DON DU SOUFFLE : UNE ASSOCIATION AUX MULTIPLES VISAGES Don Du Souffle, pour qui, pour quoi ? Carmela Marchand est à la fois la directrice de l’association Le Don Du Souffle et la présidente de la société Don Du Souffle Assistance. Malgré un agenda bien rempli, Carmela a accepté de se prêter au jeu des questions/réponses. « Ca me semble important d’expliquer le rôle de DDS à vos lecteurs et d’en profiter pour situer le périmètre d’action de mes équipes ». HANDI Actu : A qui s’adresse Don Du Souffle (DDS)? Carmela Marchand : L'association Le Don du Souffle est née en 1973. Du besoin de permettre aux patients en cours de traitement à l'hôpital de retourner à leur domicile, et ce dans les meilleures conditions de continuité d'appareillage et de sécurité. L'exemple était venu de Lyon, à la fin des années 50, où l'épidémie de poliomyélite avait généré la création d'une première association issue du monde hospitalier : elle posa les premières bases. Bien avant que le secteur privé ne s'y intéresse. L'association bisontine Le Don du Souffle a repris ce schéma il y a 40 ans, en lien direct avec le CHRU de Besançon. Assurer aux patients ayant reçu les soins hospitaliers de rentrer chez eux dans des conditions sanitaires optimales est toujours un enjeu fort de la santé publique. Carmela Marchand Il est vite apparu essentiel d’assister ces patients par la mise à disposition d’équipements techniques, condition sine qua non de ce retour à domicile. Il y a eu des essais techniques et pas mal de tâtonnements avant d’arriver à concilier l’aspect associatif avec le Don du Souffle et l’aspect commercial avec DDS Assistance et à fiabiliser ce renvoi à la maison. Cette nouvelle ère a notamment pu voir le jour grâce à la pugnacité du professeur Ledoux, puis à celle du professeur Barale, les fondateurs de DDS... Depuis DDS a élargi sa palette de services, toujours dans le cadre d’un retour à 8 domicile optimal. Et pour répondre à votre question, actuellement, DDS met à disposition des personnes qui en ont besoin des équipements d’assistance respiratoire, des pompes à insuline, des pompes à chimio, des pompes à nutrition, des lits médicalisés, des fauteuils roulants, des verticalisateurs… Toutes sortes d’équipements et de consommables préconisés pour retourner et rester à la maison en toute sécurité dans de bonnes conditions. Notre équipe pluridisciplinaire intervient dans le service hospitalier avant la sortie du patient et réalise ensuite une installation judicieuse au domicile du patient. Nous avons comme particularité de ne pas effectuer d’actes médicaux sur le patient, nous sommes un intermédiaire avisé entre le prescripteur et le patient et éduquons, si besoin, le patient et son entourage à l’utilisation des équipements. Si je comprends bien, vos équipements s’adressent à toutes personnes malades ou en situation de handicap âgés de 0 à 99 ans ? Oui, et même après 99 ans ! Nous mettons des équipements à la disposition de personnes ayant dépassées la barre des 100 ans et demeurant à domicile. Nous nous interrogeons quant à l’évolution de nos prestations… La question de la dépendance pourrait faire partie des offres d’avenir à proposer à nos bénéficiaires, ceci dans la logique de fournir l’assistance la plus complète possible et de continuer à nous adapter aux besoins. L’évolution sociétale va plutôt dans le sens d’un maintien à domicile… Quelle est la force de DDS ? Notre adaptation permanente, facilitée, en partie, par le fait que nos équipes visitent les bénéficiaires à leur domicile. Nous sommes à l’intersection entre prescripteur, bénéficiaires et fournisseurs de matériels et avons une connaissance fine des besoins des bénéficiaires et du contexte dans lequel ils évoluent. Point important, nous n’initions pas des réflexions sur l’évolution de la pathologie ou du handicap, cela appartient au médecin, mais nous pouvons apporter des explications complémentaires et conseiller si besoin. Ainsi, nous sommes capables de proposer une évolution du matériel et d’assurer des dépannages rapides et efficaces. Nous avons aussi un rôle de vigilance et d’alerte, ce qui est très apprécié des prescripteurs et de l’entourage des patients. Bref, notre force réside dans nos visites à domicile. Quel est le périmètre d’intervention de vos équipes ? Partout en Franche-Comté. Nous avons une autre antenne à Lons-le-Saunier et à Châtenois-les-Forges et sommes regroupés au sein d’une fédération nationale, ANTADIR, dont je suis la trésorière. 9 Les professionnels de DDS, qui sont-ils ? Ils sont 114 salariés et de formation très différente, c'est une de nos particularités. Nous comptons environ 30 métiers différents. Nous ne sommes pas du tout figés sur un profil médical ou paramédical, nous avons aussi besoin de techniciens pour la maintenance des équipements et leur bon entretien. DDS Assistance se compose donc d’une équipe technique et d’une équipe médicale composée de deux médecins et d’infirmières. L’important est qu’ils partagent le sens des valeurs portées par DDS, à savoir celui du meilleur service à rendre à nos bénéficiaires. Nos véhicules sont tous identifiables par le logo DDS, celui-ci est visible et gêne rarement les patients. Il peut cependant arriver que nos bénéficiaires nous demandent de stationner nos véhicules à distance de leur domicile, dissimulant ainsi aux yeux de leur entourage la maladie ou le handicap… Sans aucun problème, nos équipes sont à l’écoute de ces préconisations et elles incitent d’ailleurs les bénéficiaires à davantage s’écouter. Faire preuve d’empathie, est un des exemples de ce qui est demandé à nos professionnels. Combien coûte un retour à domicile par l’intermédiaire de DDS ? C’est neutre pour le bénéficiaire, la mise à disposition d’équipements au domicile est facturée à la sécurité sociale à partir de la prescription du médecin. Nous proposons à la vente un ensemble de consommables et avons un espace de stockage important en sous-sol de notre siège social. C’est aussi la raison pour laquelle nous avons créé la société DDS Assistance qui permet de développer 10 notre activité commerciale tout en restant cohérents avec notre base associative et notre objectif de départ : « Donner plus et autrement ». Les bénéfices de cette société sont redistribués à l’association le Don Du Souffle. Notre chiffre d’affaire se situe, pour 2012, à 12 millions d’Euros. Avant de rentabiliser un équipement, il faut procéder à des mises au point, des tests, cela implique d’avoir une trésorerie suffisante. Et les bénéficiaires de vos prestations, quels retours vous font-ils ? Beaucoup de bénéficiaires sont rassurés par notre prise en charge et notre éthique, ils s’en font l’écho auprès des équipes sur place. Affirmer que DDS représente pour eux une garantie de sérieux et d’implication ne me semble pas exagéré. L'idéal sera de leur poser la question… Dernière question : quels sont vos projets pour les prochaines années ? Le grand projet pour demain est de nous orienter vers de nouvelles perspectives tout en respectant notre volonté de départ. Nous fêterons en 2013 les 40 ans de l’association et réfléchissons à investir de nouveaux domaines. La dépendance en fait partie, mais ce n’est pas le seul… FMB Quelques chiffres 12 millions d'euros de Chiffre d’Affaire - 7500 patients chez lesquels DDS dépose du matériel et 350 patients vus par jour à domicile - 114 salariés dont 30 métiers - 55 véhicules - Astreinte 24/24 Source interview 2013 de Carméla Marchand, présidente et Directrice de DDS Vous souhaitez réagir à cet article ? [email protected] 11 DON DU SOUFFLE, PAROLES DE SPÉCIALISTES Du soutien technique à l’accompagnement psychologique Lorsqu’une association décide de mettre à disposition des patients du matériel médical ainsi qu’une équipe accompagnatrice, le mélange aboutit à Don du Souffle Assistance. Une belle promesse de départ : rester aux côtés des patients et leur assurer un suivi de qualité. Un cap à passer « Franchir le pas », telle est la difficulté qu’Aline, diététicienne à Don du Souffle Assistance, mentionne lorsqu’elle nous explique les réticences vis-à-vis de l’alimentation artificielle. Confrontée à un panel de pathologies diverses qui nécessitent parfois un recours à une alimentation entérale, c’est-à-dire à un mode de nutrition visant à compenser la baisse de l’alimentation orale, elle souligne la méfiance des patients envers cette alternative qui voient en elle une contrainte médicale supplémentaire. L’alimentation par voie entérale se déroule généralement sur un cycle de douze heures, selon la tolérance du patient. Lourde de préjugés et le plus souvent associée à une nouvelle étape dans la vie du patient, elle respecte pourtant bien la physiologie de la personne. « Pourquoi ne pas Aline, diététicienne à DDS l’avoir fait plus tôt ? » est une question qui revient souvent dans les retours que font les patients sur ce type d’alimentation. L’écoute de soi en filigrane Aline souligne néanmoins que les malades doivent s’écouter et ne pas se mettre de pression, l’objectif de Don du Souffle Assistance étant avant tout d’ « aller au devant des besoins des patients ». Plus la dénutrition est dépistée rapidement, plus sa prise en charge sera efficace. Même si c’est le prescripteur qui définit les modalités de ce traitement, l’accompagnement réalisé par l’équipe d’infirmiers et de diététiciennes est essentiel. Cette dernière dispense de précieux conseils afin d’aider les patients à accepter ce type de nutrition. « Il faut tenir compte des préférences 12 alimentaires », rapporte la diététicienne tout en évoquant des patients alimentés de manière artificielle la nuit et qui sirotaient des compléments nutritionnels toute la journée. Ce besoin de conserver « une alimentation plaisir » ne doit pas être délaissé. Il est fondamental de ne pas exclure le patient d’un repas familial. Il est donc préconisé de conserver une part d’alimentation orale si cela est faisable, afin de limiter les privations. Pour elle, l’alimentation artificielle est un « apport de sécurité », élément non négligeable lorsque l’on sait qu’il s’agit d’assistance à domicile. Une présence rassurante pour l’entourage Pour Alexandra, puéricultrice à Don du Souffle Assistance depuis juin 2012, ce type d’accompagnement se retrouve dans sa profession. Titulaire d’un Diplôme Universitaire d’éducation thérapeutique, elle a travaillé pendant dix ans à l’hôpital Saint-Jacques avant d’intégrer l’équipe de DDS Assistance. Elle fait figure de lien entre l’hôpital et les familles des enfants dont elle assure une partie du suivi médical. À la sortie de l’hôpital, parents et enfants ont besoin d’un accompagnement, c’est pourquoi elle est toujours présente au moment du retour au domicile, après une période plus ou moins longue d’hospitalisation. Les visites sont régulières au début, puis s’espacent progressivement. Elle se rappelle du retour à la maison d’un nouveau-né qui était sous assistance Alexandra, puéricultrice à DDS respiratoire. Sa maman angoissait à l’idée que le chat entre dans la chambre du petit. Pour aider les parents dans ces moments charnières, elle aborde un éventail de sujets autour de l’enfant et leur permet ainsi d’appréhender le retour au foyer avec beaucoup plus de sérénité. CS 13 DON DU SOUFFLE, PAROLES DE PARENTS […] Quel lait pur, que de soins, que de vœux, que d'amour, Prodigués pour ma vie en naissant condamnée, M'ont fait deux fois l'enfant de ma mère obstinée, […] Victor Hugo Ma Sandra, Nous allions entrer dans l’été 2009, la dernière échographie avait laissé planer le doute d’un problème, mais rien de précis. Seule ta naissance pouvait venir confirmer ou infirmer un diagnostic. Je t’ai mise au monde à une heure du matin et, à 11h du même matin, tu prenais l’hélicoptère pour Strasbourg afin d’y subir une opération à cœur ouvert. C’était la seule option pour ta survie... Alors que tout s’organisait pour toi à l’hôpital, pour ton père et moi, le temps s’est assombri, comme si "le ciel nous tombait sur la tête". A l’annonce du diagnostic, ton père a d’ailleurs perdu connaissance et s’est blessé à l’arcade sourcilière. Trop d’émotions, trop d’incompréhensions… La liste de tes problèmes de santé était longue, complexe car exprimée en termes médicaux, comme si nous étions médecins ! Nous tes parents, nous n’y comprenions rien. Une seule certitude : tu avais besoin de nous, alors nous avons pris la route pour Strasbourg, nous aussi. Malgré l’accouchement récent, rien n’aurait pu me dissuader de te suivre là-bas. A Strasbourg, l’opération du cœur s’était bien passée mais je t’ai retrouvée reliée à tellement de fils, tellement de machines… Un bébé sans couleur, sans regard et sans voix, alimenté en oxygène et en nourriture, par le nez… Nous sommes restés un mois à Strasbourg, à la maison des parents. Ensuite tu as regagné les soins intensifs pédiatriques à Besançon… Il a alors fallu convaincre les médecins que nous pouvions t’accueillir à la maison, que nous serions capables de poursuivre l’alimentation par sonde et l’alimentation en oxygène. A force de voir effectuer les actes médicaux par les infirmières, je me sentais prête... Pour nul autre enfant, je ne me serais sentie prête, mais pour toi, oui. Cette permission de sortie n’a pu se faire que progressivement, un week-end tout d’abord, puis le jour de l’anniversaire de ton frère. La maison a alors pris des allures d’hôpital… DDS nous y a aidés. Le jour de l’installation des équipements à la maison, un voisin a compté la livraison de 22 cartons en provenance de DDS... Respiration artificielle, alimentation artificielle, soins médicaux, kinésithérapeutes… une 14 armada de blouses blanches, ou roses autour de toi. Mais surtout, ton père et moi qui nous sommes relayés à ton chevet. Ton père assurait les soins du matin, moi ceux du reste de la journée. Nous étions organisés pour ton confort, pour ta survie, c’était notre organisation durant un an… Aujourd’hui, lorsque je regarde la photo prise alors que tu avais deux mois, je revois les tubes plongeant dans tes petites narines comme des roseaux translucides te maintenant en vie… Tu manifestais déjà une telle joie de vivre. Au détour des conversations avec les professionnels de santé, nous avons appris que lorsqu’un enfant, avec les problèmes de santé que tu as, vient au monde, rares sont les parents qui prennent le risque de le ramener à la maison… Toi, tu n’as été abandonnée de personne, tu as vaincu les obstacles avec nous, nous donnant la force et le courage de dépasser nos craintes. Avec ton arrivée, toute la famille s’est transformée, ton frère a gagné en maturité, devenant le grand frère protecteur que tu connais. Le caractère de ton père et moi a changé, nous sommes maintenant capables de nous imposer auprès d’un système de santé parfois insensible. Chaque revers a sa médaille, nous ne pouvons pas encore te confier à un membre de la famille. Ils ne se sentent pas prêts, tes grands parents, tes oncles, tes tantes restent marqués par le souvenir de tous ces appareils qui te reliaient à la vie. Un jour, tu iras en vacances chez eux, tout se passera bien, tu es encore petite. Aujourd’hui, tu as trois ans, tu marches, tu cours, tu escalades les chaises. Débarrassée des tubes et des appareils, ton énergie semble décuplée et continue de nous guider. Tu as passé ta première année de vie allongée sur le dos, tu ne formules pas encore des mots précis mais tu sais te faire comprendre. Depuis ton opération de la fente palatine, tu manges par la bouche. Inès, ton orthophoniste, t’apprend à poser ta voix et aussi à souffler dans la flûte. Elle utilise des mini glaçons pour t’apprendre à boire, à déglutir, à avaler. Lorsque tu étais bébé, la nutritionniste de DDS m’a expliqué qu’il fallait que je masse tes joues et la zone autour de ta bouche afin que tu apprivoises cet espace qui est aussi une zone de plaisir et pas uniquement de soins. Avec toi, grâce à toi, nous avons su riposter à ces « coup du sort ». Il reste des obstacles, un jour peut-être il faudra opérer ta scoliose et aussi, mais plus tard, te poser une oreille artificielle. Ton oreille interne est développée, il ne manque que le pavillon externe, indispensable pour porter des boucles d’oreilles et offrir au monde ton joli minois. Ces étapes, nous les traverserons ensemble. Ta maman qui t’aime 15