Monsieur Prof. Dr. med. Peter Suter Président de l’organe scientifique MHS Speichergasse 6 Haus der Kantone 3000 Bern Delémont, le 4 février 2013 Concerne: prise de position du comité de la Société Suisse de Chirurgie Générale et de Traumatologie (SSCGT) Monsieur le Professeur P Suter, Notre société représente une majorité des médecins-cadres en chirurgie des hôpitaux suisses (www.sgact.ch). Nous représentons des spécialistes ayant une activité dans le domaine de la chirurgie générale, qui englobe, entre-autre, la chirurgie d’urgence. Nous sommes tous très inquiets de l’impact de l’introduction d’un système de médecine hautement spécialisée dans notre domaine et aimerions vous faire part de notre opinion. Nous voyons un réel danger dans l’application du concept de la médecine hautement spécialisée dans le domaine de la chirurgie comme nous en avons été informés, principalement en ce qui concerne l’activité chirurgicale future dans les hôpitaux suisses, mais également tout ce qui concerne le domaine de la formation des chirurgiens en Suisse. La formation des médecins-cadres dans les cliniques de chirurgie des hôpitaux en Suisse est aujourd’hui de très haut niveau avec un large spectre d’activité (y.c. dans les domaines de la médecine hautement spécialisée). Ceci nous permet d’assurer de façon efficiente (du point de vue médical et économique) la prise en charge en urgence de patients présentant des pathologies complexes et variées. Cette prise en charge est encore possible aujourd’hui grâce à la formation dont nous avons pu bénéficier dans les centres universitaires, mais également grâce au développement de cette activité dans les hôpitaux dit périphériques qui nous a permis non seulement de maintenir, mais d’améliorer encore nos compétences. SGACT/SSCGT Sekretariat: Meister ConCept GmbH, Bahnhofstrasse 55, 5001 Aarau T: 062 836 20 90 / F: 062 836 20 97 / email: [email protected] Avec l’application du concept susmentionné, nous n’aurons plus la possibilité de maintenir notre niveau de compétence très longtemps dans le domaine de la chirurgie élective. Il viendra forcément un moment où des patients atteints de pathologies qui font partie des domaines dit de la MHS (par exemple les perforations de l’œsophage et du rectum iatrogènes, les traumatismes hépatiques, etc…) qui continueront à affluer dans nos centres d’urgence, devront être redirigés vers des centres compétents. Nous sommes persuadés que ces centres universitaires ne pourront pas tout assumer et que nous serons de ce fait confrontés à des problèmes logistiques liés aux transferts des malades (qui sont déjà parfois très compliqués aujourd’hui !). Nous voyons là une augmentation du risque pour ces patients où chaque heure compte avec comme conséquence une augmentation du taux de mortalité. Nous ne parlons bien entendu pas des dégâts « collatéraux » de la perte de ces pathologies pour les cliniques avec lesquelles nous sommes en étroite collaboration qui ont les mêmes inquiétudes (oncologie, gastroentérologie, médecine interne, radiologie, soins intensifs, etc… Nous estimons assurer aujourd’hui une grande part de la formation des chirurgiens en Suisse, ceci, bien entendu, en collaboration avec les centres universitaires qui ne peuvent pas tout assumer. Avec l’introduction des mesures susmentionnées l’attractivité de nos hôpitaux sera réduite, et nous aurons de plus en plus de peine à recruter des médecins en formation (médecins assistants et chefs de clinique). Il s’agit d’un phénomène que nous ressentons déjà à l’heure actuelle, très certainement lié à la l’introduction des 50 heures depuis quelques années. Il se peut que nos directions décident dans le futur de faire appel à des médecins étrangers pour assurer le travail actuel de nos médecins assistants, avec toutes les conséquences sur l’avenir de ces médecins dans notre système de santé que nous découvrons aujourd’hui (pourcentage très élevé de médecins étrangers installés en cabinet privé). En admettant que l’on adopte ce projet et que la formation de spécialistes ne soit assurée que dans les centres compétents. Que vont devenir ces spécialistes après 10 ou 15 ans d’activité en milieu universitaire et qui n’auront pas de débouché dans leur centre ? Vont-ils émigrer vers d’autre centres en Suisse ou à l’étranger ? Etre recrutés dans les hôpitaux périphériques ? Ceci aura comme conséquence respectivement de pertes des compétences et d’un retour 10 à 15 ans après vers un système équivalent à celui d’aujourd’hui. Ce dernier à un détail près : ces chirurgiens ne seront plus aussi bien formés dans le domaine de la chirurgie générale d’urgence que nous le sommes, et qu’ils ne pourront simplement plus assumer les gardes comme nous le faisons actuellement. Les postes devront de ce fait être multipliés avec les conséquences financières qui en découlent. Nous doutons fortement que les hôpitaux dits périphériques puissent être en mesure de faire face à cette SGACT/SSCGT Sekretariat: Meister ConCept GmbH, Bahnhofstrasse 55, 5001 Aarau T: 062 836 20 90 / F: 062 836 20 97 / email: [email protected] situation avec les restrictions budgétaires imposées par le système DRG récemment introduit en Suisse. Il n’y a pas que le domaine de la chirurgie ou la formation fait défaut. Nous voyons déjà dans nos centres affluer un plus grand nombre de patients qui n’ont pas ou plus de médecin de premier recours et qui ont besoin d’une consultation en urgence. Les hôpitaux périphériques devront à l’avenir se réorganiser afin de pouvoir pallier au manque de praticiens de premier recours dans toute la Suisse. Ils devront de ce fait assurer la présence de médecins compétents dans leurs murs. Le rôle du chirurgien dit « généraliste » qui a gardé une vue d’ensemble du patient est très important dans nos services d’urgence à l’heure actuelle et ceci a certainement un impact sur la qualité de la prise en charge des patients susmentionnés. Cependant ces chirurgiens auront disparus dans les 10 à 15 ans, et seront remplacé par des chirurgiens très spécialisés et bien formés dans leur domaine. Ces derniers n’auront plus cette vue d’ensemble avec toutes les conséquences que l’on peut imaginer en terme de qualité de prise en charge des patients, mais également du point de vue économique. Nous n’avons actuellement aucune idée de l’impact de l’introduction récente des forfaits par cas dans notre système de santé (DRG) sur la redistribution des pathologies dans nos hôpitaux (but non avoué des DRG : la fermeture d’environ 30% des hôpitaux en Suisse). Nous sommes de ce fait inquiets de l’introduction de deux mesures drastiques dans notre système de santé et de leur potentiel effet synergique sur la redistribution de ces pathologies ainsi que sur la survie de nos hôpitaux préiphériques. Ne vaudrait-il pas attendre de voir l’effet de la première mesure avant d’introduire la deuxième ? Nous comprenons la crainte des hôpitaux universitaires suisses qui n’ont visiblement pas assez de volume de patients pour assurer la formation des futures générations de chirurgiens. Nous aimerions cependant clairement exprimer à la CDS notre crainte de voir notre système suisse de formation en chirurgie totalement asphyxié par deux mesures dont nous ne maîtrisons absolument pas l’impact. En espérant que ces quelques lignes sauront retenir votre attention et en restant à votre disposition pour une entrevue si vous le désirez, nous vous prions d’accepter, Monsieur le Professeur P Suter, nos salutations les plus respectueuses. PD Dr J.-M Michel Trésorier SGACT/SSCGT Sekretariat: Dr Diego De Lorenzi Membre du comité Dr Jörg Peltzer Président Meister ConCept GmbH, Bahnhofstrasse 55, 5001 Aarau T: 062 836 20 90 / F: 062 836 20 97 / email: [email protected]