miyahu Kohen ou avec le Dayan Nissim
Rebibo (zal), pour lequel j’avais une très
grande affection. C’était un homme d’une
humanité débordante. Qu’un Dayan
connaisse la Halakha, c’est la base, mais
on lui demande aussi une humanité débor-
dante. A ce sujet, il faut plus de Dayanim
en France : on n’en a que quatre. Même si
d’autres sont là sans être vraiment là,
comme le Rav Eliézer Wolff qui fait un
travail remarquable.
: Dont sa liste de produits
autorisés ? Le Beth-Din de Paris
ne la reconnaît pas…
H.K. :
Le Beth-Din de Paris ne dit pas que
ces produits ne sont pas cacher, il dit qu’il
ne peut pas garantir leur cacherout parce
que ses propres chimistes ne les ont pas vé-
rifiés. Je voudrais donc que la liste du
Beth-Din de Paris se développe : c’est le
futur. Les Juifs de province – je précise que
je parle de la province, pas de Paris, de
Créteil ou Sarcelles, où la cacherout est
partout – pourront alors acheter aisément
dans tous les commerces des produits re-
connus comme cacher. Facilitons, dans le
respect de la Halakha, la vie des Juifs où
qu’ils soient.
: Certains des produits pré-
sents sur la liste du rav Wolff contien-
nent du Lactosérum, composant dont
la cacherout, pour le grand rabbin
de Paris Michel Gugenheim est
« plus que sujette à caution »…
H.K. :
C’est bien pour cela que nous
avons besoin d’un Av Beth-Din au
Consistoire de Paris. « Dans le cas où se
trouveraient opposées deux opinions, une
troisième viendra résoudre l’apparente
contradiction », explique Rabbi Ishmaël.
Le Av Beth-Din aura également pour
mission de régler les problèmes qui se
posent parfois dans les cas de conver-
sions. Je ne supporte pas l’humiliation
que l’on fait subir à certains.
: Faut-il alors en faciliter
le processus ?
H.K. :
Il faut l’encadrer. Accompagner les
gens, les porter presque mais ne jamais les
laisser sans réponse. Les mots ont leur im-
portance. Si on dit non, on doit dire aussi :
« Votre chemin est magnifique, mais il
faut encore le faire mûrir ». Autre pro-
blème : les enfants nés de père juif et de
mère non-juive. Ils évoluent souvent dans
un milieu juif, vivent les fêtes, sont même
parfois allés au Talmud-Torah. On ne peut
pas leur dire brutalement: « Tu n’es pas
Juif ! » Faisons-leur ce cadeau de parler
de « régularisation » plutôt que de conver-
sion. Ils ont déjà un nom juif. En Égypte,
les Hébreux sont restés juifs parce qu’ils
ont gardé leurs vêtements, leur langue et
leurs noms. Soyons donc, dans notre façon
de recevoir ces gens, moins accusateurs,
moins moralisateurs. La Torah interdit
d’humilier l’étranger et le converti. C’est
aussi pourquoi, j’ai nommé, immédiate-
ment après mon élection, deux média-
teurs, Dolly Touitou et Charles Sulman.
Ils ont déjà été saisis de demandes
(01 49 70 87 64 ou mediateur@consistoi-
recentral.fr ndlr) qu’ils traitent avec beau-
coup d’intelligence et d’humanité. Il s’agit
de faciliter le dialogue entre les fidèles et
le Consistoire, ou de les accompagner
dans certaines démarches.
: Pour ce qui est des acquis,
sera-t-il facile de conserver l’abattage
rituel et la circoncision avec les mena-
ces qui planent actuellement ?
H.K. :
Ces dossiers sont suivis attentive-
ment au niveau français, par le Grand rab-
bin Fiszon pour ce qui concerne l’abattage
rituel et par le rabbin Moché Lewin et
Charles Sulman, s’agissant de la circonci-
sion. Les statuts d’une association de Mo-
halim français visant à encadrer leurs prati-
ques viennent d’ailleurs d’être déposés.
Cela impliquera le respect d’un cahier des
charges, une formation et des normes sani-
taires. S’agissant de la Chehita, le Consis-
toire a fait un travail extraordinaire de for-
mation des chohatim dans les domaines du
bien-être animal et de l’hygiène dans le ca-
dre de l’IFM-SAJ.
Au niveau européen, le Grand rabbin Pin-
chas Goldschmidt, Président de la CER,
fait un travail remarquable pour défendre la
liberté de pratique religieuse en Europe,
avec notamment l’aide du Grand rabbin
Fiszon et du rabbin Moché Lewin, direc-
teur exécutif de la CER, premier Français
à occuper un poste aussi prestigieux.
: Avez-vous l’intention,
comme vos prédécesseurs,
de donner des cours magistraux ?
H.K. :
J’aime le contact direct avec les
gens. Je compte garder mon cours à Poly-
technique où j’ai un lien formidable avec
les élèves. J’en donnerai également un au-
tre, mensuel et ouvert à tous au centre
Moadon.
Je réponds aussi volontiers aux invita-
tions des communautés. Il est essentiel de
rencontrer les dirigeants, les cadres rabbini-
ques et les fidèles. Je donnerai aussi des
cours dans de grands espaces, mais je veux
garder cette dimension humaine de
l’échange.
Mais je veux également vous dire com-
bien le lien que vous proposez entre les
fidèles et moi par l'entremise de votre
journal est important. Cet entretien du pe-
tit dej d'Actualité juive avec le Grand rab-
bin de France est une tradition et un ren-
dez-vous incontournable que vous avez
installé dans notre calendrier comme un
temps de rencontre. C'est pour moi une
façon de poser des repères et de tracer des
axes de travail et cela ne se peut que
parce que vous parlez à travers votre jour-
nal à l'ensemble de la communauté sans
distinction, et même au-delà, ce qui est
très rare. C'est une occasion pour moi de
rappeler la mémoire de mon ami Serge
Benattar qui croyait profondément en la
vocation de son journal à être un lien di-
rect avec la communauté. M'adresser à
vous, c'est donc parler à chacun.
: Avez-vous des projets
spécifiques ?
H.K. :
Je ne manque pas d’idées et d’am-
bitions pour répondre aux aspirations de
la communauté juive. J’ai également des
projets plus symboliques, celui du chab-
bat mondial par exemple. J’ai reçu, il y a
plusieurs mois déjà, le Grand rabbin
d’Afrique du Sud, Warren Goldstein. Son
idée est simple et géniale : celle d’organi-
ser un chabbat où l’on accueillerait
quelqu’un chez soi ou dans sa commu-
nauté. Les 24 et 25 octobre prochains,
l’ensemble des communautés juives de
France organisera donc un grand chabbat
et donnera l’occasion aux gens de ren-
contrer les synagogues. Dans un autre re-
gistre, j’ai demandé cet été au rabbin
Laurent Berros de prendre contact avec
toutes les colonies et camps de vacances,
« On a besoin d’un dayan arbitrant
entre la loi et son opérabilité »
N° 1315 - JEUDI 2 OCTOBRE 2014
www.actuj.com
P’tit Dej’ avec le Grand Rabbin de France Haïm Korsia
16
« Ce n’est plus possible d’attendre
que les fidèles viennent dans les
synagogues alors qu’on
a besoin de nous partout. »
EREZ LICHTFELD