Économie © CERfrance 5 Véronique Kerlidou est ingénieur d’études au service études et références du CERfrance Finistère. A partir de l’analyse de leur base de données régionale, elle nous livre son analyse de l’évolution de la situation économique des éleveurs de porcs bretons. Bilan économique 2013 : une hausse du prix /kg de porc perçu insuffisante L’analyse de la base de données 2013 de CERfrance Bretagne rappelle les difficultés économiques des éleveurs de porcs depuis 2007. L’obligation de mises en groupes des truies gestantes a généré une nette hausse des investissements. Tech PORC : Vous disposez des résultats économiques de 2 500 éleveurs de porcs bretons, parmi lesquels la moitié est spécialisée en production porcine. Pouvez-vous nous dire comment a évolué leur situation en 2013 ? Véronique Kerlidou : Le cours du porc 2013 s’est avéré très proche de celui de 2012. Mais globalement la tendance est à la hausse depuis trois ans. Et heureusement car en parallèle les éleveurs subissent une hausse régulière et continue du prix de l’aliment. Celui-ci a littéralement explosé en 2013. La moyenne mobile (sur cinq ans) du cours du porc se situe ainsi à 1,33 € aujourd’hui contre 1,13 avant les crises matières premières. Néanmoins, cette tendance haussière du prix du porc est loin d’être suffisante pour pallier l’augmentation des coûts. En 2013, le solde entre le prix payé et le coût de revient est négatif de 0,024 cts/kg de carcasse. Il n’a donc pas permis compenser les deux très mauvaises années de 2007 et 2008. C’est d’autant plus préoc- cupant que les éleveurs n’ont pu bénéficier d’aucune bonne année depuis 2006. (Figure 1) Figure 1 : Évolution dusolde solde annuel prixmoins payécoût moins coût de revient Évolution du annuel prix payé de revient 0,250 0,200 0,150 0,100 0,050 -0,024 0,000 -0,050 -0,100 -0,150 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 Après deux très mauvaises en 2007 et 2008, le solde moyen le prix payé et le coût Nette années reprise des investissements depuis 2011entre (€ / truie) de revient évolue peu. Il est en moyenne nul et ne permet pas de reconstituer les trésoreries. 400 350 300 344 Tech Porc Septembre - Octobre 2014 - n° 19 6 Économie Si 10 % des éleveurs se situent au-delà de 100 % d’endettement, 35 % se positionnent à moins de 60 %. Par ailleurs, l’écart moyen (sur cinq ans) entre le prix payé et le coût de revient est de -0.30 €/ kg de carcasse pour un quart des éleveurs et de +0,30 € pour le quart supérieur. TP : Comment expliquer ces écarts ? VK : 80 % des écarts sur le résultat global de l’exploitation sont expliqués par le niveau de marge brute de l’atelier porc. L’écart s’explique donc en premier lieu par les différences de marges brutes. Cela repose d’abord sur l’écart de performances technique, afin d’optimiser Si 10 % des éleveurs se situent au-delà de 100 % d’endettement, 35 % notamment prix de vente et, surtout, se positionnent à moins de 60 %. coût alimentaire. Cela correspond aussi des charges de structure plus limitées. Reprise des investissements groupes des truies gestantes : rapatrie- Les éleveurs du quart supérieur ont ment de places d’engraissement, diminuet restructuration moins de frais financiers. Ils sont aussi tion du nombre de truies… plus autonomes pour l’engraissement TP : La flambée du prix de l’aliment Évolution du solde annuel prix payé moins coût de revient des porcs et pour la gestion du lisier. TP : Quel est l’impact de ces investisest-elle la seule responsable de cette Ils peuvent ainsi réduire les dépenses 0,250 sements sur la santé financière des situation ? liées au travail à façon et au traitement exploitations porcines ? 0,200 du lisier. Ainsi, ils peuvent se permettre VK : Elle pèse effectivement très lourd. de dépenser plus pour l’entretien des 0,150 VK : Les éleveurs se sont ré-endettés. On Le coût alimentaire représente depuis bâtiments et pour la main-d’œuvre. Ils arrive à 2 200 € d’endettement global par 2011 65 % du coût de revient contre 54 % optimisent l’efficacité et la productivité 0,100 truie, ce qui représente un euro par kg de avant 2007. Néanmoins, c’est l’ensemble dans leur élevage. Au final, carcasse. En parallèle, la trésorerie des postes de charges qui a augmenté 0,050 leurs charges de structures ne s’est pas reconstituée. Hormis depuis deux ans. Pour la part non ali“1 € de dettes sont inférieures de 1,5 €-0,024 par 0,0002010 et 2011, elle diminue en mentaire du coût de revient, cette hausse 100 kg de carcasse. Enfin, par kg depuis 2006. Sur cette période, représente 0,053 €/kg. Cela correspond les éleveurs du quart supéde carcasse. “ -0,050 elle est passée de -470 € à -740 € par exemple à une augmentation des rieur bénéficient de 1,3 € de par truie. (Figure 3) dépenses de santé de 0,002 € depuis bonus économique lié à leur -0,100 deux ans. L’analyse plus détaillée de ce Derrière cette situation financière assise foncière. Cela correspond essenposte de charges permet de préciser -0,150 moyenne il y a de grandes différences. tiellement aux marges céréales. 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 qu’il s’agit essentiellement des dépenses préventives. L’augmentation du coût de Figure 2 : Nette des investissements depuis (€ / truie) revient s’explique aussi par les charges Nette reprise reprise des investissements depuis 2011 (€2011 / truie) de structure. Après avoir diminué pen400 dant trois ans, elles ont augmenté de 344 350 0,035 €/kg de carcasse depuis 2010. Cette augmentation est directement liée 300 à la reprise des investissements observée 250 depuis 2011 dans le cadre de la mise en groupes des truies gestantes (Figure 2). 200 Le montant d’investissement atteint ainsi 344 € par truie en 2013. Il s’agit du niveau le plus important observé depuis 2000. D’ailleurs, le seul poste de charge de structure qui n‘a pas augmenté est le travail à façon. C’est un autre reflet des restructurations effectuées dans certains élevages à l’occasion de la mise en 150 100 50 0 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 La mise en groupes des truies gestantes s’est traduite par une nette reprise des investissements. Dettes totales (€ / truie) Tech Porc 2 500 Septembre - Octobre 2014 - n° 19 2200 250 200 Économie 150 100 50 0 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 « En bref » Figure Dettes 3 : Dettes totales (€ / truie) totales (€ / truie) 2 500 2200 2 000 1 500 1 000 500 0 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 L’endettement augmente en tendance depuis 2006. Il représente désormais 1 € par kg de carcasse. TP : Quelles sont les perspectives pour les mois à venir ? VK : Depuis deux ans, les éleveurs dégagent à nouveau une toute petite marge d’autofinancement. Mais cela reste très insuffisant. Il est maintenant indispensable de retrouver très rapidement une bonne année afin de permettre aux éleveurs de réaliser les investissements nécessaires de modernisation des bâti- ments. Afin également de favoriser la transmission des exploitations. Nous disposons de signes encourageants pour le deuxième semestre 2014. Depuis fin 2013, le prix de l’aliment a baissé et on se positionne sur une conjoncture plus favorable. Les cours du porc devraient être bons mais dépendent notamment de l’évolution des relations avec la Russie. Il reste maintenant à vérifier que ces espoirs se concrétisent et surtout de manière durable. Les matinales de l’IFIP 20 14 La situation économique est très dégradée depuis 2006. Depuis cinq ans, le solde entre prix perçu et coût de revient est nul. Le niveau moyen d’endettement par truie augmente en tendance depuis 2006 : il est passé de 1 600 € à 2 200 € en 2013. Du fait des travaux de mises en groupes des truies gestantes, cette évolution est particulièrement nette en 2012 et 2013. Si un quart des éleveurs perd 0,30 € par kg de carcasse depuis cinq ans, un quart d’entre eux en gagne 0,30 €. Les résultats techniques restent le principal facteur explicatif des écarts observés. Au sein des exploitations spécialisées, 80 % de l’écart de résultat s’explique par le niveau de marge brute. Marie-Laurence GRANNEC Chambres d’agriculture de Bretagne marie-laurence.grannec@bretagne. chambagri.fr Pour s’informer et échanger MARDI 16 SEPTEMBRE L’imagerie par scanner RX au service de l’économie de la filière porcine MERCREDI 17 SEPTEMBRE Le point sur les travaux européens relatifs aux porcs mâles non castrés JEUDI 18 SEPTEMBRE Mieux gérer son élevage grâce aux nouveaux services s’appuyant sur les gestions technico-économiques VENDREDI 19 SEPTEMBRE Au L’évolution des modèles d’élevage de porcs en Europe, entre exigences économiques et acceptabilité sociale Renseignements IFIP - Institut du porc Tél. : 01 58 39 39 50 - Email : [email protected] - www.ifip.asso.fr Tous les matins de 9h15 à 10h30 à l'Espace Europe, Salle A Entrée libre - Accueil café Tech Porc du 16 au 19 septembre Septembre - Octobre 2014 - n° 19 7