Samedi 22 juin 2013 - passage des reliques de Ste Thérèse Évangile : Matthieu 18, 1-5 ; Romains 8, 14-17 Pour la 3ème fois depuis 1997, sainte Thérèse de l'Enfant Jésus et de la Sainte-Face honore notre monastère par la présence de ses reliques. Mais au fond, quel est le sens d'une telle manifestation ? Parler de reliques, même si on sait que dans le cas de la sainte de Lisieux son corps connut le lot commun de la décomposition comme elle l'avait souhaité afin que sa ''petite voie'' restât imitable par tous, c'est bien sûr sous-entendre le passage par la mort. Mais c'est plus encore affirmer qu'elle fut d'abord une vivante parmi les vivants. C'est souligner en un mot qu'elle a assumé une existence humaine semblable à la nôtre en tout point, de la naissance à sa fin terrestre marquée par la mort. C'est donc affirmer qu'elle est une des nôtres et non pas une sorte d'être bizarre surgi d'on ne sait où et qui aurait mené une existence étrangère à la loi commune des humains. Rappeler cette vérité toute simple, c'est souligner que l'on ne naît jamais saint déjà achevé, mais qu'on le devient. C'est prendre en considération le devenir d'une vie en laquelle la liberté autant que la grâce jouent leur rôle. C'est reconnaître que l'accession à la sainteté est le fruit d'un combat laborieux qui n'est jamais gagné d'avance. On entre en sainteté - car on y est tous appelés - mais on ne la reçoit pas comme un état tout fait. Sainte Thérèse en était extrêmement consciente, elle qui ne cessa de demeurer attentive à ce que la vie lui faisait découvrir sur son état de pauvreté et de misère native. Elle refusait de voir dans ce qu'elle comprenait de son évolution intérieure le résultat d'une sorte de magie, comme si elle n'avait pas été actrice de sa vie : ''ce ne sont pas ceux qui disent ´Seigneur, Seigneur !´ qui entre- ront dans le Royaume des cieux''. Consciente de son extrême misère, elle savait qu'il revenait à elle, et à elle seule, de consentir à l'exposer au soleil de la Miséricorde. Elle avait compris l'exigence de cultiver cette attitude qui s'appelle ''humilité'' pour permettre à Dieu d'agir en elle. Elle récusa d'avance tout ce qui se serait apparenté de près ou de loin à un quiétisme aussi béat que naïf, mais plus encore stérile. Choisir la ''petite voie'' d'enfance spirituelle n'a jamais été pour elle l'équivalent d'une démission déguisée ou facile. Elle nous rappelle au contraire ''ses grands désirs'', ses désirs immenses de sainteté et la nécessité de collaborer réellement à l'action de la grâce divine en nous. Les lectures d'aujourd'hui nous remettent devant notre vocation d'enfants de Dieu propre à tout baptisé, mais la compréhension que Thérèse en a eue nous est nécessaire pour ne pas faire de ces affirmations bibliques une sorte d'idéal, aussi beau soit-il... car rien de plus vain qu'un idéal conçu comme une sorte d'en-soi sans prise sur notre être réel et notre devenir. Ici, l'exemple de Thérèse est déterminant : non seulement elle dévoile un cœur ardent et bouillant d'amoureuse (les désirs ''fous'' dont elle parle), mais elle montre une audace vraiment inspirée dans sa manière de prendre Dieu au mot ! Elle n'hésite pas à Le pousser dans ses derniers retranchements - un peu à la façon dont certains prophètes de l'AT l'ont pratiqué - surtout quand c'est sa propre misère qui s'expose à nu sous l’œil divin. Par là s'exprime vraiment son génie spirituel, là où nousmêmes achoppons si souvent car il faut vraiment beaucoup de vertu pour admettre que notre misère ne pourra jamais arrêter Dieu dans sa volonté de nous rendre saints. En lisant Petite Thérèse, on est parfois pris de vertige quand on se rend compte à quel point elle a fait de sa pauvreté un objet d'estime, une sorte de complice sympathique dans le labeur de sa croissance spirituelle ! Non seulement elle constate l'omniprésence de sa misère, non seulement elle se voit incapable d'endurer seule la moindre souffrance, non seulement elle se sait totalement impuissante à faire bonne figure face à ses multiples limites humaines, mais elle en vient à s'en réjouir ! Elle est bien trop lucide et aimante pour que ce soit démission ou abandon dépité. Non, elle a simplement compris - et elle en tire la seule conclusion pratique qui s'impose - que cette misère brute est l'unique matière première dont Dieu a besoin pour faire les saints ! Alors, en effet, si Dieu est vraiment Dieu - là est la foi enfantine et authentique de Thérèse -, sa misère lui suffit, quoi qu'essaie de lui susurrer son amour propre spontané qui se voit alors de plus en plus muselé au fil de cet exercice. C'est ainsi qu'elle ira jusqu'à avouer à la toute dernière extrémité : ''Il me semble que maintenant je suis vraiment humble'' ! C'est ici que se mesure le poids de la grâce dans sa vie car il n'est pas donné à tous d'oser parler ainsi en vérité. De la sorte, Thérèse apparaît dans la pleine lumière de son achèvement qui la fait tant ressembler à la Vierge du ''Magnificat'' avouant que le Dieu de Miséricorde ''s'est penché sur l'humilité de sa servante'' ! Vénérer des reliques, c'est aussi reconnaître le succès d'une vie. D'une vie devenue transparente à la lumière de Dieu et qui devient ainsi exemplaire à plus d'un titre. Peut-être d'ailleurs premièrement pour susciter ou réveiller en nous l'Espérance. La vénération d'une sainte à travers ses reliques nous crie d'abord haut et fort que la sainteté est réellement à notre portée et qu'elle est aussi un projet pour nous, à vrai dire le seul projet que Dieu ait pour nous. Ce matin, la présence au milieu de nous des reliques de la Petite Thérèse nous murmure au creux du cœur : oui, ce que j'ai vécu, toi aussi tu peux le vivre car c'est fait pour toi et, pour cela, il n'y a pas besoin d'être un héros, un ''accro'' de la vie spirituelle ! Fais comme moi, mets-toi en route, mais si tu t'y mets, décide-toi vraiment : vas-y à fond ! Et surtout, cesse de discuter pour te trouver plein de bonnes raisons de ne pas commencer : ´je suis trop moche, je manque de force, j'ai tellement péché, je me décourage si vite, etc.´ Est-ce que par hasard tu penses encore que Dieu ne sait pas déjà tout cela bien mieux que toi ?! Alors, cette fois-ci, tu n'as plus le moyen de te défiler... rien d'autre à faire que de te jeter à l'eau ! Tu as peur, dit Dieu, et tu hésites encore, ou tu n'y crois plus vraiment tellement tu es désabusé. J'ai ce qu'il te faut : une amie, une véritable amie... une sœur, une sainte toute petite faite pour les petits et les ratés ! Une sainte entre les mains de qui J'ai remis des trésors de grâces que J'ai voulu ne confier qu'à elle. En cette vie elle a tellement mis sa confiance en Moi qu'à mon tour J'ai pleine confiance en elle. Sa spécialité, ses cas de prédilection, tu les connais ? Ceux pour qui tout a raté jusqu'à présent. Tu sais, ceux qui sont partis de bonne foi le cœur plein de belles intentions mais qui se sont vite cassés le nez et qui, ensuite, sont retombés un nombre incalculable de fois jusqu'à en avoir la nausée... en bref, ceux qui pensent que ce n'est plus fait pour eux. Peut-être te reconnais-tu dans ce portrait cru et pitoyable... eh bien, Je ne te dis qu'un mot : ''Va à Thérèse !'' car elle te dit : ''Viens, je te conduirai à Jésus... ne cherche pas à savoir comment car ce n'est pas ton problème mais le mien puisque je veux passer mon Ciel à faire du bien sur la terre !''