-ce que cela veut dire queM. Subramanyam accepte que l'alienation existentialiste est valable dans l'Occident, ce qu'il avait rejete precedemment. De toute faqon, 'alienation' au sens existentialiste et sartrien est ontologique et fait partie integrale de l'existence humaine en soi et non pas quelque chose de surajoute. europeenne ni indienne. Alienation, alors, n'est ni Le Dr. Madangobalane a raison de dire que "Ka Naa Subramanyam n'a pas compris Sartre dans sa totalite mais \ d'une faccon fragmentaire." 2 Un autre critique indien, qui se montre peu sympathique, est B.K. Bhattacharya. D'apres celui-ci, la pensee de Sartre est completement incoherente et illogique. L'existentialisrne, d'apres l'auteur n'est qu'un mode moderne de vie et rien de plus. 3 M. Bhattacharya comprend les locutions sartriennes dans un sens ordinaire et non dans un sene philosophique. C'est pourquoi il ecrit: "Vraiment, il serait difficile de trouver dans l'histoire de la philosophie un penseur (comme Sartre), qui s'abandonne, de cette 1. Subramanyarn Ka Naa: art.cit., p.34. "The word 'alienation' and the jdoR behind it are true in WeAtern terrnA but not at all true in the Indian tradition. Alienation is something entirely impossible under Indian conditions; however alienated you try to be, society absorbs you in its fold ••. " 2. Madanagobalane, K.: Lettre a l'editeur : Debonair, Vol.VIII, No.2, Fev. 1979, p.33. ~. Bhattacharya, B.K.: "Existentialism: A Modern Craze", Calcutta Review (New Series), 1(2) Oct-Dec. 69, p.350. - 98 - mani~re hyperbolique, d des abstractions verbales." 1 tr~s d~pr~ciatif, mais d~utre part appr~ciatif D'une part quand il dit que l'existentialisme est le produit de l'epoque moderne ou l'homme a exaggere le role de la raison au detriment de sa liberte. 2 Et un peu plus loin il reconna!t consiste, precisement, a qu~ "La valeur de l'existentialisme faire les philosophes se rendre compte que a la la raison n'est pas indispensable, mais qu'on doit accorder sensibilite sa juste portion dans l'interpretation et !'evaluation de l'existence humaine." 3 T.M.P. Mahadevan attribue la difficulte de comprendre Sartre a son utilisation des mots ordinaires pour inhabituels, ce qui mene plus, Sartre a tendance d~voiler a l'incomprehension de ses a suraccentuer l'absurde et des sens oeuvres. 4 En l'anormal, les passions elementaires et la conscience prereflechie. 5 Sa philoso6 phie n'est p~s liberatrice mais plutot pessimiste. Et malgre ~a, Mahadevan reconnait la valeur positive de l'existentialisme: "Sartre's philosophy of existence reflects the moods and challenge of a generation in revolt, dissatisfied with the status quo." 7 1. Bhattacharya, B.K.: op.cit. "Indeed it would be difficult to find in the history of philosophy any other thinker indulgins in verbal abstractions in this hyperbolic fashion (as Sartre)." 2. Idem, p.351. 3. Idem., p.352. "The value of existentialism consists precisely in making philosophers realise that reason is not all in all, but that sensibility must be given its due share in the interpretation and evaluation of human existence." 4. Mahadevan, T.M.P.: "Jean-Paul Sartre" Vedanta Kesari, Vol.55. 1968-69, p.49. 5. Idem, p.49. 6. Idem, p.49. 7. Idem, p.49. - 99 - pas La difficulte de comprendre Sartre ne doitLetre etonnant. L'incomprehenaibilite apparente du style etait un obstacle aussi A see lecteurs europeens. et parle fort bien le Le philosophe anglafs fran~ais "Ayer qui lit disait justement que l'Etre et le Neant, comme tant d'ouvrages de philosophes celebres, avait ete plus admire que lu. Ayer ne pretendait pas qu'il le comprenait. 111 Olivier Todd raconte see efforts de comprendre Sartre. Je plongeai enfin dans l'Etre et le Neant, cherchant une sortie. Eblouissement et fureur: ce type-la jonglait avec lea motel Derriere chaque substantif il pla~ait, inventait une substance. Puis il inserait la substance-substantif dans une phrase qui, souvent, sonnait bien, endormant,dans l'oreille et la tete,tout sens critique •.. 2 Sartre pour lui n'etait pas "sur la terre des choses, des humains et des situations reelles." 3 Par centre, Francis Jeanson tout en reconnaissant la difficulte de lire et comprendre Sartre, affirme qu'il est intelligible Redisons ••• notre conviction profonde, qui est que tout lecteur s'interessant a l'existentialisme de Sartre peut et doit se rendre capable d'en comprendre l'esprit au niveau meme des themes reputes lea plus difficiles. Il suffit selon nous qu'il ne se laisse point rebuter par certaines resistances dues au langage, et qu'il veuille bien admettre des le depart qu'elles sent la dans l'unique but d'assurer, de temps a autre, a quelque idee particulierement importante, une formulation plus rigoureuse ou plus frappante. 4 En derniere analyse, l'existentialisme sartrien est une doctrine plut8t a vivre qu'a comprendre. Et Sartre avait une tnchc difficile 1. Todd, Olivier: Un fils rebelle, Grasset, 1981, Paris, p.91. 2. Ibid., pp.88-89. 3. Ibid., p.89. 4. Jeanson, Francis: op.cit., p.15. - 100 - de traduire en concepts et mots faibles une experience reelle de l'exp~rience humaine. Sartre affirme que "si vraiment la philosophie existentialiste est avant tout une philosophie qui dit : l'existence pr~cede l'essence, elle doit etre vecue pour etre vraiment sincere. Vivre en existentialiste, c'est accepter de payer pour cette doctrine, et non pas l'imposer dans des livres. 111 G.K. Dutt reproche a Sartre d'avoir demoli les liens de communication interpersonnels entre hommes, sinc~rit~, a savoir les vertus de les passions comme l'amour et l'amitie et, ainsi nous transmet une philosophie triste et sombre ou l'action n'a pas de sens et la liberte equivaut au non-etre. 2 E.R. Marozzi, soucieux de sauvegarder lc theisme, s'oppose a l'atheisme de Sartre. Sous forme traditionnelle indienne d'un dialogue entre maitre (gourou) et disciple (sisya), il analyse l'existentialisme de Sartre. Le disciple, dans cet article, ne voit pas pourquoi un homme, sain d'esprit, a besoin de chercher une signification de la vie. le "C'est l'individu opprime et inadapte - ou le psychotique - qui a perdu sa signification et trouve la vie absurde et ficheuse." 3 Est-ce qu'on a oublie que nevros~ l'homme au debut du XXeme siecle a ete completement dequ par 1. Sartre, J.-P.: L'Existentialisme est un humanisme, Nagel, Paris (reimprime) 1970, p.101. 2. Dutt, G.K.: op.cit., p.48. 3. Marozzi, Bharata, adjusted lost his E.R.: "Reflections of Existentialiam'', Prabuddhn March 1969, p.137. "It is the oppressed and malindividual - the neurotic or psychotic - who has meaning and finds life absurd and a predicament." - 101 l'~croulement des valeurs humaines et spirituelles, meme des soi- disant vertus chretiennes? Ce critique, sans doute, plein de bonnes intentions, ne se rend pas compte du fait que 1'existentialisme est ne dans un contexte europeen, et apportait une reponse tion d'alors en Europe. rable a posteriori aux systemes tialisme ~ourquoi a l'existentialisrne th~istes a des C'est a la situa- porter un jugement defavode Sartre en le cornparant de l'Inde et essayer d'appliquer l'existen- contextes qui P'existent pas, semble etre un exercice vain et injuste. Marozzi, par la bouche du disciple, dit que la liberte chez l'homme presuppose son infinite et son inalterabilite, l'existence de son ame et l'existence de Dieu. 1 Maison presuppose, sans preuve, que la liberte humaine a pour fondement l'existence d'une ame immortelle et d'un Dieu. ceptable a Sartre. Ce raisonnernent n'est pas ac- Les faits, en effet, ont demontre que les valeurs chretiennes, ou plutot leur application, basee sur une doctrine de l'existence de Dieu et de l'irnmortalite de l'arne, n'ont pas abouti a grande chose, surtout pendant les annees de la guerre. C'est pourquoi Sartre elabore une philosophie plutot a vivre qu'a debattre dans laquelle chaque homme peut decouvrir sa vraie grandeur. Marozzi estime que Sartre)bien que se basant sur Descartes, refuse pourtant d'accepter un Dieu infini, oipe. Il trouve caln illogique de sa part. d~duction du meme prin- "Strongly enough, Sartre cites Descartes as giving him the basis of.his thinking and yet he does not follow through with the next logical step as 2 Descartes ehowed." 1. Marozzi, E.R.: artcit., p.139. 2. Ibid., p.139. - 102 Neanmoina, la lecture attentive de Sartre montre que ce philosophe ne croit pas a une la situation et les donnees metaphysique qui depasse l'experience, concr~tes de l'homme. Marozzi a,pour- tant, raison de dire que Sartre a tort de deduire l'existence m~me d'autrui du 'cogito' cartesien. Mathew Zachariah trouve que la question de choix element tr~s i est-~n poaitif dans l'existentialisme de Sartre : "C'est cette gravite concernant l'importance de son choix qui donne a l'exis-v tentialieme u~e signification, fondamentalement religieuse et morale." 1 Zachariah rejette la critique negative du philosophe ~ italien, de Ruggierro, pour qui l'existentialisme est une 'porno- ' graphie n.~taphysique' et avance que l'existentialiame est prdfonde2 ment moral, m~me dans son refus de Dieu. Pour Zachariah, l'existentialisme eat quelque chose de positif en ce sens que malgre la decouverte de l'absurdite du monde, l'homme essaie de transformer cette situation absurde en y decouvrant pour lui-meme des valeurs, . . 3 e t une con f 1ance en so1. Ce critique estime, avec raison, que toute denonciation de l'existentialisme aurait ete mains severe si leurs auteurs avaient realise la difficulte, voire meme l'impuissance eprouvee par les existentialistes de depeindre par le faible moyen des mots la realite humaine qui est une experience, principale~ent, vecue. "Si l'on veut formuler son experience, on 1. Zachariah, M.: The Existentialist Posture", Educational Forum, 13(1), January 1968, p.12. "It is this seriousness about the importance of one's choice that gives existentialism a fundamentally ••. religious and moral significance." 2. Ibid., p.13. 3. Ibid., p.16. - 103 - sera ob+ige de se servir d'une methode, d'un systeme d'idees ou d'images, c'est-a-dire d'une theorie qui commencera a oter la richesse et la complexite de l'experience dire~te de son exis- tepce."1 Considerons maintenant des critiques de la deuxieme categorie,'les specialistes' qui font une analyse plus approfondie du sartrisme. Quelques-una on a deja vue, d'autres on verra pour la premiere fois. Ils jugent, mettent en question, et parfois, rejettent l'existentialisme sartrien. Etudions, tout d'abord les observations du professeur Pritibhushan Chatterji qui met en question le rejet de l'Ego transcendental par Sartre. Il reconnait qne Sartre le fait pour sauver la phenomenologie du solipsisme et ne l'idealisme mais demontre la faussete de son raisonnement. D'apres Chatterji, le principe de l'intentionnalite sartrienne doit contenir implicitement un ~ubjet l'objet de l'intentionnalite. On ne peut pas avoir l'un des termes sans l'auGre. intentionnel aussi bien que Une conscience qui reflechit presuppose necessaire- ment un sujet reflechissant. Il ecri t: "L 'intentionnali te impli- que signification; signification, cependant, se refere non seulement a un objet mais aussi a un sujet. S'il faut depersonnaliser le champ de la conscience il faut le deobjectiver aussi. 112 1. Zachariah, M.: art. cit. , p .16. "If we wish to formulate our experience we are bound to use a method, a system of ideas or images i.e. a theory which begins to take away the richness and complexity of directly experiencing one's existence." 2. Chatterji, P.: art.cit., p.212. "Intentionality implies meaning : meaning, however, is not simply of some object but also for some subject. If the field of consciousness is to be depersonalised, it is to be de-objectified as well." - 104 - Ce Professeur indien ne comprend pas comment d'apres Sartre, la conscience reflechie peut donner naissance a l'Ego. Car, si l'lgo n'est pas necessaire au niveau prereflechi, pourquoi devient-il necessaire au niveau reflechi? Il se demande si l'Ego sartrien n'est rien d'autre que la reapparence de l'Ego prereflechi 1 et reproche a Sartre de n'avoir pas precise la difference entre l'Ego, comme objet non materiel et lea autres objets materiels qui se trouvent aussi dans le monde. 2 Pour Chatterji, Sartre se soucie trap de sauvegarder la translucidite de la conscience. La conscience d'apres Sartre, jouissant d'une autonomie, ne peut pas s'appuyer sur un sci qui la trapscende. A cela, le Dr. Chatterji repond que le soit ou l'Ego est identifie avec la conscience : "La crainte de Sartre que la mise du sci au milieu de la conscience ne detruise pas son caractere translucide, n'a aucune justification quelconque puisque le vrai a sci etant identique la conscience est nussi lumineux que cellc-ci 3 (la conscience)." Pour repondre au Professeur P. Chatterji, il faut se mettre au clair conscienc~ de sci. a propos du sens sartrien de }'expression: Le 'sci' n'est pas un 'res cogitan3'. "Aussi le terme 'sci' ne denote-t-il pas quelque entite mysterieuse (quelque chose comme le veritable 'sci' de Pierre, mais il denote uniqucment ce qu'on designe par l'exprcssion 'conscience posltlonnellc 1. Chatterji, P.: op.cit., p.212. 2. Ibid., p.213. 3. Ibid., p.213. "Sartre's apprehension that putting the self in ~midst of consciousness would destroy its translucent character has no justification whatsoever for the true self being identical with consciousness is as much luminous as the latter is." - 105 - de l'arbre." 1 La preposition 'de' n'etait qu'une contrainte gram- maticale et souvent Sartre mettai t le 'de' entre parentheses. Le Professeur Chatterji reproche a Sartre de n'avoir pas defini l'Ego pour qu'on puisse le distinguer des autres objets du monde. Mais, a vrai dire, Sartre n'a pas besoin de definir l'Ego puisqu'ille.rejette: L'originalite de sa contribution a la problematique de l'Ego ne doit pas etre cherchee dans lcs questions qu'il se pose, rnais dans ses reponses. Il est le seul philosophe de notre siecle a se servir d'une analyse transcendantale pour arriver ala conclusi0n de l'impersonnalite dans la conscience transcendantale et pour en ecarter definitivement l'Ego. 2 Pour Margaret Chatterjee, Sartre, en rejetant l'Ego . Transcendantal, va a l'encontre et des projets secondaires. de sa theorie du projet fondamental "Si le projet fondamental ne penetrait, d'une maniere ou d'autre, tous les projets posterieurs, Sartre semblerait etre incapable de trouver dans le concept du projet un substitut adequat a l'ego qu'il a rejete. 3 Car d'apres ce philosophe fran~ais, secondaires. le projet fondamental enveloppe tous les projets En principe, il doit accepter l'Ego pour expliquer son projet Iondamental. Le Dr. M. Alexander est un autre critique de la prise de ponition snrtrlenne sur 1 'EBo Transcendantal. D'apres elle, si Sartre veut retenir sa theorie de la phenomenologie de J 'uxJntenoo, Jl doit nccepLer J 'E1~o 'l'rannccnduntu.L de lluuoe1·l. 1. Fretz, Leo: Le Concept d'individuulite, Obligues/Sartre, 1978, p.226. 2. Ibid., p.224. 3. Chatterjee, Margaret: op.cit., p.53. "If the fundamental project does not somehow pervade all subsequent projects, Sartre would seem to be unable to find in the concept of project an adequate substitute for the ego which he has rejected." - 106 Voici le resume de son argumentation: La tcmporalite interir.ure de la conscience, comme centre d'unification, est essentielle pour retenir les structures de la signification humaine, et par co~sequent, on est oblige de retenir l'Ego Transcendantal. 1 Selon ce professeur, Sartre modifie le principe d'intentionnalite husserlienne pour echapper a un idealisme. "Ar. irreducible ~;;ubtantial ego discovered by consciousness in reflection on itself seemed to Sartre a typical symptom of idealist self-deception. 2 Le Dr. Alexander a raison. Si Sartre se base sur Husserl pour expliquer et soutenir sa these sur la temporalite interieure il sera oblige de.niear sa doctrine de la conscience impersonnelle. Sartre se refere ala 'conscienc~ interne du temps' de Husserl, mais l'appui qu'il cherche chez Husserl concernant ce sujet semble plutot attenuer sa these sur la transcendance de l'Ego .•• Puisqu'a ce niveau-ci (du pseudo-cogito) il n'est encore question d'aucune constitution du sujet, mais exclusivement d'un 'champ transcendantal' impersonnel, tandis que chez Husserl il n'est sans doute pas question d'un ~ transcendantal, mais bien d'un sujet ( 'subjekt'). 3 Le projet fondamental pour Sartre appartient a la cons- cience prereflechie tandis que lee projets secondaires au niveau reflechi - ce qui pourrait etre une reponse Margaret Chatterjee. a la difficulte de Le Dr. Alexander cite Sartre: "L'Ego n'est ni formellement ni materiellement dans la conscience, il es} dehors dans le monde •.• il n'est pas un principe vide d'unification. 114 1. .Alexander, Meena: "Inner Time and a Phenomenology of Existence", Indian Philosophical Quarterly, Vol.2, 1974, p.337. 2. Ibid., p.324. 3. Fretz, Leo: art.cit., p.225. 4. Sartre, J.-P.: La Transcendance de l'Ego, Librairie Philosophique, J. Vrin, Paris, 1965, p.13. - 107 Et encore : "Quand je cours apr~s un tramway, quand je regarde l'heure, quand je m'absorbe dans la contemplation d'un portrait, il n'y a pas de Je. Il y a conscience du tramway-devant-etrerejoint et conscience non-positionnelle de la conscience." 1 A cela, Meena Alexander retorque que Sartre, en avouant l'identification de l'objet, irnpliciternent accepte un centre de reference qui pourrait distinguer cette chose-ci de cette chose-la, le pre2 sent du passe; que si Sartre est de l'avis que "les objets • se presentent avec des valeurs, des qualites attractives et re3 pulsives •.. " il doit presupposer une conscience qui puisse interpreter ces valeurs, prendre des decisions, dire que telle valeur est attractive ou repulsive. meme de ch0i~ir rejette l'Ego. Cela presuppose un "Je". La liberte doit etre phenomenologiquernent intenable si l'on 4 Pour Sartre, "ce sont les objets qui constituent l'unite de mes consciences, qui se presentent" avec des valeurs" 5 6 parce que "moi, j'ai disparu, je me suis aneanti." Notre critique presuppose qu'on doit avoir un "Je" pour interpreter les valeurs, un "Je" qui d'apr~s Sartre n'existe pas ace niveau.· Pour Sartre, la conscience transcendantale est une spontaneite impersonnelle. Elle se determine a chaque 1. Snrtre, J.-P.: op.cit., p.32. 2. Alexander, Meena,· art.cit., p.326. 3. Sartre, J.-P.: La Transcendance de l'Ego, p.32. 4. Alexander, Meenn, art.cit., p.326. 5. Sartre, J.-P.: La Transcendance de l'E6o, p.32. 6. Ibid., p.32. instant, sans - 108 - qu'on puisse rien concevoir avant elle. r~vele de notre vie conscience nous une Ainsi, chaque instant cr~ation ex nihilo. Mais cette doctrine d'une existence ponctuelleet atomiste, dit Meena Alexander, ne peut aucunement expliquer la capacit~ de la cons- cience d'organiser le pass~ et projeter lea activit~s futures de l'Ego. 1 Elle se demande comment je peux savoir simon ego est dans le monde comme n'importe_quel autre objet et n'importe quel autre ego, comment peut-on savoir si tel ego est le mien, ou non. 2 Cette difficult~ revient au probleme de !'unification des consciences temporelles. Et nous avons d~ja expos~ tion se fait A partir de l'objet. Le savant critique affirme qu'ilY a d'autres contradictions chez Sartre. que lee concepts de 'intimit~', que lee Ego des autres hommes plus int .me. Celui-ci, dit-elle, affirme 'mien', 'Ego' ont le meme statut a cette difference que le mien est Mais, d'apres elle, cette intimite dont parle Sartre implicitement reconnatt l'existence de elle (cette que pour Sartre !'unifica- intimit~) pr~suppose la l'int~riorit~ libert~ du temps car d'attribuer une certaine valeur aux choix bases sur la realite, et cela a son tour presuppose la presence de l'Ego pour interpreter la realite et identifier les interpretations. 3 L'auteur trouve aussi intenable la prise de position sartrienne qui attribue a un acte ethique de la conscience, par exemple mon effort de secourir Pierre, le meme statut impersonnel qu'A la couleur de l'encrier devant moi. 4 "The comple~ities 1. 2. Meena, art.cit., p.327. p.-327. Alexand~r, ~., 3. Ibid. , P • 327 • 0 ~.c;t. 4. Sartre, J.-P.: Transcendance de l'Ego,Lp.39. - 109 of the interpretative act are blurred over and the value I accord the situation of the other is viewed as if it were the same sort 1 of thing as of the sound of his voice. " Pou·r Alexander, Sartre a du etre conscient de ces problemes mais son enthousiasme pour montrer !'equivalence de la.subjectivite et des objets spatiaux l'q fait meconnaitre le principe subjectif qui interprete les actes de la conscience a savoir la temporalite interieure et psychique. 2 Mecna Alexander va plus loin en disant que mime l'intentionnalite sartrienne, la base de sa phenomenologie existentialiste, va ~tre cise e• doute. 3 Le savant critique croit que meme l'Ego de Husserl, pousse a l'extrime logique de la theorie de 1 'epoche, ne peut rester isole dans la conscience. elle, "ce sont les perspectives e~terieures connaissance de la.conscienoe absolue." tion de Sartre a Husser! 4 "Car 11 , di t- qui determinent la C'est pourquoi l'opposi- n'est pas valable puisque meme l'epoche Husserlien est incomplet et insuffisant et doit logiquemcnt exiger et aboutir completent. a la realite spatio~temporelle. Sartre et Husserl se Sartre a besoin d'Ego et du temps psychique pour pro- teger sa realite existentielle de meme que Husserl a besoin de Sartre pour que sa conscience absolue et son Ego transcendantal puissent posseder sea noemata. 5 Elle estime que le corps humain 1. Alexander, Meena, art.cit., p.328. 2. Ibid. , p.329. 3. Ibid. 4. Ibid. , p.333. 5. Ibid. , p.333. - 110 en tant qu'un vecu peut fournir une reconCiliation entre Husserl et Sartre. "The ambiguous existence of the lived body stems from its nature both as a subject possessed o! the intentionality of inner time and as object occupying a place in the extension of the spatial world~ 111 fois n'arrive pas Meena Alexander a raison de dire que Sartre par- a sortir des contradictions que le systeme ela- bore par lui essaie d'eviter. Toute l'oeuvre .sartrienne aboutit ala liberte absolue de l'homme. Qu'en pense la critique indienne? Le Professeur Chakma reproche a Sartre de prouver l'exis- tence de la liberte absolue de l'homrne par les concepts de destruc.tion, de jugement et d'interrogation. ~1 accepte avec Sartre qu' avec la destruction, un non-etre, ce qui n'etait pas avant, est n~, mais dire que l'homme en est le cause est absurde, puisque etre temoin d'une transformation geologique et en etre le createur n'est pas la meme chose: "Dire que nous produisons de la destruction dans la nature (seulement en etant des temoins) est l'equivalent de dire que nous entretenons la chaleur du soleil ou la temperature du jour." 2 Archana Ray ne peut pas accepter la soi-disant liberte absolue proposee par Sartre, puisque ce dernier se contredit en affirmant que l'homme en tant que conscient de son existence 1. Alexander, Meena, art.cit., p.327. 2. Chakma, N.K.s "Man as Nothingness : An Existentialist View", · Indian Philoso hical uarterl , Vol.VIII, No.2, Jan.(1981), p. 70. To say that we bring forth destruction in nature (just by being a witness) is equivalent to saying that we maintain the heat of the sun or the temperature of the day." - 111 solitaire, se degage 1 sa liberte absolue. D'apr~s compl~tement de son environnement pour realiser elle, Sartre se contredit dans l'enonciation de sa theorie de la liberte humaine. D'une part, cette liberte est absolue et ne veut pas etre · ·. determinee, d 'autre part, elle est conditionnee par des situations, par exemple, par la decision du general d'envoyer ses soldats ala mort, exemple tite(· par lui dans l'Existentialisme est un humanisme: "The more intimate his relationship with his men, the greater the poignancy of the decision he makes." 2 Beaucoup de critiques se trompent dans leur interpretation de la liberte absolue de l'homme selon Sartre. Par liberte absolue Sartre ne veut dire que l'homme est libre a faire quoique ce soit. "Absolue" doit ~tre toute con+.rainte compris dans son sens etymologique - libere de ext~rieure predeterminee. Ray, -elle-m~me cite Sartre: Si, en effet, l'existence precede l'essence, on ne pourra jamais expliquer par une reference a une nature humaine donnee et figee; autrement dit, il n'y a pas de determinisme, l'homme est libre, l'homme est liberte •.. nous sommes seuls, sans excuses. C'est ce que j'exprimerai en disant que l'homme est condamne a etre libre. Condamne, parce qu'il ne s'est pas cree lui-meme, ..• cependant libre ••• parce qu'il est responsable de tout ce qu'il fait. 3 C'est pourquoi la liberte absolue est compatible avec la responsabilite. Marozzi demontre que la liberte absolue sartrienne est 1. Ray, Archana:"Sartre's Existence before Essence", Darshana Internat:lonnl, Vol. VIII, July 1968, No.3, p.4. 2. ill£_., p.6. 3. Sartre, J.-P.: L'Existentialisme est un humanisme, pp.36-37. - 112 - impossible ·puisque 1 'homme et son corps sent assujettis aux limitations et contraintes de l'espace et du temps. Autrement dit, pour ce critique, une liberte absolue ne peut exister que si l'on accepte et presuppose et l'existence de Dieu et l'immortalite de l'ame. "How can man be free, or there be freedom unless he is in- finite and not subject to change and the limitations of space-time." 1 Les rapports pour-sci en-sci Apr~s avoir considere quelques observations faites par la critique indienne sur la liberte absolue sartrienne, passons ala critique faite sur les rapports du pour-sci et de l'en-soi. D'apr~s Margaret Chatterjee, Sartre en pas accorder une priorite ni a l'en-soi consciemment une priorite a l'en-soi. s'effor~ant de ne ni au pour-sci, accorde inSartre, comme nous le savons, dit-elle, a voulu elaborer un systeme qui eviterait les pi~ges et de 1 'idealisme. et du realisme; aussi, veut -il construire un pont entre les deux. .en "Il depasse la bifurcation cartesienne de la nature et esprit ou la bifurcation kantienne en phenomenal et mati~r,· noumenal." 2 Et pourtant, en disant que le monde est le terrain indifferencie de complexes d'instrumentalite, Sartre semble accorder une priorite a l'etre-en-soi. 3 Et puis, meme le role neantisant du pour-sci, d'apr~e Margaret Chatterjoo, pr6ouppooo oa d6pendnncc 1. Marozzi, E.R.: art.cit., p.139. 2. Chatterjee, Margnrets opu~.cit., p.55. "IIo goco ono better than the Cartesian bifurcation of nature into matter and mind or the Kantian bifurcation into phenomenal and noumenal." 3. Idem., p.56. - 113 - envers l'en-soi, car on nc peut neantiser ou reduire au neant que ce qui est deja donne. 1 Ne peut-on retorquer en disant que po'ur etre neantise) l'en-soi presuppose l'existence d'un pour-soi. Car toute l'onto- logie de Sartre reste phenomenologique - c'est-a-dire pour apparattre le phenomene presuppose un etre a qui il peut apparaitre. de logique peut etre un piege. sience hUmaine est d'~tre Trop En cffet la structure de la cons- intentionnelle vers un objet qui est donne simultanement. · Le Professeur Chakma dans une etude deja mentionnee, rejette le raisonnemcnt de Sartre selon lequel est a l'origine 4u neant (non-~tre). un jugement negatif D'apres Chakma, de meme que la destruction ou un tremblement de terre n'est pas produit par son temoin, de mSme en faisant un jugement negatif par exemple Pierre n'est pas dans le cafe, cette absence de Pierre n'est pas creee par moi. "I don't create his absence." 2 C'est une chose, d'apres Chakma, de sentir le neant et son existence~ et tout autre chose de dire que le neant (le non-~tre) est produit par moi. 3 Est-ce qu'on se heurte a des difficultes a cause du fait -e..n qu'on a pris le neant pour une substance, quelque .choseLdehors de l'homrne. Le neant sartrien, pourtant, ~ait partie integrante de la conscience hurnaine. possible d"l dire .!!Q.!!, "La condition necessaire pour qu'il soit c'est que lc non-etre soit unc presence 1. Chatterjee, Margaret: opus.cit., p.56: 2. Chakma, N.K.: art.cit., p.271. 3. Idem. , p. 271. - 114 perp~tuelle, en nous et en dehors de nous, c'est que le n~ant hante 1'1tre." 1 D'apr~s Sartre une -destruction n'est po~sible qu•A caus~ de l'homme. "L'homme est le seul destruction peut @tre accomplie. ~tre Un plissement par qui une g~ologique, un orage ne detruisent pas directement, ils modifient simplement la A des masses d'etre •.•' Pour avoir la destruction 11 faut que l'homme saisisse un ~tre comme destructible." 2 r~partition ... Beaucoup de critiques indiens s'expriment sur le principe fondamental de l'existentialisme de Sartre et des autres existen- a savoir, tialistes, !'existence precede !'essence. Quelques-uns l'ont meme attaque severement. Considerons, tout d'abord, !'analyse faite par Archana Ray dans 1-lqtJ,elle elle apporte plusieurs argumentations pour demontrer la faussete de ce principe de Sartre. D'apres elle, insister sur !'importance du sujet en train d'exister ne pcut pas revenir a dire que !'existence du sujet precede son essence. 3 D'apres Sartre, en creant mon essence, c'est-a-dire en me faisant, j'accorde une signification au monde qui autrement resterait absurde. Mais Archana Ray repond que le monde n'est pas absurde par rapport a moi seul. Il y a d'autres personnes de qui le monde peut recevoir · C'est pourquoi, d'apres elle, on n'est pas, A vrai dire, createur des essences du monde. 4 Et elle ajoute ce une signific~tion. 0 .c:.; . 1. Sartre, J.-P.: L'Etre et le Neant,L .46. 2. Ibid • , p. 42. 3. Ray, Archana: art.cit., p.2. 4. ~. p.4. - 115 raisonnement de Sartre lui-meme qui affirme que son existentialisme est un humanisme du fait de l'existence simultanee d'autres existences et essences. Voila pourquoi Archana Ray arrive a la con- clusion que chaque individu n'est que la realisation graduelle d'une essence universelle preexistante. 1 Autrement dit pour ce critique, il eat impossible de vivre une existence depouillee de toute essence. On ne peut pas avoir un etre absolu : "Existence and essence are never separate, never aloof to the extent of my saying: 'Yes I exist and exist an essenceless existence'. n 2 Je me demande si Archana Ray ne confond pas existence ontologique avec existence chronologique. Car pour Sartre, l'exis- tence en tant. qu'ontologique est prioritaire. D'ailleurs pour Archana Ray, il n'est pas possible d'accepter que la soi-disant liberte absolue, dont Sartre parle et par laquelle l'homme se fait suite se fait. prouv~ que l'homme existe d'abord , et en- Et ce refus est du au fait que meme cette liberte absolue est conditionnee par des situations qui donnent naissance a des qui choix ·par lesquels l'hornrne se fait. Autrement dit, ces choix, l'essence, ne peuvent preceder, mais coexistent simultanement avec l'essence. 3 condition~ent Archana Ray se sert du principe fondamental du projet de l'etre pour dire et prouver qu'un projet ne peut pus avoir lieu sans essence car l'existence pure ne peut etre projetee. 4 Elle 1. Ray, Archana: art.cit., p.8. 2. Idem., p'. 4. 3. Idem., p. 4. 4. Idem. , p.7. - 116 estime que !'alienation sartrienne en tant que trait essentiel tout @tre humain, est universelle (propre a chaque a etre humain) et par consequent, fait partie de l'essence de·,l'homme d'abord, et ensuite de son existence. 1 Cependant, il faut ajouter que si pour Sartre alienation est un tra1t universel, cette alienation va differer d 'une situation salit~ a 1 'autre. "On peut dire qu 'il y a une uni ver- de l'homme; mais elle n'est pas donnee, elle est perpetuel- lement construite. l'univer~~l realisant un t~pe Je construis chaque homme se realise en M. Arindam Chakravarty refute priorite de !'existence sur l'f'essence. recours ace principe pour corriger l'essence precede l'existence. est due a la Je en me choisissant ••• d'humanite." 2 principe sartrien de la Il croit que Sartre a eu 1 l'a~tre extreme qui dit que Malheureusement cette conception mauvaise interpretation du cogito (Essence) ergo sum (Existence) de Descartes. Pour l'auteur, l'existence et l'essence sont donnees simultanement: "I think" and "I exist" are inextricably interwoven. They are two simultaneous certainties." Quelles sont les raisons ou plutot les preuves donnees par M. Chakravarty pour refuter Sartre? tence? Qu'est-ce que c'est cette priorite de l'exis- Est-elle meme possible? L'auteur est de l'avis que cette priorite peut etre soit temporelle soit epistemologique soit logique ou metaphysique. 3 Chronologiquement il n'eot pan possible pour un etre d'exister sans prendre la forme de telle ou telle existence: 1. Ray, Archanas art.cit., p.8. op· cit. 2. Sartre, J.-P.: Existentialisme est un humanisme,Lpp.70-71. 3. Chakravarty, Arindam:"Impossibility of Existentialiom", Indian Philosophical Quarterly, Vol.IV(1), Oct. 1976, p.26. - 11? - "Il est inconcevable qu'une chose puisse exister sans essence pour L une fraction microscopique d'11n second." 1 Sartre se contredit en proposant la priorite de !'existence sur l'essence car sans essence, le pour-soi sera identifie avec l'en-soi ce qui est impossible m@me pour Sartre. 2 NiJepistomologiquemen~ l'existence a l'essence. peut-elle @tre prioritaire Car la connaissance du 3 soi presuppose que celui-ci poss~de une essence a connaitre. Cette priorite ne peut pas etre d'ailleurs logique. Car, d'apr~s Chakravarty, dans des phrases comme 'Socrate est juste' la qualite d'@tre juste ne suit pas celle d'exister; le sujet et ses attributs sent donnes simultanement. o-1tologique? etre prec~de 4 Mais est-ce que cette priorite est Chakravarty est de l'opinion que si l'existence d'un son essence, cela va a l'encontre de la phenomenologie sartrienne car d'apr~s Sartre, le noumenon n'est pas different de son phenomenon. Ce refus du dualisme du noumenon et du phenomenon de l'etre est fondamental a l'existentialisme sartrien. 5 Et finale- ment: Son attitude pessimiste, sa tendance athee, son obsession vis-a-vis de la personne, son individualisme egocentrique, et surtout sa revolte sans harmonie centre la pensee et la rationalite- les deux tresors de l'humanite- voila des objections standardes illogiques centre lui (le sartrisme). 6 1 •. Chakravarty, Arindam: art. cit., p. 27. "It is inconceivable that a thing can exist without an essence even for a microscopic fraction of a second." 2.~.,p.28.( 3. Idem., p.28. 4. ~·, p.28. 5. Idem., p.29. 6. Idem., p.30. "Its pessimistic attitude, its atheistic trend, its personalistic obsession, its demoralising metaphysics, its selfcentred individualism and above all its deharmonising revolt against thought and rationality - the two treasures of mankind all these are standard non-logical objections to it." - 118 - M. Chakravarty presuppose sans preuve que le rationalisme seul rend a l'homme sa vraie dignite perdue. Inversement, pourtant, on se rend compte que trop de rationalisme peut deshumaniser l'homme et le reduire a un esprit sans chair et os. Le but de la philosophie, d'apres M. Chakravarty, est la reflexion seule et non l'action. "It (existentialism) is des- cribed sometimes as together with Marxism an 'activist philosophy'. But this last seems to be a self-contradictory concept. The heart of philosophy is reflection." 1 Ne peut-on pas mettre en question cette affirmation du critique? corps. Toute philosophie a pour but un projet d'action. ne fait pas exception. theAtre. Car l'homme est esprit, coeur et Sartre Cela est bien evident dans ses pieces de En effet, ce grand existentialiste est, peut-etre, le seul a elaborer un systeme philosophique de pensee qui est, en meme temps, une philosophie d'action. Chakravarty lui-meme reconnait la valeur de l'existentialisme: "··· the present writer had found Existentialism painfully true as an emotional position .•. " 2 L'atheisme sartrien La philosophie de Sartre a pour point de depart l'existence concrete de l'homme sans reference c.omme. a une Il n'a pasL origine une essence int~rieurc Meme Dieu, s'il existe, n'a rien a cxt~ricure a lui. faire avec l'homme qui jouit, naturellement, d'une autonomie absolue. 1. Chakravarty, Arindam: art.cit., p.30. 2. Ibid., p.24. ou essence precedente. Cette prise de position - 119 - de Sartre a provoque des prononcements sur son atheisme. bien evident que l'existentialisme sartrien est athee. Sanjiwan Prasad : "L'atheisme de Sartre d'une mani~re Il est Comme dit est un rejet de la religion •.• Il porte un coup ala r,acine meme de la religion." 1 Mais tout en acceptant l'atheisme de Sartre, le Dr. Prasad lit entre lee lignes de cet atheisme des traces d'un theisme. pour prouver sa utilis~ th~se, Et il se sert des meme principes que Sartre pour rejeter le theisme. Sartre, dit-il, rejette la reli- gion pour trois raisons principales : i) La religion en tant que concept et essence.universelle empeche l'homme de realiser son unicite. ii) La relieion est une contrainte de la liberte humaine. La religion se dissocie de la vie de l'homme. 2 iii) Repondant a la premi~re objection, le Dr. Prasad dit que le veri- table esprit religieux tient en haute estime l'unicite et les emotions .de chaque homme. Deuxi~mement, l'homme, d'apr~s Prasad, garde toujours sa liberte, car il peut toujours choisir de fonder sa propre religion. parvenons a une Croire meme en Dieu est un choix. "Nous conclusion interessante que dans l'existentialisme athee il y a de laplace pour la vraie religiQn. 113 Et encore "en depit meme de l'atheisme de l'existentialisme athee, la religion 4 persiste." Prasad, Sanjiwan : "Religion and Atheistic Existentialism", Indian Philosophical Quarterly, 4(4), July 1977, p.62S. 11 Sartre 1 s atheism is in a way a rejection of religion ... it strikes in its own way at the very root of religion." 2. Ibid. p.126 1. 3. Ibid. \ 1 "VIe come to an interesting conclusion that in Atheistic 26 ~xistentialism t~~re is scope f~r true re~igion." 4 • Ibid. ~ ---~hus even ~n.sp~~e of the Athe~sm of Ahe~stic Exislalism rel~g~on comes to say." - 120 Renfor~ant l'observation faite par Prasad a propos de la subjectivite de l'homme, S.K. Singh estime que la religion ne neglige pas l'experience concr~te et v~cue de l'homme : "La religion ' ressort de la vie et n'est pas derivee d'elle puisqu'elle n'existe pas dans des p.roposi tions doctrinaires mais en 1 'hornme. 111 Pour l'auteur, la raison d'etre de la religion est son application ala vie des individus et doit etre individualisee et existentielle. M. Singh fait une observation fort int~ressante de Paul Tillich pour qui l'existentialisme a pris naissance la ou la tradition religieuse a ete battue en breche, mais qu'il n'a pas pu, par contre, s'enraciner la ou elle etait vivante : "L'Angleterre est le seul pays ou le probleme existentiel de chercher un nouveau sens de la vie n'avait aucune importance •.• parce que •.• la tradition religieuse ••• s'est opposee aux question radicales sur le sens . de 'l'existence' humaine." 2 L'existentialisme et la religion mettent en relief l'importance de l'individu pris dans sa totalit~ y compris son intel- lect, see emotions, bref tout aspect de sa vie. La religion se donne pour mission de regler la conduite de l'homme en tant qu'individu dans see rapports avec Dieu. L'existentialisme aussi bien que la religion accordent une importance primordiale a l'individu. Si, d'apres l'auteur, l'existentialisme incite l'homme a poser des' questions sur la vie, la foi religieuse y trouve les reponses, et· 1. Singh, S.K.: "Existentialism and its convergence with Religion", Darshana International, Vol.XXIII, April 1983, No.2, p.80. "Religion comes out of life and cannot be derived from it since• it exists not in doctrinal propositions (essences) but in man."\ 2. Ibid. , p. 81. "England is the only country in which the existential problem of finding a new meaning of life had no significance ••• because ••• religious tradition ... p~evented radical questions about the meaning of human 'existen~e'." - 121 ainsi, l'existentialisme et la religion jouent des roles complementaires.1 Pour le Professeur Sinari, l'existen~ialisme a cohtribue a restaurer des rapports entre la pensee et la foi. 2 D'apres lui, tous les existentialistes, theistes ou athees, affirment que la foi est un refuge : "Aucun d'existentialistes, anciens ou nouveaux, theistes ou athees, reniera::. que l'homme, grace ala foi, survit ala lutte contre les problemes de la vie, et que quand il se desespere, c'est cette foi-la tournee vera l'absolu, qui eveille en -lui le sentiment que toute son existence est en crise." 3 Voila des critiques qui voient meme dans l'atheisme de Sartre quelque chose de positif, des traces et des reflets d'un theisme. A ce propos, il est interessant de lire un livre de Marius Perrin, pretre Jesuite, compagnon d'autrefois de Sartre dans un camp de guerre nazi • . Dans ce livre Avec Sartre au Stalag 12D, Perrin parle de l'aspect humain et fraterne~ de Bariona pi~ce de theAtre sur la nativite de Christ, que Sartre avait redige et monte, a l'occasion de a~lemand. Sartre 1. Singh, ~.K.: No~l 1940, dans un camp de prisonniers de guerre lui-m~me a propos de cette piece s'exprime ainsi: art.cit., pp.83-84. 2. Sinari, R.A.s Reason in Existentialism 7 p.203. 3. Ibid., p.203. "There are no existentialists, old or new, theistic or atheistic, who would deny that it is by means of faith that man survives the struggle against the problems of life, and that, when he despairs, it is that faith turned towards the absolute that awakens in him the sense that his entire existence is in crisis." - 122 Si j'ai pris mon sujet dans la mythologie du christianisme, ce ne signifie pas que la direction de ma pensee ait change, fut-ce un moment, pendant la captivite. Il s'agissait simplement, d'accord avec les pretres prisonniers, de trouver un sujet qui put realiser, ce soir de No~l, l'union la plus large des chretiens et des incroyants. 1 C'est cet aspect humain, cette fraternite, cet espoir qui transparaissaient dans les propos tenus par le personnage de Balthazar (role joue par Sartre, lui-mem~auquel fait reference Perrin. "Lorsque Dieu a fa~onne l'espoir et le souci." la nature de l'homme il a fondu ensemble 2 Malheureusement, nous avons trop tendance hommes d'apr~s a classer des leurs croyances religieuses ou iaeologiques ce qui engendre des 3uperiorites, le mepris, et la haine. Nous avons plutot besoin d'un vrai humanisme qui cherche l'homme derriere l'apparence religieuse ou ideologique. Marius Perrin ecrit Les rares amis qui savaient que je connaissais Sartre ne manquaient pas de m'interroger sur sa philosophie. Comment conciliais-je son atheisme avec rna croyance? A quoi je repondais toujours •.. C'est l'homme Sartre qui avait voue sa vie ala quete impossible d'une authentique liberte. 3 C'est peut-etre cet Espoir, ne avec l'homme, auquel font reference lea critiques indiens en s'effor~ant de reconcilier l'atheisme de Sartre et le theisme des croyants. 1. Sartre, J.-P.z Extrait d'une lettre adressee le 31 octobre 1962 A Yves Frontier cite en Sartre, un theatre de Situations, textes rassernbles par Michel Contat et Michel Rybalka, idees, Gallimard, Paris, 1973. 2. Sartre, J.P.: Bariona cite en Avec Sartre nu Stnlnc 12D par Perrin, Marius, Opera Mundi 1980, Jean-Pierre Delarge, Paris,p.167. 3. Perrin, Marius: op.cit., p.166. - 123 Matthew Zachariah aussi sympathise avec Sartre et Camus en observant que l'exclusion de Dieu de leurs systemes de pensee 1 est logiquement en harmonie avec leur principa qe base : l'existence pr~cede l'essence. D'apres Zachariah, les existentialistes sont a l'existence de Dieu, car toujours a fairc face a l'angoisse indifferents aura meme s'il existe, l'homme eta l'alienation et aura besoin de faire des choix afin decreer son essence. 1 Deux critiques peu favorables sont Marozzi et Radhakrishnan. a l'atheisme de Sartre Pour Marozzi, les existentialistes apres avoir rejete Dieu, ne meritent que de se retrouver avec une ame vide et un avenir de desespoir. 2 Radhakrishnan a une attitude moine neJative en estimant que, meme dans le desert du neant, l'homme cherche la lumierre, et que Dieu n'a pas besoin de nos idees pour exister et controler l'univers. 3 Marozzi reproche a Sartre un manque de logique dans son raisonnement qui en principe devra aboutir a l'existence de Dieu: L'existence de soi est etablie par la decouverte du fait 'Je pense, alors je suis'. Et puis celui qui existe trouve qu'il y a certaines idees que lui-meme n'y a pas mises ••• surtout les idees d'infinite et de l'etre fini et imparfait pourrait avancer des idees d'infinite et de perfection. 4 1. Zachariah, Matthew: art.cit., p.15. 2. Marozz~, E.R.: art.cit., p.139. 3. Radhakrishnan, S.: The Brahma Sutra, pp.146 and 167 cites dans l'article de Marozzi, p.139. 4. Marozzi, :G.R.: art.cit., p.139. "One's own existence is established by the discovery of the fact 'I think', therefore, 'I am'. And then he who exists finds that there are certain ideas not at all put there by his own will ••• especially of the ideas of infinity and perfect being, for how could a finite and imperfect being came forth with ideas of infinitude and perfection." - 124 Lea valeurs sartriennes Abordons maintenant la question des valeurs sartriennes. Que comprend Sartre par valeur? Y avait-il une evolution dans sa conception des valeurs humaines? Qu'en dit la critique indienne? Il est clair que le Sartre de l'Etre et le Neant n'est pas le Sartre de l'Existentialisme est un humanisme ou de La critique. a Sa theorie de la liberte, qui est etroitement liee celle des valeurs a evolue. Elle est absolue dans l'Etre et le Neant, n'ayant aucune determination de l'exterieur. Sartre, pour- tant, essaie de concilier cette liberte absolue aux exigences de la societe dans l'Existentialisme est un humanisme et a l'histoireJ dans la Critique de la Raison Dialectigue. C'est pourquoi Marius Perrin dit : "Son passage de l'ontologie, avec l'Etre et le Neant au plan de l'histoire avec la Critique de la raison dialectigue m'apparaissait comme une adaptation de la liberte (de droit) monde contingent ou celle-ci n'est pas donnee. 1 a un Dans l'Etre et le Neant, Sartre categoriquement affirme que tout choix ne peut etre humain puisqu'il provient de moi : ••• Ainsi il n'y a pas d'accidents dans une vie .•• si je suis mobilise dans une guerre, cette guerre est~ guerre, elle est a mon image et je la merite ••• faute de m'y etre soustrait, je l'ai choisie ••• chaque personne est un absolu jouissant d'une date abeolue et parfRitemcnt impenonblo a uno uutro date. 2 D'apr~s le Professeur Srinivasan le choix absolu ris- querait de mener la societe humaine au chaos. 1. Perrin, Marius : op.cit., p.166. 2. Sartre, J.-P.: ~·Etre o;.,;c. et le Neant,[!p.613-614. - 125 La valeur n'aura aucune validite d~elle-meme .•• Je serai, en fait, en train de la 'creer'. N'importe quoi devient une valeur du fait que je l'ai choisie La foi dans la subjectivite, poussee a son terme logique aboutit a une forme grossiere d'hedonisme et toute veritable distinction entre la moralite et l'immoralite disparait. 1 . .. Sartre est au courant de ce dilemme, c'est pourquoi en essayant de se defendre contre cette moralite completement subjective, il en est arrivee a une prise de position plus humaine dans l'Existentialisme est un humanisme. Dans cet essai il montre que chaque individu, A travers ses choix et decisions, doit aussi pcnaer nux droits des autres. Sartre ecrit : Quand nous disons que l'homme se choisit, nous entendons que chacun d'entre nous se choisit, mais par la nous voulons dire aussi qu'en se choisissant il choisit tousles hommes •.. on doit toujours se demander : qu'arriverait-il si tout le monde en faisant autant? 2 Sartre se trouve dans l'impasse. Il veut garder le droit absolu du choix absolu, independant de toute conscience universelle liee aux autres. Et en meme temps, conscient des difficultes concretes, il a recours ala responsabilite de l'individu envers la collectivite. Ainsi, si en prenant une decision, l'on ne pense pos aux autres, on tombe dans la mauvRise foi. Srinivasan a raison de 1. di~e C'est pourquoi le Professeur que Sartre involontairement a recours Srinivasan, G.:"Choice and Value", Aryan Path, March 1968, p.121. "Value will have no objective validity of its own .•• I will be in fact 'creating' it. Anything becomes a value because I chose it •.• Thus belief in subjectivity pushed tb its logical end, results in a gross form of hedonism a~d any real distinction between morality and immorality disappears in this view." op-e it. 2. Sartre, J.-P.: L'Existentialismc est un humanisme,Lp.25. - 126 ala conscience en vue d'elaborer'une theorie de choix plus valable: La conscience devient la pierre de touche de la vie morale dans la philosophie athee de Sart~e et l'homme e~t, en fin de compte, responsable devant sa propre consciP~ce. La conscience est le plus intime guide moral de l'homme, celle qui dirige son acte de choix subjectif vera des valcurs un1versellement applicables et le met en garde contre d'autree. 1 Aprea la mort de Sartre beaucoup de critiques occidentaux ont considere Sartre comme un moraliste • ••• Sartre a donne le sentiment de redecouvrir (dans ses dernieres declarations) enfin des valeurs fondamentales, a savoir que la liberte n'est pas la liberte folle mais qu'elle a une finalite •.. en d'autres termes ... Sartre ala fin de son parcours intellectuel etonnant, s'est affirme comme un authentique moraliste. 2 Maie ne risque-t-on pas de voir Sartre tomber dans le piege des valeurs universelles (essences) qu'il a deja rejetees? Le Profes- seur Srinivasan se demande pourquoi on doit choisir parmi des va~eurs universelles si toutes les valeurs seront aneanties par la mort? 3 Comment resoudre ce dilemme de Sartre? Le Professeur · Srini vsan cherche la re·ponse dans la philo sophie indienne. DI apres celle-ci l'essence universelle ou la divinite est a l'interieur de l'homme. Nous faisons des choix independamment de criteres ex- terieurs - ainsi est preservee la subjectivite du choix. Mais en 1. Srinivasan, G.: Choice and Value, p.123. "Conscience is made the touchstone of moral life in Sartre's atheistic philosophy and man is answerable to his own conscience ultimately. Conscience is the most intimate moral guide of man, which directs his subjective act of choice towards universally applicable values and cautions him against others." 2. Poupard, Paul (Msgr): Liberation, mai 1980, p.50. 3. Srinivasan , G. : ·~ch~ke. Ql16/. Va_l~.~e: ''o-,..f. c. it. p. 12 3. - 127 meme temps on se reserve le droit de choisir du fait qu'on est en train de realiser en soi-meme l'essence divine, qui est la liberte absolue : a la sont integrees "Ainsi les valeurs subjecti·ves et uni verselles liberte spirituelle subjective et interieure, la realisation de laquelle devient)en tant que valeur, eon but supr~me." 1 Il faut dire que cette solution ne conviendra i Sartre puisque ce philosophe n'accepte pas une arne immortelle comme creee par Dieu. Pour Margaret Chatterjee, l'impasse dans laquelle se trouve Sartre est bien plus comprehensible si l'on considere la question de choix et de valeur d'un point de vue esthetique plutot que de celui d'une moralite esthetique. tenir L'essentiel n'est pas de com~te d'un choix, d'un acte pris isolement mais en tant qu'il fait partie d'une totalite. 2 En plus, elle considere logique- ment et ontologiquement intenable la these sartrienne d'apres laquelle l'homme en choisissant pour soi doit aussi choisir pour des autres. 3 Zachariah est de l'avis que Sartre a voulu lier la question du choix a celui de l'engagement. Par l'engagement de soi 4 l'homme tend vera les autres. Arc han a Ray refuse d'accepter la proposition sartrienne d'apres laquelle l'homme cree ses vnleuro. O't .C• . Elle donne unc nouvelle 1. Srinivasan, G.: Choice and Value,Lp.123. "The subjective and universal values thus come to be 1ntegrated with the individual's inner subjective spiritual freedom, the realization of which is his supreme goal as value." o;.cit. 2. Chatterjee, Margaret : The Existential Outlook~p.55. 3. Ibid., p.61. 4. Zachariah, Matthew: art.cit., p.15. - 128 - explication au terme 'neant' qui commence vidu a partir ment. pour un indi- dans du moment ou il ne voit aucun sens Lson environne- Celui-ci contient deja des essences que ·,1 'homme manipule et modifie pour faire son choix. Cette modification et transfor- mation est creation ex nihilo (du neant). il ne a exister Et l'homme meme quand per~oit aucun sens dans l'environnement sait qu'il y existe des possibilites pour lui - et ainsi peut-il avoir de l'espoir. 1 J.e Neant eartrien N.K. Chakma a consacre tout un article au 'neant' sartrien. D'apr~s lui, trop de critiques, et en particulier le Professeur Ayer l'ont compris dans un sene populaire : "La critique de Ayer s'appuie sur le sens commun et ordinaire du mot 'neant' (nothing), tandis que pour Sartre, 'neant' ou rien a un sens plus profond." 2 Dans le sens ordinaire si rien ne separe deux choses, cela veut dire que ces deux choses sont identiques et non separees, mais pour Sartre : "la conscience est vraiment separee de l'etre et c'est la conscience qui la distingue de l'etre, et c'est ce neant qui est 3 l'etre-meme de la conscience." C'est l'etre-en-soi qui est indivisible, et identique a soi et qui coincide parfaitement avec soi. La conscience est une presence n'est pas. a soi et ainsi elle est ce qu'elle Ce que dit Chakma est nussi nffirme par Richard : 1. Ray, Archana: art.cit., p.7. • 2. Chakma, N.K.: art.cit., p.264. "Ayer's criticism is based on the common, ordinary meaning of 'nothing', while for Sartre, 'nothing' or nothingness has a deeper meaning." 3. Ibid., p.264. "Consciousness is certainly separated from being and it is nothigness that distinguishes it from being. It is this nothingness which is ... the very being of consciousness." - 129 - "Le n~ant sartrien a connu des qu'erron~es. N~ant n'~quivaut interpr~tations pas a rien ce qui permet une negativite creatrice. est la possibilite de dire ..!!2.!!·" ou aussi fantaisistes a vide, il est plutot Le pouvoir de neantiser 1 Chakma comprend les sens sartriens du neant, mais il doute que le lecteur ordinaire ne le comprenne pas. quai il reproche tion diff~rente a Sartre Et c'est pour- d'avoir donne au 'neant' une significa- de celle des aut.res existentialistes. C'est pour- quai "on pourrait accuser Sartre d'avoir egare ses lecteurs. Cela devient d'autant plus dangereux du fait que les autres penseurs existentialistes utilisent le terme dans un sens ordinaire." 2 Et il donne l'exemple de Kierkegaard qui decrit l'~tat d'Adam avant la chute comme celui "···de paix et de repos ... pas de dissension et de contestation .•• (ce qui signifie) pour Kierkegaard le "neant". Neant dans ce sens signifie simplement •.. rien pour lequel on a lutter ou avec quoi on a a s'occuper." 3 a Et il conclut ainsi : "··· Sartre aurait pu expl1quer la nature de la conscience ou la libre situation facheuse de l'homme dans le monde ..• par d'autres moyens et non necessairement par le concept du neant." 4 1. Richard, Michel: op.cit., p.90. 2. Chakma, N.K.: art.cit., p.272. " ... Sartre may be guilty of misleading his readers. This becomes dnngcroun pnrticulnrly where other existentialist thinkers use the same term in the ordinary sense •.. " .. 3. Ibid., p.272. " ... There is peace and repose ... not dissension nor strife - it is whnt Kicrkegnurd callu 'notltlnG'. 'Nothing' here .•. simply means ... nothing to strive for or to be concerned with. " 4. Ibid., p.272. "··· Sartre could have explained the nature of consciousness or man's free predicament in the world ... in many other ways but not necessarily through the notion of nothingness." - 130 que a Est-ceLce critique entend dire que Kierkegaard a droit mais se servir du terme 'neant' a ses fins L non pas Sartre? D'une part, il defend le 'neant' sartrien centre des critiques comme le Professeur Ayer o~ il affirme : "Ce que Sartre veut dire n'est pas, peut-@tre, difficile a comprendre." 1 Ou encore "il sera errone et injuste d'identifier la notion sBrtrienne du 'neant' avec le sens philosophique ordinaire ou traditionnel du neant." 2 D'autre part il donne tort sens peu habituel. a comprendre a Sartr~ d'avoir utilise le terme neant dans un En effet Chakma lui-meme conseille les lecteurs le neant sartrien dans son contexte. "··· Celui qui ne conna!t pas completement sa pensee sur la nature de la conscience va surement s'egarer." 3 Demander a Sartre de modifier son opinion sur le 'neant'c'est comme si on demande pensee sans Dieu. a Kierkegaard d'elaborer sa Beaucoup de critiques oublient que le 'neant' d'apres Sartre n'est pas quelque chose qu'on ajoute en accessoire. Son neant fait partie integrale de son ontologie de ln realite humaine. C'est le neant qui donne naissance a sa marque de trans- cendance ce qui distingue les existentialistes chretiens des exis-il tentialistes athees. Comment Sartre peut/accepter le neant kierkegaardien que vient de decrire Chakma, quand le paradis terrestre est un saut a Dicu que Sartre refuse d'accepter? Meunier differencie les existentialistes chretiens des existentialistes athees justement par leurs r~spectives notions Chakma, N.K.: art.cit., p.263. "What Sartre wants to say is perho.ps not difficult to understand.'' 2. Ibid. , p. 264. "It will be wrong and unjust to identify :the Sartrean notion of nothingness with the ordinary or the traditional philosophical meaning of nothing." 3. Ibid., p.272. "··· ar.y one who is not thoroughly acquainted with his views about the nature of consciousness is sure to be misled." 1. - 131 transcendantales du n~ant. Tandis que pour Kierkegaard, Jaspers et Marcel, l'homme en face du neant est l'homme devant Dieu, pour Sartre l'homrne n'est devant rien. L'opposition entre les deux existentiali~mes apparait maintenant en toute clart~. L'existentialisme existentialiste, si l'on peut dire, celui de Kierkegaard, de Jaspers et de Gabriel Marcel, place l'action en ten8ion entre une surabondance cr~atrice et un recueillement purificateur. L'existentialisme inexistentialiste la ~et en dispute entre une ethique de l'action pour l'action, ind~termin~e passionnee .•• et un consentement inavoue •.• ala necessite du monde ••• ala necessite de l'absurde. L'hornme nourrit une action vaine. 1 Chakma reproche aussi a Sartre d'avoir eu recours a l'interrogation pour prouver l'existence du neant. Car si par neant on entend l'absence dn savoir, dans ce cas rneme avant de poser une question le neant (absence de connaissance) existe. C'est possible qu'il y ait quelque confusion persistante vis-a-vis du neant eartrien. Sartre ne veut pas dire que le non-@tre n'existe qu'en posant des questions. Pour Sartre ''le non-etre est une presence perp~tuelle, en nous et en dehors de nous, que le neant hante l'etre", 2 de meme qu'il y a toujours un etre partout rnais toujours relatif en ce sene qu'il n'est pas partout. non. Il y a toujours la possibilite de dire pas Il ne fautfpenser qu'il soit necessaire de formuler une ques- tion, car s'interroger sur le monde et sur ce qui nous entoure rn~me sur notre propre existence est structure constitutive de la r~alite humaine. Et Chakrna a raison de dire que l'absence du 1. Meunier, E.: Introduction aux exi~tentinlismcn, Deno~l, 1947 pp.Jf>-1-Jf.)!) c.ILe dnno ,Jontl-I>nul Snr·Lr··~ pnr.- J. Col.ontlwl, op.clt. p.245. op.c.it · 2. Sartre, J.-P.: L'ELre et le Neantzp.46. - 132 eavoir existe meme avant la question car Sartre dit "pour qu'il y ait de la negation dans le monde et pour que nous puissions par consequent nous interroger sur 1 'Etre, il fau·t que le Neant soi t donne en quelque fa~on." 1 Sartre ne parle pas d'un non-etre de facto mais la possibilite de jure de dire non. Epistemologit Le Professeur Sinari met en question l'epistemologie sartrienne. D'une part, Sartre, en tant qu'existentialiste refuse, ontologiquement, grace a sa phenomenologie, une adequation exacte entre l'essence et l'existence, entre la realite de l'Etrc ct la connaissance que nous en avons (on nc peut pas, alors, combler l'impasse qui separe l'intellect des sentiments existentiels, 2 d'autre part, le pour-sci (conscience humaine) a une capacite de depasser ad infinitum la realite en soi vers l'Etre Absolu. Le pour-sci, d'apres Sartre, est toujours positionnel d'etre et de non-@tre. Il est dans l'etre et dans lc non-etre. C'est Valery qui a dit que le reel que la conscience cherche ne peut qu'ttre une complexite infinie •.. inepuisable. Pourtant on peut etre indulgent avec Sartre pour cette apparente incoherence si l'on pense que le grand philosophe s'est efforce avec beaucoup de difficulte d'inclure par sa phenomenologie meme l'infini dans son ontologie, mais, surement, au detriment de la clarte. op.cit 1. Sartre, J.-P.: L'Etre et le Neant,Lp.57. 2. Sinari, R.A.: Reason in cfo.c.lt. Existentialism,~.201. - 133 - Le Professeur Sinari avance que Sartre en decrivant l'etre, attribue ala phenomenologie un role qu'elle ne peut pas jouer puisque les categories psychologiques e~ logiques de nega- tivite, de mauvaise foi, de la temporalite, de la nausee, de la liberte vont a l'encontre de la nature transcendantale de l'Etre. Pour cette raison, d'apres Sinari, les existentialistes chretiens tels que Jaspers, Kterkegaard et Marcel sont plus coherents puisqu 'ils idP.nt.ifient le transcendantal avec· Dieu et il ajoute "Peut-etre la plus grande limitation de la philosophie de Sartre reside dans son effort de voir tout ce qui est ontologique dans ses decouvertes psychologiques et phenomenologiques. 1 Tout en acceptant la critique de Sinari, il faut remarquer que la transcendance sartrienne se fonde, contrairement a celle des existentialistes chretiens, sur le neant ontologique du pour-soi. La transcendance d'apres Sartre, bien sur, est le mouve- ment perpetuel tien. a l'infini mais cet "infini" n'est pas le Dieu chre- C'est pourquoi accuser Sartre d'etre incoherent n'est pas completement correct. Idealisme chez Sartre Est-ce que Sartre, malgre son opposition nalisme peut l'eviter? a tout ratio- Margaret Chatterjee et le Profesreur Sinari sont de l'avis que cela n'est pas possible. Ils se demandent si le fait meme d'en parler peut effectivement a'empecher de Generaliser. Meme d'autres expressions qui apparemment n'ont pas de Pp.c.it. 1. Sinari, R.A.: Reason in Existentialism,Lp.143. "Perhaps the greatest limitations of Sartre's philosophising is contained in his attempt to read all that is ontological through the psychological and phenomenological findinr,s." - 134 rapport semantique avec 'essence, la contiennent implicitement. Margaret Chatterjee ecrit : 11 A question may be raised as to whether Sartre has in fact thrown essentialism comple~ely overboard? Instead of the concept of 'human nature' he offers the concept 1 of 'the human condition'." Et elle ajoute que les caracteristiques de la l'homme. 2 ~ondition humaine ne sent que generales et faites par Pour le Professeur Sinari, une philosophie nc peut pas se passer de gen.eraliser. Chaque homme n'est pas une soi mais plutot en fait partie. en Tout en appreciant la contribution de l'existentialisme pour restaurer d'apr~s esp~ce a l'homme sa dignite, Sartre, Sinari, par sa theorie de la conscience qui se neantise, accepte involontairement le principe de l'universel. "As a philo- sopher, Sartre cannot refuse to admit that in the process of philosophising,consciousness can seldom cease to act as a universal. 3 Et m~me la methode qu'on elabore a partir de l'individu presuppose une experience commune : " ••• Inspite of the fact that the existential reality is most personal and disguised, there is an experience in it that is, besides being communicable, common." 4 Le Professeur Sinari accepte l'idee que l'experience de l'existence est individuelle et vecue et par consequent, difficile 5 traduire en concepts universels. Il nffirme egalement qu'nussi- a t8t qu'on commence a expliquer cela par des concepts universels, 0 •C:I • 1. Chatterjee, Margaret: Existential Outlook,Lp.GO. 2. ~·' p.GO. ofo.cit. 3. Sinari, R.A.: Reason in Existentialism,Lp.143. 4. 3. ll!£·' p.143. I£!£·, p.195. - 135 la m~taphysique existentialiste est oblig~ ••• d'universaliser. De ce point de vue, elle est intellectuel ••• ; 1 et que meme la conscience de l'etre et du neant est un acte intellectuel. 2 A ce propos le titre du livre de Professeur Sinari Reason in Existentialism est significatif. Nous y lisons : Sartre planted the very raison d'etre (of the phenomenal universe of man) in the self-nihilating nature of man's consciousness •.. As a philosopher, Sartre cannot refuse to admit that in the process of philosophising, consciousness can seldom cease to act as a universal. 3 Tout en acceptant l'individualite, et l'unicite de chaque homme, on a droit de s'interroger sur la source de cette urticite, car l'homme est unique parmi tant d'autres de son esp~ce. Lea questions qu'on se pose sont toujours des questions universelles et generales. "Existentialism must maintain that the brute reality of the individual is possible because, in spite of the fact that the existential reality is most personal and disguised, there is an experience in it that is, besides being communicable, common." 4 L'existentialiste pourrait repondre a cette objection que Sartre essaie de traduire en mots l'experience profonde de l'existence humaine qui est la sensibilite, et qu'il est destine a ~chouer car cette sensibilite, toujours unique et individunlisee, est a vivre plutot qu'a discuter. Comme avoue Sinari lui-meme "Sartre's analysis is an endeavour to translate into words the subtlest facts about the feeling of existence. It is needless to say that this feeling with which all existentialist philosophising 0 1. 2. 3. 4. Sinari, R.A.: Reason in Ibid. , p. 201. Ibid., p.143. Ibid., p.143. Existentialism~ ,c;., • .199. - 136 - beings cannot be comprehended unless one makes one's own self the origin of what one is here and now. 111 C'est pourquoi il faut faire une distinction entre l'experience existentielle et son explication. tielle, d'apr~s L'experience existen- Sinari, ne peut pas etre essentialiste en soi mais aussi tot qu 'on commence a 1 'expliquer on est oblige d 'utiliser de.s "Is the existential experience universal? concepts universels. . .. To the extent to which the existentialist metaphysics is forced to ratiocinate and to universalize it should be described as intellectuel.112 En meme temps, il ne faut pas dire que puisque l'experience existentielle est vecue, elle est hors de portee de toute comprehension philosophique. Meme le philosophe peut humblement reconnaitre et accepter la verite de l'experience vecue par un autre, sans pour autant l'avoir eprouve lui-meme. Le Professeur Sinari se demande si l'existentialisme est . une experience ou une essence? D'apres lui, la conscience de l'etre et la conscience du neant sont des actes strictement logiques, mais cette distinction entre l'etre et le neant est impossible non seulement dans l'experience ontologique mais aussi dans l'intuition. C'est-a-dire qu'on est oblige d'avoir recours a l'intelligence, des concepts intellectuels, a des eonencco. 3 op.cit. 1. Sinari, R.A.: Reason in Existentialism,Lp.199. 2. Ibid., p.199. 3. !E.ll·, p. 200. a - 137 - La honte, le regard, l'autrui Pour saisir a plein la critique indienne sur la honte ., sartrienne, faisons une recapitulation de la prise de position de Sartre sur la honte cornme phenomene pour atteindre l'autrui. D'apres Sartre, l'ontologie phenomenologique nous mene a l'existence du pour-soi et celle de l'en-soi comme liees par une relation essent.ielle, constitutive du pour-soi. De meme que les phenomenes du pour-soi et de l'en-soi sont immediate, ceux du poursci et de l'autrui sont donnes immediatement. L'analyse du phenomene de la honte me revele moi-meme et simultanement l'autrui. "Elle (la honte) est conscience non positionnelle (de) soi comme honte sa structure est intentionnelle, elle est apprehension honteuse de quelque choae.et ce quelque chose est moi. 111 "Et la honte est en meme temps dans sa structure premiere honte devant guelgu'un. 112 D'ailleurs, cette existence de l'autrui est necessaire pour que je puisse avoir honte de moi-meme. moi-meme devient possible grace L'intentionnalite de la honte vers a cette presence immediate de l'autrui. Sans l'autrui,ne serait pas possible cette intentionnalite. C'est pourquoi pour Sartre: "La honte est honte de soi devant autrui ... 3 ces deux structures sont inseparables." Du meme coup, j'ai besoin d'autrui pour saisir a plein toutes les structures de mon etre. Ainsi "le pour-soi renvoie au pour-autrui. 114 Of· cit. 1. Sartre, J.-P.: L'Etre et le Neant ,Lp.265. 2. Ibid. , p.265. 3. Ibid. , p.266. 4. Ibid. , p.26?. "Pour saisir ... dans - 138 - sa totalite la relation d'etre de l'hornme a l'etre-en-soi 11 , 1 il faut etudier la question de l'existence d'autrui, et ensuite celle demon rapport d'etre avec l'etre d'autrui. Sartre prouve que les realistes, les idealistes, aussi bien que Husserl, Hegel et Heidegger n'arrivent pas l'existence d'autrui comme il est dans sa totalite. a atteindre Pour lui, "il semble que la philosophie du XIXeme et du XXeme siecle ait compris pas qu'on ne pouvaitLechapper au solipsisme si l'on envisage d'abord moi-meme et autrui sous l'aspect de deux substances, en effet, doit etre tenue pour impossible." 2 C'est pourquoi il faut faire "un effort pour saisir au sein meme des consciences une liaison fondamentale et transcendante a autrui qui serait constitutive de chaque conscience dans son surgissement meme." 3 Pour Sartre il ne suffit de refuser l'Ego transcendantal pour echapper au solipsisme. seule fa~on "Ln d'echapper au solipsisme serait de prouver que rna cons- cience transcendantale, dans son etre mime, est affectee par l'existence extra-mondaine d'autres consciences de mime type. 114 Husserl a fait la liaison par voie de la connaissance, "il ne saurait done, pas plus que Kant, echapper au solipsisme." 5 Co~me dit Shouery: "Sartre exprime son insatisfaction avec le maniere dont le realiste et l'idealiste abordent le probleme d'autrui, et avec la maniere 1. Sartre, J ·. -P.: L'Etre et le Neant, p.26?. 2. Ibid. , p.2??. I p.2?8. ~., p.280. 3. Ibid. 4. 5. Ibid. , p.280. - 139 dont Heidegger, ·Husserl et Hegel ont construit leur rapports ontologiques avec le monde. 111 Ce critique indien met en question la prise de position sartrienne. "Les question que j'~dresse A l'ontologie de Sartre sont les suivantes : 1. Est-ce que Sartre a veritablement reussi a regler l'optimisme de Hegel vis-a-vis de la connaissance d'autrui? 2. Est-ce que Sartre a reussi 3. A propos de la base preontique de l'etre et de la tendance manistique chez Heidegeer, Sartre a-t-il reussi a etablir une meilleure base ou relation de l'etre l'autrui? a surmonter le solipsisme? a Je suis de l'avis que bien que Sartre ait rejete l'optimisme ontologique de Hegel, il semble plus optimiste dans son approche du probleme d'autrui. Son optimisme ou plutot son positivisme d'apres son 2 idee d'autrui paratt presque dogmatique." D'apres Shouery, "Sartre en rejetant la voie de 'connaissance' et en lui substituant celle de l'etre ..• n'a laisse au poursci que sa propre intentionnalite et ses etats psychologiques pour 1. Shouery, Imad: "The Phenomena of the 'Look', 'Shame' and the 'Other' in Sartre'', Darshana International, Vol.XI, April 1971, No.2. "Sartre expresses dissatisfaction with the way the realist and the idealist approach the problem of the other and with Heidegger, Husserl and Hegel and the wny they constructed ontological rclationG with the world." 2. Ibid., p.44. "The questions! raise in regard to Sartre's ontology are-the following: (1) Did Sartre actually succeed in regulating Hegels optimism in relation to knowing the other? (2) Did Sartre succeed in overcoming solipsism? (3) Concerning the pre-ontic ground of being and the monistic tendency in Heidegger - was Sartre successful in establishing a better ground or relation of being and the other? I believe that while Sartre rejected Hegel's ontological optimism, he seemed to be more optimistic in his approach to the problem of the other. His optimism or rather his positivism in the way he conceived the other appears almost dogmatic." - 140 se rapporter i l'autrui. 1 Et plus sp~cifiquement, il attribue l'argumentation sartrienne aux rneme. ~tats psychologiques de Sartre lui- " ••. les efforts de Sartre pour formuler sa description ph~nom~nologique de l'autrui 2 de Sartre envers l'autrui." n'exprirnent que l'attitude-meme Ce critique indien se base sur la formule que Sartre lui-meme utilise : "La conscience se rapporte au monde." 3 ' a sa manier~ l Shouery croit,que Sartre, conscient de l'impossibilite d'atteindre l'autrui par la voie de connaissance cherche une alternative dans l'action qui rnalheureusement depasse les possibilites d'une ontologie qu'il propose. r~duction transform~ Sartre estimait que n'importe quelle aboutit au solipsisme, et c'est pour cette raison qu'il a son ontologie du savoir en une ontologie de l'action. Quel est le rapport du pour-soia l'autrui? comme on l'a d~ja vu, c'est une relation conflictuelle, ce qui est necessaire pour le pour-soi. cer sa liberte. Pour Sartre, Cnr, r,rilce <\ ce eonrlit, il pcut exer- Ainsi, Sartre ne voit aucune possibilite des rapports intersubjectifs d'apres lesquels le pour-soi comrne sujet se rapporte a l'autrui comme autre sujet ... il est impossible aussi d'~tablir une relation objective dans le sens spinosiste ou la personne individuelle ~tablit une relation avec une autre personne apres avoir ete prete a accepter et respecter la personnalite et l'identit~ de celle-ci. Ce type de relation serait consid~r~ 1. Shouery, Imad: art.cit., p.44. "By rejecting the knO\'Iing approach to the other and replacing it with being ... Sartre leaves the for-itself to relate itself to the other (with nothing) except ... i t B own 1 n t e n t j o n n J i. t y • • . n n d p n y e II o 1 o g .l <~ nl n t n t c o • " 2. Ibid., p.44. "Sartre's attempts to formulate his phenomenological description of the other .•• can only express Sartre's own attitude toward the other." 3. Sartre, J.-P.: L'Irnaginaire, Paris, P.U.F., 1963, p.24. . - 141' trop intellectuel pour Sartre. 1 Ce critique trouve difficile de comprendre Sartre quand il avance cette attitude negative et hostile entre les hommes, ou chaque homme voit sa liberte menacee par l'autrui. C'est plutot A travers ses propres etats psychologiques que Sartre generalise les rapports entre l'homme et l'homme. Ceci est aosez evident par exemple dans Les Mots ou Sartre parle de la mort de Jean Baptiste 2 qui lui rend la liberte. En meme temps, Shouery nous met en gardede croire que toutes les descriptions phenomenologique faites par Sartre ne sent que des donnes psychologiques; il veut plutot dire que Sartre toute sa vie lutta centre l'autrui : "Ce qui je voudrais indiquer est que la vie meme de Sartre etait une lutte silencieuse centre l'autrui ... Sartre, a des moments, ale sentiment d'etre presque suffoque par l'autrui." 3 Shouery cite des morceaux du Sursis et des Mouches pour demontrer que Sartre revele ses propres etats psychologiques vis-a-vis de l'autrui dans ses personnages, Daniel (le Sursis), Garcin (Huis-clos) ou Egisthe (Les Mouches). Dans les Mots, Sartre parle de la double vie qu'il menait dans sa jeunesse - celle d'un imposteur au grand jour, et l'existence 1. Shouery, !mads art.cit., p.50. "Sartre in this respect does not see any possibility for inter subjective relations in which the for-itself as a subject relates itself to the other as another subject ••• It is also impossible to establish an objective relationship, in a Spinozistic sense, in which the individual person establi3hes his relation with another person, preserving the willingness to respect ... the personality of the other according to its own identity. This type of relationship would probably be considered by Sartre too intellectualiotc." 2. Ibid., p.51. 11 Wha t I would like to point out is that Snrtre 's 3. I~id. , p. 51. life itself v·tas a silent struggle against the other ... Sartre at moments conceives a feeling of being almost suffocated by the other." - 142 imaginaire et solitaire qu'il menait en soi-meme : "(For Sartre) to be at once an object and to be free is contradictory." aussi la th~orie Il critique sartrienne de la honte eprouvee·,par le pour-soi devant le regard d'autrui; d'apres cette theorie le sujet se con~oit, non comme il est, mais comme l'autre le voit et le con~oit, et en a honte ce qui lui fait perdre sa liberte. 1 D'apres ce critique, la raison pour ala ~aquelle m~thodologie Sartre arrive a cette conclusion n'est pas due phenomenologique mais plutot a l'etat psychologique du pour-soi .: "La methode phenomenologique n'est pas une methode objective •.• ni l'enquete n'est independante de la disposition psy2 chologique de l'investigation." Sartre. fait une description psychologique plutot qu'une definition ontologique de lu honte dans l'Etre et le Neant quand il ecrit ' "La honte est le sentiment de chute originelle, non du fait que j'aurais commie telle ou telle faute, mais simplement du fait que je' suis tombe dans le monde ..• et que j'ai besoin de la meditation d'autrui pour etre ce que je suis " 3 Sartre apres avoir analyse la honte l'a transfert au domaine ontologique : "Sartre se~ble etre en train d'analyser son experience subjective et en suite d'etablir une definition universelle et ontologique d~ honte. 114 Pour Sartre la honte est le sentiment et la consequence de la reconnaissance de l'autrui qui me voit dans rna nudite. Shouery 1. Shouery, Imad: art.cit., p.5~. 2. Ibid., p.54. "The phenomenological method is not an objective method nor ••• the enquiry independent of the psycholoeical moods of the enquirer." 3. Sartre, J.-P.: L'Etre et le Neant, p.336. 4. Shouery, Imad: art.cit., p.55. "Sartre seems to be analysing his subjective experience of shame and then establishing a universal and ontological definition of shame." - 143 - donne l'exemple d'un volcur en train de voler et qui se sentant observ~ peut reagir de fa~on differente suivant son etat psycholo- gique ace moment-la. m~mt Il se peut qu'il ait honte de sa conduite ou 1 ait_ le sentiment contraire. Selon Shouery on peut avoir conscience de soi, voire m~me le. sentiment de la honte mais au niveau non-reflechi, ou l'Ego n'est pas conscicnt de son identite ontologique. Finalement, Sartre se contredit, s'il accepte la conscience comme absolue~ tion d'~tre flexion doit puisque la conscience ne peut ~tre absolue qu'a condi- independante de toute influence exterieure, et sa re~tre independante de tout non-ego. Shouery conclut que si le pour-soi reagit au regard d'autrui par le sentiment de honte, cela est du ment du a a des etats psycholgiques du sujet et non seuleune reaction ontologique comme affirme Sartre. 2 D'apres Shouery, Sartre confond l'etat psychologique de 1 'homme' avec _son etat ontologique : "Sartre considere toutes les experiences psychologiques de l'homme comme des modes ontologiques d'etre dans le monde •.• Sartre ontologioe ses etats psychologiques et s'efforce d'universaliscr ce qui est ontologiquement donne. 113 Mais en ceci reate la grandeur et la faiblesse de Sartre; la faiblesse puisqu'il n'arrive pas a voir l'autrui d'un regard objectif, detach~ et ouvert; la grandeur en cela qu'il garde toujours un regard tree subjcotif. 4 Shouery, .!mad: art.cit., p.55. 2. Ibid., p.56. 3. Ibid., p.57. "Sartre considers whatever man experiences psychologically as an ontological mode of being in the world ... Sartre ontologizes his psychological states and attempts to universalize what is psychologically given." 4. _ill£., p.57. 1. - 144 C'est fort possible que la description du pour-soi et autrui que Sartre nous offre dans l'Etre et le Neant soit un reflet des ses propres etats psychologiques. Mais en·meme temps il faut accepter que le raisonnement de Sartre reste, rnalgre tout, ontologique. Pour Sartre la liberte est toujours au niveau prereflechi, de meme que l'intentionnalite de l'etre. au niveau reflechi. La connaissance par contre C'est pourquoi dire que Sartre n'etait pas cap- able d'atteindre l'autrui par voie de connaissance, et qu'il a choisi la voie d'action neva pas a l'encontre de son ontologie. Le pour- soi sartrien n'est jarnais statique mais en perpetuel mouvement. Shouery, pourtant, a raison de critiquer l'emphase exageree de l'aspect conflictuel des hornmes entre eux-rnemes. La Psychanalyse existentielle Apres avoir analyse l'etude d'un critique indien sur la psychologie de 'honte' chez Sartre, passons analyse existentielle sartrienne. a l'etude de la psych- Des critiques parlent de l'appli- cation de :a psychanalyse existentielle dans la guerison des malades mentales. D'apres le Dr. J.G. Tiwari un nornbre croissant de gens . qui cherchent aupres de la psychotherapie une guerison, temoignent d'un grand interet pour d'etudes existentielles. 1 Bien que Tiwari no Be ref~re pas directomcnt h Snrtro, nen nbnnrvntionn noun prlrntn- sent utiles en ceci qu'il fait une description destypes de personnes qui ressemblent beaucoup aux personnages des oeuvres d'existentialistes comme Sartre, Camus etc. Par exemple, Tiwari en parlant des 1. Tiwari, J.G.: "Existential Neurosis and Humanistic Personality'', Ra_~ical Humanist, March 1979, p.17. - 145 nevros~s et des symptomes de la nevrose existentielle, semble de- peindre Rocquentin et Meursault. Pour Tiwari les manifestations de la nevrose existentielle paraissent a trois niv~ux : cognitif, affectif et actif. Au niveau cognitif, la vie pour le nevrose est denuee de sens; il est incapable de croire pour son metier, se retire \ Q: une verite, perd tout interet a l'interieur de lui-meme et donne l'ap- parence de mort psychologique. 1 Comparez cette description avec le personnage de Rocquentin, dans la Nausee, qui entre dans un restaurant et s'ennuie : "J'ai traverse lee mers, dit-il; j'ai laisse des villes derriere moi, j'ai. remonte des fleuves ••• j'allais toujours vers d'autres villes ••• "2 Maison sent en lui le solitaire, l'aliene. Il continue plus loin : "Je vis eeul, entierement seul. Je ne parle A personne, jamais; je 3 ne re~ois rien, je ne donne rien." Parlant de Meursault, dans l'Etranger, Tiwari dit : "He frequently says and even more frequently implies that he believes life to be meaningless and his activities arbitrary. He is always bored. He has no goals On attribue cet etat de choses au fait qu'un tel individu se prend pour un joueur de roles sociaux et pour un ensemble de besoins biologiques; il perd de vue sa vraie identite. 5 1. 2. 3. 4. 5. Tiwari, J.G.: art.cit., p.17. Sartre, J.-P.: La Nausee, p.39. Ibid., p.17. Tiwari, J.G.: art.cit., p.18. Ibid., p.18. - 146 - Tewari se refere a l'oeuvre d'Erich Fromm pour corroborer see conclusions sur la personnalitepremorbide, dent la vie affective est contr8lee par des considerations du 'march~'. Fromm se plaint de l'homme qui a ete reduit a un simple venaeur de sa personnalite. Sa valeur ne depend pas principalernent de ses propres qualites mais de la reussite a se vendre dans un marche competitif. A cause de la fluctuation continuelle du rnarche, son estime de soi-meme reste constamment chancellante et elle a besoin d'un renfermissement renouvele des autres. 1 Hazel Barnes, critique americain· :, a fni t, aussi, une etude comparative approfondie des theories de Sartre, Fromm et Karen Horney. Elle trouve des paralleles interessantes dans l'approche psychologique de ces trois ecrivains. La comparaison, d'apres elle, est appropriee pour plusieurs raisons: ••• Tousles trois ont ecrit des livres destines aussi bien au grand public qu'aux domaines des specialistes. Ils s'interessent tous au domaine specifique dans lequel la philosophie et la psychologie s'entremelent inextricablement. Sartra en tant que philosophe a mis la base d'une nouvelle methode psychologique; Fromm et Horney en tant que psychologues ont developpe les implications philosophiques de leurs idees et ont presente une nouvelle interpretation de l'homme. Tousles trois soutiennent la theorie que la psychologie ne doit pas se divorcer des considerations ethiques afin qu'elle s'occupe convenablement aussi bien des aspects normatifs que descriptifs ••• tous mettent l'emphase sur le conditionnement plut8t sociologique que biologique et se preoccupent de ce que Sullivan appelle 'la psychologie des rapports interpersonnels.' Tout cela on peut resumer en disant que l'ecole Fromm-Horney propose une etude de l'etre humain en situation, ce qui est 1. Tiwari, J.G.: art.cit., p.20. "Fromm bemonnn tltat man has been reduced to a mere ~eller of his personulity. His worth depends primariLy not on his own qualities but o~ his success to sell himself in a competitive market. Due to the ever-changing chnrn.cter of tldn market, lllD adJ-e:Jtuern l'emalnu conuLantJ.y shaky and in need of repeated confirmation by others ..• " - 147- precisement, le point central de l'existentialisme. 1 Qu'il soit permis de mentionner a ce propos une etude doctorale fait par Kirpal Singh sur Marx, Fromm et Sartre. 2 Dans le premier chapitre de notre etude,Siddiqui a fait une description de la psychanalyse sartrienne. lei il met en ques- tion certains aspects de la psychanalyse existentielle. D'apr~s lui la psychanalyse sartrienne est negative et meme contradictoire. Examinons de plus pres ses propos. Tout d'abord il croit que Sartre confond les buts de l'existentialisme avec ceux de la psychanalyse; la valeur scientifique de la psychanalyse chez l'existentialisme est trop precon~ue. Autrement dit, puisque l'existentialisme cherche finalemcnt A decouvrir l'etre, cela devient aussi le but de la psychanalyse : "Elle (la psychanalyse) presume les verites de l'existentialisme et cela la rend hypothetique et diminue sa valeur scientifique. 113 En effet, 1. Barnes, Hazel E.: "Humanistic Existentialism and Contemporary Psychoanalysis" in Sartre so us la direction de E. Kern: , p .150. "All three have written books addressed to the general public as well as to specialists in their own field. All are concerned with the particular area in which philosophy and psychology are inextricably interwoven. Sartre as a philosopher has laid the basis for a new psychological method; Fromm and Horney an psychologists have developed the philosophical implications of their views and offered a new interpretation of man. All three hold that psychology must not be divorced from ethical considerations, that it may properly concerned with the normative as well as descriptive ... all ~mphasize sociological rather than biological conditioning and are greatly concerned with what Sullivan callo the 'psychology of interpersonal relationships.' We may sum up all this by saying that the Fromm-Horney school proposes a study of the human being in situation - which is precisely the central focus of existentialism. 2. Singh, Kirpal : "A study of the concept of alienation with special reference to Karl Marx, Erich Fromm and Jean-Paul Sartre", Kurukshetra University, 1980. 3. Siddiqui, Z.A.: art.cit., p.59. "It (psychanalysis) takes the truths of Existentialism for granted and this fact renders it hypothetical and detracts from its scientific value." - 148 - une theorie scientifique ne doit pas etre trop dogmatique, et toute theorie a priori n'est pas en harmonie avec l'esprit scientifiqu0. 1 .' Bien qu'il y ait beaucoup de ressemblances entre la psychanalyse freudienne et sartrienne, d'apres Siddiqui, cette ressemblance est un peu exageree, et cela pour plusieurs raisons. Sartre est contre tout determinisme et il pense que Freud est du meme avis. Pourtant Freud accepte certains donnes primaires qui determinent • l'individu par exemple l'eros, la mort, l'instinct, l'Id etc. D'apres Freud on trouve chez l'individu des mecanismes de defense comme l'identification et la projection, qui jouent une role en predeterminant le destin de l'individu. "En un mot, la psychanalyse empi- rique se base sur le postulat du determinisme psychique tandis que la psychanalyse existentielle sur la supposition opposee du libre 2 choix de l'etre." Une autre difference est que Freud fonde sa theorie sur des donnes cliniques (clinical data), sur des experiences faites, tandis que, Sartre s'appuie sur les principes a priori de sa philosophie, et de ses propres experiences. 3 On critique l'emphase excessive que Sartre met sur les rapports homme-femme tels que l'amour, le sexe etc., qui pour Sartre sont toujours negatifs et anormaux. L'homme sartrien est toujours anormal, solitaire, asocial, ce qui contredit ce grand philosophe, 1GB a la realite. Pour amoureux, dnns leurs rapports mutuels, Siddiqui, Z.A.: art.cit., p.63. 2. Ibid., p.63. "In ohort th~ empirical p~ychoanalyoi:.J in bus~d on the postulate of psychic determinism and the existential psychoanalysis on the opposite assumption of free choice of being." 3 • Ibid . , p. 6 3. 1. - 149 - essaient de reduire l'un l'autre a un object: "Bref, la valeur de· la psychanalyse existentielle en tant que technique psychologique est plutot negative amant et bien-aimee la description de . .. rev~le Sartr~ de la tension entre une attitude malsaine vis-l-vis du sexe. 111 En plus, Sartre n'est pas memn logique dans l'application des principes qu'il a formules ou il introduit une certaine elasticite, un certain compromis, afin de les accommoder a ses fins. Et Siddiqui croit qu'a moins que les principes de l'existentialisme ne eux-mem~soient demontres valables, on ne peut pas accepter leur application a la psychanalyse existentielle. Mais n'y a-t-il pas, pour autant, quelque chose de positif dans la description de la psychanalyse faite par Sartre? Siddiqui n'y accorde pas beaucoup de valeur bien qu'appreciant l'intelligence et le genie de Sartre: "Malgre ces limitations et defauts, la psychanalyse existentielle nous la reaction d'un genie, a des a rev~le un penetrant et vif esprit. C'est personnalite fort susceptible et unique, situations et experiences de sa vie. 112 Quelques observations sommaires sur les remarques de Siddiqui. Celui-ci s'oppose a l'emphase excessive que Sartre met sur l'aspect anormal des rapports sexuels de l'homme et de la femme. 1. Siddiqui, Z.A.: art.cit., p.63. "In short, the value of existential psychoanalysis, as a psychological technique is rather negative ••. Sartre's description of the tension between belovcr and beloved •.. be tray u v el'y unhcul ~hy :1 t U ~udo towurllo oux ... " 2. Ibid., p.64. "In spite of these limitations and shortcomings, existential psychoano.lysi s reveal ~1 to u:~ n penetrating nnd keen intellect. It is the reaction of a most sensitive and unique personality of a genius to his life situations and experiences." - 150 Il n'en faut pas etre etonne. Car 1~ psychanalyse existentielle utilisee dans la guerison des personnes rnalades n'a qu'a faire avec des cas anormaux. anormale. Toute rnaladie de 1 'esprit et ·,du corps est toujours Je ne demande si on a droit de reprocher exagere l'aspect negatif et sombre du sexe. a Sartre d'avoir D'apres Sartre chaque pour-soi vo.tt ·sa liberte limitee et contrainte par celle d 'autrui et vice versa. Tout rapport est alors necessairement conflictuel. Sartre est alors logique avec soi-meme. Et on ne peut pas le criti- quer d'apres des criteres qu'il n'accepte pas. D'ailleurs comment peut on verifier les principes de la psychanalyse existentielle avant leur application puisque leur validite ne se revelera qu'en les applicant a des cas concrets. Les experiences sent necessaires dans n'im- porte quelle science pour valider ou invalider une theorie qui avant son application reste toujours une hypothese. Finalement, les faits ont montre, comme dira ci-apres le Dr. Sachdev, que la psychanalyse existentielle de Sartre a ete une contribution precieuse a la psychiatrie. En dehors de ce que vient de dire Hazel Barnes, lisons ce texte d'un grand specialiste psychiatre David Cooper: R.D. Laing et moi, nous avons trouve les travaux de Sartrc d 'une importance capi tale. Apres nOU!:i etrc penchea :.mr l'Etre et le Neant et sur d'autres travaux- ... nous nous semmes atteles au Saint Genet a uestion de Methode ct A Ln. Criti uc de la Rnioon Dla!ecUctw. C • a a unu phU.osop ie uti isnblel J'ajouterai en ce qui me concerne l'importance de l'analyse par Sartre de la conscience (dans la Transcendance de l'Ego et L'Etre et le Neant) dans l'abolilition du rnoi 'receptaculaire' de la psychanalyse (et par ailleurs de l'Inconscient! ). En 1964 Lain~ et moi-rnerne nous nvons publie Rninnn et Violence en anglais. C'etait un expose et un commentaire critique de la philosophie de Sartre entre 1950 et 1960 avec une reference particuliere au champ psychiatrique. - 151 Le but etait de communiquer au monde anglophone les idees de Sartre que nous avions trouvees d'une immense valeur sur les bases tres concretes de notre travail . ••. Dans tout cela nous devons bcaucoup a .~artre. Ensemble et avec beaucoup d'autres ... nous avouons une grande dctte personnelle et theorique a Sartre ••• 1 Le Dr. Parminder Singh Snchdev m·edecin-psychintre se montre plus sympathique envers la psychanalyse existentielle que Siddiqui. Nous nous baserons sur sa communication presentee par lui a un seminaire 2 sur Sartre. D'apres lui, les existentialistes n'etaient pas de theoriciens mais s'interessaient a ln psychanalyse. En effet, Karl Jaspers a ete d'abord un psychiatre eta ecrit son oeuvre principnlc sur la Psychopathologie Generale. 3 Et Sartre, en particulier, a ecrit enormement sur le sujct bien que son influence soit plus ressentie et visible dans le domaine de la politique et de la litterature. Sartre? Quelle a ete, d'apres Sachdev, la plus grande contribution de Une meilleure comprehension de l'esprit de l'homme: avec Heidegger a fourni une unification laquelle a aide "Lui a la comprehension non seulement de l'esprit normal mais de l'anormal aussi." 4 Pour ce medecin, Sartre a pris en consideration les actes de l'homme dans leur totalite et non en isolemcnt; la psychanalyse existentielle refuse de reduire la complexe personnnlite de l'homme nun nombre reduit de desirs, des impulsions et des instincts; dans son rejet de la causalite, l'existentialisme rejette aussi le positivisme et 1. Cooper, David: "Sartre et l'anti-psychiatrie", dans Oblioues/ Sartre, p.60. 2. Sachdev, P.S.: "Sartre and the Human Mind- A Psychiatrist's Viewpoint'', communication faite au Seminaire national sur Snrtre. (inedit) 3. Ibid. 4. Ibid. "He along with Heidegger has provided a unification which has helped not only in understanding the normal human mind but also the abnormal." - 152 le determinisme, et n'nccepte pas une symbolisation universelle applicable a tous les hommes. Chaque etre humain en tant que totalite en soi, independante et unique, ne peut etre assujetti l des symboles universels tels qu'un serpent (le phallus), ou un coussin a epingles (un sein) valables pour~ant dans leur ensemble. 1 En plus, le Dr. Snchdev dit que la psychanalyse freudienne de l'inconscient n'est 9as tres intelligib1epuisque quelque chose qui est inconscient ne peut etre connu: "Le message masse de donnees a faire a l'investigateur est que le sujet n'est pas une enseveJ~ sous l'inconscient mais un individu~libre son choix. " 2 DI a pres le Dr. Sachdev' -Sartre a raison de re- jeter l'inconscient freudien et dele remplacer par 'la mauvaise &Jfl~ foi'; celle-ci bien qu~~mode de vie inauthentique, est une conscience de soi. La theorie sartriennc des emotions, d'apres Sachdev, est une nide precicusc pour lu psychnitric puiDqu'un pnychintrc pcut mieux comprendre un nevrose s'il tient compte du fait que les emotions ne peuvent etre comprises que comme integrees dans la totnle realite humaine. Prenons pur exemple l'imagination. Ellc eot une activite de.la conscience dont l'objet n'est pas une donnee psychique mais quelque chose identifiee a ln personne cu a la chose dent nous avons l'image. C'est en appliquant ln paychannlyse existentielle aux soins et a la guerison des malades que nous constatons le grand apport de 1. Suchdev, P.S.: urt.cit. 2. Ibid. "The message to the investigator is that the subject is not a-ffiass of data buried in the unconscious but a free, choosing individual." - 153 Sartre pour qui la categorisation des etres humains est intenable. Pour Sartre, selon Sachdev, le malade en tant qu'individu est plus important que l~s mots dont on se sert pour le guerir. "Laing se (19so)Lplaint qu'il ne peut s'approcher directement du malade comme individu s~ les mots ~distance de lui."l ~sychiatriques a sa disposition mettent le malade C'est pourquoi ce medecin estirne que lee mots psychanalytiques enferment le malade, l'isolent. L'existentialisme resoud la difficulte rencontree par les psychiatres: "insatisfaction avec des mots psychiatriques et psychanalytique~ est assez connuechez les psychiatres ...• La pensee existentielle surmonte admirablement cette difficulte." 2 Le Dr •. _Sachdev est de l'avis que la pensee existentialiste est tres utile dans la guerison des malades dont 55 pour cent frequentent les cliniques psychotherapeutiques non parce qu'ils sont 3 victimes d'une nevrose mais parce qu'ils trouvent leurs vies absurdes. Mais est-ce que Sachdev se contredit quand il ajoute que la psychanalyse sartrienne n'a pas pu penetrer - · le domaine des precedes therapeutiques grice au pessimisme de sa philosophie: "The failure of ·sartre's doctrine to impress psychotherapy is a little astonishing ••• one of the reasons is perhaps the pessimism in his philosophy. 114 1. Sachdev, P. S.: art. cit. "Laing ( 1960) has lamented that he cannot go straight to the patient as an individual if the psychiatric words at his disposal put the patient at a distance from him." 2. Ibid. "Dissatisfaction with psychiatric and psychoanalytic words ~airly widespread among psychiatrists ••. Existential thought overcomes this difficulty admirably." 3. Ibid. 4. Ibid. - 154 Le but de la psychotherapie est d'aider le nevrose redonner un sens a sa vie apparemrnent absurde. a A quoi bon de le faire sortir d'une vie inauthentique si cela n'e$t pas un pont qui le m~ne a une ~utre: "Voila vraisemblablement la plus profonde raison pour laquelle l'existentialisme de Sartre n'a eu aucun impact sur la psychotherapie." 1 Ce pessimisme de l'existentialisme sartrien a ete, a " plusieurs reprises,mentionne par des critiques indiens et etrangers. Malgre cet aspect negatif, le Dr. Sachdev reconnait que la granue contribution de Sartre a ete de transformer et changer les attitudes des medecins vis-a-vis des malades. La rencontre entre le malade et le medecin doit aider le malade a se sentir a reprendre ses responsabilites. a l'aise, et l'encourager Pour ce medecin indien, le role d'un therapeute n'est alors que d'enlever au malade une petite pierre ici et la, dele rendre davantage capable d'aimer, de faire na!tre lui faire. en lui la confiance et deLsurmonter sa culpabili te. 2 Sartre lui-meme dans sa preface au livre Reason and Violence de Laing et Cooper (1964) et cite par Sachdev dit: "Je suis' ..• de l'avis qu'on ne peut pas etudier ou guerir un nevrose sans avoir d'abord un respect pour le malade en tant qu'@tre humain." 3 Une observation fort interessante de ce medecin indien est celle de l'influence qu'a eue la psychanalyse sartrienne sur les pRychiatres americains. Apr~s l'echec a Broadway de 'Huio-Clos', en ,r,c/e{.· t 1. Sachdev, P.S.: art.cit.L"This is probably the deepest reason why Sartre's existentialism has made no impact on pnychotherapy." 2. Ibid. 3. Ibid. "I am ... of the opinion that one cannot study or cure a neurosis without first having a respect for the patient as a human being." - 155 1946, Sartre, parlant des Americains, a dit: "Les Americuins nc a 1 texis ten tialisme. comprennent rien etre etonne de voir la sympathie, disciple~ am~ricains ~.1ais II Sartre, lui -meme a dil l'appr~ciation et le nombre de qu'a attire la psychunalyse existentielle comme Rollo May, James Bugental, les psychologues Ang~1~. Maslov et Rogers. Fromm, Goldstein, Il fait reference au livre de Hazel Barnes Humanistic Existentialism and Contemporary Psycho-Analysis, ou elle ecrit que Karen Horney a remarque en 1939,dans New Ways in PsychoAnalysis,des paralleles et des comparaisons entre la pensee existentialiste et la psychologie am~ricaine. 1 Considerons maintenant une etude erudite de Prem Nath Existential Trends in American Psychology ou il analyse l'approche existentieJle chez certains psychologues americaine. les Americains de~us par le behaviourisme et la dienne se sont montres ouverts europeenne. a D'apr~s p~ychanalyse l'auteur freu- a la phenomenologie existentielle pour En plus, il trouve une autre raioon L l'uccucil accorde l'existentialisme: "la psychanalyse en marne temps est une condam- nation de la culture americaine ou l'individu est en train d'etre ecrase par le poids lourd de la technologie et des entreprises commerciales.2 Ala difference de la phenomenologie freudienne, la psychanalyse existentielle ne concentre pns son attention sur les esS'enc es dans 1 'abs trait de maniere intuitive: "( EJ.le) s 'efforce d'analyser des gens dans des situationo reelles de la vie. s 'interesse pas 1. Ibid. a des simpl~s Ellene concc:ptunlisntiono mnis cherchc une (In e/J;t) 2. Prem Nath: "Existential Trends in American Psychology", Darshana International, Vol.VII, Oct.67, No.4, p.l. - 156 reference concrete." 1 Bien que Prem Nath ne parle pas specifiquement de Sartre, nous avons juge utile de presenter sa critique puisque sa critique o'etend sur l'cnsemble de pris celui de Sartre. existentielle on l'existentiali~me europeen, y com- D'ailleurs, quand on parle de la psychanalyse suu~er.tend Sartre. Prcm Nath passe en revue quelques psychintres et psychologues am~ricainp influences pnr la psychannlyoe existenticlle. psychologues ont mis l'emphase d'abord sur l~unicit~ Ces de l'individu et sur son existence sans pour autant negliger le role que jouent les essences sur l'homme. Il analyse d'abord la t~eorie de la logothera- pie de Victor E. Frankl qui penetre la vie concrete de l'individu. Pour Frankl, chaque individu quelque soit l'et~t de son esprit (malade ou non) garde toujours la volonte et la liberte de donner un sens et une direction ~ sa vie: "le plus intime centre de la personnalite du malade n'est pas atteint m@me par une pnychose." 2 Ensuite, Prem Nath parle de Rollo May. Ce dernier, tout en gardant une approche 'essentialiste', la complete par une orientation existentielle. D'apres lui, il est impossible de comprendre un etre humain si l'on ne tient compte que de son cote 'essentialiste'. La seule verite pour l'homme est celle dent sa vie concrete fait partie, et dans laquelle elle s'integre: "Aucune chose telle que la renlite ou ln verite n'exiote pour un atrc humnin onuf celle ~ ln- quelle il participe, dont il est conscicnt et ~ laquelle il a quelque relation." 3 Ala maniere de Sartre, l'auteur dit que presque quatre 1. Prern Nath: art.cit., p.l. 2. Ibid., p.2. 3. Ibid. , p. 2. "'rhere is no such thing as truth or reality for a living human bein~ except as he participates in it, is conscious of it, has some relationship to it." - 157 siecles de developpement technologique n'ont abouti qu'a notre repression du sens ontologique de l'etre, et que pour bien comprendre le mecanisme psychologique, la connoissance des coneepts del'etre' et d~ I non-e"t re I • d 1spcnsa • . bl e. 1 es t 1n Autrement dit, il faut tenir compte des capacites virtuelles de l'homme, qu'on ne doit pas nssimiler l'inconscient invisible freudien. ~ Pour MayJl'inconscient est ces capacites virtuelles de savoir et de faire l'experience que l'individu ne peut pas realiser. D'apres lui, la theorie freudienne d'un multi- ple Ego affaiblit le soi centrpl qui doit ~tre pris et accepte co1nme une totalite et non de maniere fragmentaire. A.H. Maslov, le troisieme psychologue etudie, se base sur les concepts existentinlistes de solitude, d'angoisse et d'alienntion 2 Maslov se sert des exmais purifies de leur connotation negative. pressions tr~s .significatives telles que 'Peak experiences' (experiences de pointe), 'self realizing ueople' (des gens auto-realisants). 3 Les hommes arri vent a un optimisme de bien-(Hre en eprouvant d'eux-memeset de leur conscience - leur propre identite. a1 I intcrieur Ace profond niveau d'etre, et d'experiences, l'homme reste unitaire et non fragmentaire, et jouit d'une certaine experience mystique 4 qu'on trouve dans l'orient et l'occident. Maslov ace propos fait une remarque fort pertinente quand il dit que ces 'peak experiences' sont plus evident es chez' lc grand pub J i c qu (~ chez 1 en psyclloloeucn. !Itt t rc men t dit, ces experiences sent connues intellectuellement par des savants mai!:! vecues et reulluees par des t;enu ~1lmples aesthetic experiences ... are taken for 1. Prem Nath, art.cit., p.2. 2. Ibid. , p. 3. 3. Ibid., p.3. 4. Ibid., p.1. et gran~ed honnGtc~: "··· uuch and commonly expected - 158 - by artists, and art educators, by creative teachers .•. by living husbands, mothers and therapists. As a matter of fact they are co~on 1 to all but psychologists." L'auteur ensuite passe en revue G.VI. Allport pour qui "l'individu est mains un produit acheve qu'un etre en transition", dent toutes les actions sent controlees par le proprium et se constituent en une totalite. Aucune phase de devenir ne peut s'expliquer par une seule fonction, puisque, a chaque moment donne du devenir, il y a une fusion de differentes fonctions. 2 logue,le futurisme est indispens~ble Pour ce psycho- pour le developpement de la per- sonnalite de l'individu, Si l'on garde devant sci les valeurs et objectifs principaux, les decisions et les choix en decouleront sans conflit et resistance. L'existentialisme ainsi peut approfondir la 3 condition hurnaine. Et il ajoute que pour la premiere fois est offerte une psychologie de l'humanite; de plus, l'existentialisme europeen va s•enrociner en Amerique. En effet d'nprea lui les tendances de la philosophie et psychologie americaines existentielles des nnneen 60 sent plutot positives et optimistes par opposition europeen d'apres guerre, triste et negatif. 4 a l'existentialisme Ce psychologue americain estime que la psychologie existentielle est et doit etre applicable ala pedagogie en particulier. a l'education, en general, et L'existentialisme, une fois applique, pormottrnit ,\·J.•onfnnt do orortro Oll plnlnn lihnrl;t~ t\ fill vi Ltlllllt! des conditions creees pour debloquer ses capacites creatrices. dn.nn Prem Nath nous met en garde centre le danger qu'il ya de s'enfermer dans 1. Prem Nath: art. cit. , p.3. 2. Ibid. , p.4. 3. Ibid. , p.5. 4. Ibid • , p.5. - 159 la subjectivite et de fermer les yeux a tout ce qui pourrait nous aider du dehors, et surtout aux conditions culturelles entourant l'individu qui peuvent contribuer au developpement de la personnalite. "C'est-A-dire l'ernphase de la psychologie existefttielle pourrait egalement se deplacer de l'interieur a l'exterieur, c'est-a-dire aux influences socio-culturelles nuxquelles Allport a pertinemment attire notre attention." 1 Ceci pourrait s'ajouter ace qui manque ala sim- ple consideration de la subjectivite de l'individu. L'auteur fait reference au debut de son etude au fait que la technologie et l'affairisrne des entreprises par leur rnepris de l'identite de l'individu ont cree des conditions favorables au developpernent de la psychologie existentielle. Pourtant on ne peut pas, d'un seul coup, rejeter la technologie et le Big Business ·.comrne Je.s forces oppressives et deshumanisantes sans donner a !'intelligence la possibilite de les controler et les orienter vers l'epanouissement de la personhalite. 2 Est-~e que la technologie est vraiment nuisible a la personnalite et ~ des valeurs humnines? technologie si celle cree des injustices. tielle doit contribuer a l'elirnination Il faut transformer la La poychologie existen- des injustices sociales.· "Une psychologie de l'humanite (Allport) ne peut passe batir sur la pe:.urie socio-economique et 1 'injustice sociale. 113 La psychologie existentielle en Amerique, conclut Prem Nath, doit tenir compte des aspects individuels et des aspects socinux pour qu'elle soit cfficttccment appliquee ~ la vie des homme s. "Il faut r,arder en jun t e equi- libre le nexus tant personnel que social et les tendances de la· Prern Nath: art.cit., p.6. "That is to tential psychology need equally nhift i.e., on socio-cultural influenceD to drawn our attention." 2. Ibid . , p. 6. 3. Ibid.., p.7. "A psychology of mankind onsocio-economic scarcity and soci;ll 1. say the emphasis of exisfrom the innc~ to the outer, v1hich Allport has pertinently (Allport) can:.ot be built injustice." - 160 - psychologie existentielle vers cet objectif peuvent ~tre l'espoir d 'une philo sophie plus com!Tel1ensi ve et synthtHique. 111 L '.analyse descriptivC' des psycholot,rues et des psychiatres am~ricains qui font l'apolication de ln psychologie et de la psycha- nalyse existentielle donne du coeur. le noeud de la question. toute societe E La societe n.mericaine et occidentale voire developp~e 'ardHer et de ou en voic de developpement a besoin de r~fJechir ~randeur sur ce qui devoile la sa valeur individuelle, son individuulit~ psychanalyse existentielle a mis en t~ Prem No.th a mis le doigt sur de 1 'homme - qui merite le respect. lumi~re que l'hommc est une totali- et non pas fracmentaire, que l'homme en tant qu'individu de tout autre homme et merite· une attention tout societe trop riche risque de tro.iter l'individu A vendre, et l'individu comme des marchandises A son La diff~re particuli~re. com~e Une une marchandise tour commence i traiter les autres a acheter ou a vendre. A l'autre extremite, une societe pauvre et surpeuplee comme celle de l'Inde court le danger de negliger l'individu dans son souci de s'occuper des masses. dividu et ses particularit~s sent noyes dans un oc~an L'in- d'etres humains. Dans une telle situation qu'en dira-t-on de la declaration universelle droits den droits de l'homme? Comment va-t-on fairc l'ap~lication de cesL· de l'homme dent chaque article commence nvec 'chacun' ou 'tout individu' ou 'toute personne'? Ou prntiqucr un humnni.f:me rnondinl? pcut-on trouver une base commune pour L'exinten~tnlinrnc a fray~ un chemin, que ce soit ce1ui de SRrtre ou d'un autre. 1. Prem Na th: art. cit. , p. 7. "Both the personal nexus and the social nexus have to be kept in proper balance and towards this ~oal, trends in existential psychol6gy may be a promise of a more comprehensive and synt~etic philosophy." - 161 - La critigue de la raison dialectigue Tant que Jean-Paul Sartre levait sa voix et sa plume du cote des opprimes et par consequent du cote du proletariat, il est accueilli par lea communistes comme un frere. Mais des qu'il s'op- pose aux theories marxistes ou denonce certaines actions du URSS il devient persona non grata. Ils aiment Sartre quand il ecrit "le materialisme historique fournissait la seule interpretation valable de l'histoire." fran~aise 1 Sartre leur platt quand il denonce la presence en Indo-Chine la comparant au visage nazi en France, 2 ou quand dans sa preface au livre de Frantz Fanon, les Damnes de la Terre, 3 il fait du tiers monde la force future et mise sur l'avenir des luttes liberatrices de ces opprimes. pour dire: "Ma seule reaction politique Sartre a 'l'imprimatur' a l'age de dix-neuf ans, c'etait l'ecoeurement de la colonisation, la seule voie que je voyais pour reussir a sortir de la colonisation, c'etuit la violence. Cette violerice qu'on pourrait appeler juste qui etait celle du colonise centre le colon. 114 Suite A cela, il est accueilli comme un hero dans lea pays socialistes et communistes. Mais q?and Sartre denonce dans Les Temps Modernes la cruelle realite des camps sovietiques en 1950, quand il appelle l'intervention de U.R.S.S. en Hongrie en 195? "une agression sovi6tique centre la 1. Sartre, J.-P. : Question de Methode dans Critique de la Raison Dialectigue, Gallimard, 1960, p.24. 2. Sartre, J.-P. : Temps Modernes, Editorial, Dec. 1946. 3. Sartre, J.-P. ' Preface au Damnes de la Terre par Frnntz Fanon, Maspero, 1961. 4. Sartre, J.-P. : "L'Espoir Maintenant'', Entretiens avec Benny Levy dans Le Nouvel Observateur, mars 1980. - 162 - d~mocrati; des conseils ouvriers" 1 et l'invasion de la Tch~coslo­ vaquie en 1968; quand Sartre affirme ., •.. apr~s nous avoir transform~ toutes nos idees le marxisme, brusquement, nous lnissait en plan; il ne satisfaisait pas notre besoin de comprendre, sur le terrain particulier ou nous etions places, il n'avait plus rien de neuf a nous enseigner parce qu'il s'~tait arr~t~ ... pr~cis~ment parce qu'il s'est opere en elle une veritable scission qui a rejete la theorie d'un cote et la praxis de l'autre. 2 0u encore quand Sartre ecrit: "Le Marxisme, lui, a des fondements theoriques, il embrasse toute l'activite humaine mais il'ne sait plus rien 1 ses concepts sont des diktats, son but n'est plus d'acque- rir des cor.naissances mais de se constituer a priori en savoir absolu. ~ 3 1es Marxistes lui ont declare la guerre. Fire encoreJ quand il affirme que l'existentialisme seul pcut complementer le marxisme, lui donner des bases solides et corriger son dogrnatisme, 4 ace moment Sartre s'est fourre dans un guepier. Carles Marxi·stes n'arrivaient pas a comprendre (il le prenaient pour marxiste) sa critique de son propre pays (France) et en meme temps d'un pays d'ideologie marxiste. tion? Comment resoudre cette apparente contradic- En effet, ils ont oublie que l'idee maitresse de toute la pensee de Sartre, reflete~ dans ses oeuvres tant philosophiques que litteraires, c'est l'homme en tant qu'individu, l'homme hie et nunc toujours libre et irreductible. Methode dans Criti ue de la Raison 1. .• f• 2. Ibid. , p.25. 3. Ibid. , p.28. 4. Ibid. , p.120. "L'existentialisme et le marxisme 2.' - 163 visent le meme objet mais le second a resorbe l'homme dans l'idee et le premier le•cherche partout ou il est, lui, .dans la rue. "l a son travail, chez Sartre accuse par Albert .,Camus du nihilisme pour son compagnonnage avec les communistes lui retorque : "Supposez qu'on vous reponde comme Marx: 'L'Histoire ne fait rien' ... C'est l'homme, l'homme reel et vivant que fait tout; l'Histoire n'est que l'activite de l'homme poursuivant ses propres fins. 112 la liberte individuelle de l'Etre et le Neant ou la Que ce soit lib~rte collec- tive de la Critique, c'est toujours la liberte de l'homme concret qui est en jeu. Toun les ecrits de Sartre et toute son action poli- tique avait pour fin de defendre les droits fondamentaux de l'homme qui ne pouvait etre jamais un moyen mais une fin en soi. C'est pourquoi 11 pouvait etre du cote des palestiniens et des juifs, des • vietnamiens et des hongrois sans compromettre ses principes. Car ce n'etait pas une ideologie avec son n ~r1ori~m8 qui etait pour lui un critere mais l'homme exploite·qui qu'il soit et ou qu'il soit. La critique du sartrisme trop souvent risque de se noyer dans le piege d'un idealisme. par des Ceci dit,considerons les critiques faites sur la Critique de la raison dialectigue, qui pour ~ndiens la plupart sont, apparemment, des marxistes. Un critique presente Sartre comme "un des philosophes qui a avance l'humanisme democrate bourgeois." 3 On y voit implicitement la critique marxiete. Le meme critique noi~neusement evite toute condemnation sartrienne des interventions militaires de URSS en Sn.rtre, J.-P.: uention de Methode rlans Critiaue de la Rai.son Dialectigue, p.2 . 2. Sartre. J.-P.: Situations IV "ReponEe a Albert Camus", 1964. Edit 1980, p.123. 3. Gupta, Suman . : Sartre 's Concept of r.1c:m and Freedom as expounded in "Beinf': and Nothine;r.ess 11 - a Marxist .Analysis .(Stm•"'ar'n·e ,~.~ .. SQYt~ .. 1. · ,·,a:t) - 164 - Hongrie et en Tchecoslovaquie bien que la meme personne fasse mention de son opposition (de Sartre) au controle du gouvernement fran~ais • en Algerie et l'intervention des Etats-Unis en Vietnam. Le Pro1'esseur Suman Gupta a intitule sa communication "Le concept de l'homme et de la liberte d'apres Sartre comrne expose dans l'Etre !{ et le Neant : une analyse marxiste." idees. En resumons les principales Elle repete plusieurs fois que l'existentialisme (y compris celui de Sartre) est une philosophie metaphysique qui separe la pensee de i'action. "La prise de posi~ion existentialiste quant au probleme des hommes et de leur rapport entre eux et le monde naturel est compl~tement metaphysique. Cette philosophie etant abstraite, n'offre aucune direction pour la vie pratique. 111 Eta la fin de son memoire : "D'apres notre exposition, ci-dessus, sur l'existentialisme, il est clair que l'existentialisme est un principe metaphysique qui separe 1 'homme du monde C0ncret et reel. 112 De pluG' ''1' existentinlisme de Sartre est une des ideologies bourgeoises modernes qui essaie de defendre l'ordre socio-economique capitaliste en niant la capacite de l'homme de transformer le monde par leurs efforts c0operatifs." 3 Et puisque Sartre n'arrive pas a defendre par un liberalisme rationnel il a recours et a la le capitalisme bourgeois a un systeme irrationnel metaphysique. : ayt cit. "The existentialist position with regard to the problem of men and their relationohip among themselves and the natural world is completely metaphysical. This philosophy, being abstract, does not offer au~: guidance in prac- 1. Gupta, Suman . t·j~a] Jjfe." 2. Ibid. "From our above exposition of cxintentialiom it is clenr thnt cxio ten tin.1ism is a ml~ taphyn.i.ca1 phi1onophy which nbn trnc tn mnn from th·· concr~~Le, runl world." 3. Ibid. "Sartre's existentialism is one of the modern bourg~ois ideologies which tries to defend the capi~n1ist socio-economic order bi denyin& the capacity of men to change the world through their cooperatiYe endeavour." - 165 - Les jde9logies de la bourgeoisie ont echoue dans le cadre d'un liberalisme rationnel de trouver une solution aux nroblemes de l'oppression, de l'exnloitation, ~e lh.faim, de la peur du desespoir et ae l'impuissance de l'homme dans la societe capitaliste les existentialistes comme la plupart de l'eur~ nredecesseurs bourgeois s'adressent a l'irrationalisme, l'idealisme et ala metaphysique. 1 a Pour ce professeur la philosophie sartrienne n'est qu'un idealisme, elle est le cogi to cartesien et la conncicnce pure. "Le libre et aliene soi de Sartre n'est pas un etre concret biologique mais il .t. • es t 1 e cog1. t o car t ~s1en •.. 112 Quelles sont, d'apres ce cri:ique, les bases de l'existentialisme sartrien? "L'existentialisme sartrien se base sur la fausse interpretation des concepts fondamentaux tels que l'existence, la liberte, le choix ... "3 Et puisqu'on ne peut resister ala tentation d'introduire des observations oarxistes; "Analogues a toutes les autres tendances de l'idealisme subjectif, l'existentialisme rejette les explications marxintes de la relation 4 entre l'etre social et la conscicnce." Le point de depart de tout~ critique murxiGte rente toujours des premisses marxistes et tout ce qui nc leur convient rente taujours "une fausse interpretation" de la realite. Au lieu de se limiter a l'Etre et le Neant, ce critique donne l'impression de demolir l'existehtjalisme, en general, et le nnrtriomc e11 1. Gupta, Suman~~-~: a~tcit. purtic~licr. On trou~c "'.rhe ideologies of the bourgeoisie have failed, within the framework of rat~o~al liberalism, to find a solution to the problems of oppression, exploitation, hunger and the feelings of fear, desperation and helplessness of man in the capitalistic society." 2. Ibid. "The free, alienated self of Sartre is not a concrete biological bein~ but is the Cartesian cogi to or pure conocit~nce." 3. Ibid. "Sartre's existentialism rests upon misinterpretation of basic concepts like existence, freedom, choice etc. 4. Ibid. "Like all other trends in subjective idealism, existentialism refjects thl~ Marxint eX])]<l!'nL:ion of the r·elation between social being and consciousness." - 166 des citations de l'Existentialisrne est un hurnanisrne sans doute plus faciles l comprend~e, et qui n'est pas du tout, cornrne on avait dit, ex~osition syst~rnatique une de la philosophie de Snrtre. Par exernple une longue citation de ce livre pour dire que son existentialisrne ath~e. est la Une ou deux citations de l'Etre et le libert~ prononc~e sartrienne. la pour d~crire Il est cur·ieux de rernarquer une absence de ses principes du pour-soi et de l'en-soi, ou merne le principe de a N~ant l'intentionnalit~ du pour-soi qui lc lie essentiellernent r~ali~e. Sartre peut se contre l'accusation que sa philopor /e. re.c.ou-rs sophie est une meto.pl"ysique qui fuit a la realite ~ -:·.· a cette d~fendre. intentionnalite de la conscience. Dire que l'existentialisme de a une Kierkegaard ou des existentialistes chretiens a recours m~taphysique est intelligible jusqu'l un certain point. que 1 'existent] allsrnc sartricn qui oe fondc uniquernent tiais dire a accepter. 1'expe- cu1· rience vecue de ln realite hurnainc eot ''unc philooophic rnetaphysique" est difficile certaine compl~temcnt Dire aussi que "1 I e~cisten- tialisme de Sartre s'appuie sur une fausse interpretation des concepts de l'existence de la liberte, du choix ... "semble pr~judi­ ciable, car quelle interpretation, peut-on demander, est la vraie, celle des marxistes ou d'autres? Et finalement, appeler l'existen- tiolisrne sartrien une philooophie bourgeoise va mal avec quelqu'un qui toute sa vie a lutte contre los valeurs bourgeoiseo. A mains que defendre les droits de l'individu soit pour certains une attitude bourgeoise. Il ne faut pas basent sur les ~crits fois :res hostiles. r~p~tcr que beaucoup de critiques ne se de Sartre mais sur ceux de ses critiques par- - 167 - Pourquoi Sartre etait-il de11u par le Marxisme? 11 Nous reprochons au marxisme contemporain de rejeter du cote du hasard toutes les determinations coner~tes de la vie humaine et de ne rien garder' de la totalisation historique si ce n'est son ossature abstraite d'universalite. Le resultat, c'est qu'il a entierement perdu le sens de ce qu 'est un homrr:e. 111 rielle n'est pas une fin en soi. Pour Sartre la production mate"On connait le passage de Marx": "Ce regne de la liberte ne commence en fait que lA o~ cesse le travail impose par la necessite et la finalite exterieure; il se trouve done par-dela la sphere de la production materielle proprement dite" (Das Kapital III, p.873). Aussitot qu'il existera pour tous une marge de liberte reelle au-dela de la production de la vic, le mar. x1sme aura :~s ,(. v~cu •.• rr2 Dans une etude approfondie Arun K. Jetli pose questions suivantes. "Si les Marxisteo contemporains ont eehoue, est-ce que Sartre peut leur fournir une base de transformation? Sartre est-il capable de reconstruire le cote actif de la dialectique? Si la 'dialectique dogmatique' est veritablement dogmatique, peut-on la remplacer par la "di.alectique critique"? 3 Ce critique repond que "Sartre ne reussit pas par sa 'dialectique critique' a remettre l'homme a sa propre place. 114 sartrienne de l'individu aboutit 1 • Snr t ro , ,1 • - r. s Dialectigue, . a un D'apres Jetli la subjectivite abstractionisme puisque le ll~"lll.lon <io M{!l;llo!lo tl:!ntl Cr•ll.ltiW do Jn Ha.luon o P· ,. ; . P. 5 a 2. Ibid., p.32. 3. Jetli, Arun, K.: "Sartre and Marxism'', Dnrshnnn Internntinnnl, Vol.XIX, Jan.1979, No.1, p.49. "If contemporary Marxists have fallen, can Sartre produce for them a base to transform? Is Sartre capnble of redevelopin~ the active side of the dialectic? If the doematic dialectic is indeed dogmatic, can it be replaced by the critical dialectic?" 4. Ibid., };.4-9. "Sartre does not succeed in pos:. "l;ing ma..l'l in his proper place throngh his 'Critical dialect'." - 168 - devenir de l'etre ne peut etre donne que dans le neant et par ~ ~ans consequent, l'etre ce neant ne peut etre qu'un abstractionisme. Aussi,.l'homme· tombe-t-il dans le piege d'un dualisme cartesien dont une partie est abstraite et est materielle. l'autr~, en tant que partie de serialite Tout cela revient au dualisme cartesien contre lequel Sartre s'est oppose. Le 'cogito' sartrien est alors incapable de 'praxis' laquelle Sartre veut retenir. Cette praxis n'est, en effet, qu'un symbole, une prise de position pre-marxiste. 1 Autrement dit, Sartre n'arrive pas a rectifier le Marxisme. Plutat, d'apres Jetli, c'est Marx et le Marxisme qui sont valables. Voici l'argumentation dont il se sert pour prouver sa these. La dialectique historique est un mouvement continuel. Mais le devenir de l'etre n'est pas possible chez Sartre pui~que en-soi est inerte, et l'etre se donne grfice au nennt. est alors coincee dunn le moment ou ellc se fige. L~ l'etre critique Ceci cmpeche le mouvement necessaire pour la constitution de l'histoire : "Being in ') Sartre is however practico-inerte and thus without autonomy.""' Sartre a recours, pour ce mouvement, n'est qu'une. juxtaposition des invididus. ~ la serialite qui Mais les hommes, dans ce cas, pris individuellement n'ont pas la possibilite d'entrer en rapport les uns avec les autres. Si pour Sartre l'etre-en-soi est inerte, l'@tre-en-soi pour Marx, est dynamique. a recours~ Celui-la, en effet, l'autrui pour constituer la subjectivite. hlerleau-Ponty affirme nussi que, pour Snrtre, il n'y n que des hommcs et den ci1ones, 1. Jetli, Arun K. 2. Ibid., p.52. art. cit. , p. 50. - 169 - mais aucune histoire, puisque d'apres l'analyse sartrienne il n'y a'pas de subjecti~ite interpersonnelle. C'est vrai que Sartre affirme qu'a uncertain moment de leur developpement les forces productives entrcnt en conflit avec les rapports de productions ce qui declenche une periode revolutionnaire. D'apres le critique indien, cela n'est pas possible puisque la periode revolutionnaire s'enracine dans l'histoire existentielle et non dans un moment solitaire ou dans la vacuite d'un neant. La subjectivite sartrienne de la conscience ne peut pas en principe suivre une structure objective, ou rnerne se referer periode revolutionnaire. Comment une a une serialite peut ou doit se constituer en groupe-en-fusion? L'individu sartrien, d'apres Jetli, jouit d'une double existence - une existence abstraite et essentialiste rnateriell~. 1 e~ une existence Le pour-soi sartrien est enracine dans l'en-soi auquel il fait face en tant que rnaterialite practico-inerte, et dans le sillage du neant. Par consequent, l'individu sartrien est abstrac- tion et en ser1alite et ne vit pas en tant qu'individu en soi, mais en se referant aux autres membres de la serialite. est une e~istence Cette existence commune aux autres. Jetli lie cette double existence de l'individu ace que dit Sartre en parlant de l'autrui : l'enfer c'est l'autre : ou le regard de l'nutrui est une menace de l'individu mat6riel pour 1'individu abstrait : ~rt is this dichotomy that necessitates Sartre to view the other as a threat, but the threat is only for the abstract individual, who is united with the other th1·out:;h cOI:wunali ty though 1. Jetli, Arun K.: art.cit., p.54. - 170 - knowing him to be an enem:y-." 1 Nous avons remarque precedemment que Sartre a evolue d'un v i.s'eble. ., individualisme exagereL9ans l'Etre et le Neant vers uncertain engagement dans l'Existentialisme est un hu~nisme et la Critique. Dans cette derniere oeuvre, Sartre a essaye de montrer que son existentialisme peut mieux aboutir a l'emancipntion revolutionnaire du • proletariat que le Marxisme, et que celui-ci pourrait nussi y arriver une fois adapte a l'existentialisme. Jetli essaie de prouver que Sartre s'est trompe, qu'il ne peut pas reussir puisque son existen~' tialisme ou plut6t sa Critique s'affniblit par un dunlisme, voirc un dualisrne cartesien. Le raisonnernent que Sartre offre pour faire participer l'individu ala Revolution par la serialite n'est pas valable et acceptable. Ce philosophe existentialiste, pris dans l'impas£e de I sauvegarder l'independru1ce de l'individu et en rnent ~ ln societe, cree che~ lui un dunlisme. m~me temps son L'individu e~gage- nbnt~nit, s'efforce de sortir de lui-m!me par la serialite et ainsi jouit d'une communalite avec les autres, qui n'est justement qu'une pretention car, au fond il retient son individualisrne. materiel et dans le pratico-inerte pnrticip~ L'individu en tant que l l'action revolution- naire du groupe mais,au fond, il garde son individunlisme. Ainsi, d'npres JetJi, lc vra.i individu (nbntrn:lt) n ln IH'(.Hcnti.on de vivre en groupe, car en realite il est intouche; merne ln praxis devient une 2 pretention ct une nbstrnction. -1. Jetli, ~run S. Ibid., p.55. K.: art.cit., p.54. - 171 M~me.si a ln l'ouvrier participe r~volution et sacrifie sa vie, il le fait· en tant qu'individu commun, comme faisant partie de la seriulite, mais sa vraie individualite n'a pas ete ~acrifiee. Jetli cite plusicurs philosophes tombe dans le pi~ge du dualisme cartesien. malgre tout, n'arrive pas a depasser d'apr~s 1 qui Sartre est Pour Raymond Aron, Sartre le dualisme cartesien inter- prete par HuSsE:rl, puisque la conscience sartrienne est solitaire, transparente a s~i, alienee ala matiere; grace 2 homme devient l'ennemi de l'autrui. D'apr~s cartesien. a son unicite, chaque le Professeur Desan, Sartre revient au cogito Il ecrit : "Sartre has carried on a life long struggle to protect what the French so aptly call '•lucidi te' which is of course Descartes old 'cogito' the privilece that mind alone has of not.being earth or any kind of matter. 3 Par centre, l'individu pour Marx est valable en coi puisqu 'il est mntiere ceulc et pnr consequent, pnrticipc ;\ ce tll.re l'action revolutionnaire. L'honme pour ~arx mais non pas en tant qu'individu abt'trait. u fait partie du groupe C'est l'ir.dividu materiel qui compte et.non pas l'individu abstrait. Autrement dit, la faiblesse et l'echec de Sartre pcut @tre attribue a SOn effort de faire Un COT.1pl'OI'IiD entre 1 'idealismc et lc realisme ce qui n'a pas reussi. 1. Jetli, Arun, K.: art.cit., p.55. 2. Ibid., p.56. 3. Ibid., p.5G. - 172 - Ce dualisme, d'apres Jetli, est aussi visible dans les oeuvres de Sartre .~ qu 'il ~ Dans 1 'Etre et le Neant, celu est si evident, 'efforce de le transcender pour que 1 'hdm1~e puisse vi vre son corps; aussi dans la section consacree il s'efforce de depasser ce dualisme vivant du 'Dasein vers la mort•. 1 superficielle sci condamne ~ar a Husserl, p~r Hegel et Heidegger, lu creation d'un cocito Pour Jetli, cette tentntive e~t cans le reste de l'oeuvre, Sartre revicnt au pour- a etre aliene a l'en-soi. Dans la gausee, son protago- niste Roquentin est condamne ala liberte absolue, tandis que duns le Diable et le Bon Dieu le personnaGe principal est voue terminismc absolu. 2 a un de- Un autre grave defaut de la Critique est son anti-nn.turalisme. Cela Yeut dire que, d'apr~s Sartre, la nature ne fait pas partie de l'homme : "The assumption is tl1at nature is inside of man and man outside of nature and they confront each other as enernies." 3 Jetli cite Levi Strauss pour qui l'opposition nartricnne entre l'homme et la nature remonte ala vision sartrienne de l'histoirc qui etait ce une ar~ne ou l'homme vainc la nature. 4 C'est a cause deLfosse que Sartre etait incapable de donner una explication valable du devenir, dans des structures, ce qui a eu pour resultat lu naissance des structuralistes au sein du Marxisme frun<:fais. Jetli fait une tr~s bonne etude comparative sur la prnxis marxiste et ln critique dinlcctique de Sartre. 1. Jetli, Arun K. : art.cit., p.56. 2. Ibid. , p.56. 3. Ibid. , p.57. 4. Ibid., p.57. Pour le ~nrxismc, - 173 - le groupe et ses accomplissements comptcnt avant tout; pour l'exissartrien ou le marxisme existentialiste de Sartre, c 'est ~;entialisme ~ la serialite. Pour le marxisme, les resultats pour l'Etat en tant que groupe sont importants. D'apres Jetli pour' que Sartre apprecie la sociclogie Marxiste, il doit depasser la serialite. l'universalite appartient a la pour Jetli, a l'individu Pour lui mais non au groupe, ce qui, rigueur, reste une quasi-universalite, puisque toute collectivite si complexe qu'elle soit est obsedee par la serialite. D'apres ce critique indien, Sartre reconnait involontaire- ment un dualisme rigoureux; c'est pourquoi il n'arrivc pas prendre que le groupe est au-dessus de la serialite. ~com- La soi-disant synthese de l'idealisme et du realisme est symbolique car chacun garde son identite independn.nte, et ce que Plekhanov a dit de Kareyev peut s I appliquer a Sartre : "The difference between r.1arx and Mr. Kareyev reduces itself in this case to the fact that the latter in spite of his inclination to 'synthesis' remains a dualist of the purest water. 111 Enfin, Jetli critique la dialectique sartrienne qui, comme toute'philosophie, est necessairement abstraite et loin de la pr~~is, et par consequent, ne peut pas etudier le marxisme et lui appliquer des remedes. Sartre est trap doGmatique et son zele l'a aveucle centre le meri te du fllarxisme. !.~erne Kersch et Luckacs, malr,re leur critique de la dialectique d'Engels, y avaient trouve quelques principcs de base corrects : "~lthout;h Sartrc waa acute enout;h to consider some of the Marxist trends '.to be tending towards positivism and . mechanistic materialism, he was not quite justified in 1. Jetli, Arun, K.':.. art.cit., p.59. rcjcctin~ the - 174 - entire dialectic of nature." 1 Pour Jetli, Sartre a passe trop de temps en interpretant ce qu 1 est la praxis, tandis que ce qu 1 on attendait de lui c 1 est plut6t l 1 action et la tr~nsformation du monde. Il cite Althusser pour qui la philosophie n 1 est qu 1 un flot de mots "Philosophy is that strange theoretical site where nothine really happens, nothing but this repetition of nothing. To say that nothing happens in philosophy is to say that philosophy leads nowhere because . .., it is goi! ,g nowhere:· D1 apr~s l 1 auteur, Sartre et Heidegger s 1 effor- cent de miner la philosophie de la science, et sont opposes a la psychologie et rejettent les disciplines de Yoga et de Tai Chi, car ils y decouvrent un pur sujet. La source de 1 1 anti-naturalisme de Surtre est, pcut-etre , Hegel qui s 1 est montre en opposition au principe grec de l'identification de l 1 homme avec la nature et par contraste insistait sur la subjcctivite de l'hornme. Sartre l 1 n suivi en refucnnt la nature. Mais Hegel, en effet, cherchait ·une moralite d 1 action r.ans intervention divine laquelle exiote chez le ~hristianisme. Tout en ac- ceptant que·Sartre a introduit dans la. philosophie uncertain humanisme, celui-ci pour Jetli est plutot un discours humain qu 1 un humanisme enracine dans l'existence. 3 D1 apres Jetli, Sartre n 1 a pas reussi dans le tnarxisme parce que lui-m~me est source active de dtscouro. 3. Ibid., p.61. le oujct avai t refuse la materinli te qui Mnin nprco uvoir demontre la faiulcosc 1. Jetli, Arun K.: art.cit., p.59. 2. Ibid., p.60. a trouver - 175 - de la critigue de la dialectique sartrienne, Jctli appr&cie ct comprend le dilemme de Sartre qui etait conscient nes lncunes de son a'bstractionisme. Cela est evident du fait'' quI il a renonce a son intellectualisme pour donner son appui au Parti Cor.n:n.miste Francwais dans la lutte centre l'imperialisme. Cela montre qu'il a senti lc besoin d'une praxis; et c'est pourquoi il a appuye le stalinisme qu'il avait auparavant attaque bien qu'en ce fuisant il a du vivre cette mauvaise foi. 1 Ce critique marxiste affirme que Sartre vers la fin de sa vie critiqua lcs intellectuels duns son 'Plaidoyer pour lcs intel1ectuels', ou il estime qu'un theoricien est incapable de s'engaGer dans la Revolution. r.1ais, en meme temps, on remurque cl!cz lui une oscillation entre le cat6rialisme et l'intellectualisme dent le resultat est .finalement le retour D'aprP.s Jetli, a part a un I') abstractionnisme.~ les philosophies de l'Orient qui possedaibnt deja une praxis, l'Ouest a du attendre l'arrivee de marxisme pour elaborer une philosophic de la praxis: Ce que les Upanishades realis~rent en 800 av. J.C. et qui fut l'essence du bouddhisme de Chan et de Zen c'est bien leur emphase sur la necessit~ de depasser des theories par la praxis. Les Keans du Zen sent renommes pour avoir demontre l'absurdite de la nure intellection. L'histoire dans l'Occident a du attend~e l'arrivee de Marx pour comprcndre la neC0.SSi te de ln renlisntion dt) la plli.lor;ophi.c que Sar!;rc n'an·Jvu pa:.J :\ t!OIIIJU.'L'JH.lrn. :5 1. Jetli, Arun K.: art.cit., p.61. 2. Ibid., p.61. 3. Ibid., p.62.. "Whnt the Upanishads realized tn 800 ~.c. and what has been the core of Chan and Zen· Buddhisme is their i1wistance of the nP.cessi ty of transcend in~ theories throuch prn..."<is. The Keans of the Zen are famous in showinG the absurdity of pure intellection. In the western world, history had to wait till Marx to understand the need of realization of philosophy, viliich Snrtre rails to see." - 176 - Ainsi est demontre qae l'Existentialisme sartrien n'a pas reussi a corriger le Marxisme. Faisons quelques observations faite par Jetli. sommair~s sur l'analyse Il faut accepter que Sartre s'est trouve dans un dilemme et a eu beaucoup de mal a existentialiser le mnrxisme. Sartre s'est refugie dans le besoin comme raison fondnmentale du depassement a travers la rarete. Sartre elabore : une theorie qui situe la connaissance dans le monde ... et qui la determine dans sa negativite. Alors seulement on comprendra que la connaissance n'est pas connaissance des idees, mais connaissance pratique des chases; ... quel nom donr.er a cette negativite situee comme moment de la praxis et comme pure relation aux chases memes, si ce n~est justement celui de la conscience? Il y a deux fa~ons de tomber dans l'idealisme : l'une consiste a dissoudre le reel dans la subjectivite, l'autre a nier toute subjectivite reelle au profit de l'object.ivite. La verite, c'est que la subjectivite n'est ni tout, ni rien; ~lle represente un moment du processus objectif (celui de l'interiorisatj_on de l'exteriorite) et ce moment s'elimine sans cesse pour renaitre sans cesse a neuf. 1 En derniere analyse et Sartre et ses critiques marxistes ont raison et tort. Ils ont raison dans leurs raisonnements en ce sens que tous veulent renettre l'homme a sa place. Ils ont tort de s'efforcer de prouver faux les argumentations de l'opposition. Car en effet Sartre ne veut pas etre Marxiste; son existentialisme est "en marge du marxisme". Ses critiques ont tort de 'marxiser' son existcntia- lisme de meme que Sartre a tort 'd'existentinliser' le mnrxisme. Car la praxis n'a pas le meme sens pour le marxisme et pour Sartre: 1. Sartre, J.-P. : Question de llethode dans Critique de la Raison Dialectigue, . - - of>. cit. f· Jl. - 177 A-t-elle le meme sens, recouvre-t-elle le meme domaine pour Sartre ou dans le marxisme? Est-elle creation, invention ou 'production sociale? Son fondement est-il dans les .forces collectives ou dans l'individu? L'ensemble de la Critique de la raison dinlect~.gue va osciller entre ces deux lectures possibles sur Sartre et le marxisme. 1 Ou encore: "Ainsi s 'articulent deux conceptions opposees: 'Sartre d'un bout a l'autre de la Critique s'efforce de demontrer que l'univers soci~-historique se ramene en droit a 1~ praxis, autrement dit a l'experience vecue, ala conscience : Levi-Strauss tend ala demonstration exactement contraire, autrement dit ala demonstration qu'il y a une raison humaine qui a ses raisons que l'hom:nc ne connnit pas", dit Raymond Aron dans Histoire et dialectique de la violence. 2 Gautam Sanyal a fait une etude tres savante et informatrice sur Sartre et le Marxisme. Marxism~ Dans un article : Jean-Paul Sartre and l'auteur pense que l'etude de l'existentialisme marxiste de Sartre est une contribution a une sociologie marxiste pour deux raisons principales : Tout d'abord, puree que Sartrc se croyait e~ Marxiste mettait sa foi en l'efficacite du Marxisme, et deuxi~me­ ment parce que l'etude aide ala comprehension d'une ideologie bourgeoise. Dans cet article on met en question la critique de Sartre qui reproche a Marx, EnBels et Lenine d'avoir supprime dans l'elaboration de leur these sur le materialif>me dialectique la subjectivite et l'individ11alite de ln personne et d'nvoir perdu de tance des evenements historiques individuels.' en doute les fondements meme du vu~ l'impor- Sartre, ainsi, met marxisme~ o/J· c./ • 1. Colombel, Jeannette: Jean-Paul Snrtre, textes et debats~p.553. 2. Ibid., pp.5G1-565. 3. Sanyal, Gautam: "Jean-Paul Sartre and J.larxism" dans Marxian Sociologv sous la direction de Roy, V.IC.ct Sarikawal, Ramesh1 C. Ajo~~tt., Pub/; c. o.t ion.s ) 'PELHI.J 191-9. - 178 Dans une autre etude : Dualism in Sartre's Philosophy 1 ce critique met en question l'affirmation o~ Sartre dit qu'il avait depasse le dualisme de l'Etre et le Neant dans la Critioue de la Raison Dialectigue, publie queJque 17 ans apres, la parution de l'oeuvre precedente. Sanyal demontre d'une maniere rigoureuse que ce depassernen"t n'est qu'une apparence, et que ce dualisme de la conscience et de la matiere, soit du pour-sci et de l'en-soi, est commun aux deux oeuvres. C'est pourquoi pour lui, Sartre ne peut etre un vrai Marxiste, ni a-t-il le droit de critiquer le ~arxisme. Dans ce deuxieme article)Sanyal fait d'une part un resume, d'autre part. une critique du marxisme sartrien. Pour lui, Sartre accepte l'opinion marxiste que la philosophie est moyen theorique ac.c.eptQ. pour la transformation du monde et_t:ussi le materialisme historique d'apres lequel la mode de production de la vie materielle est, en general, le facteur qui determine la vie politique, sociale et intellectuelle. Sartre reconnait la conception marxiste de la liberte comme inseparablement liee ala necessite. Et pourtant, d'apres Sanyal, Sartre rejette la theorie marxiste de la connaissance comme n'arrivant pas a expliquer le role de la s'ubjectivite dans l'acquisition du savoir; il accuse le Marxisme d'etre un monisme qui reduit la pensee l un &tre;. et finalement il rejette la dialectique marxiste de la nature. L'auteur ensuite, preuve que le depassement du dualisme, Sartre, d'apres lui, le savoir est un depassement vers la praxis, une transformation de ce qui est; connu; e t le caractere diulectique du savoir devient praxis et projet. 2 1. Sanyal, Gautam:"Dualism in Sartre's Philosophy", communication inedite faite au Seminaire national sur Sartre. 2. .I2.i£. - 179 Comme la connaissance, la philosophic sartrienne est fois dialectique et praxis. Ce n'est pas unc abstraction. a la Elle est toujou?="s en train de totaliser et accumuler, rna-is elle n'est jamais quelque chose d'acheve : "Philosophy is the totalisation of contemporary knowledge ... it is a totalisation but not a totality ..• totalisation for Sartre means totalisation - dctotalisation retotalisation. 111 faire, aucune verite. Puisque la philosophie est toujours en train de se ~hilonophio ne peut @tre le depositaire de tottte la En plus, la philosophic sartrienne, pour Sanyal, est tou- a la jours lieP vie ~eelle et donne une direction au mouvement general de la societe. Ce critique indien, ensuite, souligne la difference entre ideologie et philosophie faite par Sartre puisque, ce dernier avait une opinion precon~ue centre le marxisme qu'il prenait pour une ideologie. La· philosophie [.lSSimile tout, tnndis qu'une ideolot;ie fait partie de ln philosophic; son orientation est et elle (ideologie) reste son parasite. aosum~e par cllc; Sartre, d'apres Sanyal, croyait, ainsi, pouvoir incorporer le marxisme avec son autonomie relative, au sein de l'existentialisme. Et puisque la philooophie est toujours en train de se depasser, l'ideologie ~ourrait aussi jouir d 'un de.passement : "However the r'..utonomy of ideolo;_:;y bccomco redundant." N4nnmoinn, malgrt! tout ce que dit le Frnn~nio, raisonnement perd de sn force, et s'affaiblit puisque le son d~pnssement, le principe fondnmental d'une praxis, ne se donne pas dans ses oeuvres. L'auteur de l'Etre e: le Neant lui-meme reconnait n'nvoir pas elimine ce dualisme, et accepte que le 1. Sunyal, Ga.u tnm: art. cit. duaJL;m~ oc 'l'et.re et de (sc,..il\lili,.e. .soM. StdfYc~ itt~'old) - 180 - l'apparence', de 'l'apparence et de l'essence' de 'la potence et de l'acte' se transforme en un autre dualisme - celui 'du fini et de 1 'infini'. Pour Sanyal, pourtant, lc dualisme .,qui interdi t un de- passement SRrtrien, est celui'de la matiere et de la conscience' de l'etre et de la pensee' qui existe ausGi dans la Critioue. S~rtre Car, ici, en accusant Marx d'avoir supprim~ la subjectivit6, indirecte- rnent accepte un dualisme. En conclusion, Sanyal est de l'avis que toute les differences entre le ~arxisme l'incompatibilite entre ln doctrinP et Sartre ont pour source m~rxiste de mat~rialisme et le dualisme sartrien de la pensee et de 1 'etre. moniste "These disaGree- ments lead us to the conclusion that Sartre's thouGht does not really involve depassing. ul La plupart des critiques inc:icns, surtout les marxistes, estiment que Sartre ne pouvait pretendre Gtre un vrai marxiste. Ils attribuent cette incompatibilit~ entre leo deux systemes uux postulate de base de l'e~istentialisme sartrien et du mnrxisme. comment p~'"'ut-on D'apr~s eux, reco::1cilier une philonophie qui met en valeur ln subjectivj_te, la conscience de l'individu au-dessus tout, et une autre qui affirme que ce qui compte n'est pas la conscience individuelle et son action mais l'action sociale du groupe. cette premiere incompntibilite il en decoule une outre. ln JHwrte illllividw~JJt: c~;t nl>noluc, pour 1:1:p11~llr~ En plus, de Pour Sartre, i.l n';y a auc11n determinisme, tnndis que pour le mnrxisme ln. nociete et 1 'action collective determinent completement l'action individuelle au benefice du groupe. Ainsi les critiques conclu0nt-ils que l'existcntialisrn 1. Sanynl, G<!utam: Rrt. cit. (t·He:oU) - 181 sartrien et le marxisme sont irreconciliables voire contradictoires. Cependant le Dr. B.G. Tewari n'est pas de cet avis. Dnns Marxism and Exist;ntialism 1 , il essaie de demontrer que ces contradictions sont superficielles. Une plus profond.e analyse revel era un point de recontre un trait d'union entre Sartre et hlnrx. il? La dialectique. Quel est- Comment? L'analyse de l'action sociale de l'existentialisrne et du marxisme revele que la transcendance et le depassement sont a tousles co~~uns deux, puisque ils s'orientent 'vers l'objet, vera l'action. Qu'on prenne pour point de depart la 'conscience' sartriennc, ou l'action rnarxiste, on aboutit toujours a l'objet et au monde: "For Sartre ••• consciousness with which you begin is not a self-enclosed dead end, but intrinsically transcends, it is a wind blo\'!ing towards objects ••. so too with action, it intrinsically grapples with the world and in this mode transcends." 2 C'est pourquoi, ni pour Sartre ni pour M'arx le point de depart n'est l'essence. Mais comment reconcilier la liberte sartrienne avec le determinisme marxiste? Laliberte sartrienne, absolue en soi, refuse tout deterrninisme du dehors. Cette apparente inco~patibilite est resolvable si l'on fait une analyse plus profonde de l'action marxiste et de la liberte sartrienne. m.trice de la societe rev~le L'analyse de l'action transfor- un aspect paanif voire dnns 1'6tude et la comprehension de la societe source de nos rnaux. l'homme n'y s'urr@te pas, il s'adonne 0. la Pourtnnt transfor~ation de la societe.- L'acceptation des conditions sociales ne devient qu'un 1. Tewari, B.G.: "Marxism and Existentialism", Darshana International, Vol.VI, July 1966, No.3. 2. Ibid., p.31. - 182 - point de depart pour son action transformatrice ulterieure. Voila ce qui est l'action marxiste. Passons maintenant a l'action sartrienne. Il ne veut pas proposer une liberte absolue repliee sur elle-meme et privee de la possibilite de choisir parmi lee alternatives qui se D'apr~s elle. pr~sentent Tewari, la liberte sartrienne est liee • a a l'imagination creatrice,precondition d'action, de meme que pour le h)arxisme lu liberte est ·essentielle pour transformer la societe. pour que cette compatibilite entre Sartre et ~arx Neanmoins, paraisse plus evi- dente, on doit approfondir notre analyse de la conscience sartrienne. C'est m~me a l'interieur de cette conscience, dans son essence qu'il fnut trouver la source de l'action. Y a-t-il un lien etroit entre la conscience subjective et l'action? D'apr~s Il y en a un. ce critique indien, l'imagination et l'action n'ont que la meme racine : "It is our thesis that imagination has the same root, and their nature is the same and becaHAe of this, the freedom inherent in the one implies the freedom inherent in the other. 111 cette racine? a prouver D'apr~a Tewari, c'est la dialectique. Quelle est Si on arrive que celle-ci est l'essence de l'existentialisme sartrien, on a reussi ale reconcilier avec le lectique est essentielle. m~rxisme, pour lequel la dia- Autrement dit, le Dr. Tewari demontre que la nialectique fait partie integrante de la conscience et qu'elle relie la conscience argumentations. a la societe. A cette fin, il donne plusieurs Dans un premier temps, il analyse l'intentionnalite de la conscience, dans un deuxieme temps, il examine la relation de la conscience a l'imagination, 1. Tewari, B.G.: art.cit., p.32. et troisiemement il decrit la - 183 psychologie sociale du developpement, de l'esprit et de la conscience. Revenons sur l'analyse de la conscience. Nous risquons ici de nous repeter, car nous avena deja vu ce qu'est la conscience ., sartri~nne. T~wari pretend que la conscience prereflechie est un neant qui trouve son unite dans son objet, puisque la conscience est essentiellement intentionnalite. ciente de sci, elle l'est grace Tewari a-t-il recours a cette M~me si la conscience est cons- a l'objet transcendant. Uaie pourquoi caracteristique de la conscience? Il le fait parce qu'au sein de cette intentionnalite se cache la dialectique. La· dialectique se fait d'une these, d'une synthese. anti-th~se et d'une L'analyse de l'intentionnalite de la conscience rnbntre que la conscience en s'identifiant avec l'objet le nie en merne tenps en le referant object." 1 De a un ~erne neant. ''Consciousness both is and is not its que la conscience ne par son essence constituc un etre et en merne temps le neant, l'irnagination joue aussi un role identique. Quel est, en effet, ce role? Tewari dit : "Throughout ••• Sartre has been stressing the fact that in imagination, the object is posited either as absent, non-existent as existing elsewhere or as neutralised. 112 Cela exige un pouvoir de neantisation que, comme nous l'avons vu, la conscience nussi possede. VoilR pourquoi Snrtrc estirne que l'objet de la conscience ent aussi cclui de l'imagination: "He (Sartre) points out that frequently th~ object of' both are the snme but what distinguishes the two 1:.1 the conoci0nce attitude towal'do the object. 113 En d'autres terrnes, s'il existe une dialectique dan::; 1. Tewari, B.G.: Hrt.cit., p.33. 2. Ibid., p.31. 3. Barnes, Hazel E. : Translator's Introduction of L'Etrc et le Neant, Washington Square Press, 1966, Hew York, p.xv. - 184 - la conscience par la position d'un etrc et du neant, de m@me dans 1'1mag1nat1on qui n'est d'autre chose que lo. conscience imaginante, on trouve une dialectique. nante est lie a la De plus, le role de la conscience irnagi- question de la liberte puisque pour pouvoir imagi- ner il faut etre libre. Tewari arrive, alors, a degager la dialecti- que et la transcendence dans la conscience et dans 1 'imacsina·tion. Le critique, ensuite, demontre que la conscience et l'imagination sont, de par leurs essenries, pnrties constituontesde la psychologie du developpcment de l'esprit. Il se demar:de : "Are the necessary conditions for realizing tht social development of the mind the same o · different from the conditions of possibility of a consciousness in general?" 1 EtA repondre que, d'apr~s Sartre, led~­ veloppement social de l'esprit vade pair avec les conditions du devcloppement de ln conscience. Tewari a recours nux argumentations de Herbert Mead pour dernontrer que la relation entre la conscience et l'action sociale est intrins~que, et par consequent, la liberte sartrienne peut coexister avec le determinisme marxiste. Le soi-disant determinisme social (dumarxisme) n'est pas du tout une negation de la liberte (constitutive de la conscience) mais la consequence de cette liberte dont elle fait partie. 2 Analysons de pres la theorie socialc de Mend d'npreo qui, l'intelligence se revele essentiellement dans l'ncte et l'acte est essentiellement social. Quelles sont les etapes loeiques entre l'acte et son aboutissement social? Il y a certains comportements organiqueG chez certains nnimDUX OU etres humains qui provoquent une reaction chez d'autres 1. Tewari, B.G.: art.cit., p.34. 2. Ibid. , p. 35. - 185 - membree de la m~me et dee hommes. esp~ce. Mead donne l'exemple des cris des animaux Ce comportement organique complexe transmet un mesl sage qui declenche une reaction laquelle se transforme en comportement identique. Celui-ci, a son ., tour, transmet un message. Voila un comportement organique complexe puisqu'il implique plusieurs membres du corps : la bouche, la voix, les pieds etc. " •.. dogs approch one another in a hostile attitude, walk around one another, growling and snapping, waiting for the opportunity to attacJc." 1 Le geste et le comportement du premier chien a un sens pour l'autre, qui par une reponse provoque une reaction chez le premier chien. Ces gestes, ces comportements sent une sorte de converoation symbolique que le philosophe americain nomrne "the conversation of eeoturef:i". 2 Ces actes ne restent pas chez l'animal au l'individu mais lc trru1scendent necessairernent vers l'autrui. En ce sens, ils sent sociaux. Pour Head cette conversation de gestes est l'intelligence potentielle. Comment? Les gestes surtout vocaux deviennent des symboles comr.1Unicant et transmettant un sens, alors sont-ils des symboles signifiants. La repetition frequente de ces conversations de Gestes chez l'individu·donne naissance a l'intelligence. "Mind ie the rehe"arsal of the conversation of gestures within the individual."3 Dans le cas des hommes, la conversation de eestes prend la forme du langage, par lequel l'action sociale est incorporeea l'individu. C 'eat-a-dire que d 'npr~s Mend, ln ·convprnnti.on do £:en ten rlonnc naiosr.mce a ].'intelligence elJc J1refluppooe l'nct1on puisqu'en prellant la forme du langage, oocinl1~. Pour r6uumur, l'uction :.;oclnlc donne naissance au lang age qui est la genese de 1. Tewari,B.G. : art.cit., p.36. 2. Ibid. , p. 36. "3. ~·' p.36. 1 'intr~lligence. - 186 - a l'action Ainsi, 11 est clair que l'intellisence est liee sociale. Mead preuve cela d'une autre maniere. Chaque individu contient "the generalised other", 1 (l'autrui geheralise). individu joue le r8le d'autrui. Chaque Si un enfant joue tout seul il joue deux roles, le sien et celui d'un partennire imaginaire. the simplest form of being anotl:er to ourself. 112 "Play is l'.Iaio ccla cot encore plus visible dans une partie ou "l'enfant doit savoir ce que tous les autres vent faire en vue d'opercr son propre jeu. qu'il prenne taus ces roles." 3 Il faut Il faut noter que cette conversation de Gestes n'est pas seulenent productive de l'intelligence et de l'nction sociale, mais en plus elle est transcendante et dialcctique. Pour cela, on doit suivre Uead dans son analyse de la "conversation de gestes". recours a un de l'esprit. Il a processus de repetition partie essentielle de sa theorie La repetition de gestcs n'est pas toujours actuelle, mais parfois potentielle. Le chien n'est pas toujours en train de grogner, le be be ne erie pas toujours pour attirer 1' attention /e sa rnaman. En effet, la repetition est une memoire, c'est-a-dirc elle a a faire avec le passe, mais sa potentialite n'est pas toujours ac- tualisee. "Consequently the moment we enter rehearsal, we e11ter the possible. 114 quences. solutions. Nous anticipons des actions possibles, et leurs conse- On peut anticiper des problenes sociaux et en chercher les On a la capncite de regler notre conduite. 1. Tewari, B. G.: art. cit. , p.37. 2. Ibid. , p.37. 3. Ibid., p. 3'~. - 4. Ibid. , p.38. "Rehearsal - 187 - lifts us into the realm of logic. actions We are askinf: if such and ouch ~ undertaken, then what? "1 Ainsi explorons-nouo des alternatives, ce qui n'a pour but que la recherche des solutions aux probl~mes. L 'auteur conclut en dis ant que la trc:mscendance et la dialectique sent de l'essence de la conscience sartrienne et nous touchons du doigt en m@me temps l'action sociale, ce qui est essentiel ala dialectique marxiste. Ainsi, a un niveau profond, l'exis- tentialisme sartrien et le rnarxisrne se rapprochent et ne se centredisent pas. Dans ce relativernent long chapitre nous avons revue des analyses et ~tudes pass~ en critiques sur la philosophie snrtrienne. On n'a pas l'intention dele prolonger par de longues commentaires de notre part. Qu'il suffise de noter que le sartrisrne n'a pas i.nnperctu p::tr la critique indienne. MalGr~ la difficul·t~ pass~ de comprcndre: . les oeuvres philosophiques de Snrtre, on constate que l'existentif. lisme"sartrien·a ~t~ bien interroge, d~battu et rneme mis en question dans notre partie du monde. Parfois la critique est un peu sornmaire, parfois un peu superficielle s~rtout semblent avoir des pr~jug~s quand les auteurs de la critique centre l'existentialisme athee de Sartre ou rneme quand ils font des affirmations sans avoir etudie ses oeuvres au fond. Beau coup de critiques, pourtar1t, ont montre qu 'ils ont bien etudie leA oeuvren de Snrtre et ont tout le droit de oc mcttrc en accord ou pas avec sa philosophie. hostil~mnis Beaucoup se sent montre plucieurs sympathiques A sa philosophie. Certains aspects de sa philoAophie ont attire plus de critique que d'autres. 1. Tewari, B.G.: art.cit., p.38. 188 - Somme toute, on peut conclure en disant que Sartre, pas inconnu de l'Inde. philo~ophe n'est