Le Règlement Bois de l’Union Européenne :
Comment influencer son application ?
1 Le Règlement Bois de l’Union Européenne (RBUE)
Le Règlement Bois est un texte de loi de l’UE dont l’objectif est d'empêcher le bois et les
produits du bois illégalement abattus (ci-après « bois ») d’arriver sur le marché de l’Union
européenne.
Le Règlement Bois crée deux exigences principales pour les opérateurs (ceux qui
introduisent le bois sur le marché de l’UE) :
il est interdit aux opérateurs de placer du bois illégalement abattu sur le marché de
l’UE (ci-après « exigence d’interdiction ») ;
les opérateurs ont l’obligation de faire diligence : ils doivent donc évaluer et, le cas
échéant, atténuer le risque que le bois qu'ils introduisent ait été abattu en violation
avec les lois du pays d'origine (ci-après « exigence de diligence raisonnée ».
Pour respecter l'exigence de diligence raisonnée, les opérateurs doivent avoir accès aux
informations relatives à la variété et à l’origine du bois, tenter de déterminer, selon des
facteurs de risque pertinents, si le bois a été abattu illégalement, et s’assurer que leurs
fournisseurs respectent les lois nationales pertinentes. Si, lors de cette procédure, les
opérateurs estiment que le risque que le bois ait été abattu illégalement n'est pas
négligeable (un ou plusieurs signaux d'alarme peuvent éveiller la suspicion des opérateurs),
ils doivent prendre des mesures pour atténuer ce risque.
Même si le bois est traité et/ou transporté dans des pays tiers avant d’arriver sur le territoire
de l’UE, le Règlement Bois s’applique et les opérateurs doivent tout de même savoir où le
bois a été abattu et envisager les risques d’abattage illégal dans le pays d’origine.
Ces deux exigences sont indépendantes l’une de l’autre (les opérateurs doivent respecter
les deux), mais elles ont également été conçues pour être complémentaires et ainsi garantir
que le bois abattu illégalement ne soit pas introduit sur le marché de l'UE.
Pour plus d’informations sur le Règlement Bois, voir la fiche analytique de ClientEarth :
http://www.clientearth.org/reports/fiche-analytique-sur-le-rbue.pdf
2 Partager des informations par le biais de rapports étayés
Pour se conformer au Règlement Bois, les opérateurs doivent envisager que le bois de leur
chaîne d'approvisionnement ait pu avoir été abattu illégalement. Ceux qui disposent
d’informations crédibles quant à des pratiques d’abattage illégales ont donc la possibilité de
transmettre ces informations aux entités qui gravitent autour du Règlement Bois, dont les
organismes chargés de l’application des lois (autorités compétentes), ceux qui sont
2
soumis au règlement (opérateurs et organisations de contrôle) et les autres organisations
impliquées dans le secteur du bois (ex. : les associations professionnelles).1
Ces entités peuvent donc révéler des informations indiquant qu’un lot de bois ou des
produits du bois spécifiques introduits sur le marché de l’Union européenne sont illégaux. Ce
type d’informations peut donc mettre en lumière une infraction potentielle à l’exigence
d’interdiction.
Il peut également s’agir d'informations indiquant un risque particulier de présence de bois
illégal dans les chaînes d'approvisionnement. Ce risque peut par exemple être lié à un lieu
d'abattage particulier, à un système de permis, à une route commerciale spécifique, à une
espèce de bois ou de produits particuliers. Ces informations sont pertinentes quant à la
manière dont les opérateurs doivent se conformer à l’exigence de diligence raisonnée et à la
manière dont les autorités compétentes déterminent si les opérateurs ont respecté cette
exigence. Les autorités compétentes sont les autorités des 28 États membres de l’UE qui
mettent en œuvre et veillent à l'application du Règlement Bois. Les autorités compétentes
sont notamment chargées d’effectuer des contrôles pour vérifier si les opérateurs respectent
les exigences du Règlement Bois. Elles doivent effectuer des inspections à intervalle
régulier, mais elles peuvent également réaliser des contrôles lorsqu'elles reçoivent de la part
de tierces parties (d’ONG par exemple) des informations indiquant certains facteurs de
risque ou une infraction à la loi.
En ce qui concerne le Règlement Bois, il est important de pouvoir déterminer si l’opérateur
connaissait, ou aurait dû connaître, les risques d’illégalité particuliers liés à ses chaînes
d’approvisionnement. L’opérateur doit connaître les facteurs de risque pertinents pour les
prendre en compte dans sa procédure de diligence raisonnée ; les autorités compétentes
devront être en mesure d’affirmer que l’opérateur était au courant de ces informations avant
de prendre des mesures correctionnelles pour des délits plus graves. Par conséquent, en
cas d’inquiétudes justifiées, il sera souvent judicieux pour les tierces parties de partager ces
informations avec les opérateurs et les autres parties prenantes concernées du secteur du
bois. La communication entre les tierces parties et les opérateurs peut permettre d’améliorer
leurs systèmes de diligence raisonnée et ces informations peuvent servir d’éléments de
preuve lorsque les autorités compétentes sont mises au courant de la situation.
Les organisations de contrôle sont un nouveau type d’organisations devant être
officiellement reconnues par la Commission européenne. Elles gèrent des systèmes de
diligence raisonnée que les opérateurs peuvent utiliser. Dans la mesure où les organisations
de contrôle peuvent proposer des systèmes de diligence raisonnée à plusieurs opérateurs,
leur faire part d'éléments détaillés assortis de preuves peut avoir un impact sur de multiples
chaînes d’approvisionnement du bois. Plus les organisations de contrôle sont informées,
plus les systèmes de diligence raisonnée qu’elles proposent aux opérateurs seront
efficaces. Le partage d’informations avec les organisations de contrôle peut donc avoir un
effet multiplicateur.
Des informations peuvent également être partagées avec d’autres organisations du secteur
du bois, comme les associations professionnelles. Bien que ces organisations ne soient
soumises à aucune obligation dans le cadre du Règlement Bois, elles peuvent constituer
des canaux d’informations utiles. Cette approche peut s'avérer utile lorsque des opérateurs
achètent du bois à partir de sources inconnues ou pour toucher un public plus large. À titre
1 Cela signifie également que les informations crédibles qui indiquent que du bois aurait été abattu
illégalement présentent une valeur supplémentaire pour les acteurs du marché du bois dans l’UE.
3
d’exemple, un rapport de l’EIA sur l’abattage illégal de bois au Mozambique2 a été envoyé à
l’Association professionnelle espagnole du secteur du bois, qui l'a ensuite utilisé sur sa
plateforme d'évaluation des risques en ligne. Le site Internet de l’association précise
maintenant que le bois du Mozambique comporte un risque élevé d’illégalité et renvoie
explicitement vers le rapport3
.
3 Rapports étayés : les informations partagées jusqu’à présent
En octobre 2013, à la connaissance de ClientEarth, seules quelques organisations de la
société civile européenne avaient transmis des rapports étayés (publiquement ou en privé) à
des opérateurs et des autorités compétentes. L’ensemble de ces rapports porte sur
l'exigence d'interdiction pour les opérateurs d'introduire du bois illégal sur le marché de
l'Union européenne.
Ces rapports ont eu un impact positif, dans la mesure où ils ont permis de sensibiliser la
population à la problématique du bois illégal, les autorités compétentes ont pu mieux
comprendre et mettre en œuvre le Règlement Bois et des enquêtes ont été menées. Par
exemple, du bois de wengé de la République démocratique du Congo (RDC) a été saisi par
les autorités compétentes allemandes et des enquêtes sont en cours4
Les organisations qui ont partagé leurs informations avec des autorités compétentes et des
opérateurs dans le cadre de l'exigence d'interdiction ont toutefois été confrontées à
certaines difficultés. Les preuves dont les autorités compétentes doivent disposer pour
signaler une infraction à l'exigence d'interdiction doivent répondre à des critères très
exigeants. L’approche adoptée par les autorités compétentes pour déterminer si les preuves
apportées sont crédibles ou non est relativement étroite. À titre d’exemple, dans l’affaire
citée ci-dessus, Greenpeace a remis aux autorités compétentes allemandes des éléments
de preuve qui comprenaient des rapports d’observateurs indépendants en RDC, financés
par l’Union européenne
.
5
À cet égard, ClientEarth a récemment été en contact avec de hauts représentants de la
Commission européenne qui ont affirmé qu’un État membre ne s’engageait généralement
pas dans une affaire d’infraction à l’exigence d’interdiction sans qu’aucun document ou
élément du gouvernement du pays concerné ne vienne étayer les informations reçues.
. Au lieu de prendre ces informations pour argent comptant, les
autorités compétentes allemandes ont contacté le gouvernement de la RDC pour demander
la confirmation des éléments qui leur avaient été soumis. Les tierces parties doivent être
conscientes que lorsqu’elles soumettent des informations sur une infraction présumée à
l’exigence d’interdiction aux autorités compétentes, ces dernières peuvent contacter leurs
homologues du ministère des forêts dans le pays concerné, afin d’effectuer des vérifications.
Les individus qui soumettent ces informations peuvent donc se retrouver en danger.
4 Sensibilisation aux risques
Comme expliqué ci-dessus, les opérateurs qui doivent se conformer à l’exigence de
diligence raisonnée du Règlement Bois doivent absolument disposer des informations
2 http://www.eia-international.org/first-class-connections
3 http://www.maderalegal.info/fichas
4 http://www.ttjonline.com/news/german-competent-authority-probes-suspected-eutr-breach/
5 http://www.greenpeace.org/international/en/press/releases/Greenpeace-finds-illegal-DRC-wood-at-
Danzer-Group-Czech-facility-/
4
relatives aux risques d’illégalité associés au bois qu’ils introduisent sur le marché de l’UE. Il
ne s’agit pas de savoir s'il peut être prouvé que le bois a été abattu illégalement (ce qui
indiquerait une infraction à l’exigence d’interdiction), mais bien de savoir si l’opérateur est au
courant des informations relatives aux risques potentiels et s'il en a tenu compte.
À l’heure actuelle, on peut supposer que bon nombre d’entreprises en Europe ne
connaissent guère les risques spécifiques associés au bois abattu ou traité en Russie. En
communiquant des informations relatives à des risques potentiels, les tierces parties
peuvent aider les opérateurs à mieux respecter l'exigence de diligence raisonnée et donc
contribuer à la baisse des risques liés au commerce du bois illégal.
S’ils prennent en considération les informations pertinentes qui leur sont remises par des
tierces parties, les opérateurs peuvent améliorer leur procédure de diligence raisonnée. Ces
informations peuvent donc avoir un impact sur les décisions relatives à l’approvisionnement
en bois (un opérateur peut par exemple décider de ne plus acheter du bois en provenance
de certaines régions ou de ne plus faire appel à un fournisseur en particulier).
Si les opérateurs ne prennent pas en compte les informations pertinentes qui leur sont
fournies lors de leur évaluation des risques, bien qu’ils aient eu accès à des éléments de
preuve crédibles, ils enfreignent l’exigence de diligence raisonnée. Les autorités
compétentes devraient dès lors prendre cet élément en compte lors de leurs contrôles de
conformité.
Quelles informations peuvent être soumises ?
La diligence raisonnée requiert que les opérateurs évaluent activement la crédibilité
et la validité des documents et des informations attestant de la légalité du bois utilisé
dans leurs chaînes d'approvisionnement.
De tierces parties peuvent fournir des preuves indiquant que des documents spécifiques ont
été falsifiés et préciser de quelle manière les opérateurs devraient vérifier leur validité (en
comparant ces documents aux registres officiels par exemple).
Le Règlement Bois précise que la complexité de la chaîne d’approvisionnement est
un risque que les opérateurs doivent prendre en compte dans leurs procédures
d'évaluation des risques.
De tierces parties peuvent mettre en exergue les risques émanant de la complexité des
chaînes d’approvisionnement. Le fait que les opérateurs puissent avoir des difficultés à
tracer le bois jusqu’à son lieu d'abattage est un risque qu'ils doivent prendre en compte dans
leur procédure de diligence raisonnée.
La diligence raisonnée requiert que les opérateurs prêtent attention aux « signaux
d’alarme » qui laissent entendre des risques d'illégalité. Il peut par exemple s’agir de
risques liés à une route commerciale particulière, à un pays spécifique, à un lieu
d'abattage ou à une espèce.
Ces informations peuvent être soumises sous la forme de rapports d’enquête ou
d’information relatifs à l’abattage illégal, ou sous la forme d'une lettre accompagnant des
5
documents ou des études sur un segment à risque d'une chaîne d'approvisionnement en
bois.
Les informations doivent être structurées de sorte à expliquer clairement aux opérateurs
pourquoi ils devraient en tenir compte dans le cadre du Règlement Bois. Il peut parfois
s’avérer judicieux de rappeler à l'opérateur ses obligations en vertu du Règlement Bois et de
lui préciser pourquoi les informations en question sont pertinentes à cet égard.
Les opérateurs doivent faire diligence avant de prendre leurs décisions d'achat, donc les
informations soumises avant qu'ils n'aient acheté le bois lié à un risque particulier auront un
plus grand impact. Si les opérateurs en question achètent régulièrement du bois au même
fournisseur, cet aspect perd de son importance, dans la mesure où les informations relatives
aux risques potentiels peuvent être utilisées à n'importe quel moment, afin d'informer les
futures décisions d'achat.
Avec qui partager ces informations ?
Dans de nombreux cas, il est utile de partager ces informations avec plusieurs types
d'organisations (par ex. les opérateurs, les autorités compétentes, les organisations de
contrôle et les associations professionnelles). Il peut parfois s'avérer judicieux de s'adresser
aux entités concernées dans plusieurs pays. Quelle que soit l’organisation visée, les
communications doivent se faire par écrit et les courriers et informations envoyés doivent
être conservés.
Si, après avoir reçu des informations pertinentes et crédibles relatives à des risques
d'illégalité, les opérateurs ne prennent aucune mesure, les autorités compétentes peuvent
en être averties. Elles sont chargées de vérifier que les opérateurs prennent les dispositions
nécessaires pour avoir accès aux informations, évaluer et atténuer les risques. Si un
opérateur dispose de preuves attestant de l’existence de risques particuliers, mais qu’il ne
prend aucune mesure pour atténuer ce risque, il peut s’agir d‘une infraction au Règlement
Bois.
Des informations indiquant des risques spécifiques ou systémiques peuvent être remises
aux autorités compétentes, qu’elles concernent les actions d’opérateurs particuliers ou
qu'elles visent à les informer de risques spécifiques, afin que le Règlement Bois puisse être
mieux mis en œuvre. À titre d’exemple, les autorités compétentes finlandaises ont consulté
un rapport de l’EIA International sur le commerce de bois illégal entre la Russie et les États-
Unis dans le cadre de la mise en œuvre et de l’application du Règlement Bois sur leur
territoire.
Si les autorités compétentes ne prennent aucune mesure après avoir reçu des informations
crédibles et concrètes démontrant que des opérateurs ne prennent pas en compte certains
Qui contacter dans le secteur privé :
les entreprises d’exploitation forestière (ex. : responsables de la conformité,
responsables de la qualité, département des achats, département juridique)
les fédérations professionnelles (ex. : secrétaire général et/ou président et/ou
directeur technique)
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