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N. J.-M. Cano 5
[14]. La prévalence de la DPE et son impact pronostique sont similaires au cours de l’hémodialyse et
de la dialyse péritonéale. Cette brève mise au point se limite à la DPE du patient hémodialysé. Dans
ce contexte, la relation entre l’IMC et la survie à long terme a suscité un grand intérêt. Dans la
population générale, le risque de mortalité exprimé en fonction de l’IMC décrit une courbe en J ou en
V : le risque le plus faible est observé lorsque l’IMC est entre 20 et 25 et il s’accroît lorsque l’on s’éloigne
de ces valeurs, tant lorsque l’IMC est inférieur à 20 que lors du surpoids et de l’obésité [15]. Chez
l’hémodialysé, le risque domine chez les patients présentant l’IMC le plus bas et décroît
progressivement avec l’augmentation de l’IMC, même lorsque l’IMC dépasse 30 [16]. Diverses
hypothèses ont été avancées pour expliquer cette « reverse epidemiology ». L’importance de la durée
de suivi (14 ans en moyenne dans la population générale et 4 ans chez le patient hémodialysé) a été
démontrée récemment : lorsque la période d’observation est limitée à 7 ans, chez l’hémodialysé
comme dans la population générale, les IMC < 18.5 ont un impact majeur sur la survie alors que
l’obésité a peu d’effet [17]. Dans cette étude, la mortalité à 7 ans était dix fois plus élevée chez les
patients hémodialysés que dans la population témoin. Ainsi, l’IRCT traitée par hémodialyse est
caractérisée par une réduction de l’espérance de survie, un risque élevé de dénutrition et un effet
protecteur du surpoids et plus encore de l’obésité. Une étude multicentrique portant sur 70028 patients
a montré que, plus que l’IMC, la masse musculaire prédisait la survie [18].
PRÉVENIR LA DÉNUTRITION DU PATIENT HÉMODIALYSÉ
Compte tenu de la gravité du pronostic, l’évaluation nutritionnelle doit faire partie du suivi régulier
des patients hémodialysés. Le tableau 3 donne les éléments du suivi du patient hémodialysé d’après
les récentes recommandations européennes [5]. Bien que leurs variations soient influencées par des
paramètres non nutritionnels (inflammation, insuffisance hépatique, variation des secteurs hydriques)
l’albuminémie et la transthyrétinémie mesurées avant dialyse sont des marqueurs incontournables de
l’état nutritionnel. Chez le patient dialysé adulte, les marqueurs suivants prédisent un pronostic
péjoratif à moyen terme et indiquent la nécessité d’une intervention nutritionnelle : IMC < 20,
amaigrissement > 10% du poids corporel en 6 mois , albumine < 35 g.l-1, transthyrétine < 300 mg.l-1
[19].
L’intervention nutritionnelle comprend principalement le conseil diététique, les compléments oraux,
la nutrition parentérale perdialytique (NPPD) et la nutrition entérale. Elle a pour objectif d'assurer des
apports correspondant aux besoins quotidiens : 1,2 à 1,4 g de protéines et 30 à 40 kcal.kg-1.j-1. Le
mode de renutrition sera alors choisi en fonction de son aptitude à couvrir ces besoins, en tenant
compte de l'alimentation spontanée.
Le seul conseil diététique, première étape de l’intervention nutritionnelle, est capable d’améliorer
l’état nutritionnel évalué par l’albuminémie, indépendamment des concentrations sériques de C-
réactive protéine [20]. Six études contrôlées portant sur des patients présentant une DPE documentée
ont montré la capacité des compléments oraux à améliorer l’état nutritionnel ([1] pour revue). Les
compléments nutritionnels oraux (CNO) constituent le principal mode de support nutritionnel. Le
moment de leur prise est à considérer : pendant la dialyse, afin de réduire les anomalies perdialytiques
du métabolisme protéique ; une heure après les repas, afin d’éviter qu’ils ne se substituent à ceux-ci ;
tardivement dans la soirée afin de limiter la durée du jeûne nocturne. Une compliance aux CNO de 60
à 70 % a été observée au cours d’une étude prospective d’une durée d’un an [19].
L’effet de la nutrition parentérale perdialytique (NPPD) sur l’état nutritionnel a fait l’objet de plus de
30 études dont 5 essais prospectifs, contrôlés, randomisés ([1] pour revue). Bien que très hétérogènes
quant aux apports nutritifs, au nombre de patients, à la durée du traitement et aux paramètres
nutritionnels mesurés, ces études ont montré une amélioration des marqueurs nutritionnels étudiés.
Une étude multicentrique, contrôlée et randomisée, a évalué en intention de traiter, pendant un suivi
de 2 ans, les effets du support nutritionnel (complément oral isolé ou associé à une NPPD).