Haïm Korsia répond au Beit Haverim :Haïm Korsia répond au Beit Haverim :
un événement historique, mais avecun événement historique, mais avec
quelles conséquences ?quelles conséquences ?
Mercredi 22 juin 2016, le Grand Rabbin de France Haïm Korsia se tenait à
l’Espace Culturel et Universitaire Juif d’Europe (ECUJE) à l’invitation du
Beit Haverim, le Collectif Juif Gay et Lesbien, sur le thème “Pour un
judaïsme engagé contre toutes les discriminations”.
C’était un événement historique puisque c’est la première fois qu’un Grand
Rabbin de France en exercice accepte l’invitation du collectif. Cette
rencontre faisait suite aux propos du Grand Rabbin Joseph Haïm Sitruck contre
l’homosexualité sur l’antenne de Radio J.
Deux grandes questions sont adressées au Grand Rabbin de France, qui seront
ensuite reprises et complétées par les journalistes Eva Soto, de Judaïques
FM, et Pierre Gandus, de Radio Shalom, en présence de Alain Beit, président
du Beit Haverim, et Jean François Strouf, responsable de la Communication et
des Projets de l’ECUJE :
Comment réagir face aux discriminations contre les juifs homosexuels alors
qu’il n’y a pas d’interdiction halakhique à leur pratique du judaïsme (montée
à la Torah, etc.)?
Quelle place faisons-nous aux femmes dans le judaïsme en France?
L’homophobie tue et ne peut être tolérée
Dès le début, le Grand Rabbin de France réaffirme que l’homophobie est un
délit grave qui tue, et qu’elle ne peut donc pas être tolérée, surtout pas
dans la communauté juive. Certes la Torah rejette l’homosexualité, mais nous
n’avons aucune légitimité pour juger les actes des autres, et c’est encore
plus grave d’exclure quelqu’un et de nier sa souffrance.
Il informe l’assemblée qu’il a installé au tout début de son mandat deux
médiateurs, un homme et une femme. Toute personne se sentant discriminée dans
sa pratique du judaïsme peut saisir le médiateur, ce qui revient à saisir le
Grand Rabbin de France lui-même. Il insiste sur le fait que les fidèles ne
doivent pas s’auto-limiter dans leur pratique du judaïsme, mais entièrement
assumer leurs demandes, et ne pas capituler face aux discriminations.
De la compassion pour les femmes, mais pas pour leurs questions
Vient alors la question de la place des femmes dans la communauté juive en
France, et notamment le sort des femmes agunot, dans l’attente du divorce
religieux. Le Grand Rabbin confirme que c’est un sujet grave, qui demande
toute notre attention et notre compassion. Il rappelle qu’il s’investit
beaucoup pour régler discrètement autant de cas que possible. Il est
actuellement en discussion avec le ministère de la Justice pour insérer la
remise du Guet, divorce religieux, au sein du divorce civil. C’est une
proposition qui se travaille afin d’en vérifier la faisabilité.
On n’est pas surpris lorsqu’il rappelle que le judaïsme libéral accepte des
transformations, comme des femmes en position de rabbins, qui ne sont pas
celles du Consistoire, qui représente le courant orthodoxe.
Néanmoins, ça ne remet pas en cause l’appartenance des institutions juives
libérales à la communauté, comme le prouve les relations étroites
qu’entretient Haïm Korsia avec celles-ci. En revanche, on est davantage
surpris lorsqu’il affirme qu’il y a suffisamment de lieux d’études mixtes en
France, et puis, encore plus, lorsqu’il conclut la conférence sans répondre à
la question sur la lecture de la Torah par les femmes, pourtant posée à la
tribune.
Au moment des questions de la salle, le temps imparti est très court, et nous
sommes plusieurs à ne pas avoir le temps de poser notre question. Au final,
seuls des hommes de plus de 40 ans ont eu la parole, alors qu’il y avait
notamment des jeunes femmes qui la demandaient. On nous conseille d’écrire
nos questions sur un papier qui sera transmis au Grand Rabbin. Cette mauvaise
répartition restera néanmoins comme une grande frustration à la fin d’une
conférence contre les discriminations.
Seul dans l’immobilisme institutionnel
Au cours de la conférence, on fait remarquer qu’en Angleterre et en Israël,
des rabbins orthodoxes prennent position et s’organisent pour l’inclusion des
juifs homosexuels, et qu’il n’y a pas d’équivalent dans le monde orthodoxe en
France.
Haïm Korsia s’en est défendu, rappelant les extraits de son livre “A corps et
à toi” (2006), rappelant les articles qu’il a écrit pour la revue Tenoua
consacrée à l’homosexualité dans le judaïsme. Il est vrai que notre Grand
Rabbin porte une parole pleine de sens qu’on entend peu dans le monde
orthodoxe français, et pourtant, c’est dommage qu’il ne la porte pas plus
fort.
Ce soir-là, la salle était pleine, mais l’assistance était majoritairement
des proches du Beit Haverim et de la communauté juive homosexuelle, et
l’objectif premier était de les rassurer. Or, il aurait été bon que
l’ensemble de la communauté juive l’entende, notamment ceux à l’origine des
discriminations à l’encontre des homosexuels et des autres.
La rencontre se conclut en remerciant le Grand Rabbin de France pour le
courage qu’il a eu d’accepter cette invitation. Il est vrai que c’était un
événement historique, mais on doute qu’il ait de grandes conséquences.
Haïm Korsia, tout Grand Rabbin de France qu’il soit, a donné le sentiment
qu’il est seul à porter cette vision du judaïsme orthodoxe, et que face à
l’immobilisme des grandes institutions juives, notamment du Consistoire qu’il
représente, tout ceci ne reste que des paroles.
Il nous laisse une note d’espoir tout de même lorsqu’il évoque le programme
Emouna à Sciences Po, partie obligatoire du cursus rabbinique, où sera
insérée une sensibilisation des élèves rabbins aux questions LGBT.
Sandra Jerusalmi est spécialisée dans la coordination de projets
culturels. Le bénévolat rythme son parcours dans la communauté juive,
notamment au sein du Réseau Ezra, lors du Projet Ten, programme d’aide
humanitaire en Inde, mais surtout en tant que membre du Conseil
d’Administration de sa synagogue à Saint-Leu la Forêt.
Source : © Haïm Korsia répond au Beit Haverim : un événement historique, mais
avec quelles conséquences ? | Sandra Jerusalmi | Ops & Blogs | The Times of
Israël
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