PROPOS RECUEILLIS PAR
CATHERINE GARSON
H.K. : Tout d’abord, je vais proposer très
rapidement au Président Mergui de nommer
deux médiateurs, à savoir un homme et une
femme afin d’accueillir quiconque a un pro-
blème dans la communauté ou se sent mis à
l’écart, et ne sait plus où se tourner. Je le fe-
rai avec lui car, de la cohésion du binôme
que nous formons, apparaitra le vrai sym-
bole de l’unité que nous voulons promou-
voir. Qui dit unité ne dit pas uniformité
mais harmonisation.
En fait, c’est quelque chose de profondé-
ment juif. Dans la Bible, Moïse et Aaron
jouent deux rôles distincts. Bien entendu,
nous ne sommes pas Moïse et Aaron mais la
dualité reste importante. Quand D-ieu crée
l’homme et la femme, celle-ci est définie
comme « ezer kenegdo », une aide face à lui.
Pour en revenir au Consistoire, la force de
chacun renforcera celle de l’autre et la force
des deux renforcera l’institution. Dans cette
optique, l’un des premiers dossiers que je sou-
haite traiter est un projet de rassemblement.
Il s’agit du Centre Européen du Judaïsme
dans le 17e arrondissement. La géographie
des juifs ayant changé, il faut se doter d’un
outil adapté. Et ce projet du Centre met en
marche toutes les énergies de la communauté.
Quand deux personnes ont beaucoup d’éner-
gie, on veut les opposer. Joël Mergui et moi
travaillons ensemble depuis des années et nous
faisons avancer les choses. Pour ne citer qu’un
exemple, c’est avec lui que j’ai travaillé quand
se posaient des problèmes de chabath. Plus gé-
néralement, je vais, donc, m’appuyer sur les
équipes en place, sur l’institution, sur mes
maîtres qui m’ont tout appris.
: Une autre priorité ?
H.K. : Je vais aussi réunir au plus vite le
Conseil Supérieur Rabbinique. J’attends
pour ce faire le retour du grand rabbin
Gugenheim [qui vient de perdre sa mère,
ndlr] pour lequel j’ai le plus grand respect.
Il s’agira de donner des directives aux rab-
bins mais avant tout de leur parler et de les
écouter. Il faut dire que nous avons des per-
sonnalités rabbiniques formidables. Je pense,
par exemple, entre autres, au grand rabbin
Fiszon qui n’a pas qu’une compétence sur
la Chékhita mais a des projets considérables
à son actif dans son département, et d’autres
rabbins talentueux... mais isolés.
: En parlant des rabbins, com-
ment vous positionnez-vous par rapport
à ceux qui ont brigué le même poste que
vous mais qui n’ont pas gagné l’élection ?
H.K. : Ce sont tous des amis, des gens qui
sont la colonne vertébrale du judaïsme
français. C’est avec eux que je veux porter
cette charge. A ce propos, je ne veux pas
dire que j’ai « gagné » l’élection, car qui dit
gagnant dit perdants. Ce n’est pas le cas : il
y en a un qui a été désigné et tous les autres
le portent et portent la même charge.
: Et quelles vont être vos rela-
tions avec les autres courants du judaïsme ?
H.K. : Le judaïsme consistorial est un ju-
daïsme ouvert mais qui a ses règles. Parler
ne veut pas dire valider tel ou tel engage-
ment. Avec le monde ‘haredi, pourquoi
devrions-nous faire la guerre puisque nous
partageons les mêmes valeurs de Torah ?
Quant aux autres mouvements, ils font
souvent un travail remarquable pour rap-
procher des gens qui, sinon, seraient hors
de la communauté et nous sommes déjà
dans une logique de dialogue, puisque,
par exemple, lorsque le MJLF organise la
lecture des noms des déportés de France,
nous y sommes tous.
Cela dit, notre fidélité à la halacha doit
être incontestable tout en étant une hala-
cha ouverte. Qu’est-ce que cela signifie ?
Nous devons entendre les besoins et les
attentes de la communauté. Et même lors-
que nous devons dire non, nous devons le
faire sans fermer la porte. Il faut refuser
de segmenter les Juifs. Le modèle du
judaïsme consistorial tire sa force de son
unité ; ce qui ne veut pas dire uniformité.
J’ajoute que le Talmud dans le traité San-
hedrin dit : « Allez chercher les enfants
ignorants car c’est par eux que la Torah
sera transmise ». Cela nous engage à aller
plus loin, particulièrement pour ouvrir
nos synagogues à ceux qui n’y trouvent
pas leur place. A ce propos, chaque rab-
bin doit parler aux jeunes. J’aimerais que,
pour chaque colonie de vacances, il y ait
un rabbin de référence. Non pas pour re-
faire un Talmud Thora avec les jeunes,
mais pour pratiquer de la formation infor-
melle. C’est comme cela qu’ils s’engage-
ront dans leurs communautés et, au-delà,
pour certains, viendront étudier au
Séminaire rabbinique.
: Avez-vous un message
particulier pour les Juifs de France ?
H.K. : Au moment du passage de la mer
Rouge, Moïse a dit au peuple : « N’ayez
pas peur ». Mon maître, le grand rabbin
Chouchena, insistait sur le fait que ce ver-
set doit nous parler aujourd’hui, à nous
qui doutons. Il faut avoir confiance en
D-ieu, confiance dans les liens que nous
allons tisser avec nos concitoyens à tra-
vers le dialogue interreligieux et confiance
dans ce qu’est la France. ●
« Nous devons entendre les besoins
et les attentes de la communauté »
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N° 1305 - JEUDI 26 JUIN 2014
Les cinq candidats présents
à l’élection, (de gauche à droite)
les rabbins Alain Senior, Haïm
Korsia, Olivier Kaufmann,
Laurent Berros, et David
Shoushana.
(Le rabbin Meyer Malka était
absent pour obligation
professionnelle).
EREZ LICHTFELD