Médecine et smartphone
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Dossier spécial
››› quels renseignements tirer de ces don-
nées, nous passerons peut-être des batte-
ries de tests plus conséquentes encore dès
notre arrivée à l’hôpital. Les informations
ainsi générées permettront probablement
de mieux calibrer le diagnostic, le pronos-
tic et la prise en charge de chaque patient.
J’insiste sur le fait que ces informations
ne pourront définir qu’une
tendance et évaluer un risque.
Tout en affinant et optimisant
la prise en charge thérapeu-
tique, elles ne pourront proba-
blement que rarement prédire
avec certitude qu’un individu
lambda sera appelé à dévelop-
per une maladie spécifique.
Le médecin de demain disposera d’une
kyrielle de données à analyser et à prendre
en compte pour définir et adapter à chacun
la réponse optimale : la plus ciblée et donc
la plus sûre et la plus efficace.
NR : Comment toutes ces nouvelles
technologies vont-elles influencer notre
consultation chez notre médecin trai-
tant ?
JB :
Une visite ordinaire chez le médecin
aujourd’hui consiste généralement en une
anamnèse, une auscultation et parfois des
tests biochimiques. Demain, nous dispo-
serons d’informations supplémentaires
issues du monde de la génétique, de la gé-
nomique et d’autres méthodes émergentes
ainsi que de capteurs qui mesureront en
continu toute une série de paramètres vi-
taux.
La médecine se digitalisera. La quantité
d’informations de plus en plus pointues
dont disposeront les médecins explosera.
A ces données se rajouteront les informa-
tions fournies par les patients qui partici-
peront de plus en plus à la prise en charge
de leur propre santé.
NR : Comment, dans son cabinet, le mé-
decin fera-t-il face ?
JB :
La médecine deviendra plus encore
« pluridisciplinaire ». Le médecin ne possé-
dant pas tout le savoir requis sera contraint
de faire appel à d’autres experts, bioin-
formaticiens, statisticiens, etc. Comme
le médecin d’aujourd’hui qui peut ne pas
être en mesure d’interpréter lui-même un
scanner ou une radio complexe consulte le
rapport transmis par le radiologue pour se
faire une opinion et prendre des décisions,
le médecin de demain fera appel à d’autres
compétences pour analyser, comparer et
interpréter les métadonnées issues des
technologies émergentes.
NR : Vous dites que certaines
technologies sont déjà à
notre portée ?
JB :
Le smartphone peut par
exemple faire passer un élec-
trocardiogramme ou une
échographie cardiaque : une
révolution en terme de coût
par rapport aux appareils dédiés existants.
Le smartphone (ou le futur bracelet de
montre) est en passe de devenir un vrai
dispositif médical, un outil comme un
autre pour le médecin. C’est aussi un outil
à la portée des patients qui ne se priveront
pas pour l’utiliser. De nouveaux problèmes
émergeront sans doute (sur-information,
sur-surveillance, cyber-hypocondrie, etc.),
conjointement à des avantages indéniables
(avoir un problème de santé en vacances en
Asie, prendre et envoyer ses paramètres à
son médecin à Lausanne, afin qu’il envoie
par email la marche à suivre). Difficile de
voir là autre chose qu’un progrès.
NR : Un lien possible avec Israël ?
JB :
La population israélienne est parti-
culière dans sa diversité ethnique. C‘est
un excellent laboratoire pour étudier les
causes de certaines maladies génétiques.
En outre, Israël est à la pointe dans les do-
maines de la médecine, de l’IT et de l’infor-
matique.
La Suisse tout comme Israël sont des socié-
tés dynamiques et créatives qui disposent
à la fois de centres d’excellence comme les
universités et les instituts de recherches
et d’un grand nombre de start-up et de
brevets. Un potentiel indéniable pour des
collaborations à venir fructueuses dans le
domaine de la médecine personnalisée.
« Un outil
à la portée des
patients »
Définition
L’European Science Foundation
1
définit
la médecine personnalisée comme une
pratique médicale dont l’individu est le
centre, à la fois précise et adaptée à ses
caractéristiques biologiques (caracté-
ristiques génétiques, taux de protéines,
bio-marqueurs) en tenant compte de la
caractérisation de son mode de vie, ses
habitudes alimentaires. Les chercheurs
se référent à une médecine des « 4 P » :
Personnalisée, au sens du traitement
de la maladie, Préventive, où la dimen-
sion de prévention est importante, Pré-
dictive, car l’individu peut recourir à des
tests, Participative, au sens ou l’individu
devient acteur de sa santé
On opère ainsi une distinction entre la
médecine personnalisée et la méde-
cine génomique basée uniquement sur
la personnalisation des traitements à
partir de l’information génétique. On en-
globe d’une part la pharmacogénétique,
le ciblage des traitements, et, d’autre
part, le suivi et l‘analyse des tests gé-
nétiques, de marqueurs biologiques
de l’état de santé de la personne, pour
identifier des probabilités de dévelop-
per des pathologies, afin de détecter de
futures maladies très en amont des tests
cliniques.
1
Personalized Medicine for the European
Citizen towards more precise medicine for
the diagnosis, treatment and prevention of
disease (iPM).