Technique Hospitalière, sept.-oct. 2007, n°705 PDF

TH 705 • SEPTEMBRE-OCTOBRE 2007
Denis Bouvier
ARCHITECTE, GROUPE 6
Nouveau centre
hospitalier dArras
Comment une philosophie dorganisation des soins
inuence larchitecture dun hôpital
E
n 2000, le centre hospitalier dArras est encore
composé de bâtiments pavillonnaires installés
dans un parc arboré. Les bâtiments sont vétustes,
les équipesdicales éloignées les unes des autres.
Devant cette situation, le directeur AlAin lecherf, nou-
vellement nommé, rappelle devant l’agence régionale
de l’hospitalisation ce constat devenu slogan : « Le
coût de reconstruction d’unpital équivaut à un an
et demi de son coût de fonctionnement ». S’ensuit un
contrat d’objectif et de moyens, inscrit dans le pro-
gramme pital 2007, qui prévoit le renouvellement
complet du parc immobilier de l’établissement.
La reconstruction de l’hébergement et du plateau
technique en constitue le projet phare. Le pari est de
fédérer l’ensemble du centre hospitalier autour d’un
projet commun : imaginer son futur outil de travail
en réfléchissant ensemble à une nouvelle organisa-
tion médicale au service du patient tout en utilisant
au mieux les nouvelles technologies. Ces ambitions
sont déjà présentes dans le cahier des charges reçu
par les équipes retenues à concourir.
En juin 2002, notre équipe de maîtrise d’œuvre, Groupe
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Architectes
et J
Acobs
innierie
, est retenue. La philoso-
phie de soin est devenue architecture. Les concepts
sont mis à l’épreuve du développement des études et
en ressortent renforcés grâce à une étroite collabora-
tion entre l’hôpital et l’équipe de mtrise d’œuvre.
L’ensemble de l’hébergement et du plateau technique
a été mis en service en février dernier, laissant place
à une ultime phase de restructuration. La vie a pris
place dans ce qui n’était que projections.
Soigner dans un parc
La première qualité des bâtiments repose sur leur
implantation. Dans le cas présent, la marge de manœu-
vre était étroite. La hauteur des timents limitée à
20 m par le règlement d’urbanisme a imposé la jux-
taposition de l’hébergement et du plateau techni-
que. Pour un phasage limité, les constructions s’insè-
rent avec justesse entre les bâtiments démolis par la
suite. Seule la barre des années 1960 est conservée
et deviendra un le administratif. Les trois masses
s‘équilibrent et placent le hall au centre de gravi de
la composition.
Le projet donne l’opportunité de redéfinir les rela-
tions du parc de l’hôpital avec sa cité. Nous sommes
Architecture
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en plein cœur de ville, en lisière du centre historique,
présent en arrière-plan des anciennes fortifications.
Cette ligne de défense est aujourd’hui un jardin public.
Bastions de briques, douves, glacis engazonnés et
massifs d’arbres fonnent le paysage avec force jus-
qu’à la célèbre citadelle Vauban. Associer le parc de
l’hôpital à cette frange verte, c’est utiliser le poten-
tiel paysager des environs. Le bâtiment d’hébergement
fait écho au bastion qui lui fait face, par son étendue
et ses matériaux. Le gazon des fortifications est pro-
longé jusqu’au pied de la nouvelle construction, les
jardins ne font plus qu’un.
Un plateau modulable pour l’hébergement
Modularité, évolutivité. Des notions récurrentes et
parfois obsessionnelles pour les architectes. La vitesse
du monde d’aujourd’hui pose la question de la ren-
nité d’usage des bâtiments. Comment faire pour que
les évolutions du projet n’invalident pas les choix ini-
tiaux ?
Pour sa capacité d’adaptation, un plateau étendu
percé par trois larges patios de 28 m x 28 m est retenu
comme principe de plan. La logistique et l’irrigation
verticale du plateau est centrale. Les postes de soins
se situent aux carrefours stratégiques.
La souplesse du projet a été largement mise à l’épreuve
au cours des études par l’interchangeabilité des ser-
vices et la modulation de leur nombre de lits. Le plan
a évolué avec le projet médical, même si nous en
avons senti quelques limites, lorsque le déplacement
d’une limite [frontière] de service en cours d’études a
imposé des dévoiements contraignants en raison de
l’obligation de senfumage issue de la réglementa-
tion incendie. Il reste un bâtiment souple d’utilisa-
tion et un système effectif [ou/performant ?] de vases
communicants entre services.
Un plateau technique compact
et lumineux
Les exigences de performance du plateau technique
imposent des circuits courts. Le confort pour le per-
sonnel soignant n’en reste pas moins important. Par
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Nouveau centre hospitalier d’Arras
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la faible hauteur du bâtiment, quatre patios réduits
permettent à la lumière d’arriver au ur de bloc opé-
ratoire, jusque dans les salles d’opération.
La logistique
La logistique s’active au sous-sol. Le « carré logis-
tique », circuit en boucle serrée parcouru par les
fameuses « tortues » du transport automatisé, per-
met d’irriguer l’ensemble des gares : pharmacie, linge,
repas, déchets. Il renferme un noyau, nom plate-
forme logistique, dévolu au bionettoyage. Les ascen-
seurs transportent les tortues vers les gares d’étage.
Ces gares sont situées au cœur de pôles logistiques
où sont mutualisés les moyens des services : linge,
chets, préparation des repas, gros matériel. Les sur-
faces sont optimisées, et la gestion des moyens ainsi
contrôlée approche le flux tendu.
Un réseau de transport pneumatique relie principale-
ment tous les postes de soins et le laboratoire.
Autour du patient
Une logistique performante permet au personnel soi-
gnant de mieux consacrer son temps au patient. L’es-
pace doit aussi favoriser ces échanges. Notre choix
de positionner les salles de bain en façade et non
en tampon entre circulation et chambre a permis un
rapprochement effectif entre le patient et l’activité
médicale. Toutefois, le patient pourra toujours faire
le choix de fermer sa porte et se soustraire à l’activité
interne de l’établissement.
La chambre souhaite échapper à l’univers hospitalier.
L’élément « gaine tête de lit » tellement connoté est
intég dans une cimaise colorée. L’ensemble est lisse
et ne prend aucune poussière. Un luminaire intégré
à la cimaise a été spécialement dessi pour l’opéra-
tion. Les combinaisons variables conjuguent lumière
indirecte d’ambiance et éclairage de soins.
Un store à lames réglable depuis le chevet permet
de moduler les ambiances et les apports thermiques
extérieurs.
Le centre hospitalier d’Arras a choisi de porter la prépa-
ration des soins au chevet du patient afin d’augmenter
l’échange patient/soignant. Ce choix a eu des inuen-
ces spatiales sur les postes de soin et leur ergonomie.
Le terminal multimédia
Fer de lance du nouvel hôpital, un terminal multi-
dia, support numérique au potentiel illimité (télé-
vision, Internet, informations internes…), équipe
chaque chambre d’hospitalisation. Il est le symbole
d’une réexion globale sur l’inrêt des nouvelles tech-
nologies d’information et de communication dans le
fonctionnement de l’hôpital. Le centre hospitalier
a immédiatement opté pour un hôpital « tout IP »
(chaque pièce est câblée, chaque équipement pos-
sède une adresse informatique spécifique ; il n’y a
plus de réseauxdiés pour tel ou tel sysme, sauf
la sécuri incendie et l’appel malade, mais une seule
connexion sur un réseau unique) dans le but d’une
meilleure efficience et d’une traçabilité sans faille.
L’architecture du seau des courants faibles est à la
hauteur des évolutions à venir. L’hôpital d’Arras a eu
la volond’installer en visionnaire ce qui va devenir
très vite banal et courant.
Le lavage des mains
L’ergonomie doit aussi servir l’hygiène. Une collabora-
tion étroite avec les services hygnistes de l’hôpital a
permis la redéfinition du lavabo de la chambre.
Celui-ci n’est que surface continue et arrondie. Il est
impossible d’y poser un quelconque objet. Un range-
ment indépendant se situe à proximi, les contacts
sont donc évis. Le robinet se commande au coude,
la vasque est dimensionnée pour le lavage des bras
sans projection. Le lavabo et les rangements ont été
mous en matériaux de sine. Le toucher est agréa-
ble, l’entretien ai. La production en série a permis
une approche économique satisfaisante.
Limiter les points d’eau autour du patient, c’est limi-
ter les risques de contaminations nosocomiales. Outre
les statistiques, c’est le partage du point d’eau par le
patient, la famille et les soignants qui impose à ces
derniers une discipline drastique. En matière de sécu-
rité, c’est souvent la rencontre et non la séparation
qui minore les risques.
Les ambiances de l’hébergement
En prévision des évolutions des transports logisti-
ques, les couloirs ont été dimensions au minimum
à 2,40 m de largeur. Soit ils s’ouvrent comptement
sur les patios, soit ils cheminent vers la lumière. Il en
sulte un plateau calme et lumineux en permanence
au contact de la verdure.
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L’architecture d’intérieur prolonge l’ie de flexibilité.
Les services ne sont pas différenciés, le sol unique de
couleur profonde crée l’assise des volumes blancs qui
se libèrent dans la lumre.
La neutraliblanche des espaces est un support idéal
pour l’ensemble de la signalétique. Les points de foca-
lisation de couleurs vives sont des clefs d’orientation :
postes de soins, entrées de services…
Les cimaises te de lit clinent des couleurs douces
mais vives. Elles personnalisent la chambre du patient
et, portes des chambres ouvertes, cent un rythme
dynamique de couleurs lors de la déambulation dans
les couloirs.
L’environnement
L’hôpital a été très sensible à nos propositions sur
les énergies renouvelables, son int passant no-
tamment par la duction de sa facture énergétique.
Le site largement ouvert au sud offrait la possibili
de bénéficier des apports solaires passifs. L’héberge-
ment s’installe donc dans le soleil avec sa forme sim-
ple recouverte d’une double peau.
Le soleil d’hiver vient réchauffer les modules rouge
brique des salles de bains placés derrière le verre.
L’énergie emmagasinée la journée est ainsi rediffu-
e pendant la nuit.
L’été, les vantelles s’ouvrent. Le bâtiment change de
peau pour une bonne respiration.
Des fenêtres donnant sur des salons de rencontre s’af-
fichent sur les façades du boulevard. Elles percent le
mystère d’une façade de verre réfléchissante, mais
donnent aussi l’illusion que cet hôpital de plus de
trois mille pièces n’aurait finalement que quatre gran-
des fenêtres. Ces salons permettent aux personnes qui
le souhaitent d’échapper à l’univers hospitalier en se
rencontrant dans un espace confortable, avec une vue
imprenable sur le parc.
L’extérieur du plateau technique est lui vêtu d’une
peau isolante. Ce manteau noir le protège car il est
exposé au nord.
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Cet ensemble d’idées témoigne de la nécessité
d’une maîtrise d’ouvrage forte pour un projet réussi.
La détermination et l’intelligence rencontrées n’auront
fait qu’exiger le meilleur de nous-même, ce qui donne
pleinement sens à notre profession.
p
ierre
t
pot
, nouveau directeur, a su relever le défi de
l’ouverture de la tranche neuve tout en prolongeant
l’esprit de confiance présent sur l’oration. Cet état
d’esprit fut terminant dans notre collaboration avec
le groupement d’entreprises, qui apporta savoir-faire
et innovation constructive. C’est finalement rappeler l’indispen-
sable équilibre du trime éternel de la construction : maîtrise
d’ouvrage, maîtrise d’œuvre et entreprises. n
Fiche technique
Adresse : boulevard Winston-Churchill
- Arras
Programme :
construction
de l’hébergement
et du plateau technique
Nombre de lits : 587
Mtre de l’ouvrage : centre hospitalier d’Arras
Conducteur d’opération : Aéprim / Oger internAtiOnAl
Architecte : grOupe 6
Bureaux d’études techniques : JAcObs
Bureau d’étude fade : ceef
Paysagiste : pierre-Yves JOrcin
Économiste : tecset/grOupe 6
Structure du marché : entreprise générale
Entreprise : groupement fOurhe et rhOdes
(eiffAge)/nOrpAc (bOuYgues)
Coût (valeur décembre 2003 ) : 87 127 000 euros HT
Calendrier
Concours : mai 2002
Permis de construire : avril 2003
Début de chantier : décembre 2003
Livraison première tranche (neuf) : février 2007
Livraison deuxième tranche
(réhabilitation) : décembre 2007
Surfaces
Surface hors œuvre brute (shob) 75 008
Surface hors œuvre nette (Shon) 54 349
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