brèves Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Vaccin contre le virus de l’hépatite C : une nouvelle approche utilisant des vecteurs adénoviraux ? Mots clés : vaccine, virus de l’hépatite C, vecteur adenoviral Le virus de l’hépatite C (VHC) infecte environ 200 millions de personnes, soit environ 3 % de la population mondiale. Au moins un tiers des sujets infectés ignorent leur statut sérologique. En France, 600 000 personnes seraient porteuses du VHC, soit 1 % de la population, avec 5 000 nouvelles contaminations par an. Combattre l’hépatite est un défi médical de par les caractéristiques génétiques du VHC qui lui confèrent une capacité à l’échappement immunitaire et thérapeutique. En effet, la variabilité génétique du VHC est liée à un taux d’erreurs élevé commises par l’ARN polymérase au cours de la réplication et à son absence de correction. Les variants ainsi produits sont continuellement sélectionnés par l’environnement au sein duquel le virus se réplique. Ces produits sont à l’origine de la distribution en « quasi-espèces » du VHC, qui circule sous forme d’un mélange complexe. De par le nombre de personnes touchées, des conséquences cliniques et de ses capacités d’échappement, le VHC est un sérieux problème de santé publique qui impose une stratégie thérapeutique à la fois curative et préventive adaptée. Plusieurs idées de vaccins ont fait l’objet de travaux de recherche. La stratégie de vaccins visant à entraîner une réponse de type humorale seule s’avère controversée pour éradiquer l’infection par le VHC. En effet, la réponse immunitaire humorale est beaucoup trop antigène-spécifique pour un virus avec une telle variabilité génétique. L’équipe du Pr Nicosia s’est donc tournée vers un modèle de vaccin induisant une réponse immunitaire de type T cellulaire. La réponse immunitaire T cellulaire est beaucoup moins stricte qu’une réponse de type humorale car une certaine variabilité dans la composition de l’épitope est tolérée, ce qui permet d’obtenir des réactions croisées. C’est sur ce concept que repose le raisonnement du vaccin de l’équipe italienne [1]. La région retenue pour générer l’immunisation est la région non structurale NS (NS3NS5B), qui représente à elle seule les deux tiers du génome du VHC et code cinq protéines : NS3, NS4A, NS4B, NS5A, NS5B, soit 2 000 acides aminés, ce qui permet de générer un grand nombre d’épitopes. Le vaccin est constitué d’un plasmide NSmut codant pour la région NS3-NS5B de la souche de VHC BK (génotype 1b) et d’un vecteur adénoviral (Ad) humain de première génération, de deux sérotypes différents (6 et 24), dépourvu de la protéine E1. L’utilisation séquentielle de deux vecteurs de sérotypes différents permet d’obtenir un effet amplifié de l’immunisation contre le VHC en évitant une réponse immunitaire spécifique à l’adénovirus. Le schéma de vaccination se décompose en six injections : deux aux semaines 0 et 4 de MRKAd6NSmut, une à la semaine 25 d’Ad24NSmut et trois du plasmide NSmut seul aux semaines 35, 37 et 39, accompagnées d’un traitement électrique qui permet une meilleure transduction musculaire du plasmide. Un test d’infection est réalisé à la semaine 49 avec la souche hétérologue H77 (génotype 1a) du VHC [2]. Au total, 10 chimpanzés ont été suivis : 5 ont reçu le plasmide NSmut et 5 témoins ont reçu, selon le même schéma, un plasmide témoin codant pour l’antigène gag du VIH1 Virologie, Vol. 10, n° 2, mars-avril 2006 149 jlevir_05-05.indd 149 5/16/06 3:41:22 AM brèves Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. (Flgag). Quatre des chimpanzés « NSmut » ont développé une réponse immunitaire croisée T cellulaire rapide et massive. La réponse immunitaire apparaît dans les 2 à 4 semaines après l’injection de la souche H77, soit 10 semaines plus tôt que chez les chimpanzés témoins. La rapidité de la réponse a permis de diminuer la charge virale d’un facteur 100 et de limiter la virémie à une durée plus courte (1 à 7 semaines contre 10 à 14 chez les chimpanzés témoins. Les 4 chimpanzés « NSmut » n’ont développé aucun symptôme d’hépatite aiguë (aucune élévation des enzymes hépatiques malgré une réaction immunitaire T cellulaire intrahépatique). L’infection a été résolutive pour ces quatre cas. L’évolution du cinquième chimpanzé « NSmut » vers une infection chronique serait due à l’apparition d’une mutation en I308 n’ayant pas permis d’induire la production d’un nouveau pool de cellules T, ainsi qu’une moindre immunisation vaccinale préalable. Il est cependant intéressant de noter que le chimpanzé a une capacité naturelle à résoudre les hépatites C aiguës, ce qui a été observé chez trois des chimpanzés témoins. Ce modèle animal (le seul disponible actuellement) est donc peu propice à l’étude d’un vaccin contre le VHC et, dans le cadre de cette étude, il y a peut-être un biais dans l’interprétation des résultats. Toutefois, cette étude permet de montrer que, malgré cette capacité de guérison spontanée du modèle chimpanzé, la différence dans la rapidité de la réponse immunitaire T cellulaire entre les deux groupes est un point très intéressant et prometteur. En effet, c’est le retard de la réponse immunitaire T cellulaire de l’hôte qui entraînerait le passage à la chronicité de l’infection à VHC. Un test d’infectiosité par la souche BK (génotype 1b) utilisée pour le vaccin lui-même en parallèle de celui par la souche H77 (génotype 1a) aurait eu un apport complémentaire pour apprécier l’efficacité du vaccin ainsi que la qualité de la réaction croisée avec la souche hétérologue 1a (H77). Il faut aussi se pencher sur la question de l’utilisation d’un vecteur adénovirus chez l’homme, sur le plan éthique et sur celui des conséquences toxiques possibles. Une étude chez le babouin a montré une toxicité aiguë liée au vecteur adénoviral seul indépendamment du gène exprimé, ce qui n’est pas en faveur d’une utilisation d’un tel type de vecteur chez l’homme. Bien que l’équipe du Pr Nicosia soit très enthousiaste sur l’impact de ce travail dans le traitement de l’hépatite C, mais aussi pour d’autres infections évoluant vers la chronicité (VIH, malaria, infections à Mycobacteria tuberculosis), il faut garder un œil critique et envisager de vérifier ce travail sur un autre modèle animal comme les souris humanisées. Les auteurs ont essayé de pallier le problème d’une pré-immunité contre l’adénovirus de sérotype 5 (fréquent chez l’homme) en utilisant des sérotypes (6 et 24) moins fréquents. Néanmoins, pour l’instant, il n’existe pas de vaccin basé sur des vecteurs adénoviraux employés chez l’homme… Références Delphine Fromentin Laboratoire de Virologie et Inserm U635 Hôpital Henri-Mondor 150 jlevir_05-05.indd 150 1. Folgori A, Capone S, Ruggeri L, et al. A T-cell HCV vaccine eliciting effective immunity against heterologous virus challenge in chimpanzees. Nat Med 2006 ; 12 : 190-7. 2. Capone S, Meola A, Ercole BB, et al. A novel adenovirus type 6 (Ad6)-based hepatitis C virus vector that overcomes preexisting anti-ad5 immunity and induces potent and broad cellular immune responses in rhesus macaques. J Virol 2006 ; 80 : 1688-99. Virologie, Vol. 10, n° 2, mars-avril 2006 5/16/06 3:41:22 AM