72 Neurologies • Mars 2015 • vol. 18 • numéro 176
PROFESSION
LES CONDITIONS
DE PRESCRIPTION HORS
AMM
Larticle L. 5121-12-1 du Code de la
santé publique, pierre angulaire de
la règlementation de la prescrip-
tion médicale hors AMM, dispose :
« I. – Une spécialité pharmaceutique
peut faire l’objet d’une prescription
non conforme à son autorisation de
mise sur le marché en l’absence d’alter-
native médicamenteuse appropriée
disposant d’une autorisation de mise
sur le marché ou d’une autorisation
temporaire d’utilisation, sous réserve :
1° Que l’indication ou les condi-
tions d’utilisation considérées
aient fait l’objet d’une recomman-
dation temporaire d’utilisation
établie par l’Agence nationale de
sécurité du médicament et des pro-
duits de santé, cette recommanda-
tion ne pouvant excéder trois ans ;
2° Ou que le prescripteur juge indis-
pensable, au regard des données
acquises de la science, le recours à
cette spécialité pour améliorer ou sta-
biliser l’état clinique du patient. (...) »
Le recours à une prescription hors
AMM suppose la réunion d’au
moins deux conditions.
CONDITION 1
Le recours à une prescription hors
AMM n’est possible quen l’absence
d’alternative médicamenteuse,
c’est-à-dire en l’absence d’autres
médicaments bénéficiant d’une
AMM ou d’une autorisation tem-
poraire d’utilisation (ATU).
Une prescription est non
conforme à une AMM lorsquelle
est non conforme aux indications
thérapeutiques ou aux conditions
d’utilisation du produit telles que
mentionnées dans l’AMM.
La prescription médicale hors AMM
Nouvel encadrement juridique
*Avocat, ATTALI ASSOCIÉS, Strasbourg
© Food photo - fotolia
n
La prescription médicale hors Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) est désormais plei-
nement reconnue. Pendant longtemps, cet acte médical était pris entre les feux d’une part du
principe de liberté de prescription médicale et d’autre part du principe de précaution à l’égard
du patient. L’affaire Mediator® fut le point d’orgue retentissant de la problématique.
Deux lois, celle du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médi-
cament et des produits de santé et celle du 17 décembre 2012 de financement de la Sécurité
sociale, précisées par des décrets, sont notamment venues régir la matière. La possibilité d’une
prescription hors AMM est désormais reconnue sous certaines conditions et de nouvelles obli-
gations reposent désormais sur le praticien.
Benjamin Attali*
La prescription médicaLe hors amm
Neurologies • Mars 2015 • vol. 18 • numéro 176 73
Les spécialités pharmaceutiques
visées sont celles bénéficiant d’une
AMM, que l’AMM soit européenne
ou nationale, que le médicament
soit délivré sur prescription ou
non, que le médicament soit de
référence ou un générique...
Sont donc en revanche exclus les
médicaments encore en essai cli-
nique, homéopathiques...
CONDITION 2
À la condition relative à l’absence
d’alternative médicamenteuse, le
recours à une prescription hors
AMM suppose la caractérisation
d’au moins l’une des deux condi-
tions suivantes :
Que l’indication ou les condi-
tions d’utilisation considérées
aient fait l’objet d’une recom-
mandation temporaire d’utili-
sation (RTU).
Les RTU visées sont celles établies
par l’Agence nationale de sécurité
du médicament et des produits de
santé.
Cette recommandation ne peut
excéder trois ans.
Les recommandations temporaires
d’utilisation visées sont mises à dis-
position des prescripteurs.
Elles sont établies après informa-
tion du titulaire de l’autorisation
de mise sur le marché.
Les recommandations tempo-
raires d’utilisation sont élaborées
dans des conditions fixées par dé-
cret en Conseil d’État.
Ces recommandations sont assor-
ties d’un recueil des informations
concernant l’ecacité, les eets
indésirables et les conditions
réelles d’utilisation de la spécialité
par le titulaire de l’autorisation de
mise sur le marché ou l’entreprise
qui l’exploite, dans des conditions
précisées par une convention
conclue avec l’agence. La conven-
tion peut comporter l’engage-
ment, par le titulaire de l’autori-
sation, de déposer dans un délai
déterminé une demande de modi-
fication de cette autorisation.
À titre exceptionnel, en présence
d’alternative médicamenteuse
appropriée disposant d’une auto-
risation de mise sur le marché,
une spécialité pharmaceutique
peut faire l’objet d’une recomman-
dation temporaire d’utilisation.
Cette recommandation tempo-
raire d’utilisation ne peut être
établie que dans l’objectif soit de
remédier à un risque avéré pour
la santé publique, soit d’éviter des
dépenses ayant un impact signi-
ficatif sur les finances de l’Assu-
rance maladie.
Que le recours à la spécialité
soit jugé indispensable par le
prescripteur, au regard des
données acquises de la science,
pour améliorer ou stabiliser
l’état de santé du patient.
Le prescripteur est par principe
juge de sa prescription hors AMM.
Cependant, son recours à une telle
prescription doit pouvoir se justi-
fier. Deux critères ressortent de la
nouvelle législation.
D’une part, la prescription doit
être indispensable pour améliorer
ou stabiliser l’état de santé du pa-
tient. Une prescription hors AMM
superflue qui viendrait s’ajou-
ter à une autre susante pour le
traitement médical serait jugée
injustifiée.
D’autre part, la légitimité de la
prescription hors AMM sera jugée
par le prisme de la conformité aux
données acquises de la science.
Par nature, la science étant évo-
lutive, la justification d’une pres-
cription hors AMM l’est aussi.
LES OBLIGATIONS
DU PRATICIEN
Le recours à une prescription
hors AMM étant justifié au re-
gard des conditions exposées
plus haut, le médecin devra
conformément à la nouvelle lé-
gislation respecter trois obliga-
tions essentielles.
INFORMER LE PATIENT
Premièrement, le praticien de-
vra informer son patient :
• de la non conformité de la pres-
cription de la spécialité pharma-
ceutique à son autorisation de
mise sur le marché ;
• de l’absence d’alternative médi-
camenteuse appropriée ;
• des  risques  encourus  et  des 
contraintes et des bénéfices sus-
ceptibles d’être apportés par le
médicament ;
• des  conditions  de  prise  en 
charge, par l’Assurance maladie,
de la spécialité pharmaceutique
prescrite.
Il est recommandé au praticien
de se préconstituer la preuve
de la transmission de ces infor-
mations par un écrit prééta-
bli reprenant ces quatre types
d’informations.
Rappelons que le patient doit être
en mesure d’apporter un consen-
tement libre et éclairé concer-
nant son traitement et notam-
ment dans un cadre hors AMM.
À défaut d’un tel consentement,
le patient pourrait invoquer un
défaut d’information.
La Cour de cassation a jugé que
La possibilité d’une prescription hors AMM est
désormais reconnue sous certaines conditions
et de nouvelles obligations reposent désormais
sur le praticien.
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l’absence d’information sur le
non-respect des indications pré-
vues par l’AMM du traitement,
quoique pratiqué couramment
et sans risque connu, est néces-
sairement à l’origine d’un préju-
dice moral, en ce quelle prive le
patient de sa faculté de donner
un consentement éclairé.
MENTIONNER SUR
L’ORDONNANCE LE CARACTÈRE
HORS AMM DE LA PRESCRIPTION
Deuxièmement, la nouvelle loi
prévoit expressément l’obligation
du médecin de porter sur l’ordon-
nance la mention : « Prescription
hors autorisation de mise sur le
marché ».
Il est recommandé au praticien de
porter une mention très lisible de
taille importante ne laissant au-
cun doute sur le cadre hors AMM
de la prescription.
MOTIVER LA PRESCRIPTION DANS
LE DOSSIER MÉDICAL
DU PATIENT
Troisièmement, le médecin doit
motiver sa prescription dans le
dossier médical du patient.
Il est recommandé au praticien
de justifier de sa prescription au
regard des conditions évoquées
plus haut.
Il est conseillé de justifier de la
double condition exigée par la
nouvelle législation et de ne pas
se contenter d’une formulation
vague.
À cet eet, il est recommandé
d’insister sur la justification de
l’absence d’alternative médica-
menteuse ainsi que sur celle de
la recommandation temporaire
d’utilisation visée ou du caractère
indispensable, au regard des don-
nées acquises de la science, du
recours à la spécialité pharmaceu-
tique pour améliorer ou stabiliser
l’état clinique du patient.
En cas de non-respect de ces trois
obligations du praticien, des mises
en cause civiles, pénales ou disci-
plinaires sont possibles.
CONCLUSION
Une spécialité pharmaceu-
tique peut faire l’objet d’une
prescription non conforme à son
autorisation de mise sur le marché
en l’absence d’alternative médica-
menteuse appropriée disposant
d’une autorisation de mise sur le
marché ou d’une autorisation tem-
poraire d’utilisation, sous réserve :
• que l’indication ou les conditions 
d’utilisation considérées aient fait
l’objet d’une recommandation
temporaire d’utilisation établie
par l’Agence nationale de sécurité
du médicament et des produits de
santé, cette recommandation ne
pouvant excéder trois ans ;
• ou que le prescripteur juge indis-
pensable, au regard des données
acquises de la science, le recours à
cette spécialité pour améliorer ou
stabiliser l’état clinique du patient.
Une triple obligation repose sur
le médecin : informer le patient,
mentionner sur l’ordonnance le
caractère hors AMM de la pres-
cription et motiver la prescrip-
tion dans le dossier médical du
patient. n
Mots-clés :
Prescription médicale hors AMM,
Juridique, Obligations
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