dans différentes parties d’Europe, divers projets littéraires, qui dépassent
le simple cadre de l’objet ponctuel de leur étude (qu’il s’agisse de théorie
poétique, de rhétorique, d’utopies politiques, ou de musique, pour ne citer
que quelques exemples) pour revêtir une ambition beaucoup plus large,
d’inspiration encyclopédique.
Les premières œuvres de Francesco Patrizi5, publiées à Venise chez
Giovanni Griffio en 15536et à Ferrare en 1557 chez Francesco De Rossi
da Valenza7sont tout à fait caractéristiques de ce phénomène: nous y trou-
vons ainsi une utopie aux apparences politiques, le commentaire d’un son-
net de Pétrarque, un bref discours ayant comme objet la diversité des
fureurs poétiques, dans lequel la leçon platonicienne atteint une dimension
cosmologique, chère au néoplatonisme, et s’enrichit d’éléments empreints
de la tradition hermétique et de la kabbale8, ainsi qu’un « poemetto »
louangeur, l’Eridano, suivi d’un court traité qui en constitue la justification
110 A.-J. BUFFET-MECARELLI
5. Nous nous permettons de rappeler que Francesco Patrizi (1529-1597), philosophe néo-
platonicien d’origine dalmate, formé à Padoue autour des années cinquante à la médecine et
à la philosophie, et membre de l’Accademia della Fama, active à Venise entre 1557 et 1561,
a été l’auteur de traités philosophiques (parmi lesquels les Discussiones Peripateticae,
l’Amorosa filosofia et la Nova de universis philosophia), de poétique (Della poetica), d’his-
toire (Della storia), de rhétorique (Della retorica), de philosophie naturelle (Elementa theo-
logica et physica, Philosophiae de rerum natura). Il enseigna la philosophie platonicienne à
Ferrare de 1577 à 1592, avant d’accepter l’invitation du pape Clément VIII pour transférer
son enseignement à Rome, où il fut toutefois poursuivi par l’Inquisition après la publication
de son œuvre la plus controversée, la Nova de universis philosophia (en 1591).
6. Di M. Francesco Patritio. La Città Felice. Del Medesimo, Dialogo Dell’honore, il
Barignano. Del medesimo, Discorso Della diversità de’furori poetici. Lettura sopra il so-
netto del Petrarca La gola, e’l sonno, e l’ociose piume. In Venetia, per Giovanni Griffio,
1553. La città felice a été reproduite in Carlo CURCIO, Utopisti e riformatori sociali del
Cinquecento, Bologna, Zanichelli, 1941, p. 119 sq. (le texte français – incomplet – se
trouve in La cité heureuse. L’utopie italienne de la Renaissance à l’Âge baroque, sous la
dir. d’Adelin Charles Fiorato, Paris, L’Harmattant, 2001, p. 73 sq.). Le dialogue Della di-
versità dei furori poetici a été réimprimé en annexe au vol. III de l’édition moderne de la
Poetica, a cura di Danilo Aguzzi Barbagli, Firenze, Istituto Nazionale di Studi sul
Rinascimento, 1971, p. 447-462. Nos citations seront tirées de cette dernière édition.
7. L’Eridano in nuovo verso heroico di Francesco Patritio. Con i Sostentamenti del detto
verso. In Ferrara. Appresso Francesco de Rossi da Valenza. Le texte de ce « poemetto »,
de même que de nombreux extraits des Sostentamenti, ont été reproduits in Giosué CAR-
DUCCI, La poesia barbara nei secoli XV e XVI, Bologna, Zanichelli, 1881, p. 327-345 et
343-350.
8. Nous laisserons de côté, dans notre analyse, le dialogue Il Barignano, dédié au thème
de l’honneur, moins significatif par rapport au reste du corpus.
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