
8Medi-Sphere 304 - 14 février 2008
Actualités politico-sociales
A l’heure actuelle, les soins
de santé sont financés pour
les deux tiers par le travail.
Vous dites que ceci ne sera
pas tenable à long terme?
Jan Van Emelen: Au Conseil général de
l’INAMI, la participation des partenaires
syndicaux et sociaux est relativement gran-
de car la sécurité sociale est financée pour
les deux tiers par le travail. Il faudrait évoluer
vers un plus grand financement émanant de
circuits alternatifs, comme la fiscalité. Dans
l’Union européenne, il n’y a que deux Etats
membres où la sécurité sociale est financée
dans une mesure aussi importante par les
cotisations des personnes actives. Les dé-
penses consacrées aux soins de santé aug-
mentent tandis que le pourcentage de la
population active diminue. Je pense que ce
système n’est pas viable à long terme. L’Eu-
rope va proposer des solutions telles que les
critères de comparaison. De même, l’ouver-
ture des frontières résultera dans des soins
de santé moins coûteux.
Le disease management
constitue, selon vous,
un outil important dans
la maîtrise des coûts.
Ne s’agit-il pas ici d’une
sélection des risques?
Jan Van Emelen: Par disease manage-
ment,
il faut entendre une approche de la
pathologie qui vous permet de faire passer
précocement un très grand groupe de pa-
tients des soins à la prévention. Dentalia
Plus, notre couverture des soins dentaires,
en constitue un exemple. Via Dentalia Plus,
nous remboursons 80% des soins dentaires
à condition que le patient ait fait exécuter
un examen dentaire préventif l’année pré-
cédente. Si le patient ne le fait pas, l’assu-
rance ne rembourse que 50% des frais de
soins dentaires. Nous responsabilisons le
patient, mais nous ne le punissons pas.
Il est essentiel de n’exclure personne du
remboursement. Chacun est assuré, quel
que soit son risque, mais nous voulons en-
courager les gens à se soucier davantage
de la prévention. Nous évitons ainsi la sé-
lection en fonction des risques, mais nous
responsabilisons le patient.
Les Mutualités Libres
croient fermement au
libre-échange dans le
secteur des soins de santé.
Pourtant, on sait que ceci
ne s’applique pas tout à fait
à ce secteur…
Jan Van Emelen: La réalité est que les gens
dépensent de l’argent pour les soins de san-
té. Il y a une offre à condition qu’il y ait un
marché. Nous constatons que la chirurgie
esthétique connaît un véritable boom, bien
que l’assurance maladie n’intervienne pas.
Dans le secteur des soins de santé, les auto-
rités constituent un facteur gênant avec leur
système de reconnaissance et d’interdiction,
le résultat étant que nous payons trop pour
nos soins de santé.
D’autres secteurs prouvent que le libre-
échange est bénéfique pour le consom-
mateur. Grâce au libre-échange en Europe,
aujourd’hui, nous payons moins cher nos
appels téléphoniques mobiles. Le prix d’un
cathéter cardiaque avec défibrillateur, par
exemple, est trop élevé en Belgique parce
que nous avons un système de marché
fermé. Les mutuelles devraient pouvoir col-
laborer et obtenir un prix plus avantageux
à l’étranger. L’utilisation d’implants et de
dispositifs médicaux augmente de manière
exponentielle. Si nous voulons que ceci
reste finançable, nous devons faire appel au
libre-échange.
Les médicaments bon marché constituent
un autre exemple. La progression des médi-
caments bon marché ne s’est produite qu’au
moment où la concurrence a été possible.
La libre circulation des biens
et des services en Europe ne
stimule pas suffisamment
le libre-échange. Quelle
solution préconisez-vous?
Jan Van Emelen: Proposons de la qualité
et laissons le patient juger. Dans certaines
régions frontalières spécifiques, comme
à Courtrai et Maastricht, il existe déjà une
grande mobilité des soins de santé. Dans le
Limbourg, des institutions de soins vendent
des interventions à des assureurs de soins
néerlandais. Ce système fonctionne. Pour-
quoi, dès lors, ne pas élargir ce système de
marché?
Chaque Etat membre de l’UE possède son
propre système de soins de santé, avec cha-
cun un très petit marché, ce qui fait que le
mécanisme du marché peut difficilement
jouer. Si les pays s’organisent mieux, ils
pourront assurément rendre les soins de
santé moins chers, tant en termes de tech-
nologie qu’en termes d’achat de soins de
santé.
Quel est l’impact de
l’Europe sur le secteur
hospitalier?
Jan van Emelen: Tant que le budget consa-
cré aux soins de santé augmente chaque
année de 4,5% plus l’inflation, chacun se
trouve dans une position confortable. Les
directions des hôpitaux sont trop tournées
vers elles-mêmes et sont principalement
préoccupées par la question de savoir
«quelles prestations sont nécessaires pour
survivre au mieux?».
Que se passe-t-il sur le marché européen?
CAPIO, un acteur européen majeur dans le
secteur des soins de santé en Europe, qui
possède des filiales en Suède, en Norvège,
au Danemark, en Finlande, au Royaume-
Uni, en France, en Allemagne, en Espagne et
au Portugal, procède à une rationalisation,
avec pour conséquence des prestations de
meilleure qualité et moins chères en matière
de soins de santé. On travaille avec un seul
modèle de contrat pour les médecins, un
seul système de qualité, et un système ICT
uniforme. Il y a en outre une rationalisation
de l’offre de soins. On laisse jouer la subsi-
diarité et les médecins ne s’occupent plus
que de l’interprétation hautement techno-
logique à laquelle ils ont été formés.
Le jour où tout le processus décisionnel au
niveau de l’INAMI arrivera à la constatation
qu’il existe un système de meilleure qualité
à un prix inférieur, ceci sera alors incontour-
nable, rien ne pourra l’empêcher.
Ces derniers temps, on
parle beaucoup de la
qualité des soins. Les
hôpitaux doivent-ils être
évalués quant à la qualité?
Jan Van Emelen: Nous sommes partisans
d’une mesure de la qualité – aussi bien la
qualité de l’acte individuel que la qualité
du processus de soins. Il revient au secteur
même de développer des critères de qua-
lité et de les faire contrôler par un bureau