La faillite du tout-routier
Les transports terrestres britanniques payent au prix fort des décennies de sous-investissements. Ils ne
sont plus adaptés aux structures socio-économiques du pays. Le gouvernement de Tony Blair a donc proposé un
plan de modernisation ambitieux du système de transport afin de réduire, en dix ans, les dysfonctionnements liés
au transport terrestre. Un objectif qui suppose , pour être tenu, que soient engagés des investissements massifs
(…) D’utilisation plus souple dans l’espace et dans le temps, l’automobile s’est imposée dans un contexte où
domine individualisme et flexibilité. Mais si la part de la route s’est fortement accru (93% des déplacements de
personnes et 90 % du fret utilisent ce mode de transport), les infrastructures n’ont pas suivi. Résultat : une
congestion d’au moins 20 % du réseau routier (…). Autrefois gloire du pays, le réseau ferré n’assure, lui, plus
que 6 % des déplacements dont plus de la moitié dans le bassin londonien. La vétusté du réseau se traduit par un
manque de fiabilité, par des temps de parcours plus longs et par une saturation des infrastructures (…) Pourtant,
le fer pourrait être une alternative à la route, mais son inadaptation hypothèque ses chances à terme. La vétusté
du réseau s’explique par des choix structurels de longue durée dont le caractère catastrophique s’est trouvé
encore accentué après 1979 par des choix idéologiques ultralibéraux des conservateurs, qui préconisent le repli
de l’Etat face aux “ forces du marché ”. (…)
Manuel Appert (chercheur à la maison de la géographie, université de Montpellier)
Alternatives économiques, n°206, septembre 2002
La clim vous rafraîchit en réchauffant la planète
Rejetée dans l'atmosphère, la chaleur aggrave encore la pollution.
Sans le savoir, les adeptes de la climatisation participent à l’inexorable réchauffement climatique. Jean-Louis
Plazy, directeur adjoint de l'air et des transports à l'Ademe ( 1 ), est bien embêté. “Pour faire du froid, il faut
absorber de la chaleur dans la pièce à rafraîchir, et la rejeter quelque part.” Et ce quelque part, c'est notre
atmosphère. (…)
Autre cauchemar pour la planète [après la climatisation des batiments] : la climatisation automobile. Celle-ci est
devenue incontournable: 3 véhicules sur 4 en sont équipés aujourd'hui, et 9 sur 10 le seront en 2010. Du fait de
leur conception, les climatisations installées sur les voitures fuient beaucoup et rejettent beaucoup de HFC.
Défaut supplémentaire, elles coûtent cher: du fait de leur poids, les climatisations augmentent la consommation
des véhicules en carburant de 20% à 30%. Seule option pour prévenir les méfaits de ces outils rafraîchissants: ne
pas les utiliser. Un effort à fournir inadmissible pour la plupart des gens. “Il va falloir s'adapter aux fortes
températures et y mettre du sien pour ralentir le réchauffement climatique: se déplacer avec les transports en
commun au maximum, ne pas acheter de véhicule climatisé, même si cela devient impossible. Imaginez qu'en
Inde et en Chine, bâtiments et véhicules commencent à être climatisés… ” déplore Olivier Louchard, membre du
RéseauAction Climat (RAC). Les malheureux militants n'ont pas d'alternatives réjouissantes. “Quand on a connu
ce confort, on ne revient pas en arrière. Pourtant, il le faudrait, pour les générations futures. ” Quand on étouffe
sous 40 °, les générations futures semblent malheureusement bien loin
Laure Noualhat, (Libération, 8 août 2003)
(1 ) Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, www.ademe.fr
Transport : la bataille du rail et de la route
par Michel Lette (1)
En un siècle, l'hégémonie du rail a cédé la place à la toute puissance de la route.
Les protestations récentes pour une baisse des taxes sur les carburants ont une nouvelle fois témoigné du poids
économique et social pris par le transport routier. Avec 85 % des flux de marchandises transportées, la route s'est
placée en tête des modes de transport en France. (…)
[C’est au ] début des années 70 [que] la route a définitivement supplanté le rail. Le temps n'est plus à la
protection à tout prix de la SNCF, dont la situation financière ne cesse de se dégrader. Des lignes sont fermées.
Aboutissement d'une logique d'inspiration libérale, la loi d'orientation des transports intérieurs (Loti) de 1982
affirme le principe de la liberté de choix. (…) Aujourd'hui, la route occupe une place déterminante dans
l'économie( ). La spécialisation des sites de production et la gestion en juste-à-temps ont multiplié les besoins
de transport et transféré les stocks sur la plate-forme du camion. Enfin, l'internationalisation croissante de
l'économie a également accru la demande. La route a encore gagné du terrain, dans un environnement où le
libéralisme ambiant favorise le moyen de transport le plus flexible. C'est aussi - et ceci explique en partie cela -
celui où la législation du travail est la plus facilement transgressée.
Bien sûr, les transporteurs routiers, soumis à la pression des chargeurs et à la concurrence internationale,
s'opposent violemment à toute tentative des pouvoirs publics pour leur imposer une prise en charge des coûts
réels de leur activité. En face, la SNCF n'a pas fait preuve de la flexibilité et de la qualité de services qui lui
auraient permis de reconquérir les parts de marché perdues (les lignes TGV ne supportent pas le fret !). Le
développement d'une véritable coopération rail-route, qui passe notamment par l'essor du transport combiné et
par de lourds investissements pour permettre une intermodalité efficace, n'est pas pour demain, même si le
gouvernement affirme vouloir désormais agir en ce sens.
(1) Historien, archiviste des entreprises.
Alternatives Economiques n°187, décembre 2000
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