Tribune libre Vos points de vue nous intéressent: réformes, évolutions et problématiques animent le monde hospitalier, suscitant débats et réflexions, prises de position et engagements. La Revue hospitalière de France souhaite donner une place à leur expression, sous forme de tribune libre. Merci d’adresser vos textes à Catherine Bonhomme, [email protected] Tribune Infections nosocomiales Fantasmes et réalités Docteur Jean Carlet Chef de service de réanimation polyvalente Coordonnateur du pôle maladies infectieuses Fondation hôpital Saint-Joseph, Paris «L orsque Semelweiss mit en place la désinfection des mains en 1847, la mortalité après accouchement chuta vertigineusement. Lorsque Lister introduisit la désinfection de l’incision opératoire pour amputation en 1870, la mortalité postopératoire chuta de 46 % à 15 %. L’hygiène a ainsi une place fondamentale dans la prévention de l’infection nosocomiale, et la désinfection (et non le simple lavage) des mains et de la peau en phase préopératoire ou lors des actes invasifs, occupe un rôle central. Il n’est pas question de remettre ceci en cause. Cependant, en 2006, ce n’est probablement ni par défaut d’hygiène de base, ni par carence du lavage des mains que se développent la majorité des infections hospitalières, en particulier les infections du site opératoire (ISO). C’est bien par la plaie créée par le bistouri du chirurgien que pénètrent probablement la plupart des microorganismes 66 N ° 5 0 8 - J a n v i e r - qui vont entraîner, heureusement rarement, une infection postopératoire. Cependant la physiopathologie exacte reste mal connue. Il existe trois facteurs déterminants pour expliquer une infection nosocomiale, en particulier une ISO : la quantité de microbes qui vont contaminer le site exposé (inoculum), la virulence des microbes en cause, les défenses contre l’infection de la personne exposée. Ces trois facteurs de risque peuvent bien sûr se cumuler, et c’est peutêtre le hasard de leur cumul qui conditionne la survenue d’une infection clinique. Par ailleurs, on commence à pouvoir démontrer que les bactéries exercent leur virulence lorsqu’elles détectent des facteurs de « stress » chez les patients (intervention chirurgicale, hypotension artérielle…). Ainsi, les bactéries ne frapperaient pas au hasard ! Infection à staphylocoque : des hypothèses nombreuses L’infection postopératoire qui survient après abord d’un organe stérile pose des problèmes particulièrement intéressants et difficiles. On sait que, lorsqu’une infection à staphylocoque survient, par exemple après pose de prothèse articulaire, le staphylocoque responsable est F é v r i e r 2 0 0 6 génétiquement celui que le malade portait à l’admission sur la peau et dans le nez (habitat usuel du staphylocoque) dans 70 à 80 % des cas. Comment ce germe parvient-il à pénétrer dans la plaie opératoire malgré toutes les précautions prises en pré et peropératoire ? Aussi ridi- e v u e h o s p i t a l i è r e d e F r a n c e Actualités R Droit et jurisprudence Dossier libre Cultures et cité << Attention à la désinformation La pression médiatique mise ces dernières années sur l’infection nosocomiale, bien que très utile sur certains aspects, a eu pour consé- En librairie La place fondamentale de la prophylaxie antibiotique quence de faire croire au grand public et aux politiques que l’infection nosocomiale était principalement liée à une hygiène de base défaillante et que la France était dans une situation honteuse dans ce domaine. Il a fallu des années pour montrer que cela n’est pas exact et que nous étions très compétitifs avec les autres pays européens, y compris du Nord (résultats du réseau européen HELICS). Bien qu’il soit impératif de « serrer tous les boulons » en matière d’hygiène, il est maintenant grand temps de travailler plus activement sur les autres causes des infections nosocomiales, après cette période de culpabilité paralysante. ■ N ° 5 0 8 Offres d’emploi À côté des précautions pré, per et postopératoires classiques et bien connues, et parce que ces mesures d’hygiène ne suffisent pas, l’antibioprophylaxie tient une place fondamentale. Toute évaluation de la qualité du système de prévention de l’infection péri-opératoire doit comporter des audits de l’ensemble des actions de prévention, y compris de la prophylaxie antibiotique. Ce thème a été un peu délaissé ces derniers temps. Tribune libre Réflexions hospitalières Sur le web • le germe peut pénétrer par voie hématogène, au moment de gestes invasifs (intubation, pose de sonde gastrique…), pré, per ou postopératoire immédiats ; • le germe pourrait être contenu dans des vaisseaux lymphatiques sectionnés lors de la chirurgie. Ces questions se posent pour les médiastinites ou endocardites, complications redoutables qui surviennent après chirurgie cardiaque. L’infection qui survient après l’abord d’un organe lourdement contaminé (intestin, parfois le poumon) se comprend beaucoup plus aisément. Une meilleure compréhension de tous ces mécanismes permettrait d’affiner les mesures de prévention à prendre (évaluation personnalisée du portage, décolonisation ciblée, antibioprophylaxie à la carte…). International cule que cela soit, à l’époque des avancées technologiques et des interventions sous robotique… on ne sait pas très bien ! Les hypothèses sont nombreuses : • l’air du bloc peut contenir des petites particules ou des squames contenant du staphylocoque, mises en suspens lors de gestes particuliers telle l’anesthésie du patient. Le germe peut également provenir des soignants susceptibles de commettre des erreurs dans le portage du masque ; • la peau du sujet peut être lourdement colonisée malgré la douche préopératoire (ou à cause d’une douche mal faite) et, de ce fait, il peut rester 102 ou 103 staphylocoques en fin de désinfection au bloc chez certains patients, même si celle-ci a été parfaite ; - J a n v i e r - F é v r i e r 2 0 0 6 67