Pour une vision à long terme qui mette l`économie au service de la

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Pour une vision à long terme qui mette l’économie au service de la société
Nous ne pouvons pas nous permettre d’oublier que le secteur financier existe pour servir l’économie
réelle, qui a besoin d’être au service de la société, qui, à son tour, existe pour protéger et promouvoir la
dignité et le bien-être de la personne humaine.
Comme la crise financière mondiale et ses conséquences semblent parties pour dominer une fois de plus, en
2013, les paysages économique, social et politique, la Commission Justice et Paix, s’appuyant sur
l’expérience de 30 pays européens
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, souhaite défendre la cause d’un changement radical. Notre vision est
celle d’une sociédans laquelle toute l’activité économique est au service des exigences de la justice et du
bien commun. Il n’est ni trop tard pour tirer les leçons de nos erreurs passées ni pour rompre avec les
schémas de ces dernières décennies, mais il faut pour cela que nous soyons prêts, individuellement et
collectivement, à prendre nos responsabilités et à adhérer à une vision sur le long terme en faveur d’un mode
de vie plus juste et plus durable. Nous croyons qu’une responsabilité particulière incombe aux
gouvernements pour faire adopter la législation et les structures nécessaires à la réalisation de cette vision.
Nous ne pouvons pas nous permettre d’oublier que le secteur financier existe pour servir l’économie réelle,
qui a besoin d’être au service de la société, qui, à son tour, existe pour protéger et promouvoir la dignité et le
bien-être de la personne humaine. L’inversion de ce système de valeurs voit l’avenir des institutions
financières assuré aux dépens des besoins et du bien-être d’individus, de familles et même des générations
futures ; un choix qui n’est ni logique ni durable. De nouveaux scandales financiers continuant à être mis au
jour, il devient de plus en plus clair que nos sociétés ont permis au secteur financier d’agir comme s’il était
au-dessus des lois et non soumis aux limites qui gouvernent d’autres aspects de la vie en société. Pourtant,
quand ce secteur s’est retrouvé en faillite, c’est la société qui en a payé le lourd tribut et celui-ci a été très
injustement réparti. Un comportement pour le moins non éthique voire, dans certains cas, délictueux, a été
richement récompensé, et son coût transféré vers ceux qui n’avaient nullement les moyens de le supporter.
Les mesures d’austérité prises par le gouvernement afin de restaurer la stabilité financière ont durement
frappé les plus pauvres, tant sur le plan national qu’international. Elles se traduisent non seulement par une
perte de revenus, mais par une rupture de la confiance et par un sentiment d’aliénation de la société qui
menace la démocratie.
Parmi les causes premières de la crise économique, le Conseil pontifical pour la justice et la paix
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évoque
« des fléchissements de nature éthique survenus à tous les niveaux, dans le cadre d’une économie mondiale
toujours plus dominée par l’utilitarisme et le matérialisme »
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. Les propositions de réforme n’auront de sens
que dans la mesure où elles redresseront ces « fléchissements de nature éthique ». Au minimum :
1. Les considérations éthiques ne peuvent plus être envisagées comme une affaire de conscience
individuelle, mais doivent faire partie intégrante des processus décisionnels, tant au niveau individuel
que collectif ;
2. L’éducation et la formation en matières économique et financière doivent insister sur la dimension
éthique et sur les conséquences humaines de cette activité, en mettant l’accent sur la justice sociale ;
3. Notre engagement envers la dignité de la personne humaine et l’épanouissement de tout homme et de
tout l’homme doit s’incarner dans une législation vigoureuse, assortie de mécanismes adéquats pour
son application aux plans national et international.
1 Réflexion menée dans le cadre de la Conférence européenne Justice et Paix. Pour en savoir plus : http://tinyurl.com/juspax-eu
2 http://www.justpax.it/fra/home_fra.html
3 « Pour une réforme du système financier international dans la perspective d'une autorité publique à compétence universelle »,
Conseil Pontifical «Justice et Paix», 2011. Pour avoir accès à ce texte : http://www.justpax.it/fra/home_fra.html
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Sans surprise, la mondialisation de l’activité financière a entraîné une demande de mise en place de structures
et de mécanismes de gouvernance mondiale de la finance. Le Conseil pontifical pour la justice et la paix
préconise « un corpus minimum, partagé, de gles nécessaires à la gestion du marché financier mondial,
dont la croissance est plus rapide que celle de l’économie réelle »
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. Ce qui est préconisé ici n’est pas une
forme de gouvernance qui dépossède les peuples de leur pouvoir et les aliène des processus politiques en leur
ôtant le contrôle sur certaines prises de décision, mais plutôt un modèle de gouvernance dont les limites sont
claires et imposées par des exigences de solidarité et de subsidiarité. En fonction du principe de subsidiarité,
les institutions internationales ne sont censées intervenir qu’en cas de nécessité, pour épauler des États
confrontés à des enjeux qu’ils ne peuvent affronter seuls. Une bonne partie des grands enjeux auxquels les
États sont aujourd’hui confrontés entrent dans cette catégorie, qu’il s’agisse de la criminalité transnationale,
du changement climatique, de la faim et de l’accès à l’eau ainsi qu'à d'autres ressources naturelles. Cette
forme de collaboration internationale doit renforcer la prise de conscience essentielle de notre
interdépendance les uns vis-à-vis des autres, et ainsi faire passer le bien commun avant nos intérêts
personnels (en veillant à une juste répartition et à un juste accès aux ressources essentielles, par exemple). La
gouvernance mondiale doit veiller à ce que les mêmes normes s’appliquent partout, dans tous les pays, et que
les gouvernements puissent prendre des mesures vigoureuses pour s’attaquer aux inégalités et aux injustices,
sans craindre que les grands investisseurs / employeurs ne délocalisent leurs activités.
La crise a eu pour conséquence bénéfique d’accentuer la demande publique de transparence et de régulation
de l’activité financière par une autorité indépendante. Les coûts de la dissimulation et de la fraude dans les
domaines de la fiscalité et de la comptabilisation des bénéfices réalisés dans les pays en développement ont
été mis en évidence et noncés par des militants depuis des années. On prend mieux conscience aujourd’hui
que les pays européens paient, eux aussi, le prix de leur incapacité à faire face à ces pratiques. Tout en
reconnaissant l’apport positif que procurent à la société les entreprises et les activités financières, le
gouvernement doit veiller à ce que cet apport soit juste et équitable. À un niveau international, les
gouvernements doivent obliger les sociétés à publier des comptes détaillés par pays. Le problème des paradis
fiscaux doit être traité de façon rieuse si nous voulons mettre en œuvre à l’avenir un modèle économique
plus juste et plus durable.
Sur le plan européen, l’intégration européenne doit impérativement se poursuivre et aller de pair avec la mise
en place d’une législation et de structures qui accentuent la justice sociale et la participation démocratique.
La Commission des épiscopats de la Communauté européenne (COMECE), dans un document publié en
2012 sous le titre « Une Communauté européenne de solidarité et de responsabilité », nous rappelle que le
modèle de l’économie sociale de marché est un objectif du Traité de Lisbonne. Bien que l’UE doive encore
définir les ingrédients de l’économie sociale de marché qu’elle envisage, la justice sociale et la promotion de
la cohésion sociale devront impérativement être au cœur du dispositif.
Nous soutenons le discours du Conseil pontifical pour la justice et la paix lorsque celui-ci affirme « qu’il est
nécessaire de retrouver la primauté du spirituel et de l’éthique et, e
n me temps, de la politique
- responsable du bien commun - sur l’économie et la finance »
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. Lorsque l’activité financière se déconnecte
de l’économie réelle, les personnes impliquées peuvent trop facilement perdre de vue les conséquences
humaines de leurs actes. Ce problème ne peut se résoudre uniquement par une réforme du secteur financier.
Nous devons entreprendre diverses démarches, en termes de réglementation, d’éducation et de participation,
afin de renforcer les liens entre l’activité économique et le bien commun de la société.
4 « Pour une réforme du système financier international dans la perspective d'une autorité publique à compétence universelle »,
Conseil Pontifical «Justice et Paix», 2011. Pour avoir accès à ce texte : http://www.justpax.it/fra/home_fra.html
5 « Pour une réforme du système financier international dans la perspective d'une autorité publique à compétence universelle »,
Conseil Pontifical «Justice et Paix», 2011. Pour avoir accès à ce texte : http://www.justpax.it/fra/home_fra.html
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Le marché sera toujours dominé par des considérations à court terme, mais on peut le réguler au travers d’une
vision à long terme qui veille à ce que l’activité économique reste à sa place, au service de la société, de la
dignité et du bien-être de la personne humaine. En tant qu’électeurs, il est de notre responsabilité de porter
ces valeurs à l’attention de nos élus, de les inciter et de les aider à mettre en œuvre des décisions politiques
qui répondent aux exigences de justice sociale. En conséquence, nous appelons nos gouvernements :
à se mettre d’accord pour adopter un Code commun d’éthique pour les institutions financières qui
fasse ressortir l’importance de la transparence, de la responsabilité, des droits de l’Homme, des
contributions fiscales et d’une juste répartition des profits ;
à examiner les pratiques de régulation en vue d’établir un organe international de régulation
indépendant des institutions financières, avec de fortes préoccupations éthiques ;
à identifier les points qui nécessitent un renforcement de la régulation aux niveaux national et
international, afin de garantir que l’activité économique se conforme aux exigences de la justice ;
à introduire une législation qui oblige les entrepreneurs à exposer de façon complète et claire tous les
aspects de leur activité économique. On supprimerait ainsi l’évasion fiscale et on pourrait régler le
problème des paradis fiscaux ;
à répondre à nos obligations de justice économique en maintenant notre engagement à consacrer 0,7%
de notre PIB à l’Aide publique au développement ;
à instituer une taxe sur la spéculation financière pour assurer le financement d’initiatives visant le
développement international et la justice sociale, comme l’a proposé la Commission européenne en
2011, et comme l’ont approuvé 11 pays de l’UE, en janvier de cette année, système selon lequel la
vente d’actions et d’obligations serait taxée à 0,1%, et les contrats sur les produits dérivés, à 0,01%.
Il ne s’agit pas non plus de sous-estimer la place essentielle de l’éducation dans notre monde. En tant
qu'association d'inspiration chrétienne, Justice et Paix souhaite interpeller les Églises et communautés de foi
pour qu'elles puissent donner l’exemple au reste de la société :
en amorçant une analyse autocritique de leur degré de participation à un système économique qui a
floué les êtres les plus vulnérables de nos sociétés ;
en veillant à placer tous les domaines de leur activité financière sous le signe des normes éthiques les
plus élevées ;
en participant au débat public sur les questions économiques et financières pour faire entendre les
principes éthiques ;
en incitant leurs membres à réfléchir à ces questions. En effet, en tant que citoyens, nous pouvons
prendre le parti de modes de vie plus durables et plus responsables :
- en prenant des mesures judicieuses conduisant à l’adoption d’un style de vie plus durable, en
analysant nos schémas de consommation et en éliminant le gaspillage ;
- en faisant des choix d’investissement éthiques et en optant pour des banques éthiques ;
- en nous éduquant aux questions économiques, politiques et sociales et en assumant la
responsabilité de notre participation;
- en donnant du temps et de l’argent aux organisations qui œuvrent pour la justice sociale.
La Commission Justice et Paix
Belgique francophone
Mars 2013
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