
MAPAR 2001338
Même si le germe était identifié, la victime devait prouver que la contamination
provenait d’une faute, ce qui était quasiment impossible. En effet, le demandeur devait,
pour cela, se procurer les protocoles d’asepsie du service dans lequel il avait été hospi-
talisé, prouver alors que : soit ils étaient insuffisants, soit qu’ils n’avaient pas été respectés
ce jour là, notamment par l’étude du cahier de bloc, de la feuille d’écologie, des bons de
commande, des certificats de maintenance du matériel…
Mais ce n’était pas tout car une fois la preuve de cette faute d’asepsie rapportée, la
victime devait être en mesure d’établir que c’est bien cette faute-là qui est à l’origine de
sa contamination, face au défendeur qui plaidait que bien d’autres causes de contami-
nation étaient possibles et que la stérilité absolue d’un bout à l’autre de la chaîne de
soins est impossible. Finalement peu de personnes se lançaient dans ce véritable par-
cours du combattant et bien moins encore obtenaient l’indemnisation sollicitée.
Il est vrai néanmoins que certaines juridictions ont été compréhensives face aux
victimes démunies et ont admis l’existence d’une faute et d’un lien de causalité sur la
base d’éléments très faibles, voire erronés. Mais ces jurisprudences favorables aux vic-
times restaient très minoritaires. Il a fallu l’intervention des hautes juridictions civiles
et administratives pour améliorer, par touches successives, le sort des patients contami-
nés. Ceci a permis la construction d’un système juridique d’indemnisation, parachevé,
en matière civile, par les trois arrêts du 29 juin 1999, qui ont probablement été trop loin
pour les professionnels de santé. Si l’objectif poursuivi est légitime, il faut néanmoins
tenir compte des impératifs de toutes les parties et ne pas arriver à un système qui soit
intolérable pour l’une d’entre elles ; nous aurons l’occasion de le détailler ultérieure-
ment.
Les deux ordres de juridiction ont suivi des évolutions parallèles mais décalées
dans le temps, chacun semblant vouloir la première place dans cette course à la moder-
nité. Mais n’oublions pas que, bien que l’objectif commun soit dans les deux cas
indemnitaire, il s’agit en matière administrative de la responsabilité des établissements
publics d’hospitalisation alors qu’en matière civile, outre la responsabilité des établis-
sements privés, c’est celle des praticiens eux-mêmes qui peut être retenue. Dans les
deux cas l’impact économique et psychologie est totalement différent, cet élément sem-
blant avoir été pris en compte jusqu’en juin 1999.
1.1. HOPITAUX PUBLICS : L’ARRET «COHEN»
C’est le Conseil d’Etat qui le premier est intervenu en faveur des victimes d’infec-
tions nosocomiales par l’Arrêt «Cohen» du 9 décembre 1988 inaugurant le principe de
la responsabilité pour faute présumée des hôpitaux publics en cas de dommage dû à une
infection nosocomiale. Ce fut un grand pas vers l’indemnisation qui fut ainsi franchi
puisque les victimes furent alors dispensées de la preuve de la faute et n’avaient plus
qu’à démontrer le caractère nosocomial de l’infection dont elles demandaient répara-
tion. Ceci n’était d’ailleurs pas toujours aisé tant la définition de l’infection nosocomiale
était (et est encore) sujette à controverse. Une définition a été donnée par une circulaire
du ministère de la Solidarité, de la santé et de la Protection sociale (DGS) n°88-236 du
13 octobre 1988 relative à l’organisation de la surveillance et de la prévention des
infections nosocomiales : «on entend par infection nosocomiale :
•Toute maladie provoquée par des micro-organismes.
•Toute maladie contractée dans un établissement de soins par tout patient après son
admission soit en hospitalisation, soit pour y recevoir des soins ambulatoires.
•Que les symptômes apparaissent lors du séjour à l’hôpital ou après.
•Que l’infection soir reconnaissable au plan clinique ou microbiologique, données
sérologiques comprises, ou encore les deux à la fois».