淡江人文社會學刊【第三十期】
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autres êtres vivants sur la terre ou dans la mer, et que l’homme détient sa suprématie sur les
autres. Bien que de nos jours, notre perspective et notre connaissance sur le langage aient
beaucoup évolués, la conception du langage en tant que faculté particulière de l’homme
persiste. Opposé à certaines études récentes qui comparent le langage humain à la
communication animale, le linguiste moderne Chomsky décline toute comparaison abstraite et
simplifiée en affirmant que « le langage humain apparaît comme un phénomène unique, sans
analogue important dans le monde animal »(4). Le langage est le propre de l’homme et aucun
système de signes ne lui est comparable.
La faculté de la maîtrise du langage établit chez les Anciens la frontière entre les
concepts de civilisation et de barbarie: « celui qui domine la parole et les forces chaotiques
qui s’agitent sous le langage des hommes est civilisé, dans la guerre comme dans la paix;
celui qui parle de façon confuse et inarticulée, en se laissant déborder par sa violence
intérieure, est barbare, dans la paix comme dans la guerre. » (Mattéi 1999: 39) Le terme de
« barbare », emprunté du grec barbaros, est à l’origine une onomatopée pour signifier ceux
qui sont étranger à la langue grecque, ceux qui bafouillent, balbutient de façon indistincte et
articulent mal(5). Ainsi la première apparition du terme de « barbare » dans le chant
d’Homère est pour désigner le parler des Cariens, hommes rudes et grossiers, qui
prononcent mal leur propre langue (Iliade, II, 867)(6). Selon Jean-François Mattéi,
l’utilisation de ce terme chez Homère est lourde et significative: « le seul peuple des
Troyens et des Danaens qui n’est nommé ni par ses chefs ni par son pays, mais par une
langue que l’on malmène au point de ne pas se faire entendre, est le peuple des Cariens dont
l’unique trait de culture est ainsi un trait négatif ». (Mattéi 1999: 39) Le chant d’Homère,
texte fondateur de la civilisation occidentale, nous laisse entendre que l’homme, par la
maîtrise de sa parole, atteint la maîtrise de son âme.
Dans l’histoire humaine, on reconnaît non simplement la faculté unique d’exprimer et de
communiquer chez les hommes, mais aussi on tente de développer une technique de la
manipulation intellectuelle du langage(7). La rhétorique classique, celle qui commence avec
Aristote et se prolonge jusqu’au XIXème siècle, manifeste, entre autres, cette sorte
d’intention(8). La rhétorique est au sens propre « la science de bien dire » (Quintilien,
Institution oratoire, Livre II, 15, 34)(9). En suivant une méthode théorique, elle cherche à
maîtriser le discours pour faire comprendre, pour faire croire, pour faire agir et en un mot,
pour persuader. (Reboul 1984: 6) Selon Aristote, « la rhétorique est l’analogue de la