L`homocystinurie classique se caractérise par un déficit en

Homocystinurie
Anomalie du métabolisme
Différentes anomalies enzymatiques sont décrites dans le métabolisme des acides aminés soufrés.
Normalement, l'acide aminé L-méthionine assure la synthèse des protéines ; une fraction est
synthétisée par le biais de l'homocystéine, la cystathionine et la cystéine.
L'homocystinurie classique se caractérise par un déficit en cystathionine bêta synthase (CbS) qui
convertit l'homocystéine en cystathionine. Environ 50 % des patients sont sensibles à la pyridoxine
(vitamine B6) et présentent un trouble sous-jacent dans la liaison du cofacteur pyridoxal 5-phosphate à
l'enzyme. Très rarement, la reméthylation de l'homocystéine en méthionine est problématique : ce
problème est dû à des déficits au niveau du métabolisme de l'acide folique et de la cobalamine (déficit
de la méthionine synthase et du méthylènetétrahydrofolate réductase).
Ce texte aborde avant tout l'homocystinurie classique.
Description clinique :
Les signes cliniques se manifestent progressivement après la naissance : les yeux, le squelette, le tissu
conjonctif et le système nerveux central et le système vasculaire sont atteints.
Les yeux :
L'ectopie du cristallin est souvent le premier signe clinique remarqué, bien qu'il ne se manifeste
qu'après l'âge de 4 à 6 ans. Souvent, un patient souffrant d'homocystinurie est donc identifié par un
ophtalmologiste. Une myopie associée, combinée à l'ectopie du cristallin, peut provoquer de graves
troubles de la vue. L'ectopie du cristallin donne lieu à des graves complications, dont le glaucome.
Le squelette et le tissu conjonctif :
Les anomalies squelettiques peuvent être identifiées très tôt : un aspect irrégulier des métaphyses au
niveau des genoux avec genu valgum et jambes cagneuses ; déformations du thorax ;
dolichosténomélie (membres allongés et étroits) et longs doigts (arachnodactylie) sont typiques après
la puberté. A un jeune âge, les anomalies doivent être différenciées du rachitisme (déficience en
vitamine D) ; à un âge plus avancé, ces patients présentent les mêmes symptômes que le syndrome de
Marfan (une collagénose ou affection des tissus conjonctifs). L'os est friable à cause d'une
ostéoporose généralisée. Il n'est pas rare que ces patients soient traités par des orthopédistes sans que
la maladie métabolique sous-jacente n’ait été diagnostiquée.
Système nerveux central :
Les retards psychomoteurs et mentaux (60 %) sont provoqués par le déficit sous-jacent : les formes
répondant à la vitamine B6 ont un meilleur pronostic que celles n'y répondant pas. Convulsions,
anomalies de l'EEG, troubles du comportement et manifestations déficitaires focales à la suite
d'accidents cérébrovasculaires complètent la symptomatologie clinique. Sur le scan SPECT du
cerveau de 2 patients, on aperçoit clairement des accidents ischémiques dans différentes zones du
cerveau, corrélés avec des troubles du métabolisme du glucose mis en avant par le biais du PET scan.
Ces troubles disparaissent à l'aide d'un traitement qui permet notamment la normalisation de la parole.
Système vasculaire :
Des accidents thrombotiques peuvent affecter l'intégralité du système vasculaire (artères et veines), et
ce à tout âge. La thrombophlébite et l'embolie pulmonaire sont fréquentes. Une thrombose de l'artère
carotide ou des artères rénales est la cause la plus fréquente de décès prématuré. Ces patients courent
un risque élevé lors d'une anesthésie (!) si les mesures nécessaires ne sont pas prises : hyperhydratation
et traitement spécifique (voir plus loin).
Diagnostic :
Dans les urines, l'analyse des acides aminés fait apparaître une concentration très élevée
d'homocystéine et de méthionine et une concentration faible en cystathionine et cystéine. Les acides
aminés du sérum sanguin présentent un taux élevé de méthionine et un taux bas de cystéine.
L'homocystéine totale dans le plasma a considérablement augmenté à 200-400 µmol/L (valeur de
référence < 12 µmol/L à jeun). Un taux de méthionine normal ou bas indique un déficit d'acide
folique ou de cobalamine (en association ou non à de l'acidurie méthylmalonique).
D'autres métabolites peuvent être mis au jour par d'autres examens spécialisés (disulfure mixte,
notamment).
Le diagnostic enzymatique, par la mesure de l'activité de la CBS, s'effectue sur les fibroblastes. (B.
Fowler, Bâle - Suisse).
Les prélèvements d'urine ponctuels ne sont pas assez sensibles et peu spécifiques (faux positifs à cause
de la cystine et de la céfotaxime (claforan, un antibiotique souvent administré en clinique).
Le dépistage de masse néonatal à l'aide de méthionine élevée donne lieu à nombre de faux négatifs. A
Anvers, ce dépistage n'est plus organisé depuis 1997 (aucun patient n'a été découvert à l'aide du
dépistage de masse contre 7 patients diagnostiqués à Anvers pendant une période de 15 ans (3 formes
répondant à la vitamine B6 ; 2 formes répondant partiellement à la vitamine B6 ; 2 formes ne
répondant pas à la vitamine B6). Le dépistage néonatal par le biais d'une spectrométrie de masse
(MS/MS) est possible, mais est à éviter vu que cette technique peut également donner lieu à des faux
négatifs et à des faux positifs et que la prévalence de cette maladie métabolique est faible au sein de
notre population (voir infra).
Le gène est localisé sur le chromosome 21 et plusieurs mutations (>90) ont été décrites (la plupart des
mutations sont spécifiques aux familles au sein desquelles elles sont décelées). Un diagnostic
moléculaire des hétérozygotes est possible.
Un diagnostic prénatal est possible par le biais d'un diagnostic enzymatique sur les amniocytes
(amniocentèse) et lorsque les mutations sont connues par le biais du diagnostic génétique moléculaire
(choriocentèse).
Prélèvement d'échantillon :
sérum et urine (échantillon matinal ou échantillon à partir d'un prélèvement des urines de 24 heures)
pour une analyse quantitative des acides aminés par le biais d'une chromatographie en phase liquide.
Homocystéine plasmatique.
Toujours également doser sérum vit. B12 et acide folique.
Héritabilité :
Il s'agit d'une maladie métabolique qui se transmet selon un mode autosomique récessif avec risque de
récurrence au sein d'une famille de 1:4 lors de chaque grossesse.
Traitement :
L'objectif du traitement est de réduire le taux d'homocystéine total dans le plasma : de préférence
normalisation (< 12 µmol/L) ou aussi bas que possible (50-70 µmol/L).
Au début, l'impact de la vitamine B6 est testé : généralement à l'aide d'une dose de 500 mg par jour ;
parfois augmentée à une dose maximale (attention à la neuropathie) de 1000 mg par jour per os (en
association à l'acide folique 10-15 mg/jour per os). Les patients répondant à la vitamine B6 peuvent
même sentir les bienfaits d'une très faible dose, comme par exemple sous la forme de préparations
multivitaminées.
Les personnes ne répondant pas à la vitamine B6 sont soumises à une diète pauvre en méthionine/riche
en cystéine (limitation des protéines naturelles complétée de mélanges d'acides aminés spécifiques).
Dans la pratique, un lait de soja non enrichi peut être utilisé.
La diète est peu pratique et ne permet généralement pas de corriger les anomalies biochimiques. C'est
la raison pour laquelle de la bétaïne est administrée per os (dose max. de 150 mg/kg/jour) pour réaliser
une reméthylation alternative de l'homocystéine en méthionine. La L-cystéine est un acide aminé
essentiel pour ces patients et doit généralement être supplée (jusqu'à 200 mg/kg/jour).
Des vitamines (pyridoxine, acide folique, vit. B12 entre autres) et minéraux sont administrés en
fonction des besoins.
Administrer de l'aspirine ou un autre anti-thrombotique à titre préventif n'a aucun effet avéré. En cas
de complications vasculaires, les médicaments nécessaires doivent être administrés, et l'aspirine a un
effet avéré (100 mg/jour).
A suivre pendant le traitement : taux d'homocystéine total dans le plasma, sérum méthionine (< 600
µmol/L) et acide folique dans le sérum+globules rouges (doses élevées de pyridoxine) tous les 2-3
mois (fréquence accrue si les contrôles sont négatifs). Un examen des selles (APTT, PT, fibrinogène,
agrégation plaquettaire, protéines S et C, facteur V de Leiden,…) s'impose au début de la thérapie et
ensuite tous les 6 mois (APTT, PT, fibrinogène, fonctions des thrombocytes). Chaque année, une
consultation en ophtalmologie et une chromatographie du sérum/des acides aminés (si diète avec
limitation des protéines) est demandée. Examens neurologiques et autres supplémentaires sur
prescription.
Incidence et fréquence :
La prévalence de l'homocystinurie est d'environ 1par 200 000 naissances vivantes. La prévalence est
plus élevée en Irlande.
Pronostic :
Plus le diagnostic est posé tôt et plus tôt le traitement est commencé, meilleur est le pronostic.
Commencer une thérapie par la diète dans la période néonatale permet d'éviter le développement de
retards mentaux (Irlande). Le traitement permet également de prévenir l'ectopie du cristallin, les
anomalies osseuses et les complications cardiovasculaires. Des troubles du comportement peuvent
être identifiés en cas de mauvaise observance thérapeutique des patients souffrant de la forme
répondant à la vitamine B6 de cette maladie métabolique (observation propre).
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