Correspondances en Risque CardioVasculaire - Vol. V - n° 1 - janvier-février-mars 2007
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Le mensonge prive le malade d’une représentation
de sa maladie et l’empêche de donner un sens à
ses symptômes. Il n’est pas, dès lors, en mesure
de se préparer psychologiquement à l’évolution
de sa maladie.
Cette attitude ne tient pas compte de la demande
du malade, de ses besoins, de ses ressources
personnelles.
Le mensonge interdit tout échange authentique avec
le malade et empêche d’établir une véritable relation
de confiance entre le soignant et le soigné.
Elle ne tient pas compte de l’importance que revêt
la maladie pour le malade. Pour lui, sa pathologie,
quelle qu’en soit la gravité, n’est jamais “banale”.
Ce n’est pas “rien” !
En s’attachant aux seuls retentissements physiques
de la maladie, le médecin tient à distance les
aspects émotionnels. Il traite le corps malade et
non le patient. Le malade a le sentiment que sa
souffrance n’est pas reconnue. Il est nié en tant
que sujet.
Le soignant, démuni et impuissant face à la
maladie, ne parvient pas à affronter le malade. Il
fuit l’échange véritable avec le patient, dévie la
conversation, évite la rencontre.
Dans son discours, il est fréquemment “hors
sujet”. Il élude, esquive (1), pour éviter sa propre
angoisse.
C’est une forme de mensonge, car elle vise à
entretenir chez le patient qui n’y croit plus, un
espoir impossible.
Le soignant dissimule la vérité et optimise les
résultats des examens. Parfois, le malade feint
de croire les paroles faussement apaisantes
du soignant. Il n’est plus dans une relation de
confiance.
Avec ce mécanisme de défense, le soignant se
parle aussi à lui-même et cherche sa propre réas-
surance.
Le médecin se réfugie derrière un discours médical
hermétique qui lui sert d’écran protecteur vis-à-
vis du malade.
Le jargon médical est utilisé comme une langue
étrangère au malade, qui rend impossible toute
communication.
Le malade est laissé dans l’isolement et l’étrangeté
d’une parole vide de sens. Il n’a aucun mot auquel
se raccrocher.
Ce jargon rassure le soignant. Il lui donne un sen-
timent de puissance.
Le soignant s’agrippe à un registre rationnel. Il
tient à distance les émotions du malade, ainsi
que ses émotions propres, auxquelles il se sent
incapable de faire face.
Dans ce cas, le médecin dit tout au malade, et
tout de suite. Il se décharge d’un fardeau, sans
tenir compte de la demande du malade, de ses
ressources, de son cheminement.
C’est une forme de passage à l’acte verbal, de
fuite en avant qui peut être d’une extrême violence
pour le psychisme du malade, qui en gardera à
tout jamais la trace.
Le soignant, submergé par la charge émotionnelle,
“lâche” l’information et se libère d’une tension.
Tout dire est aussi le moyen de se protéger vis-à-
vis de la loi qui fait obligation d’informer le patient,
mais sans tenir compte de la capacité du patient
à recevoir cette information.
Elle efface la distance médecin-malade. Le soignant,
incapable de faire front, fait corps avec son patient.
Il se met à sa place, sans jamais y être toutefois. Il
n’est plus à l’écoute de l’autre, mais de lui-même.
Accepter sa propre angoisse, comprendre ses fonc-
tionnements de défense, c’est permettre d’instau-
rer une relation de confiance avec le patient, faite
de respect mutuel et d’humilité.
“Seuleunevéritépasàpas,tenantcomptedes
mécanismesdedéfensedusoignantetdusoigné,
estsusceptibled’engendrerunéchangeauthen-
tiqueetéquitable”(1).
Dire l’information difficile à dire ne va pas de soi
et, souvent, ce que nous disons n’est pas ce qui
est entendu. La relation à l’autre comporte une