L`Opéra Royal de Wallonie redonne sa chance à Jérusalem, opéra

Tout l'univers de l'art lyrique
L'Opéra Royal de Wallonie redonne sa chance à Jérusalem, opéra de jeunesse
de Verdi
Jérusalem de Giuseppe Verdi créé à l’Opéra de Paris en novembre 1847 – n’avait pas été représenté sur
une scène belge depuis 1850 ! C’était également une première pour nous, et une fois dissipée la surprise
d’entendre un chant aussi typiquement verdien sur des paroles françaises, notre impression d’ensemble
sur cette nouvelle mouture d’I Lombardi (Scala 1843) est plus que positive : de toute évidence, l’ouvrage
mérite de revenir plus fréquemment à l’affiche. Car d’un point de vue strictement musical, Verdi fait ici
preuve d’un plus grand raffinement dans son écriture par rapport à la première version milanaise : il
arrive à maîtriser les éclats pompeux et patriotiques des Lombardi et à les définir dans un cadre nouveau
les vicissitudes amoureuses des deux protagonistes sont remises au centre de l’action. Joué dans son
intégralité, ce Jérusalem retrouve ici toute sa dimension, d’autant que le ballet – condition sine qua non à
toute représentation lyrique dans la grande boutique à cette époque – a été conservé (même si la
chorégraphie imaginée par Gianni Santucci ne marque guère les esprits…).
Le maître des lieux Stefano Mazzonis di Pralafera s’est auto-confié la mise en scène, comme
souvent, et comme souvent aussi, son travail s’avère d’une parfaite lisibilité… en se résumant à
reconstituer via des toiles peintes et quelques éléments de décors plutôt sommaires (imaginés par
Jean-Guy Lecat) – les lieux et l’époque de l’action : le Palais du Comte de Toulouse au I, celui de l’Emir
de Ramla au III, et des hauts lieux de la Palestine au II et IV. Côté costumes, très beaux, conçus par
Fernand Ruiz, les Croisés portent les couleurs et les vêtements des épopées siciliennes moyennâgeuses.
Rien de très passionnant ne se passe du côté de la direction d’acteurs, mais rien ne vient non plus
perturber la musique…
L’intérêt du spectacle est ailleurs, à commencer par la découverte d’une jeune baguette féminine en la
personne de Speranza Scappucci : la cheffe italienne sait admirablement mettre en relief les atouts de
la partition, à commencer par les innovations apportées par un Verdi soucieux de plaire aux parisiens.
Veillant à mettre constamment en rapport la langue et la musique, elle réussit à un heureux équilibre
entre les différentes composantes de l’ouvrage : l’emphase et la grandiloquence du grand opéra à la
française, la tournure intimiste de certains tableaux, sans oublier les complexes problématiques
sentimentales et religieuses qui sous-tendent le livret.
Côté voix, malgré un
vibrato
et des
sonorités métalliques un peu trop prononcés en début de
représentation, la soprano cubano-américaine Elaine Alvarez déjà entendue in loco la saison dernière
dans Ernani s’impose progressivement dans le rôle d'Hélène au fil de la représentation, tant sur le plan
strictement vocal que dans l’intensité expressive : elle offre ainsi une brillante exécution de la polonaise «
Il respire ! Ô transport ! », avant de faire valoir, dans la grande scène du troisième acte, « Que m’importe
la vie en ma misère », de jolies smorzature, y compris dans l’extrême aigu. Le ténor belge Marc Laho
élégant Nadir (Les Pêcheurs de perles) ici-même en 2015 – connaît également quelques moments de
gloire en Gaston : la cavatine, l’andante de l’acte II « Je veux entendre encore », avec le nouveau contre-
Ut dans la cadence, parfaitement émis, le duo qui suit avec Hélène, ainsi que la stretta « Ah, viens, viens !
», tout dans son chant convainc. Certes, la voix de la basse italienne Roberto Scandiuzzi accuse à certains
moments le poids des ans, mais il possède le timbre noir qui convient à Roger, ainsi qu’une bonne
articulation du français. Si l’ampleur dans la ligne de chant lui fait encore faut, le baryton belge Ivan
Thirion se distingue, dans le rôle du Comte de Toulouse, par la justesse des accents, et sa jeune voix
semble s’épanouir dans la bonne direction. Quant aux comprimari, ils possèdent tous une certaine
dignité vocale ou scénique, tandis que le Chœur de l’Opéra Royal de Wallonie, très sollicité dans
cette partition du jeune Verdi, ne mérite également que des louanges.
Emmanuel Andrieu
Jérusalem de Giuseppe Verdi à l’Opéra Royal de Wallonie, jusqu’au 25 mars 2017
Crédit photographique © Lorraine Wauters
22 mars 2017
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