Floraison - PrepasBio

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VERNALISATION, PHOTOPÉRIODE ET FLORAISON
D’après Pour la Science, n° 381, juillet 2009 « Mais qu’est-ce qui fait fleurir les plantes ? » par François
Parcy
La vernalisation (du latin vernalis : printanier) est l’action de l’humidité qui rend les plantes plus sensibles
au froid, leur conférant l’aptitude à fleurir. Cet effet positif du froid concerne, par exemple, les plantes
biannuelles. Durant les mois s’écoulant entre l’exposition au froid et la floraison, les cellules souches du
MAC (Méristème Apical Caulinaire) subissent de nombreuses divisions. Ainsi les cellules qui produisent les
fleurs ne sont pas celles qui ont connu le froid mais leurs descendantes.
Comment le froid peut-il jouer sur la quantité d’une protéine ?
Il existe 2 classes de mutants d’Arabette insensibles au froid ; chez
la première, les basses températures ne font pas baisser la quantité
de protéine FLC tandis que dans la seconde, la quantité est réduite
lorsqu’il fait froid mais elle remonte lorsqu’il refait chaud. Tout se
passe comme si les plantes « avaient oublié qu’elles ont eu froid avant
d’avoir chaud » ! Chez les mutants de la 1ère classe, le facteur VIN3
(Vernalization Insensitive 3) qui inhibe l’expression du gène FLC est
en cause. Ce facteur est normalement synthétisé sous l’effet du froid
et s’accumule lorsque l’exposition au froid est assez longue, évitant
ainsi à la plante de fleurir hors saison. Ainsi le froid agit indirectement
via la protéine VIN3 mais on ignore encore comment. Chez les
mutants « amnésiques » de la 2èmeclasse, c’est l’anomalie des
protéines VRN1 et VRN2 qui déclenche la synthèse de la protéine
FLC et donc qui inhibe la floraison.
La mémoire de l’hiver est un mécanisme épigénétique (où
l’expression des gènes soumise à l’influence de l’environnement
La protéine VIN3 et les protéines VRN modifient l’état de
compaction de l’ADN et donc son expression. La protéine VIN3 se lie
à la chromatine au niveau du gène FLC et interagit avec un complexe
enzymatique qui élimine les groupes acétyle et rajoute les groupes
méthyle sur certaines protéines histones. Cela bloque transitoirement
l’expression du gène FLC. Les protéines VRN sont des enzymes qui
prolongent l’effet de VIN3 en stabilisant la conformation condensée de
la chromatine. Il s’agit donc d’un mécanisme épigénétique qui
explique la « mémoire de l’hiver ». Lorsque la cellule se divise, ces «
balises moléculaires » sont remises en place sur les mêmes sites
chromosomiques dans les cellules filles. Ainsi de division en division,
le gène FLC reste inactif, y compris dans les cellules du méristème
nées au printemps.
Comment la sortie de l’hiver coïncide t-elle avec la levée de l’inhibition de la floraison ?
Dans les années 1920, des botanistes ont montré qu’il existe des plantes ayant besoin de jours longs
(JL) et qui se reproduisent au printemps (moutarde, betterave, blé de printemps..) tandis que d’autres, dites
de jour court (JC), ne fleurissent que lorsque la longueur du jour décroît (riz, soja, chrysanthème..).
Contrairement au froid, la photopériode est perçue non pas par le MAC au par les feuilles. Des expériences
de greffe ont montré dans les années 1937 l’existence d’un signal, qui se transmet des feuilles au
méristème, appelé alors florigène dont l’identification a eu lieu en 2007. Arabidpsis est une plante de JL
facultative. Les mutants constans (CO) d’Arabidopsis ne perçoivent pas la photopériode et fleurissent avec
retard, même si les jours sont longs. Le gène constans, altéré chez le mutant, a été identifié. Des plantes
transgéniques chez lesquelles ce gène est surexprimé fleurissent très vite, montrant ainsi que la protéine
CO stimule la floraison. La quantité d’ARNm codant la protéine CO varie selon un rythme circadien quelle
que soit la longueur du jour : elle est élevée la nuit, baisse le matin et remonte en fin d’après-midi.
Bernard AUGÈRE
17/09/2009
La protéine CO est-elle le florigène recherché ?
Il existe une autre protéine noté FT (Flowering locus T) qui est un puissant inducteur de la floraison et dont
la synthèse dans les feuilles est stimulée par la protéine CO. La protéine CO ne provoque la floraison que si
elle est produite dans la feuille alors que la protéine FT déclenche la floraison lorsque son expression est
activée aussi bien dans la feuille que dans le MAC. Laquelle des deux protéines est le florigène ? Des
expériences de fusion de la protéine FT avec une protéine fluorescente montrent que la protéine FT migre
dans la sève élaborée. Si on empêche sa migration en l’attachant à une grosse protéine, on l’empêche d’agir
depuis la feuille mais pas depuis le méristème. Si on fournit à la plante une enzyme qui détache FT de cette
grosse protéine, elle agit de nouveau depuis la feuille. Le florigène est donc la protéine FT. Elle agit en
s’associant à un facteur de transcription nommé FD (Flowering locus D) déclenchant l’expression des gènes
permettant la construction du bouton floral.
(a) L’ARN de la protéine CO (en marron) est produit en grande quantité en fin de journée. (b) En fin d’aprèsmidi, la quantité de protéines CO stables devient suffisante pour activer le gène FT qui code la protéine FT
(en rouge) . (c) La protéine FT passe dans les tubes criblés du phloème. (d) La sève élaborée transporte la
protéine FT jusqu’aux cellules du MAC. (e) Là, elle se lie à la protéine FD (en vert). (f) La liaison FT-FD
active la cascade de gènes permettant la construction du bouton floral.
Les surprises du florigène ! La protéine FT du tabac fait fleurir la tomate tandis que celle de l’arabette
fait fleurir le peuplier. Le florigène semble donc universel. Un arbre présente une phase juvénile
normalement de 10 à 15 ans. Cela signifie qu’il croît sans jamais fleurir malgré des conditions favorables au
printemps. Si on augmente par transgénèse la quantité de FT dans des plantules de peupliers, la floraison
se produit au bout de 4 à 5 semaines. Si on cultive des arbres transgéniques synthétisant beaucoup de FT
en JC, ils continuent à pousser, insensibles au changement de photopériode alors que des arbres témoins,
non transgéniques, perdent leurs feuilles, arrêtent de grandir et mettent des écailles autour de leur
bourgeon. Le florigène joue donc un rôle en automne lorsque les bourgeons entrent en dormance.
Bernard AUGÈRE
17/09/2009
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