Rappelons qu’une morsure latérale de langue, très
évocatrice d’une manifestation comitiale, s’observe
aussi en présence de pseudo-crises épileptiques, dont la
survenue au cours du sommeil (en fait, suivant immé-
diatement le réveil), est bien documentée. Enfin, l’épi-
leptologue doit connaître de rares pièges diagnos-
tiques, comme la possibilité de syncope cardiogène, se
manifestant au cours du sommeil [7], syncope pouvant
d’ailleurs aussi être induite par des crises partielles
arythmogènes. Enfin, la mise en évidence d’une para-
lysie de Todd sera un élément positif important.
En cas de CGTC, on s’efforcera de mettre en évidence
une éventuelle origine focale ou encore, à l’anamnèse
dirigée, des crises focales antérieures, jusque là ig-
norées ou banalisées ; d’autres manifestations peuvent
être banalisées : les secousses myocloniques (SM) de
l’épilepsie myoclonique juvénile (EMJ) le sont souvent
et cela parfois jusqu’à la première manifestation CGTC,
qui amène le patient à consulter.
Chez l’enfant, une CGTC secondaire morphéique est
habituelle dans le cadre des épilepsies partielles idio-
pathiques (EPI), dont l’épilepsie à pointes centro-tem-
porales (EPCT) est la forme la plus commune. Il est
intéressant de noter ici que la sémiologie des crises
idiopathiques est [8], contrairement aux crises partiel-
les symptomatiques, plutôt « typique ». L’anamnèse
s’efforcera d’amener la description par un témoin (bien
souvent la mère) sur la crise hémifaciale, avec déviation
tonique de la langue et de la bouche, anarthrie, qui
précèdent la CGTC.
Le polymorphisme inter-individuel des crises partiel-
les symptomatiques (CPS) dirigera parfois le diagnostic
étiologique.
« Il se balance » dans son sommeil. Si ce récit chez
une mère, à propos de son enfant, amène d’abord à
penser à une « jactatio capitis » banale, le caractère
répétitif, stéréotypé, associé à d’autres symptômes dont
on s’efforcera de mettre en évidence la succession im-
muable d’un paroxysme à l’autre, amène à suspecter
des crises dont l’origine topographique frontale est
probable.
« Il mâchonne ». Si un tel phénomène doit d’abord
faire écarter le diagnostic très fréquent de « bruxisme »,
des mouvements de déglutition, de pourléchage des
lèvres et de mastication font partie de la sémiologie des
crises partielles d’origine temporale [9]. Là aussi, le
« mâchonnement » sera un symptôme intégré dans la
succession stéréotypée de manifestations que l’on
essaiera de préciser. Si la majorité des crises d’origine
temporale surviennent en état de veille, dans certaines
formes familiales d’épilepsie temporales, elles survien-
nent essentiellement dans le sommeil [10].
« Il parle et il chante » sans se réveiller.
Si ces parasomnies primaires et secondaires sont
fréquentes à tout âge, ce phénomène peut rarement
évoquer des crises partielles [11] avec des automatis-
mes verbaux. Un diagnostic positif sera assuré toujours
par les mêmes arguments de séquences répétitives de
symptômes. Ces automatismes ne sont pas localisateurs.
« Il hurle sans se réveiller ». Le « pavor nocturnus »
ou terreur nocturne, typique de l’enfance, peut se prolon-
ger chez l’adulte. Il s’agit cependant de situations rares.
Ce type de phénomène paroxystique, précédé par-
fois par une aura indéfinissable et non localisatrice,
accompagné par un visage visiblement angoissé et suivi
par une agitation motrice incontrôlable, évoque des
manifestations critiques, qui mettent en jeu des struc-
tures frontales, mésiales, cingulaires ou amygdaliennes
[12].
« Il s’assied et regarde dans le vide, parfois il crie et
se recouche, comme si de rien n’était ». Là aussi, après
avoir écarté des parasomnies de l’enfance [13], chez
l’adulte il y a lieu d’évoquer des crises partielles, dont
l’expression clinique oriente vers les crises d’origines
fronto-polaire, d’ailleurs idiopathiques ou sympto-
matiques.
Avec Troy Payne, chaque clinicien pourra relater des
modes de présentation divers, variés et différents, bien
souvent déroutants, qui l’obligera à se servir de l’EEG de
longue durée pour affirmer un diagnostic positif de
comitialité.
L’étude du contexte
Il semble superflu de rappeler l’intérêt du ques-
tionnement concernant les crises fébriles chez l’enfant,
leur éventuel contexte familial leur déroulement éven-
tuellement prolongé et latéralisé. Il va sans dire que la
notion d’épilepsie familiale est importante, d’autant
plus que l’on voit émerger actuellement de nouveaux
syndromes [8] ouvrant la voie à la recherche. Ainsi,
mettre en évidence des éléments évoquant une souf-
france pré-, péri- ou post-natale est évidemment fonda-
mental, chez l’enfant comme chez l’adulte. Chez l’adul-
te, tout abus chronique de substances et même
certains médicaments peuvent induire des manifestati-
ons paroxystiques du sommeil, parasomniaques ou
épileptiques.
Les constatations à l’examen clinique sont une
étape fondamentale pouvant diriger le diagnostic : il est
hors contexte de discuter cet aspect de l’approche.
Rappelons des situations certainement rares mais
intéressantes : la présence d’un trouble cognitif, fixé ou
évolutif, ouvre la voie à la discussion des encéphalopa-
thies épileptogènes, discussion qui sort du contexte de
cet article ; la constatation chez un enfant d’un déficit
cognitif secondaire, survenant tardivement après une
évolution normale, associé éventuellement à des
troubles comportementaux et affectifs, laisse suspecter
pour l’épileptologue une éventuelle comitialité, qui
s’exprimera particulièrement dans le sommeil. Citons
les rares syndromes POCS (syndrome de pointes-ondes
continues du sommeil), mais aussi parfois la présence
d’une activité critique et/ou intercritique paroxystique
de type épileptique au cours du sommeil, alors que
110 Epileptologie 2005 L’épileptologue et le diagnostic différentiel des crises épileptiques du sommeil | Giovanni Battista Foletti