TOPIC
octobre 2005
Chine : le grand embouteillage
La saturation des
réseaux
d’infrastructure…
… accentue les
déséquilibres de
la croissance
chinoise.
Sous-
investissement,…
… fragmentation
du paysage
ferroviaire,…
Explosion du commerce extérieur, mobilité continue de la population
domestique et, nécessaire rééquilibrage de la croissance obligent Pékin à se
pencher d’urgence sur le dossier transport. La saturation des réseaux
ferroviaires et des voies routières compliquent en effet, de plus en plus, la
tâche de l’activité économique.
Le défi auquel les autorités sont confrontées en matière
d’infrastructures est double. D’un côté, il leur faut accompagner la croissance
de l’économie qui passe inévitablement par une utilisation accrue de toutes les
voies de communication qui lui sont offertes. De l’autre, elles doivent
composer un savant dosage entre la Côte Est et le reste du pays pour limiter les
déséquilibres qui pèsent sur la stabilité à moyen terme de l’économie
nationale.
Le réseau ferroviaire constitue la colonne vertébrale des transports
chinois mais il demeure le parent pauvre des efforts de modernisation des
infrastructures. Pourtant la pression exercée par le trafic passager en constante
augmentation et les besoins du fret indiquent qu’il y a urgence. Mais
développer le rail nécessite beaucoup d’argent et des technologies dont le pays
ne dispose pas encore. En outre, les sirènes de l’automobile le poussent
davantage à privilégier le réseau routier.
La Chine possède 17% du réseau ferré mondial avec 74 000 km
exploités (contre 230 000 km aux Etats-Unis). Pour passer la barre des
100 000 km, il faudra encore attendre un peu, 2020 dans le meilleur des cas.
Le réseau ferré chinois souffre avant tout d’un sous-investissement chronique.
Pékin avait bien prévu d’investir 130 milliards de yuans (13,4 mds euros)
chaque année pour l’étendre mais il parvient à peine à en sortir 50 des caisses
publiques.
La multiplicité d’acteurs dans le secteur n’arrange rien et conduit la
Chine à accoucher d’un paysage ferroviaire très fragmenté et donc inadapté
aux nouveaux besoins.
La congestion perpétuelle qui résulte directement du manque
d’investissement constitue le troisième obstacle auquel se heurte le rail
chinois. Le trafic passager exerce une pression particulière sur le réseau ferré
pour au moins deux raisons. Les migrants, dont le nombre ne cesse de croître,
génèrent un flux permanent et élevé tout au long de l’année. 1,1 milliard de
… flux passagers
en forte hausse,…
… et circulation
du fret destinée
à augmenter…
… menacent
d’étouffer le
rail chinois.
L’écologie
sera-t-elle
son bol d’air ?
Reste à trouver
les fonds pour
moderniser la
matériel roulant,…
voyages ont été enregistrés en 2004, soit 15% de plus qu’en 2003. Et le trafic
passager n’ira pas en diminuant, bien au contraire. Les Chinois se déplacent de
plus en plus depuis la levée des restrictions qui pesaient, il n’y a pas si
longtemps encore, sur leur mobilité dans le pays. Leur niveau de revenu
moyen ne leur permet pas, pour la très grande majorité d’entre eux, d’avoir
accès aux modes de transport alternatifs que sont l’automobile et l’avion. Le
train restera donc pendant la prochaine décennie le moyen de transport numéro
1 pour le trafic passager.
Le transport du fret pose aussi problème du fait de la géographie propre
du pays et de la distribution de ses centres de production par rapport aux
sources terrestres d’approvisionnement de matières premières. Le charbon par
exemple, produit notamment dans le Shanxi, le Shaanxi et la Mongolie
Intérieure ne parvient qu’avec des retards de plus en plus longs à l’est et au
sud du pays, d’où les pénuries d’électricité massives devenues depuis quatre
ans habituelles. Quant au transport de conteneurs, la part de marché du rail est
inférieure à 3%. Il n’assure donc pas suffisamment son rôle de relais dans la
chaîne logistique. Autre exemple significatif, sur les neuf premiers mois de
2004, la demande journalière de wagons pour le transport du fret n’a pu être
satisfaite qu’à 35% !
Cependant sa part dans la circulation du fret a beaucoup augmenté,
passant de 33% en 1994 à 42% dix ans plus tard. Le Ministère des Chemins de
fer cherche à rendre le rail incontournable en développant le transport
intermodal qui combine le ferroviaire et le portuaire par exemple. De plus en
plus de marchandises sont donc directement déchargées des conteneurs, dans
des trains.
Les préoccupations des autorités vis-à-vis de l’environnement
expliquent pour beaucoup leur volonté de développer la distribution des
marchandises via le réseau ferroviaire. Le gouvernement de Hu Jintao n’a plus
que ça en tête : limiter les conséquences écologiques négatives de la croissance
économique qui commencent à lui coûter fort cher (cf : topic « Brouillards
chinois », novembre 2004). Le ferroviaire est donc, à priori, voué à occuper
une place centrale dans le transport du fret. Beaucoup moins gourmand en
pétrole et surtout, beaucoup moins polluant que l’automobile, le rail chinois
verrait enfin son horizon se dégager… L’ampleur des investissements à
réaliser laisse toutefois planer un doute quant à sa capacité à accompagner
durablement la croissance. La SNCF Internationale, Bombardier ou Schneider
sont dans les starting-blocks avec en ligne de mire 2007 et l’ouverture du
secteur.
Le matériel utilisé est tout autant responsable de l’inefficacité du
secteur ferroviaire que l’inadéquation du réseau ferré par rapport aux besoins
grandissants de l’économie. La Chine manque cruellement d’équipement pour
assurer le transit des conteneurs traités dans ses ports, ce qui limite les
économies d’échelle que les transporteurs pourraient réaliser. Que dire encore
de la vitesse de pointe des trains qui ne dépasse guère les 160km/h ? Le
Ministère des Chemins de fer n’a d’autre choix que celui de se tourner vers la
technologie étrangère ce qui fait le bonheur d’Alstom par exemple qui fin
janvier 2005, a annoncé la commande de trains régionaux et de locomotives
pour un montant de 1 milliard d’euros.
… et étendre le
réseau de voies
ferrées.
Pendant ce temps,
l’automobile
continue son
envol…
… tandis que le
maillage routier
du pays
s’accélère.
A la clé : un
désenclavement
urgent et
indispensable pour
distribuer plus
largement les
fruits de la
croissance.
Le manque d’infrastructures ferroviaires est un phénomène durable à
garder en tête pour toute firme qui souhaite s’installer loin des régions
côtières. Leur modernisation, même en Chine, sera un processus de longue
haleine et la concurrente automobile n’a pas dit son dernier mot.
Le gouvernement a privilégié depuis cinq ans une industrie qu’il juge
hautement stratégique : le secteur automobile. Or, pour accompagner
l’explosion des ventes de véhicules, l’Etat dépense des sommes considérables
pour construire des routes et autoroutes. 500 000 km de routes et 20 000 km
d’autoroutes construits entre 1998 et 2003, qui dit mieux ? La construction
d’infrastructures routières explose… et pourtant des zones entières de la Chine
demeurent inaccessibles. L’investissement dans le réseau routier représente
tout de même 2,5% du PIB actuellement et le plan quinquennal qui court
jusqu’en 2010 prévoit pour la construction d’autoroutes de maintenir le rythme
de 5 000 nouveaux kilomètres par an afin de remplir l’objectif des 70 000 km
en 2010. Lorsque l’on sait que voilà encore douze ans, aucune province n’était
reliée par autoroute, on mesure les progrès réalisés.
Mais Pékin n’a pas que l’industrie automobile en tête. Rééquilibrer la
croissance est aussi à l’ordre du jour et les infrastructures routières ont leur
rôle à jouer en la matière. Ce n’est pas Hu Jintao et Wen Jiabao qui diront le
contraire. A ce titre, le développement de la route obéit à un objectif clé, celui
du désenclavement des provinces centrales. Moins cher que l’extension du
réseau ferroviaire, plus rapide aussi à construire, les routes ont beaucoup
d’avantages à faire valoir.
La question des infrastructures est indissociable de celle des inégalités
croissantes que l’on constate entre le centre de la Chine et les provinces
côtières. Le déséquilibre - durable - en terme d’accès aux réseaux ferroviaires
et routières explique pour une bonne part le fossé grandissant entre ces deux
zones. A moyen terme, c’est donc la qualité du développement dont il est
question. Mais entre le rail et la route, le cœur - et les finances publiques - des
autorités balance.
Les autorités chinoises prévoient de doubler la richesse nationale d’ici
2020. Mais cet objectif risque fort de se trouver confronter à plus ou moins
long terme à une limite physique insoluble : l’insuffisance des infrastructures.
Et puis, il y a la question du désenclavement des régions centrales, au moins
aussi urgente dans l’esprit des dirigeants. Dans ce cas, on voit mal comment le
gouvernement pourrait se passer de l’aide financière et technologique
étrangère. L.B
A noter : notre prochain colloque sur les « fragilités chinoises », le 15 novembre 2005
Contact Ghislaine Rouger : [email protected]
Répartition du trafic passagers en voyageurs – kilomètres
train
route
aérien
fluvial
Source : MINEFI, 2004
Des infrastructures en croissance mais encore insuffisamment développées
Modes de transport 2001 2002 Variation (%)
Ferroviaire
Réseau (milliers de km) 70,1 71,9 +2.6
Trafic passagers (milliards) 1,051 1,056 +0.4
Trafic fret (milliards de tonnes) 1,926 2,042 +6.0
Routier
Réseau (milliers de km) 1 698 1 765 +4.0
Dont autoroutes 19,5 25,1 +29.4
Trafic passagers (milliards) 14,03 14,75 +5.1
Trafic fret (milliards de tonnes) 10,56 11,16 +7.1
Source : MINEFI, 2004
La demande potentielle pour le rail est extrêmement forte
0
10
20
30
40
2000 2010 2020
passagers (millions) fret (millions de tonnes)
Source : Ministère des Chemins de fer
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