Tribune
6666
N° 508 - Janvier - Février 2006
Tribune libre
Lorsque Semelweiss mit
en place la désinfection
des mains en 1847, la
mortalité après accouchement chuta
vertigineusement. Lorsque Lister
introduisit la désinfection de l’inci-
sion opératoire pour amputation en
1870, la mortalité postopératoire
chuta de 46% à 15%. L’hygiène a
ainsi une place fondamentale dans
la prévention de l’infection nosoco-
miale, et la désinfection (et non le
simple lavage) des mains et de la
peau en phase préopératoire ou lors
des actes invasifs, occupe un rôle
central.
Il n’est pas question de remettre ceci
en cause. Cependant, en 2006, ce
n’est probablement ni par défaut
d’hygiène de base, ni par carence du
lavage des mains que se dévelop-
pent la majorité des infections hos-
pitalières, en particulier les infections
du site opératoire (ISO). C’est bien
par la plaie créée par le bistouri du
chirurgien que pénètrent probable-
ment la plupart des microorganismes
Vos points de vue nous intéressent: réformes, évolutions
et problématiques animent le monde hospitalier, suscitant
débats et réflexions, prises de position et engagements.
La Revue hospitalière de France souhaite donner une place
à leur expression, sous forme de tribune libre. Merci d’adres-
ser vos textes à Catherine Bonhomme, [email protected]
Infections nosocomiales
Fantasmes et réalités
Docteur Jean Carlet
Chef de service de réanimation polyvalente
Coordonnateur du pôle maladies infectieuses
Fondation hôpital Saint-Joseph, Paris
qui vont entraîner, heureusement
rarement, une infection postopéra-
toire. Cependant la physiopatholo-
gie exacte reste mal connue.
Il existe trois facteurs déterminants
pour expliquer une infection noso-
comiale, en particulier une ISO: la
quantité de microbes qui vont
contaminer le site exposé (inocu-
lum), la virulence des microbes en
cause, les défenses contre l’infec-
tion de la personne exposée. Ces
trois facteurs de risque peuvent
bien sûr se cumuler, et c’est peut-
être le hasard de leur cumul qui
conditionne la survenue d’une
infection clinique. Par ailleurs, on
commence à pouvoir démontrer
que les bactéries exercent leur viru-
lence lorsqu’elles détectent des fac-
teurs de «stress » chez les patients
(intervention chirurgicale, hypoten-
sion artérielle…). Ainsi, les bacté-
ries ne frapperaient pas au hasard!
«
L’infection postopératoire qui sur-
vient après abord d’un organe sté-
rile pose des problèmes particuliè-
rement intéressants et difficiles. On
sait que, lorsqu’une infection à sta-
phylocoque survient, par exemple
après pose de prothèse articulaire,
le staphylocoque responsable est
génétiquement celui que le malade
portait à l’admission sur la peau et
dans le nez (habitat usuel du sta-
phylocoque) dans 70 à 80 % des
cas. Comment ce germe parvient-il
à pénétrer dans la plaie opératoire
malgré toutes les précautions prises
en pré et peropératoire? Aussi ridi-
Infection à staphylocoque :
des hypothèses nombreuses
libre
6677
N° 508 - Janvier - Février 2006
Revue hospitalière de France
cule que cela soit, à l’époque des
avancées technologiques et des
interventions sous robotique… on
ne sait pas très bien!
Les hypothèses sont nombreuses:
l’air du bloc peut contenir des
petites particules ou des squames
contenant du staphylocoque,
mises en suspens lors de gestes
particuliers telle l’anesthésie du
patient. Le germe peut également
provenir des soignants suscep-
tibles de commettre des erreurs
dans le portage du masque;
la peau du sujet peut être lour-
dement colonisée malgré la
douche préopératoire (ou à cause
d’une douche mal faite) et, de ce
fait, il peut rester 102ou 103sta-
phylocoques en fin de désinfection
au bloc chez certains patients,
même si celle-ci a été parfaite;
le germe peut pénétrer par voie
hématogène, au moment de
gestes invasifs (intubation, pose
de sonde gastrique…), pré, per
ou postopératoire immédiats;
le germe pourrait être contenu dans
des vaisseaux lymphatiques sec-
tionnés lors de la chirurgie. Ces
questions se posent pour les
médiastinites ou endocardites, com-
plications redoutables qui survien-
nent après chirurgie cardiaque.
L’infection qui survient après l’abord
d’un organe lourdement contaminé
(intestin, parfois le poumon) se
comprend beaucoup plus aisément.
Une meilleure compréhension de
tous ces mécanismes permettrait
d’affiner les mesures de prévention
à prendre (évaluation personnalisée
du portage, décolonisation ciblée,
antibioprophylaxie à la carte…).
<<
Offres
d’emploi
En librairie International Cultures
et cité
Tribune libre Réflexions
hospitalières
Sur le web Droit et
jurisprudence
Dossier Actualités
À côté des précautions pré, per et
postopératoires classiques et bien
connues, et parce que ces mesures
d’hygiène ne suffisent pas, l’anti-
bioprophylaxie tient une place fon-
damentale. Toute évaluation de la
qualité du système de prévention de
l’infection péri-opératoire doit com-
porter des audits de l’ensemble des
actions de prévention, y compris de
la prophylaxie antibiotique. Ce
thème a été un peu délaissé ces
derniers temps.
Attention à la désinformation
La pression médiatique mise ces
dernières années sur l’infection
nosocomiale, bien que très utile sur
certains aspects, a eu pour consé-
quence de faire croire au grand
public et aux politiques que l’infec-
tion nosocomiale était principale-
ment liée à une hygiène de base
défaillante et que la France était
dans une situation honteuse dans
ce domaine. Il a fallu des années
pour montrer que cela n’est pas
exact et que nous étions très com-
pétitifs avec les autres pays euro-
péens, y compris du Nord (résultats
du réseau européen HELICS). Bien
qu’il soit impératif de «serrer tous
les boulons» en matière d’hygiène,
il est maintenant grand temps de
travailler plus activement sur les
autres causes des infections noso-
comiales, après cette période de
culpabilité paralysante.
La place fondamentale de
la prophylaxie antibiotique
1 / 2 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !